Chez le père d'Alice:

Apparemment, il faisait nuit. En fait, John n’avait aucune idée de l’heure qu’il était – il avait perdu sa montre lors d’une de ses innombrables traques nocturnes. Et il faut dire qu’il avait un cycle de vie très différent à celui d’un humain normal, étant donné que ses nuits étaient désormais très courtes. Enfin, Alice était elle aussi contractante, donc cette sorte d’insomnie sans malus devait l’avoir aussi touchée ; les chances de tomber pendant ses heures de sommeil étaient minces. Quoique, connaissant l’individu et sa chance légendaire, tout était possible.

Pour l’heure, le Nephil avançait tranquillement dans la rue qui menait à l’immeuble où vivait les Nightray. La discussion avec Russel l’avait fait réfléchir, et il lui fallait absolument trouver un travail rapidement s’il voulait que l’ex-détective effectue sa missive ; alors il allait en demander un à Alice. Il était difficilement imaginable qu’elle refuse ce genre de demande, surtout car cela lui offrirait un poste de supérieur à John ; et ça, elle y prendrait un trop grand plaisir pour le rejeter.

Cette fois-ci, l’infiltration allait s’avérer bien plus simple que lors de sa première escapade. Plus besoin d’escalader, de forcer la fenêtre… Non, il lui suffisait de se poster en bas du building et d’attendre que plus personne ne le regarde. D’ici, il apercevait un petit peu l’intérieur du salon, et une fois les conditions remplies il s’y transporta instantanément.
Vraiment, ses pouvoirs lui facilitaient grandement la tâche.

Il n’avait pas oublié l’emplacement de la chambre d’Alice – comment aurait-il pu le faire, de toute manière ? Il se souvenait de cette visite comme si elle datait d’à peine deux jours, alors tout était frais encore dans sa tête. Il se dirigea lentement, discrètement vers la pièce de la demoiselle, puis l’ouvrit tout aussi tranquillement.
Ce qui l’étonna tout d’abord, c’était qu’il avait réellement ouvert. Il s’attendait à un verrou ou quelque chose du genre, mais rien de tout cela ne l’attendait. Alors il pénétra, puis ferma doucement la porte.

« - Salut Alice, tu vas bien ? »

Autant être poli cette fois-ci, cela ne lui coûterait rien. Mise à part une gifle d’Alice, mais de toute manière c’était sa façon de saluer le jeune homme.

Même avec sa condition de contractante, elle s'était couchée depuis plusieurs heures déjà. Qui aurait envie de se réveiller lorsqu'il y avait un si beau rêve à faire ? Évidemment, le rêve d'Alice était en ce moment même merveilleux et doux. Il n'y avait que dans ses rêves que le visage de sa mère apparaissait, et aussi, sa voix, familière à celle qu'Alice avait acquise grâce à Bey. Autant dire, que si elle ouvrait les yeux sans que cela soit naturel, elle n'allait pas forcément être de bonne humeur.

Quelqu'un fit donc l'erreur de la réveiller. Elle entendit la clenche de sa porte faire du bruit. Tout doucement, ses yeux s'ouvrirent et découvrirent alors une silhouette s'approcher d'elle. Alice allait crier, mais pour une bonne raison, elle ne le fit pas. À la place, elle fixait la personne, tout en fronçant les sourcils. À la dernière minute, elle avait reconnu la voix de John, et dans l'obscurité avait eu un peu de mal à discerner les traits de son visage, mais tout indiquait qu'il s'agissait bien de lui.

Alice se redressa alors pour se mettre assise sur son lit et remonta sa couverture pour au moins cacher ce qu'elle avait de poitrine. Depuis, le temps, elle avait toujours le même style de vêtement pour dormir. Il n'y avait que la couleur qui changeait entre-temps et, la forme et l'organisation de la dentelle présente dessus. En tout cas, elle remarquait qu'il n'avait pas compris la leçon la dernière fois, quand il était venu voler chez elle et qu'il osait venir dans la chambre d'une jeune femme en pleine nuit.

- Tu n'es vraiment qu'un pervers pour t'introduire dans la chambre d'une jeune femme à cette heure-ci de la nuit.

Elle remonta encore un peu plus sa couverture pour cacher correctement son corps, la tête étant seulement visible pour cette fois. L'envie de lui mettre une raclé était là, mais si elle le faisait, elle serait obligée de lâcher la couverture. De toute façon, le karma le rattrapera bientôt et elle était sûre d'obtenir une occasion pour lui en mettre une.

- N'oublie pas la souffrance que tu as eue lorsque nous nous sommes rencontrés. Si tu veux voler, va voir ailleurs.

Les paroles d'Alice semblaient déjà plus sèches qu'avant, et moins tourner dans le comique de l'habitude. Se faire réveiller par un jeune homme en plein milieu de la nuit avait de quoi être excitant, mais pas avec cet home-là précisément. De plus, elle faisait un magnifique rêve, de quoi être en colère.

Menaçante, à peine réveillée et habillée très légèrement. Exactement comme lorsque de leur première rencontre ; ce qui pouvait s’avérer très drôle. Mais le ton d’Alice était clair, elle ne voulait pas de lui ce soir. Et elle semblait s’imaginer qu’il venait peut-être pour la voler, ou quelque chose du genre – en soit, il voulait son argent, mais légalement. Un mot qu’il n’avait que rarement employé d’ailleurs, mais on pouvait prendre toute sorte d’habitude, après tout.

Connaissant ses pouvoirs désormais, il préféra ne pas s’approcher d’avantage. Il valait mieux ne pas la fâcher pour le moment ; il ne le ferait qu’une fois qu’elle serait rentrée dans un jeu comique. Et ça, il fallait déjà l’obtenir – cette soirée promettait d’être finalement moins intéressante que leur entraînement.

« - Je viens te demander un boulot. Et désolé pour l’heure, on va dire que je suis un peu déconnecté des horaires normaux, hé hé. »

Il disait ça en se frottant légèrement le côté droit du coup, un peu gêné. Il devait être plus correct ce soir, plus civilisé… En fait, il n’avait pas vraiment le choix quant à cette soirée : elle allait être normale. Bon, une sorte d’entretien en pleine nuit certes, mais il allait tout faire pour être poli.

