Ces derniers jours ont été mouvementés.. Plus que mouvementés. J'ai d'abord émis une théorie que mon supérieur m'a volé, il m'a ensuite fait bosser dessus comme un larbin. Finalement un investisseur est passé dans le labo et m'a proposé de "travailler" pour elle afin d'assurer le financement de "mon" projet. Elle me propose en fait de travailler dans la production de drogue, et devant mon refus, elle a fait tuer ce cher Dr Mercy, mais a aussi menacer ma famille et mes proches.

  Si y'avait bien un moment pour aller boire un verre et tenter d'oublier ses problèmes, c'était bien maintenant, je doute que je puisse me permettre de refuser, bien qu'elle m'ait "gentiment" laissé 5 jours pour réfléchir. Seulement boire seul, c'est pas vraiment agréable. Alors j'ai retrouvé l'adresse de Anna Miller, une fille que j'ai rencontré un soir, pendant mon jogging et avec qui j'ai regardé les étoiles dans les plaines en dehors de la ville.

  Et me voici, devant chez elle, quartier Sud... Bon, je vais pas attendre qu'elle sorte d'elle même, si elle est là déjà, aller hop je sonne.

"DIIIIIIIIIIIIIIIIIIIING"

  Espérons que je ne me sois pas déplacé pour rien.

"J'ARRIVE!"

   Au moins elle était là, je passerai peut-être pas les prochaines heures seul avec un peu de chance. Ha, la porte s'ouvre et...

"Désolée, je sors de la douche...Allez rentre."

  Je peux pas m'empêcher de sourire. Probabilité d'arriver pile au mauvais moment ? Mais bon, sur ce j'entre et je ferme derrière moi. J’aperçois les fameux chats, d'ailleurs l'un deux vient vers moi, un chat noir. Pas superstitieuse. Et lui n'est pas timide, il vient réclamer des caresse sans problème à un inconnu. Soit, autant lui faire plaisir.

  Apparemment l'entrée servait aussi de salon et de chambre, puisqu'il y a un lit juste la, et une télé. Plutôt le bazar, mais je m'y attendais un peu. Et une étagère de livres ? J'irai bien voir ce qu'il y a à lire, mais faudrait que je chevauche tout le dawa de la pièce.

"Salut au fait. Alors, qu'est-ce qui t’emmène ici? "

  Elle hurlait presque pour que je puisse l'entendre depuis sa salle de bain.

"Bha j'avais bien besoin de prendre un verre, et il se trouve que quelqu'un m'a donné son adresse si jamais cette envie me prenait. Mais si jamais tu es occupée ce soir, je repasserai."

"Je sais pas, tu m'invites?"

   Ça passe pas par quatre chemins, remarque c'était prévu en fait.

"J'allais pas te laisser payer alors que c'est moi qui viens à l'improviste."

   Elle venait de rire à sa question, pas l'habitude de se faire inviter pour de vrai ? Ha, la voila, Jean à moitié mort, et T-Shirt Pink Floyd. Dommage que je m'intéresse pas vraiment à la musique. Enfin c'est surtout que j'ai pas le temps de beaucoup m'y intéresser, écouter de la musique au labo, mauvaise idée, surtout avec tout ce qu'on manipule.

"Non plus sérieusement, tu comptes aller où? J'ai quelques idées, j'ai probablement arpenté tous les bars de cette foutue ville."

   Bonne question, si on reste dans le quartier Sud, je connais absolument aucun bar, j'ai connu que ceux du quartier Est pendant mes études. Autant lui laisser la décision.

"En restant dans le quartier Sud, je te laisse le choix, je connais moins bien que le quartier Est."

   Elle enfile déjà sa veste. Ayant interrompu la douche je m'attendais à devoir attendre un moment, mais finalement, ç'aura été cours. Apparament le chat s'appelle Ringo, et serait timide... Pas l'impression qu'il me donne.

"Pourtant je suis pas un fan d'animaux, et l'inverse est souvent vrai" Je me relève et la regarde un moment. "Bon, on y va je suppose ?"

  Je me retourne et fais les quelques pas qui me sépare de la porte.

"Ouep, si t'es venu en voiture, t'en aura pas besoin, le bar dans lequel on va est à une centaine de mètres."

   Ça tombe bien, je suis venu à pied, ça prend pas des heures de passer d'un quartier à l'autre. Bien, elle a déjà l'air d'avoir décidé où on va. Alors on est parti, une fois dehors elle m'annonce que ce bar serait le "moins" crade du quartier, mais qu'il sera bondé. En même temps vu l'heure, peu de bar ne sont pas bondés je pense, y'a toujours des gens pour avoir besoin de boire un coup... Comme moi en fait.

   Sur ce elle ferme la porte et commence à avancer, je la suis donc tranquillement. L'air est frais à cette heure-ci, il doit être dans les 7pm le temps d'arriver chez Anna. Les rues sont plutôt délabrées, pas étonnant que le quartier Sud est mauvaise réputation rien qu'avec son état. Y'a plus de tags que de murs propres, si il existe des murs propres en fait, et encore plus de déchets sur le sol.