« - Je viens pas te provoquer ou quoi que ce soit, en fait. Ça on verra plus tard, je viens en tant qu’homme sérieux. Ouais, j’sais, ça fait bizarre à entendre… Mais c’est la vérité. »

Une pique luttait pour s’échapper de la bouche du jeune homme, mais ses lèvres tinrent bon. Il lui fallait être encore un peu patient, les choses viendront au bon moment.

En revanche, si la jeune bourgeoise osait lancer le sujet sciemment… Il n’allait pas se retenir. Alors, John comptait sur elle pour faire attention à ses paroles, elle aussi.

La surprise quant à sa proposition était assez grande. Un voleur voulait se faire engager légalement ? Ce n'était pas bizarre ? Peut-être avait-il besoin de vivre normalement maintenant. Cependant, Alice était sensée être une de ses victimes de vol, et n'avait pas vraiment de bonnes raisons de l'employé si ce n'est que pour des raisons personnelles telles que la domination d'autrui. Russel était déjà là pour elle, et pour le moment, elle n'avait pas vraiment besoin de quelqu'un.

- Tu oses quand même demander ça, à quelqu'un que tu as essayé de voler. Tu n'es pas bizarre ?

Comme le jeune homme avait pris un ton assez sérieux, Alice fit de même, parlant avec franchise et calme, malgré sa mauvaise humeur. Elle prenait la demande de John au sérieux. Si elle acceptait, ce serait uniquement pour garder un œil sur lui et continue de jouer avec lui, tout comme John le faisait.

- J'ai bien un dernier poste de garde du corps à pourvoir, mais qui me dit que tu es fait pour ce métier ? Je ne sais pas vraiment si tu sais te battre, à main nue.

Garde du corps était un métier à risque, surtout que s'il était Nephil, elle espérait aussi qu'il puisse la protéger d'ombre ou de Seraph trop fort pour elle. Il n'y avait pas que ça. Elle devait penser aussi qu'il l'accompagnerait dans des endroits plutôt professionnels, que John ne connaissait pas. Elle connaissait sa réticence quant aux personnes riches et ne pensaient pas spécialement que cela soit une bonne idée pour lui de travailler avec elle.

- Pense que si tu le deviens, je dois t'amener partout, si j'en ai besoin. Je ne suis pas sûr que tu sais te tenir correctement, et surtout, je sais que tu n'aimes pas les personnes riches. Comment veux-tu supporter un métier comme celui-là ?

Alors, voilà qu’il allait donc exercer la même profession que Russel – un retournement de situation assez étrange. Alice marquait un véritable point en insistant sur les personnes qu’elle allait côtoyer ; et logiquement, qu’allait aussi fréquenter John. Autrefois, ce job aurait un véritable enfer pour le Nephil, car il ne faisait aucune nuance entre les différentes personnes aisées et les méprisait toutes. Désormais, sa vision avait quelque peu évolué et il était capable de discerner les véritables pourris des autres.

En fait, c’était surtout son odorat qui le guidait désormais : à force de le vivre tous les jours, il avait commencé à comprendre que cette nouvelle lui permettait en quelque sorte de discerner les corrompus des respectables. Alors, il ne serait froid qu’avec ceux qui pueraient ; et de plus, il pourrait ainsi prévenir la jeune femme sur la véritable nature de ces gens. Quoique, certes, ne pas insulter ces personnes faisait aussi parti de ses prérogatives – le plus dur dans l’affaire, donc. Mais néanmoins de l’ordre du possible.

Quant à l’autre question, celle de savoir se battre… Il n’était peut-être pas professionnel, mais une enfance à affronter d’autres gamins lui avait appris au moins les bases. Et puis, il y avait sûrement un moyen de suivre des cours au quartier général pour mieux s’en sortir.

« - Ouais, j’suis bizarre. Mais ce serait pas drôle sinon… Bref, je sais me battre, oui. Et j’ai appris à différencier les connards des autres, on peut dire que je le sens… Littéralement. En gros, je saurai me tenir à carreau avec eux, et en plus je serai en mesure de t’indiquer lequel de tes associés est un pourri notoire. »

La vérité était que John ne s’était pas attendu à une telle proposition, si tôt. Il pensait plutôt à un genre d’homme à tout faire – ou pire encore. Et voilà qu’il allait avoir un poste presque prestigieux… Décidément, le monde autour de lui était vraiment étrange depuis sa rencontre avec Bey.

Le poste restant qu'Alice pouvait offrir était bel et bien garde du corps. Dans la chambre à côté d'Alice, il y avait Cassandra, la femme de ménage de l'appartement. Elle s'en sortait très bien, et n'avait pas besoin d'aide. De ce qu'elle se souvienne, elle ne l'avait d'ailleurs jamais vu avec un homme, ou même un enfant. Elle était tout le temps dans l'appartement, ou si elle sortait, c'était pour faire des courses. De ce que lui avait dit son père avant, elle était déjà en train de faire son métier lorsque la petite Alice était née.

Qu'il sache différencier les connards ou pas, n'étaient pas vraiment utile en soit, du moins, il serait plus préférable qu'il puisse savoir s'ils mentent ou pas.

- John, on sait tous que parmi nous, il y a des personnes riches, et professionnel qui sont comme tu le dis. Mais même si elles sont malfaisantes dans leur manière de faire et dans leur but, si elles proposent un contrat alléchant, nous serons obligés de respecter cette personne tout comme une autre. C'est ce qu'on appelle le professionnalisme. Si tu es prêt à te retenir dans certaines circonstances, ça me va.

Ce que disait Alice était exactement ce qu'elle avait appris de son père lorsqu'il lui parlait de son boulot. Son père l'était, corrompu comme le disait si bien John, mais ses contacts l'étaient probablement aussi. Parfois, les grandes soirées pouvaient être remplies de personne comme cela, et pourtant, il devra bien se tenir devant ces personnes tant qu'elles n'aient pas un comportement agressif en vers Alice. Tous contacts et bonnes relations étaient bons dans ce petit monde de la richesse.

- Je veux bien t'engager, si tu me baises les pieds. Tu sais ? Ce que tu devais faire l'autre fois.

Alice afficha alors un petit sourire en pensant que John était à portée d'elle. La savoir au-dessus de lui, hiérarchiquement, lui plaisait bien.

- Payé, 10 000 dollars, j'espère que ça te va.

Le salaire était conséquent, le job alléchant. Mais la condition était quelque peu… difficile à accepter.
L’argent n’était pas un moteur pour contrôler le jeune homme – il n’y en avait pas vraiment en fait-, mais il lui fallait ce travail. Pour condamner son père, il avait besoin de Russel ; et donc, d’un salaire. Et la seule personne qui était vraiment en mesure de l’embaucher de façon durable était face à lui. C’était dire la difficulté du choix qui s’offrait à lui.

D’ailleurs, il avait presque écouté distraitement le laïus d’Alice sur le professionnalisme ; c’était quelque chose qu’il avait déjà assimilé. Pouvoir séparer les pourris des autres, et ainsi prévoir leurs potentielles mauvaises actions pourrait être un avantage. Ne serait-ce que pour en profiter pour faire couler la concurrence – mais la jeune femme ne voyait pas encore ce détail.

« - Je sais tout ça, t’inquiètes pas. Et ma capacité peut servir à se débarrasser de concurrents s’ils sont un peu trop pressants et souillés… Tu vois l’idée ? »

Une fois ceci dit, venait donc le vrai défi. Allait-il réellement embrasser les pieds de la petite princesse et ainsi sceller son sort ? Il n’y avait pas vraiment d’échappatoires cette fois-ci, en fait.
Il laissa planer un vide de paroles tandis qu’Alice retirer la couette de ses pieds – dévoilant au passage ses jambes. Si John avait eu envie de la charrier, ç’aurait été le moment. Sauf qu’il n’était pas vraiment en position de le faire.

Il regarda la jeune fille avec un regard qui voulait tout dire – de la haine, du dégoût, mais aussi un brin d’amusement. Finalement, celui qui s’était joué de l’autre avait vu la roue tourner : elle était peut-être plus maline qu’il ne l’avait imaginé. Dans ce cas, le futur à ses côtés promettait de beaux jours de rire.

Alors, le choix était fait. Il baissa lentement le visage, ne regardant plus que le petit pied de la demoiselle – propre, il va s’en dire-, et posa ses lèvres dessus pour l’embrasser.

Pour qu'il puisse assouvir la demande d'Alice, celle-ci enleva alors le bout de couverture qui recouvrait ses jambes. Elle cacha maintenant seulement le haut de son corps. À vrai dire, elle pensait que John allait refuser exactement comme au QG l'autre fois, mais à sa grande surprise, le jeune homme commença à s'abaisser pour passer à l'acte.

Pour le moment, elle ne se sentait pas du tout embarrassée, mais plutôt bien supérieure à John. Il n'y a qu'à partir du moment où Russel rentra dans sa chambre, même après avoir frappé qu'elle eut des rougeurs sur les joues, gênée qu'il puisse dire une telle chose.

- C-Ce n'est pas mon petit ami ! Je préférerais mourir...

Alice tourna alors sur le côté son regard, n'osant croisé aucun des deux autres regards pouvant être présent dans cette pièce. Elle pensa alors que c'était plutôt bien que Cassandra est un sommeil d'acier, mais elle aurait tout de même préféré que cela soit elle qui rentre dans sa chambre.

- Lorsque je lui ai demandé de m'embrasser le pied, c-c'était juste une blague, je pensais pas qu'il le ferai vraiment. Ce n'est pas de ma faute s'il est si stupide. Il veut simplement le poste d'un autre garde du corps, car il a besoin d'argent. Je lui ai proposé de faire ça en échange, mais il n'était pas obligé.

En vérité, elle avait surtout dit de lui embrasser le pied sur un coup de tête. Elle trouvait d'ailleurs bizarre que les gens finissent par le faire. Il y avait d'abord eu Allysea, et maintenant John. Mais cela ne lui déplaisait pas pour autant. De plus, elle disait tout cela à Russel, mais finalement, elle mentait un petit peu pour se protéger un peu, elle et sa fierté. Il y avait surtout cette comparaison avec son petit-ami qui l'avait dérangée. De toute façon, il ne l'était pas, et s'il allait plus loin que cela, elle allait hurler, le traiter de pervers et le frapper à nouveau.

Beaucoup de courants d’idées tous très différents les uns des autres avaient traversé l’esprit de John. La première – et la plus naturelle-, avait était celle de se relever dans l’instant qui suivait l’ouverture de la porte pour faire face à l’assaillant. Une autre avait été de se téléporter instantanément à l’extérieur ; ou enfin de prendre en otage la jeune femme.
Mais une pensée avait vaincu, avait même pulvérisé toutes les autres à l’état de poussières et s’était imposée comme étant simplement l’unique chose que pouvait former ses neurones. En d’autres termes, c’était une merveilleuse occasion pour se venger de la petite manœuvre d’Alice – et bien plus tôt que prévu.

Et puis, la voix qui avait parlé n’était pas inconnu du Nephil. Rien n’était encore sûr, mais il n’allait pas tarder à vérifier si son intuition était la bonne. L’homme en question était déjà présent dans la vie de John par une simple coïncidence, alors une nouvelle ne serait finalement pas de trop.

Le jeune homme baisa le pied, puis la cheville et s’arrêta au milieu du mollet d’Alice – tandis qu’elle parlait encore à celui qui semblait être son garde du corps. Avant que l’information ne remonte au cerveau déjà pourpre de la Nephil, John se retira et caressa tendrement la joue de la jeune femme, lui faisant un clin d’œil. Et aussitôt sa petite action terminée, il commença à pivoter en direction de l’homme.