"T'as toujours habité au quartier Sud ? Ou c'est un premier appart seule ?"

  Parce que j'imagine qu'elle habite seule, m'étonnerait que sa famille s'entasse dans un si petit espace. Et quitte à marcher, autant profiter des dernières minutes de silence avant l'entrée au bar pour avoir une discussion censée, l'alcool et le bruit ambiant faisant, les prochaines discussions le seraient beaucoup moins.

"J'ai toujours habité dans ce quartier, mais tu sais on peut trouver des coins sympas comme...Bon ok, c'est crade, ça schlingue, il y a des tarés partout mais on s'y fait. Et toi, t'as grandi où?"

   Qu'elle énonce tous les défauts du quartier Sud me fait rire. Tout le monde pensait ça au final, peu importe le quartier d'où ils viennent, mais peu rajoutaient qu'on "s'y faisait". Des tarés partout ? C'est les tarés qui font de ce quartier ce qu'il est, ou c'est ce qu'est ce quartier qui attire les tarés ? Je pars déjà trop loin là.

"Mes parents ont presque toujours habités quartier Nord, mais maintenant que je suis dans le quartier Est, je trouve ça plus vivable, dans le quartier Nord les gens sont... Bha, pas besoin d'un dessin j'imagine, snobs, prétentieux, arnaqueurs, lèche-bottes, j'en passe et des meilleurs."

   J'ai toujours détesté ce quartier, c'est le quartier aisé de la ville, mais les gens y sont imbuvables. Impossible de se faire de vrais amis là-bas, encore moins quand on fait partis des "pauvres" du quartier Nord. J'ai commencé à vivre qu'une fois dans le quartier Est, un mélange de toutes sortes de personnes, choc des cultures, des milieux, c'est là qu'on trouve des gens intéressants. Je voyais un bar apparaitre, des néons éclairants la rue, peut-être celui où nous nous rendons ?

"Diantre, ce bâtiment m'a l'air plutôt lugubre, ça ne vaut pas notre côté de la bourgade."

   Bon, mon imitation du quartier Nord ne vaut pas encore grand chose, et puisque je n'y suis plus, je risque pas d'avoir d'autres exemples sur qui prendre. Mais c'est pour le mieux au final.

"J'ai toujours voulu habiter dans un de ces gratte-ciel du quartier Est, voir depuis ma fenêtre les lumières et l'agitation de la ville."

   Gratte-ciel, gratte-ciel... J'habite dans un immeuble, mais je suis pas non plus à 100M du sol. Mais faut bien avouer que profiter de la vue la nuit, c'est assez plaisant, les lumières, l'agitation, le calme.

"J'habite en immeuble, c'est vrai que c'est plaisant d'observer la ville depuis le balcon, pas autant que les étoiles dans les plaines, mais ça évite le déplacement."

"Ah, on arrive. Bon, comme tu peux le voir l'ambiance est très années soixant-dix. Il y a des lumières roses et bleues un peu partout et ils passent tout le temps de la musique disco. C'est pas trop mon style mais au moins c'est propre. Et fais gaffe, tu vas probablement te voir proposer plusieurs fois de la drogue et autres saloperies."

   Proposer de la drogue ? Je peux refuser hein, pas besoin de prévenir. Je viens peut-être du quartier Nord m'enfin. Disco, pas trop mon style non plus, mais c'est plus pour boire que pour faire la fête que je suis venu.

"Je saurais refuser la drogue, t'inquiète pas pour ça. Par contre, ça commence déjà à te reluquer, tu sais peut-être où tu vas, mais fais gaffe aussi."

   Les mecs à l'entrée n'essayaient même pas d'être discret, les yeux rivés sur elle, sympathique comme accueil.

"T'inquiète pas, si ils osent ne serait-ce que penser à me toucher je t'assure qu'ils vont le regretter."

   Elle a surement déjà du faire face à la situation. Vu le regard qu'elle a lancé à l'autre type, elle a pas peur de leur réaction. Mince, elle est entrain de me larguer, elle est déjà devant la porte, rêvasser ça me réussi pas. Je commence à la rattraper, quand je sens quelque chose sur mon bras, moite... Qui c'est le mec qui me retiens là ? Je me retourne et je vois un mec bien allumé, crâne rasé, gros bouc qui rejoins sa moustache.

"Hé! Elle est à toi la poulette là, avec le cheveux bleus?"

   Ouch... L'halène, c'est pas que l'alcool qui donne ce résultat. Il a l'air seul en plus, je répond quoi à ça ? Je la joue gentil ou je provoque ? Vu l'état la provocation risque de mal tourner... Bon, pas le temps de réfléchir trop longtemps.

"Peut-être bien, mais dans tous les cas je compte pas vraiment la faire attendre."

   Un petit mouvement de bras et il perd mon bras aussi sec, autant continuer mon chemin, mais je vais essayer d'écouter si il me suit. On sait jamais comment ça peut finir avec une si grosse dose dans le corps.

Au final aucun problème avec l'ivrogne. J'arrive tranquillement à la porte et retrouve Anna en rentrant, elle a réussi à trouver une table au milieu de tout ce beau monde. Si il était censé y avoir de la musique, le bruit ambiant la couvrait parfaitement. En arrivant à côté d'Anna elle me donne le tabouret le moins sale, soit, j'ai pas vraiment besoin de ça, mais j'imagine que lui dire n'était pas nécessaire. Si l'endroit est à la hauteur de mes attentes ? Y'a de l'alcool, de l'ambiance, et je suis pas seul.

"Bonjour! Alors, qu'est-ce que ce sera pour vous?"

   Barman réactif, on vient à peine d'entrer, je laisse Anna commander. "Un verre de Scotch pour moi, avec deux glaçons." Le barman pose son regard sur moi. "Une Téquila, bien fraîche." Rien de mieux quand on veut se vider la tête.

   Le bar était sympa, si on omet les gens couchés, presque morts, par terre. Une "piste de danse", avec d'autres gens qui pensaient sûrement être seuls, ou qui aimaient se donner en ridicule après quelques verres. Un bar bien rempli, beaucoup de vieilles bouteilles vides en haut, sorte de collection que beaucoup d'établissement appréciaient.

"Je m'attendais à plus malfamé, mais j'imagine que c'est la crème du quartier". Je dis ça de façon un peu ironique, après tout elle me l'a dit elle-même qu'ici c'était le moins dégueu. "C'est ton bar de prédilection ?"

"Ho ça non, moi c'est plus l'ambiance taudis avec un groupe de métal qui chante derrière une cage. Même si parfois j'ai quelques élans de bon goût et je vais plus à l'Est, dans des recoins plus civilisés."

    Plus civilisés, je peux pas m’empêcher de rire, à croire que chaque quartier rabaissait l'autre. Quoi qu'en fait, c'est exactement le cas. Plus métal alors ? J'avoue que le métal me défoule le peu de temps que j'en écoute, en fait pendant mes joggings, mais je n'apprécie pas spécialement l'ambiance qui tourne autour.

"Au fait, je sais franchement rien de toi. On s'est rencontrés sur un coup du hasard, mais après je n'ai aucune idée de qui tu es. Tu pourrais pas me parler un peu de toi, tu n'es pas obligé de rentrer dans les détails hein, je ne pousserai pas le voyeurisme à ce stade."

   C'est vrai dans les deux sens en fait. Parler de moi... Pas évident lâché comme ça, parler études, boulot, famille c'est pas vraiment le plus passionnant, mais c'est un peu l'histoire de ma vie jusqu'à cette dernière année. Par quoi commencer ? Que dire ? Improvisation.

"Parler de moi ? Bien, j'ai grandi dans le quartier Nord comme j'ai dit. Mes parents ont toujours voulu que je bosse dur, ce qui a fini par devenir naturel chez moi et m'a mené là où j'en suis aujourd'hui, prof à la FAC et chercheur. Un boulot ma foi... Enrichissant, et mouvementé. J'essaye de toujours être occupé, jogging, boulot, amis, sortir, etc... Mes parents vivent encore au même endroit même si j'ai déménagé quartier Est. J'ai une petite sœur, qui a fait sa vie plus tôt que moi malgré la différence d'âge et je... J'avais un frère." Décidément, je peut pas m'empêcher d'en parler, ça fini toujours par venir sur le tapis. Je bois mon shot de Tequila cul sec, décidant que continuer sur ma lancée après avoir dit ça ne cacherai pas le fait, et retourne le verre, vieille habitude. Autant changer de sujet.

"Tu ne sais rien sur moi, mais je ne sais rien sur toi, c'est quoi ton histoire du coup ? J'espère qu'elle est plus palpitante que la mienne, sinon on pas profiter de la soirée longtemps."

    Grossière façon d'ignorer la fin de ma phrase précédente, je souris devant ce ridicule. Si jamais elle repose la question plus tard, je répondrai, mais pour le moment, j'avais plus envie de me détendre, mieux valait ne pas enterrer une soirée avant qu'elle ne commence.

Née dans le quartier Sud, père alcoolique, sa mère mort à 12 ans, et son père qui retourne ses poings vers elle. Et moi qui hésite à parler de mon frère alors qu'elle vient de me déballer tout ça. Je me sens bien ridicule d'un coup. Tyler... Elle n'en a jamais parlé, peut-être le petit ami qu'elle avait mentionné en repartant des plaines ? Quand elle le mentionne on dirait qu'elle s’énerve. Ça a pas du se terminer bien.

  Euphorique à la mort de son père ? Est-ce que je peux juger ça ? J'ai jamais été dans cette situation, mais j'ai tendance à penser que c'est possible comme réaction, quand le père se transforme en bourreau, on préfère le voir disparaitre.

   Un petit nuage avec ce Tyler, mais ça c'est pas bien fini, je m'en doutais un peu, et ça m'étonnerai qu'on parle d'un accident classique.

"Barman !"

   Bon, puisqu'elle fait une pause comme je l'ai fait juste avant, à mon tour de tout raconter pendant qu'elle repense à ses évènement.