« - Il ne faut pas lui cacher chérie, j’espère que tu n’as pas honte de moi quand même. Salut… »

C’était bien lui. L’homme pour lequel John s’était mis à chercher un travail – afin de le payer-, était donc face à lui. L’ex-détective était désormais le garde du corps d’Alice Nightray ; drôle d’ironie. Et logiquement, il était maintenant aussi le collègue du Nephil : les événements s’enchaînaient tellement liés les uns aux autres qu’ils ne surprenaient plus le jeune homme.

« - … Collègue. On bosse ensemble maintenant. »

Il dit cela en souriant à Russel ; mais son esprit était déjà ailleurs. Ses joues se contractaient, prête à recevoir la gifle monumentale que la jeune fille allait probablement lui infliger dans la seconde à venir.

Pendant quelques secondes, John avait réussi à arracher une expression plutôt mignonne à la princesse avant que celle-ci ne prenne son visage énervé. Celui-ci avait été trop loin alors qu'elle lui avait seulement permis le pied, et non la jambe. Se retrouver en nuisette devant ses deux hommes étaient plutôt gênant et il se permettait d'en rajouter. Elle recula alors subitement la jambe, alors que son visage était rouge avec des rides d'énervement. Alice se leva de son lit avant de s'approcher de John. La première gifle vola directement tout droit vers le visage du jeune homme.

- Ça c'est pour avoir embrassé ma cheville.

Cette fois, ce fit le poing qui se resserra avant d'être envoyé directement sur le visage de John.

- Ça c'est pour le mollet.

Alice n'avait pas vraiment fini sa manœuvre. A vrai dire, il lui restait encore un coup à lui donner. Elle réfléchissait un instant, évidemment, elle aimerait l'envoyer dans le mur, alors elle préféra tourner un peu autour de John, avant d’ériger un Kekkai, puis d'utiliser son premier cri pour l'envoyer valser contre le mur.

- Et ça c'est pour avoir osé me nommer « chérie ». Ça t'amuse vraiment de te faire maltraiter ? Pervers masochiste.

Un jour, elle allait vraiment finir par croire qu'il était ce qu'elle venait de le traiter. Entre aujourd'hui, et les autres jours où il cherchait avec de la provocation. Elle dirait presque que ce jeune homme aimait de se faire frapper par elle, ou se faire maltraiter. C'était risible. Son regard ce tourna alors vers Russel.

- Vous pouvez le tester, c'est même un ordre.

La jeune femme, toujours irrité, finit de toute manière par lâcher John qu'il se téléporte ou non et s'approcha de son armoire pour mettre une jupe et une chemise par-dessus sa nuisette. Elle fit attention à ce que le bas de sa nuisette ne dépasse pas de sa chemise ou de sa jupe. C'était juste pour cacher les sous-vêtements sur lesquels les deux messieurs avaient vu jusqu'ici. Juste après s'être habillé.

Se massant un peu la joue la plus meurtrie, John se releva de sa chute – en fait, propulsion inopinée serait plus adapté. D'ailleurs, son dos l'élançait un peu, maintenant. Il s’attendait à une contre-attaque de la jeune femme, mais pas à ce qu’elle utilise si tôt ses pouvoirs ; enfin, voilà qu’elle ne l’avait pas brulé. Bien, cela lui évitait de partir avec un malus lors de son combat contre Russel. Même si le Nephil s’était retenu contre Alice lors de leur sorte d’entraînement, il ne comptait pas y aller de main morte aujourd’hui.
Evidemment, il ne souhaitait pas utiliser d’arme pour ce duel – il devait être testé pour devenir garde du corps, pas tireur d’élite. Quoiqu’un tireur d’élite spécialisé en arbalète devait être plutôt original.

John avança un pas, faisant de nouveau face à Russel ; et sans prêter le moindre regard à Alice. Chaque chose en son temps, voilà que son focus du moment n’était plus la jeune femme un peu violente.

« - Donc, Nephil, je me trompe ? Enfin, là n’est pas le sujet… J’avais envie de savoir ce que tu valais depuis un certain temps déjà. Depuis qu’on s’est rencontre dans le [grizzly des mers du sud] à vrai dire ; j’suis curieux de découvrir tes pouvoirs. »

S’il était Seraph, ce serait du suicide pour Alice de l’engager comme garde du corps – ou était-il un Solitaire ? Quoiqu’il en soit, le temps de la réflexion viendrait après. Avant de lancer ce fameux face à face, il décida de faire une petite entorse à sa concentration. Elle avait bien le droit à une réponse, après tout.

« - Maltraité par toi, peut-être tiens, qui sait ? Et puis, je suis persuadé que tu as aimé. »

Une fois cette petite parenthèse finie, il prit un air plus sérieux et mit son corps en condition pour se battre. Le moment était venu.

« - Quand tu veux, collègue. »

Elle eut un petit rictus. En plus d'aimer, se faire, maltraiter, il parlait aussi n'importe comment. Ils se seraient rencontrés dans un grizzly des mers du nord ? Que racontait-il ? Alice détourna alors un peu son regard vers Russel et le vit alors braquer son arme vers elle. En fait, elle avait plutôt qu'il s'agirait d'un combat entre lui et John, mais elle n'aurait jamais pensé qu'il l'inclurait dans ce combat. Même si elle savait que Russel n'était pas sérieux sur le moment, elle ne pu s'empêcher d'avoir peur un moment. De toute façon, elle ne se pensait pas assez rapide pour pouvoir esquiver une arme à feu toute seule, elle ferma simplement les yeux, de peur.

- R-Russel, je te hais !

Sur le coup, elle l'avait tutoyé, rajoutant de la proximité entre eux deux. Mais, elle se remettra probablement à le vouvoyer après. Ce qui était tout aussi étonnant, c'était que la demoiselle n'avait jamais vouvoyé John, et cela, depuis leur première rencontre. Il faut dire aussi, que lorsqu'il était venu la voler, ces deux-là avaient été relativement proches que ça soit pour essayer de maîtriser l'autre, se chamailler, ou bien se faire mettre un coup dans l'entre-jambe.