"A la fin de mes études, les deux dernières années, j'ai un peu baisser mes contacts avec ma famille, bosser me prenait trop de temps, et je me suis dit que je rattraperai le temps perdu quand je serai posé. J'ai donc passé mes deux années renfermé sur ma thèse, mes livres, mes cours. Lorsque finalement j'ai décroché mon sésame, et je suis retourné chez mes parents."

   C'est à ce moment que le barman arrive à nouveau, nous demandant ce qu'on voulait, je choisi une seconde Tequila.

"L'idée était de fêter la fin de mes études mais, quand je suis arrivé chez moi, ma mère était en larme, mon père non, mais ses yeux en disaient long. Ils m'ont donc dit que mon frère avait un cancer du poumon, à un stade avancé, et les chirurgiens n'étaient pas sures qu'il soit opérable. Au final j'ai foncé jusque l’hôpital, et j'y ai découvert un... vampire, à l'image de mon frère. J'ai pas fais médecine, mais blanc comme ça, rattaché comme il était, les docteurs avaient juste éviter de choquer mes parents, je me doutais que ce ne serait pas le genre de cancer qu'on opère."

   Je prend une pause dans ce que je raconte, regardant si nos verres arrivaient, j'ai même pas entendu ce qu'à pris Anna. C'était étrange de raconter tout ça, mais ça sortait plutôt naturellement finalement. Marrant comment la confiance pouvait être indomptable, on se connaissait à peine, et c'était la première personne à qui je racontait ça. Bref.

"Au final, quelques jours après les médecins confirmaient ce que je pensais, il ne lui restait qu'un mois. Je vais t'épargner le passage sur la souffrance, et compagnie. Mais lorsqu'il est parti, on était tous partagé entre la tristesse, et le soulagement."

"Et c'est donc pour lui, que je suis dans la recherche du cancer en ce moment."

"Et bien, toi au moins tes intentions sont louables."

"Y'a les circonstances pour, toutes les épreuves laissent pas forcement un choix aussi tracé."

    En même temps que je parlais, elle se reversai un dernier verre, le coulait, avant d’hésiter pour un autre, et finalement arrêter de se servir. Elle pense surement que le prochain pourrait être trop. Chose plutôt vraie car sa marche vers les toilettes était clairement bancale. J'apperçoit le geste du mec sur le chemin, et Anna qui se retourne. Ça pourrait dégénérer, je préfère donc me lever et commencer le chemin, en passant par le bar, je paye les consommations, les siennes également, la soirée allait surement se finir, ou alors on allait bouger vers un autre bar. J'avais pris quelques verres aussi, pas mal en fait, et la marche ne devait pas être gracieuse, à défaut d'être rapide également.

    Malheureusement, avant que j'arrive, Anna était déjà sur le type, étalé par terre, et semblait instopable. Même les amis du mec ne voulait pas l'approcher, encore moins l’arrêter. Bon, comment je m'y prend pour l’arrêter, vu son état, je vais essayer de faire gaffe. Je commence donc a l'attraper par les épaules en évitant les coups de coudes, et petit à petit je la retourne vers moi, essayant d’arrêter sa fureur. Quand elle commence à y voir plus claire :

"Je pense qu'il a son compte, tu peux te relever ? Je pense qu'on va devoir rentrer."

    J'essaye de voir si elle comprend ce que je dis, et si elle réagit.

Bien, elle m'a reconnue en se retournant et s'est arrêtée. Elle se retourne pour voir l'étât du type.

"Il s'en sortira t'inquiète."

   C'est à peine si elle m'entend. Après un petit juron, elle regarde ses mains, mauvais état, elle risque de sentir la douleur dans pas longtemps, l'adrénaline ayant apparemment chuté. En se relevant, elle m'annonce qu'on partait, j'ai bien fait de payer en la rejoignant, après avoir ramassé son sac et essuyé un peu ses mains elle se dirige vers la sortie. Je vérifie que personne ne nous suit et m'engage derrière elle.

   Elle marchait bien droit, j'imagine que l'action a éclipsée l'alcool, je dois avouer que je me sentais aussi bien mieux. Elle prend une grande inspiration et s'excusa, se demandant ce que je devais penser d'elle après ça... Bonne question, j'ai pas eu le temps d'y réfléchir, j'étais d'abord venu la calmer et la faire sortir, sans vraiment me poser de questions.

   Elle avait l'air enragée, mais pas contre le type, au final. C'est comme si tout retombait à ce moment là, et ça se confirmait à son état second. Elle a l'air complétement anéanti, elle s'en veut pour le spectacle. En soit, que ce soit sous l'effet de l'alcool ou quoi que ce soit d'autre, ça m'a plus surpris que choqué. Mais pour l'instant je préfère la laisser tranquille. Je vais juste la surveiller.

   La rue était la même qu'a l'aller, vide, sale, sombre. J'étais venu pour me détendre, penser à autre chose que ce chantage auquel j'ai eu droit au labo. J'ai été servi niveau changement d'air. En repensant à ce qui s'est passé, elle a dit tenir le caractère de merde de son père, si c'est bien sa pensée, elle doit s'en vouloir d'autant plus de se lâcher comme ça.

   On arrivait finalement devant chez elle, après qu'elle ait ouverte sa porte :

"Montre tes mains avant de dire quoi que ce soit." En même temps que de dire ça, je prend sa main gauche sans vraiment attendre. Quelques écorchures, et surtout pas mal enflée, les os n'ont pas l'air d'avoir subis quoi que ce soit. "T'as de quoi les soigner ? Sinon je vais chercher des bandages en express." Je voulais prendre un ton autoritaire, mais finalement, c'était plus l'inquiétude qui se sentait dans mes paroles.

"Il doit y avoir ce qu'il faut à la salle de bain, sous le lavabo."

    Bien, tandis qu'elle allait s’asseoir sur son lit, je me dirigeais vers la salle de bain. j'ouvre la petite armoire sous le lavabo et commence à chercher ce qu'il nous faut. Pleins de médocs, comme chez tout le monde, je continu à chercher. En dessous de tout ça, une boîte de bandages, parfait, j'aurais pas à me contenter de pansements. Et encore mieux, derrière tout ça, une bouteille d'alcool à désinfecter, ça va surement pas lui faire plaisir, mais vu le nombre de petites coupures, autant ne pas prendre de risque.

    La recherche finie, je ferme les portes du placard et sors de la salle de bain. Elle était assise entourée de ses chats. En remarquant que j'étais sorti de la salle de bain, elle me dit : "Je...Je sais vraiment pas quoi dire à propos de ce qu'il s'est passé. Vraiment excuse moi, je me suis emportée et..." Je comprend qu'elle sois secouée si elle voulait pas se laisser aller comme ça. Bon, que dire ? Autant s'assoir devant elle pour commencer, et soigner tout ça.

"On a tous un côté sombre, certains un peu plus expressif ou démonstratif que d'autres."

    Je prend une chaise de sa pièce, l'installe devant elle, et m'assoie dedans. Je prend sa main droite et lui montre la bouteille d'alcool, qu'elle sache à quoi s'attendre. Même à notre âge, ça restait un moment peu plaisant. Je commençais à en verser sur un morceau de coton que j'avais pris dans son armoire.

"Le frère que j'ai perdu, on était jumeaux. Et quand j'ai retrouvé mes amis un peu de temps sa mort, et l'un d'eux m'a dit "T'inquiète, maintenant faut continuer à vivre"... En soit, c'était vrai, mal dit certes, mais vrai, je le savais parfaitement. Mais qu'il sous-entende que je devrais continuer sans Dwayne, je lui ai sauté dessus, et on s'est donné en spectacle devant toute la FAC."

    Si je lui raconte ça, c'était pour essayer de la distraire pendant que je lui lavais les mains à l'alcool. Maintenant les bandages. Pas évident, vu qu'il faut bander les deux mains, va falloir éviter d'immobiliser tous les doigts. Bon bha c'est parti, on va essayer de faire ça bien.

"Tout ça pour dire que c'est pas grave, surtout qu'on a pas parlé de choses plaisantes juste avant que tu te lèves."

"J'imagine que ça a joué un rôle en effet..." Peut-être un gros rôle, m'enfin c'est passé.

"Dit donc, tu pourrais faire infirmier toi. Sinon, ça se passe comment toi niveau boulot et tout, tu m'as parlé de tes recherches, ça consiste en quoi en gros. Et au fait, tu veux un truc à boire, n'importe quoi, je te dois bien ça."

   Une fois les bandages finis : "Ça va tes mains ? Tu peux quand même bouger les doigts ? Sinon infirmier, disons que je m'occupais des blessures de ma sœur, et quand on fait mon taf, on entraine sa précision."

   Pour ce qui est de boire, je vais plutôt éluder la proposition, maintenant que les effets étaient un peu retomber, je vais éviter de reboire quelque chose.

"Mes recherches... Bha actuellement j'ai proposé une théorie, pour le cancer comme je te disais, j'essaye de mettre au point un poison, ou une toxine, qui s'attaque aux cellules cancéreuses, sans abimer les cellules saines. Bien sur faut trouver déjà ce qui pourrait en être capable, et trouver les bons dosages, du coup mes journées se résument à tester des dizaines de formules différentes, sous différents dosages, et différents nombres d'injection."

    En m'étendant dans la chaise, je me rend compte que cette théorie était finalement redevenue la mienne, certes dans des conditions sinistres, mais je pourrais peut-être en profiter... Non ce serait trop louche après la mort de Mercy, c'était pas forcement un cadeau. En pensant à ça je lâche un petit soupire, rien à voir avec la discussion, mais il est sorti tout seul.

"Et toi du coup ? Tu vas essayer de retrouver un taf ? ou t'as d'autres plans en tête ?"

"Je sais très bien que mon avenir professionnel est loin d'être brillant, tu vois en ce moment je suis coincée. J'ai pas la possibilité de faire le boulot qui me plait, et à côté du travail j'ai rien non plus. C'est là que je comprends les types qui passent leurs temps à boire pour oublier. Après tu vois j'ai pas envie de finir comme ces fantômes qui sifflent les fonds de verres dans tous les bars, sans but. C'est dingue comme parler de ma vie peut être déprimant non?"