Enfin, pour que John soit engagé, elle devait essayer de ne pas pleurer. Vu comment c'était parti, elle aurait vite du mal. Alice avait déjà l'adrénaline qui montait, et avait peur de cette situation. Faire confiance à John dans ce genre de situation était vraiment délicat. Auparavant, il avait réussi à la rassurer sur le paquebot, mais il ne s'agissait que d'un humain armé d'un couteau. Maintenant, qu'elle connaissait Russel et savait qu'il était fort, c'était différent.

Agir. Vite. L’arme était pointée, la balle partie ; le temps de la réflexion viendrait plus tard. Le missile avait déjà franchi John, le timing se resserrait à chacune de ses hésitation, il devait faire un choix. Se prendre la balle, ou dire adieu à son travail. C’était donc ça, être garde du corps.

Et il se trouve que c’était la profession qu’il avait choisi. Alors il usa de sa téléportation plus rapidement qu’il ne l’avait jamais fait auparavant, et se retrouva devant Alice avant que la balle n’y soit. Ce qui était étonnant avec son pouvoir, c’était qu’il brisait toutes les règles de la physique : rien n’allait plus vite que la lumière, sauf John. Quoiqu’il n’en fut pas spécialement une, il va sans dire.

Logiquement, ses pensées fusant moins vite qu’un tir de pistolet, la balle le heurta aussitôt qu’il se mit sur sa trajectoire – un véritable coup de chance que l’action ne se soit pas déroulée un fraction d’instant plus tard, sinon toute sa manœuvre de la soirée aurait été réduite à néant.

Pourtant, après l’instant fatidique de l’impact, aucune douleur ne se fit ressentir. Aucun objet volant ne transperça son épaule. Alors, à son tour, Russel défiait les règles des sciences : l’objet ayant disparu subitement, avait-il dématérialisé son projectile ? John ne sut pas vraiment y répondre, mais avant qu’il ne puisse réagir aux conditions de son futur collègue, quelque chose l’envahi.

Un doute. Puis des doutes. Il venait de se prendre une balle dans le but de protéger une riche, afin de devenir celui qui la protégerait. Lui, l’autoproclamé défenseur des pauvres et ennemi des pourris, allait mettre sa vie au service de ceux qu’ils détestent ; c’était sans sens. Si l’ancien lui découvrait ce qu’il faisait maintenant, il aurait honte de lui-même. Voilà ce que se disait John, ce que son esprit tentait d’étouffer par sa logique.

Mais il voulait changer, devenir quelqu’un avec une situation plus… stable. Il avait besoin de ce travail, et Alice n’était pas si pourrie – enfin, cette dernière partie n’était que fantasme de son conscient pour se convaincre. Mettant temporairement ses idées étranges de côté, il décida reprendre la situation en main. Il devait tenir dix minutes, et la salle était exiguë ; alors cacher Alice ou s’enfuir avec elle serait compliqué. La cible était donc Russel.

« - Ouvre les yeux, et cache toi. »

Le ton froid n’importait plus désormais, il était en situation d’agression. Usant une nouvelle fois de sa téléportation, il réapparu directement devant son ennemi temporaire, cachant de son corps Alice de l’arme du Nephil. Dans la foulée, il lança sa main gauche dans le but d’attraper le poignet de Russel et le lui tordre pour le forcer à lâcher prise.

Tout se passait assez vite. Elle n'avait pas eu le temps de comprendre et Alice n'était absolument pas au courant des pouvoirs que pouvaient posséder Russel. À vrai dire, elle pensait juste qu'après avoir ouvert les yeux, elle allait voir soir John ou elle-même avec une blessure, faite par une arme à feu. Mais par sa grande surprise, John n'avait rien. La jeune femme était bien trop surprise pour pouvoir bouger juste après que son potentiel employé lui ait dit de se cacher. Elle était resté un peu trop de temps sans rien faire, puis finalement, elle se dirigea vers le côté de son lit, voulant se mettre à couvert derrière celui-ci, directement sur le sol, cependant, en cours de route, elle se prit une des balles de Russel.

Tout d'abord, elle réalisa ne pas être blessée, ensuite, un sentiment assez bizarre commença à l'envahir. Elle se souvenait malgré les circonstances dans lesquelles était de la relation assez étroite qu'elle avait avec son père. En vérité, elle aurait largement préféré rester avec sa mère et son grand-frère en Europe. Elle avait suivi son père jusqu'ici, mais pourquoi ? Elle lui avait donné sa vie pour qu'il puisse la nommer comme future directrice de la boîte, cependant, elle savait très bien que ce n'était pas vraiment ce qu'elle voulait. Ce regret de ne pas suivre sa mère dans le domaine de l'art, elle l'avait déjà eu à certains moments, mais pas assez intensifiée. Alice se demandait encore pourquoi elle était ici, auprès de son père alors qu'elle savait pertinemment qu'elle aurait été mieux dans l'autre continuent, et recevoir tout l'amour de sa mère, et surtout d'un parent ; tout cet amour qu'elle ne recevait pas de son père.

L'heure n'était pas à penser à ce genre de chose, il fallait quand même qu'elle se ressaisisse. Contrairement à son visage habituellement, elle afficha une mine assez triste, et se mordait un peu la lèvre. De toute façon, ce visage, aucun des deux ne pouvaient le voir, elle était étendue sur le sol puisqu'elle voulait se cacher derrière le lit quand John lui avait dit de le faire. De toute manière, elle n'avait pas vraiment le choix de passer par ici, il y avait peu d'endroits pour se cacher dans sa chambre. Se mettant à quatre pattes, elle se déplaça pour aller se cacher derrière l’armoire et se mettre debout.

Et voilà, un échec en moins de vingt seconde. Belle performance de l’animal, il n’avait même pas été capable de protéger la jeune femme de deux balles ; ainsi, son espoir d’emploi s’était envolé.
Sauf qu’il y avait un souci dans l’affaire, c’était qu’il ne comptait pas s’arrêter là. Il voulait une seconde chance, et que l’on lui accorde ou non, il allait prouver à Russel qu’il était assez compétent pour ce boulot.