"On trouve toujours quelque chose, ça fait peut-être un peu idéaliste, mais je pense qu'il a beaucoup de formations courtes qui permettent de trouver un taf où y'a de la place."

   En se dirigeant vers la cuisine elle me propose du café. "Pourquoi pas, ça va aller avec les bandages ?" Apparemment oui, puisqu'elle allume la cafetière. Depuis la cuisine, elle me demande comment m'est venue l'idée de venir boire un verre. C'est vrai qu'on s'était rencontré par hasard et qu'on ne se connais pas vraiment.

"Mon taf est assez... Stressant, du coup j'ai eu envie de boire un coup, me détendre, et puis quand j'ai réfléchi avec qui, j'ai repensé que tu m'avais donné ton adresse, pour être honnête j'ai pas réfléchi beaucoup plus longtemps, je suis parti de chez moi et vu que je t'ai raccompagné l'autre soir je suis directement venu ici, sur un coup de tête un peu."

   Dire que la première personne qui me vient en tête, c'est une inconnue, bon même si après ce soir on est un peu moins des inconnues, avant de venir c'était le cas.

"Faut dire qu'actuellement, j'ai plus grand monde de proche, hors famille, tout le monde étant parti aux quatre coins des États-Unis. Et comme justement aux plaines, ça c'est bien passé, t'es en quelque sorte ma relation la plus proche"

    La façon de dire ça était volontairement maladroite, j'en rigole moi même à cause du ridicule de la situation.

"Et donc si je t'avais donné mon adresse et pas l'inverse, tu serais jamais passée ?" Je dis ça avec un ton mi-moqueur, mi-outré, et reprenant la voix que j'avais pris tout à l'heure en imitant les gens du quartier Nord.

"Depuis quelques jours je suis dans le même cas de figure que toi, mes quelques amis du lycée sont tous partis en couilles et sont tombés dans la création de drogue. Et depuis que je parle plus avec Tyler je suis un peu seule."

    La drogue hein... D'ici peu je rejoindrai surement les rangs des producteurs, je peux pas risquer que du mal arrive à ma famille ou mes proches... Merde, j'ai pas réfléchi mais je fais peut-être en ce moment même courir le même risque à Anna, si elle a eu les moyens de savoir que je connaissais un peu ma voisine, j'imagine qu'elle saura très vite que je suis allé au bar avec une femme, et que je suis resté chez elle. Merde. Bon, je vais boire le café et partir, j'ai pas envie de risquer sa vie ou quoi que ce soit, elle a suffisamment morflé apparemment.

"Je sais pas, peut être...Probablement pas..."

    Haha, au moins c'est honnête, j'aurais du faire ça au final. J'ai plus pensé à me détendre que ce que j'allais apporter autour de moi. Pendant que j'étais dans ma tête, le chat de toute à l'heure me fait sursauter en montant sur moi. Ringo ? Je crois que ça doit être ça. Si c'est le plus timide, il à l'air de vouloir des caresses quand même.

"T'es sur que c'est le plus timide lui ? J'ai pas autant de succès avec les animaux d'habitude."

    Je vais essayer de finir la soirée normalement, et ne plus la mêler à ça.

"Ça va? Qu'est-ce qu'il t'arrive?"

   Mince, mon visage m'a trahi ? Autant changer de sujet.

"T'es sur que c'est le plus timide lui ? J'ai pas autant de succès avec les animaux d'habitude.
"

   Elle me regarde bizarrement, elle se doute que quelque chose ne va pas, esperont qu'elle insiste pas trop, j'aime pas trop mentir mais bon, si elle pose des questions je serai bien obligé.

"Tu es blanc comme un linge, tu veux quelque chose, de l'eau, un cachet?"

   En me posant la question, elle revenait dans le salon, l'air inquiète. Comment éviter de lui dire, sans passer pour celui qui cache quelque chose ? Impossible maintenant.

"T'inquiète, c'est juste qu'après ça l'alcool est redescendu, et la fatigue retombe."

   Crédibilité, Zéro.

"Rekor...Ne me prends pas pour une idiote, dis moi ce qui ne va pas, réellement."

   Elle m'a pris par les épaules et me force à la regarder dans les yeux. Elle a l'air sincèrement inquiète, je suis partager entre en être content, et me dire que ça compliquait encore les choses. Comment mentir en ayant l'air crédible ? Si jamais je lâchais le morceau, je sais pas comment elle le prendrait, m'en voudrait-elle de l'avoir potentiellement mise en danger ? Ou bien s’inquiéterait elle encore plus ? Dans les deux cas, ça ne m'enchante pas vraiment, et si ça se trouve elle réagirait complètement autrement, et ce serait encore pire.

"En parlant boulot je me suis rappelé d'un truc que je vais devoir faire prochainement. Pas spécialement plaisant mais rien de grave, pas de quoi s'inquiéter."

    Je m'efforce de d'avoir l'air naturel et détendu, comme si j'étais désolé de l'avoir inquiétée pour rien. Peut-être que même si elle voyait à travers elle comprendrai que c'est un truc dont je souhaite éviter de parler ? Quoi que la connaissant un petit peu...

Tandis qu'elle me lâche les épaules, elle me lance un "Tu n'as pas envie de m'en parler? Dis le si ça ne me concerne pas." Elle veut me faire culpabiliser maintenant, et ce regard... Profitant de la liberté de mes épaules, je me lève et me dirige vers la fenêtre qui donne sur sa rue, pensant poser mon regard pour me détendre, mais regardant finalement le vide.

    Je me rend compte que je suis déjà cuit, son regard plein de reproche, même si c'était un jeu d'acteur, elle ne l'utilisait pas pour rien. Si ça devait chambouler cette relation nouvelle, soit, au moins j'aurais été honnête, même si un peu en retard. Mais comment parler d'un truc comme ça, est-ce que je devrais minimiser ? On verra bien comment se passera la discussion. Je pousse un dernier petit soupir avant de me mettre à table. Décidément, le regard des femmes était un point faible pour nous les hommes.

"L'idée du poison pour le cancer, c'était la mienne. Un docteur plus vieux que moi s'est approprié l'idée, mais certains on quand même su que j'étais à l'origine de ça et ça a fait parler de moi dans le milieu de la recherche. Je marque une petit pause, on dirait que je me vante vu comme ça. Je regarde le plafond en m'adossant à côté de la fenêtre. "En apprenant ça, la chef d'une grosse entreprise "d'import-export" m'a contacté pour utiliser mes "talents"."

    Tout raconté était assez... reposant, savoir que quelqu'un d'autre que moi allait apprendre tout ça me détendait un peu, bien que je sois encore effrayé par sa réaction.

"Et pour tu n'as tout simplement pas refusé? J'imagine que ce n'est pas aussi facile que ça non?"

    Elle imagine bien... Faut dire que ça doit être assez classique comme histoire finalement. Me rendant compte que je n'avais plus rien a cacher, je rebaissais les yeux, laissant une expression sombre se marquer dans mes yeux en regardant le plancher.

"Deux jours après cette rencontre, le Dr Mercy, celui qui avait volé mon idée, a été retrouvé mort chez lui, ça a fait la une des journaux. Un "suicide" bien sur. Et j'imagine que j'ai pas besoin de broder la suite." Mais mon aveu n'était pas complet, ce n'est pas juste ça qui m'a inquiété. "Et si ça m'est revenu d'un coup, c'est parce que pendant la pause, je me suis rendu compte que je te mettais peut-être en danger, elle m'a peut-être fait surveillé pour être sure que je n'aille pas voir les flics ou autre."

    Ce coup-ci, tout était dit. Encore un soupir, plus long, marquant la fin de l'histoire. En en parlant comme ça, il m'apparaissait évident que j'allai accepter la "proposition", je ne pouvais pas faire souffrir d'autres personnes juste pour profiter de ma liberté, qui finirait surement par être arrêtée si je continuais à fermer les yeux. Maintenant j'avais plus qu'à attendre qu'elle me recontacte, pour lui dire que j'allai travailler pour elle. Mais dans l'immédiat c'est ce que va en penser Anna qui m'intéresse.

Elle a la bouche mi-ouverte, j'arrive même pas à savoir ce qu'elle pense, simple choc ? Colère ? Peur ? Aucune idée, et pourtant elle repart déjà dans ses pensées, comme si elle cherchait un moyen, une solution. J'y réfléchi depuis plusieurs jours, sans vouloir la rabaisser, ça m'étonnerait qu'elle trouve une solution, les jeux sont faits.

"Tu sais si il y a d'autres personnes comme toi susceptibles de...Convenir au travail qu'ils te demandent? Si ce n'est pas le cas, tu es leur poule aux œufs d'or et t'abattre, toi ou tes proches serait idiot...Et...Je veux aussi que tu saches tu n'as pas à t'inquiéter pour moi, je saurai me débrouiller."

    M'abattre moi était stupide, bien sur, abattre un proche, même légèrement proche, pour me montrer qu'ils ne plaisantent pas était en revanche tout à fait envisageable. Mais pas besoin de dire cette pensée, autant la garder pour moi, quand à m'inquiéter pour elle... Pas vraiment possible, comme pour tous les autres, ces gens n'étaient pas des débutant, ils ont tués un docteur reconnu et fait passer ça pour un suicide comme si il s'agissait d'une sortie de scoot.

"Quelqu'un d'autre ?" Devant le ridicule de la situation, je laisse échapper un petit rire nerveux, j'ai l'impression de passer pour fou. "Pour être honnête, à ma première discussion avec elle, je lui ai déjà proposé, mais elle ne veut que moi, comme si il fallait être le meilleur pour produire de la... Drogue." Dire ce mot... Il est sorti avec un tel dédain et pourtant, c'est comme me gifler, mais avec du verre pilé dans la main.  Une grosse chute irait aussi pour la métaphore.