Deux solutions s’offraient au jeune homme : la première, mettre Alice à l’abri. Quant à la seconde, celle de s’occuper de Russel… Elle semblait être quelque peu plus compliquée. Face à l’étonnante réaction de celui-ci, John avait pu saisir qu’ils n’étaient pas du même niveau – et il était peut-être plus intelligent de ne pas chercher à mesurer l’étendue exacte du gouffre.
Donc, première solution.

Profitant d’un léger flottement après le tir du Nephil, John ordonna à son corps de se relever et se téléporta l’instant suivant au près d’Alice, usant du retournement automatique de son pouvoir pour se retrouver à nouveau face à Russel.

« - Une deuxième chance. »

Maintenant, il fallait mettre Alice hors de danger. Sauf que ce n’était pas vraiment le moment de réfléchir longtemps, alors John fit la première chose qui lui passa par l’esprit. Il toucha du bout du doigt la jeune femme recroquevillée, et les téléporta le plus loin possible dans le salon. Ça commençait à faire pas mal de sauts, et le Nephil était conscient de la fatigue qui envahissait son corps. Pour autant, il se sentait encore en état de se battre. Mais dix minutes, cela semblait compliqué.

« - Va dans une chambre. »

Cachant Alice de son corps, il faisait face à Russel, se préparant à riposter à sa prochaine tentative. L’avantage cette fois-ci, c’était que la cible n’était plus vraiment à portée de tir ; maintenant, contenir le garde du corps semblait relativement compliqué.

Encore une fois, Alice était un peu larguée par les événements même si elle connaissait le pouvoir de téléportation qu'il avait. Très vite, elle se retrouva dans le salon, John l'avait emporté avec lui lors d'une téléportation. En même temps, derrière une armoire, elle ne sentait pas vraiment en sécurité. Alors qu'elle comptait obéir gentiment à ce que lui disait John, Russel les rejoignit tranquillement tout en faisant un commentaire pour la provoquer. Elle serra un peu les poings, visiblement pas spécialement contente qu'il lui ai dis ce genre de choses. Non, elle n'aimait pas ça, alors pour l'énième fois de la journée, des rides d'énervement étaient sur son visage.

- Je ne vous autorise pas à me parler de la sorte ! Et je ne vous permets pas de dire qu'il s'agit de mon prince, il n'a rien de tout ça. Il est pauvre et sale.

La jeune femme se mit alors à crier un de ses précieux mots, celui qui lui permit de repousser Russel contre le prochain mur de la maison. Bien évidemment, étant plus fort qu'elle, l'effet était diminuer et il avait à peine été décollé du sol. Elle se mordit un peu la lèvre avant de croiser les bras. Finalement, elle réalisa qu'elle devait aller se cacher, alors elle se mit à courir vers la chambre de Cassandra, vide puisqu'elle ne faisait pas partie de ce Kekkai.

La dernière phrase fit sourire John. Même dans une situation pareille, voilà qu’Alice restait fidèle à elle-même, toujours aussi insupportable. Il se demandait si elle réagirait pareil en cas de véritable agression ; mais la question était peut-être trop rapide. Quoiqu’il en soit, sa répartie avait été un peu décevante, elle l’avait habitué à plus piquant – enfin, on mettre cela sur le compte du stress de la situation. Il est vrai que cela devait être quelque peu surprenant de se faire tirer dessus spontanément par son propre garde du corps, même si les balles étaient inoffensives. Enfin, ce dernier point n’était pas encore assuré, et John voulait découvrir leur fameux effet avant de finir ce combat.

« - J’me lave quand même ! »

Trèves de plaisanterie, maintenant il fallait se concentrer sur Russel. La princesse s’était mise à l’abri et avait déstabilisé l’espace de quelques instants son garde du corps – John devait avouer que devoir protéger une pseudo guerrière était tout de même pratique.

Profitant de cet arrêt momentané dans l’avancée tranquille du Nephil, et John attrapa la table basse pour lui lancer dessus afin de complétement l’arrêter. Ou le blesser, mais au moins cela lui faisait gagner un peu de temps. Ou juste le rater, question de point de vue.
Quelques secondes, c’était ce qu’il fallait au jeune homme pour de nouveau être en mesure de correctement se battre, alors il devait tout faire pour ralentir l’autre.

De là où elle était, elle entendait très bien les dires de Russel. Sur le coup, cela l'énervait encore une fois, pour changer, mais au fond, il n'avait pas tort. La jeune femme passait beaucoup de temps à s'entraîner, elle avait eu des lacunes quant à son arme puisqu'elle n'en avait jamais utilisé une seule de sa vie. Au mieux, c'était des couteaux pour couper sa viande. Même si le but de John était de cacher Alice pendant un petit temps, elle ne put s'empêcher d'invoquer ses deux armes, une épée à une main dans chaque main. Même comme cela, elle ne se décidait pas à ouvrir la porte. Alice ne préférait même pas répondre à Russel. C'était le silence absolu.

Au fond, elle avait peut-être un peu peur, et cela pouvait se comprendre. Elle n'avait jamais été habituée à la violence, et sa première expérience au combat était assez écrasante. Si Russel n'avait pas été là, elle aurait mordu la poussière et aurait finit sous une tombe. Rien que d'y penser, cette situation la faisait frissonner. Soupirant, elle finit par s'asseoir sur le bord du lit de la domestique absente par cause du Kekkai.

Et dans cette situation, elle avait l'impression que ce n'était pas John le problème, mais juste elle-même. Alice ne s'imaginait pas être forte. Au lieu de sortir de sa cachette comme elle voudrait le faire, elle préféra s'énerver sur le lit de Cassandra et jeta ses armes au sol.

- Je te hais vraiment Russel..., chuchota-t-elle dans son coin.

Les paroles de Russel avaient été là très probablement et uniquement pour le test de John, mais si elle les prenait réellement au sérieux, tout comme elle le faisait là, c'était vraiment dérangeant. Au moins, il avait eu le mérite de la faire réfléchir, même si ce n'était pas voulu.

Cette fois la jeune femme n’avait pas cédé aux provocations de Russel ; voilà une belle performance. Lors de leur précédente entrevue, elle n’avait pas vraiment résisté aux petites moqueries de John et s’était même acharnée sur lui en guise de représailles. Sauf que Blake semblait bien plus fort que le jeune homme, et ne pas riposter semblait être une bonne solution.