"Plutôt dégueulasse de vouloir lâcher le fardeau à quelqu'un d'autre avant même qu'elle ne lance ses menaces ?"

    C'est vrai, sur le moment je n'y ai pas forcement réagi, me disant que moi peut-être, j'avais mes principes, mais que d'autres seraient heureux de travailler la dedans pour se faire de l'argent. Mais en réalité je le sentais mal, et je préférai laisser ça à quelqu'un d'autre, peu importe qu'il soit volontaire ou dans le même cas que moi.

    Et pendant ce temps elle cherche une solution encore, se frottant le front pour essayer d'en faire sortir quelque chose. Elle m'a presque avouée que sa vie la décevait, qu'elle allait plutôt mal, et finalement je lui rajoute ce poids sur les épaules. Après avoir voulu rejeter quelque chose sur un collègue, c'est sur une sympathique inconnue que je risque d'amener le danger. Est-ce qu'à force de brider mes émotions je deviendrais un monstre ?

Elle aurait fait pareil que moi... Ça n'arrange pas vraiment ce que j'en pense à l'heure actuelle. Tout le monde aurait sûrement fait pareil au final, mais est-ce que ça rendait le choix plus pardonnable ? Pas vraiment le temps de me poser la question.

   Anna semblait vraiment vouloir aider, que ce soit pour elle maintenant qu'elle était impliquée ou pour moi, ça me touchait qu'elle ne m'ait pas tout de suite pris en grippe. Au moins j'ai quelqu'un sur qui je peux compter un minimum. L'idée de la protection n'était pas totalement bête, mais ils me font probablement surveiller, et peut-être aussi ma famille, à l'instant où ils bougeront, ils bougeront aussi. Mais je garderai l'idée en tête si les choses tournent mal.

    Soudain elle sort d'une de sa table de nuit un calibre 50. "Tu peux le prendre, je pense que quoi qu'il en soit tu en auras besoin, avec un peu d'astuce il peut être discret." En effet, c'était une arme discrète, mais pas pour une fouille.

"Je pense qu'ils me fouilleront assez souvent, et comme tu l'as dit, ils ne me considèrent pas comme une menace, autant garder ça comme tel, l'arme pourrait tout changer. Si jamais j'avais besoin de me défendre... J'aurais un labo à disposition... Deux labos, des seringues, et ma tête. Mais merci."

    On aurait beau réfléchir toute la nuit, ça ne changerait pas le problème, et m'est avis que la solution n'était pas ici dans l'immédiat. Il était tant de rentrer, mon choix était fait finalement, mais je ne leur faciliterai pas la tâche.

"Bien... Maintenant que tu m'as fait tout avouer et que t'es prévenue, je pense que je vais rentrer, pas la peine de se torturer la tête comme ça, la solution se trouvera pas maintenant. Merci en tout cas pour la soirée, qui a finalement été bien chamboulée, et... De m'avoir fait parler."

    C'était assez gênant de remercier quelqu'un de nous avoir tiré les vers du nez, c'était au final avouer qu'elle savait mieux que nous ce qui était bon pour nous. Et la situation rendait ça encore plus... Étrange, hors norme. Et pourtant après tout ça, je pense être prêt à affronter toute cette merde, et essayer de voir si il n'y a pas moyen de m'en dépêtrer une fois directement à l'intérieur.

En partant vers la sortie elle m'accompagne et m'ouvre la porte. Alors que je me retourne pour la saluer, elle passe dans mes bras et m'embrasse. Ça dure quelques secondes, longues, envoutantes. Puis l'arrêt, elle me repousse dehors, sec, me souhaite bonne chance et referme la porte. Si son but était de ne pas entendre ce que je veux dire, y'avait même pas besoin de fermer. Je dois bien avouer que je ne m'attendais pas à ça et que j'aurais eu du mal à articuler quelque chose.

    Passé le choc, ce baiser m'a calmé, après toute cette histoire, toute cette soirée mouvementée, il m'a vidé l'esprit, pendant quelques secondes je n'avais pensé à rien d'autre que le moment présent. Bon, pas la peine de réfléchir devant la porte, je me dirige donc vers le quartier Est, en chemin pour rentrer. Au final elle m'avait pris de cours, puis m'avait jeté dehors... Je dois bien dire que je ne suis pas le plus à l'aide avec les femmes, j'ai du rater le livre qui explique leurs réactions, je me demande donc pourquoi ces deux actions.

    En dehors de l'aspect sentimental, elle vient de se mettre peut-être encore plus en danger. Si j'étais surveillé, elle m'a embrassé la porte ouverte, si ça s'est vu, elle vient de passer en tête de liste de mes proches pour eux. C'était stupide. Tout à l'heure je m'en suis voulu de l'avoir mise en danger, et maintenant elle s'avançait encore plus dedans. Décidément, plus le temps avançai, plus je savais que je devais accepter, mais plus je pensais que j'allais devoir trouver un moyen de sortir de ça, définitivement.

    Et malgré tout ça, tandis que j'avançais dans les rues de Palema, mon esprit ne peut se détacher d'une seule chose, qui parait moins vitale, moins urgente... Ce baiser.