Surtout que l’homme avait facilement esquivé le gros projectile du Nephil, et lui avait tiré une seconde balle. Qui avait fait mouche.

Et bien plus que la première, des pensées négatives l’envahirent. Il avait envie d’ouvrir la porte en grand et de laisser Russel passer ; simplement, de ne pas porter la moindre attention au futur d’Alice. A ses yeux, elle ne méritait pas d’être protégée : elle l’avait rabaissé, sympathisait avec les pourris. Cela faisait d’elle une enfoirée aux yeux du jeune homme, elle ne valait finalement pas plus que George.
Le Nephil recula un peu, posant une main sur la poignée qui donnait sur la cachette de la jeune femme. Il commença à la tourner légèrement, puis s’arrêta. Alors il la lâcha et frappa le mur d’un poing rageur.

« - BORDEL ! SORS DE MA TETE RUSSEL ! »

En fait, il n’avait aucune idée de s’il avait un véritable lien entre l’homme et ses états d’âme. Mais il avait besoin de mettre un nom sur ses maux, et celui d’Alice était trop impropre pour s’en servir.
John savait que s’il réussissait à transférer sa colère vers autre chose, il reprendrait peu à peu le contrôle de ses gestes jusqu’à atteindre l’objectif fixé : celui de protéger celle qu’il détestait. C’était comme s’il revivait le premier soir avec elle…

« - La bourge, tu restes dans la chambre et tu fais cou-couche panier. Tu sors pas. PAS DU TOUT. »

Il était énervé, quelque chose avait fait effet sur lui. Et son poing lui faisait mal, mais il rattrapa la poignet et la tenu fermement, s'efforçant de bloquer l'accès autant qu'il y pouvait le faire à une main.

Elle entendit un autre coup de feu. Bien que ce fût inhabituelle, elle espérait que John ne se soit pas pris ce coup de feu. Alors qu'elle avait presque prié pour lui, ce dernier se mit à lui parler d'une manière qu'elle n'aimait absolument. Résolue, elle avait attrapé les armes qui ont été jetées sur le sol et ouvrit la porte assez violemment.

Bien que ce fût inhabituel, elle espérait que John ne se soit pas pris ce coup de feu. Il la méritait pour la façon dont il lui avait parlé. Elle était visiblement énervée, pourtant, elle se dressa quand même contre Russel, munie de ses deux armes. Alice avait les mains qui tremblaient assez pour qu'ils puissent le remarquer. C'était à ce moment qu'il annonça qu'il s'agissait de la fin du test. D'un seul coup, elle lâcha ses armes aux sol. Même s'il ne s'agissait pas d'un combat réel, mais bien de Russel, elle n'avait pas pu tenir correctement ses armes. C'était ridicule.

À la suite de cela, la jeune femme tourna la tête vers le nouvel employé, bien que sa dernière réplique ne lui avait pas du tout fait plaisir.

- Je te conseille de me parler autrement la prochaine fois. Je suis ton employeuse, et non ton chien. Tu as dû inverser les places.

Clairement, elle avait été méchante sur ce coup d'insulter de John de chien. Elle avait quelque peu ravivé les flammes en rajoutant de la poudre dessus, mais c'était son caractère et parfois, elle s'en mordait les doigts. Alice trouvait cela normale de remettre John à sa place. Soupirant, elle finit par révoquer ses armes, fronçant toujours les sourcils.

C’était fini. Le travail était à lui, et il pouvait maintenant se reposer… Sauf que quelque chose n’allait pas. Il était en colère contre lui, et aussi contre cette jeune femme qui venait de le gifler ; et cette victoire n’y changeait rien. John n’était même pas heureux d’avoir fini ce test, son esprit était trop accaparé par les remords qui l’envahissaient.

Alors le Nephil s’éloigna rapidement d’Alice, allant s’assoir dans un coin de la pièce, loin de tous. Il se prit la tête dans les mains, tentant de se calmer, en vain.

« - Russel, que font tes putains de balles ? »

Il était encore bien trop tôt pour qu’il se rende compte du manque de respect qu’il avait fait à sa patronne – et c’était comme s’il ne l’entendait plus, d’ailleurs. Seule une rage l’habitait, et il n’arrivait pas à la comprendre… Le Nephil avait envie d’abandonner son boulot dès les premiers instants, se sentant incapable de protéger une personne qui fricotait avec ses ennemis.

Son seul espoir de se calmer, c’était que sa soudaine colère soit due à autre chose… Au fond de lui, une idée le taraudait, et lui permettait de garder encore un peu jugeote : peut-être que tout cela était dû à l’arme étrange de son collègue. Si seulement…

Quoiqu’il en soit, cette rage le faisait réfléchir, et ce travail soulevait désormais beaucoup plus de choses qu’un simple entrain chez le jeune homme ; il allait devoir vraiment apprécier Alice. Pas seulement aimer se moquer d’elle ou la provoquer – il fallait avoir réellement envie de la protéger.

Mais avant toute chose, John devait reprendre ses esprits.

En plus de lui parler comme une moins-que-rien, celui-ci se permit de l'ignorer totalement. Elle était visiblement vexée de la situation. D'habitude, il aurait évidemment donné un peu d'attention à Alice, mais à cause de ce test, il ne répondit pas à sa provocation. Elle aussi, elle commença à partir vers sa chambre jusqu'à que Russel finisse par expliquer le pouvoir des balles. Cela expliquait alors aussi pourquoi elles ne blessaient pas sa cible. En y réfléchissant un peu, la jeune riche finissait par comprendre pourquoi elle avait commencé à avoir ces regrets à propos de sa famille. Ce fut horrible, et John s'en était peut-être pris deux. Elle n'en était pas sûre pour la deuxième, mais elle préféra supposer que oui.

Alice porta alors un regard sur John qui était calé dans son coin, pensif et l'air par mal énervé. La demoiselle commença alors à se calmer, comprenant un peu mieux la situation. Elle pouvait tout de même concevoir que chacun avait des regrets et Alice était aussi bien placée pour le savoir. Elle avait ruiné son envie de choisir quoi faire de sa vie, elle avait laissé son père décidé à sa place, maintenant elle considérait que c'était trop tard.

Après que Russel soit retourné dans sa chambre, elle laissa encore un peu le Kekkai pour ne pas déranger Cassandra qui dormait dans la réalité et s'approcha doucement de John. D'abord, elle voulait tendre sa main vers John pour lui dire que ce n'était pas trop grave, mais elle ne le fit pas. Elle restait bien quelques secondes derrière John avant de se mettre à genoux sur le sol derrière John. Lentement, elle passa ses bras par-dessus ses épaules pour venir lui faire le même enlacement qu'au QG comme pour le consoler.

- Tu... Tu bouges ou tu dis quoique ce soit... Je t'étrangle.

C'était assez gênant pour elle de faire cela, mais elle n'était pas pourrie au point de laisser son nouvel employé broyé du noir à cause d'un pouvoir. Elle se disait qu'il devait avoir des regrets lourds même si elle n'imaginait même pas la véritable raison. Si de son côté, Alice avait continué à penser à ses propres regrets, elle serait sans doute dans la même position que John actuellement. Même parfois, elle pouvait être compatissante. Par contre, lorsque John lui parlera de ce moment bien précis où Alice avait fait preuve de compassion, de douceur si les paroles ne comptait pas et de gentillesse, elle feintera sûrement de ne pas s'en souvenir ou de faire comme si cela n'était jamais arrivé.

Quand Alice l’étreignit, John ne sut comment réagir. Russel venait de lui dire que son arme ravivait les remords – et il comprenait maintenant pourquoi sa colère l’avait tant submergé quelques instants auparavant. Il n’en était pas pour autant calme maintenant, mais plus songeur ; si les balles n’avaient fait que raviver une flamme qui était en lui, cela voulait dire que c’était un problème qu’il allait devoir régler. Si l’on veut protéger une personne, il faut l’apprécier, tenir à sa vie – et ce n’était pas encore le cas avec la jeune femme.

Mais cette espèce de câlin changeait beaucoup de choses : elle essayait de le consoler. De faire descendre la tension en lui ; tout simplement, elle souhaitait qu’il se sente mieux. Et à cet instant, la rage qui habitait John s’arrêta soudainement. Alice semblait valoir plus que ce qu’il venait de s’imaginer, il était possible qu’il se soit fourvoyer.
Pour autant, il n’avait pas la force – ni l’envie- de s’excuser, alors il se tut simplement. Il profita de ce petit instant calme pendant lequel il ne ressentait pas grand-chose ; ni tendresse, ni colère. Ils étaient simplement là à deux, et John commençait à réaliser qu’il avait été embauché. Alors cette personne qui était derrière lui allait devenir celle à qui il devait assurer la sécurité à tout prix.

Et finalement, il sourit. Il attrapa les bras d’Alice, et les releva lentement, gentiment ; il savait à quel point cela la dégoûtait de faire cela, et il allait être clément en lui rendant un service à son tour. Il se leva de son siège, puis tendit la main à Alice, affichant un léger sourire à travers sa peau qui retrouvait sa blancheur.

« - Merci, Alice. Alors, maintenant je bosse pour toi… Va falloir qu’on réussisse à se parler comme des êtres humains normaux alors, ha ha. Allé, je te promets : pas de moqueries en public. »

Il se doutait que cette discussion n’allait pas durer encore longtemps – ils étaient tous deux fatigués par ce qu’il venait de passer. Mais après cela, il avait encore à retourner voir Russel. Cela n’allait pas être long, mais il voulait tenir une petite discussion avec son désormais collègue. Autant partir sur deux bonnes bases, et ne pas demeurer comme un gosse en pleine crise aux yeux du Nephil.

Comme John n'avait pas du tout réagi, elle se demandait à un moment si ce acte de gentillesse était vraiment venu au bon moment. Il ne bougeait pas d'un seul pouce, et en même temps, Alice l'avait menacé s'il faisait quelque chose. C'était donc peut-être normal. Alors qu'elle commençait à fermer les yeux, la joue droite posée sur l'arrière du crâne de John, ce dernier attrapa ses bras pour qu'ils se relèvent tous les deux. Finalement, il avait le sourire aux lèvres, elle sentit presque venir une remarque provocatrice encore une fois, alors la jeune femme avait tourné son regard sur le côté. À sa grande surprise, ce ne fut pas vraiment ce genre de phrase qui sortit de sa bouche.

- J'espère bien que tu me parleras correctement en public. C'est la moindre des choses.

Elle croisa alors les bras et reprit son air le plus naturel. Alice tourna des talons et commença à marcher en direction du couloir et s'arrêta une fois à l'entrée pour parler à John.

- Je te ferai signer le contrat dans l'après-midi. Tu peux habiter ici, ça sera beaucoup mieux que le quartier sud non ? Ta chambre est à gauche de la mienne. Et ne va pas voir ma domestique pendant qu'elle dort, c'est mal vu d'entrer dans la chambre d'une femme en pleine nuit, sans bonne raison, n'est-ce pas, Monsieur le Pervers ?

Après ça, elle afficha un sourire et retourna dans sa chambre. Même si elle n'avait besoin que de deux heures de sommeils, rester dans son lit le temps que le jour se lève était vraiment reposant et elle avait besoin de tranquillité un peu.

Une fois dans sa chambre, la jeune femme révoqua son Kekkai.

Le ton avait repris son sérieux, ne laissant paraître qu’une pointe d’ironie. La tension, quoique descendue, demeurait toujours, et John se retint de faire une quelconque moquerie. Cela allait attendre demain – et la possible rencontre avec la personne qui vivait dans la pièce qui empestait tant. Un événement que le jeune homme n’attendait pas avec énormément d’impatience, on dira.

« - Je ferai gaffe. Dors bien Alice, à demain. »

Il lui adressa un dernier sourire, et attendit qu’elle soit dans sa chambre – et le Kekkai révoqué-, pour se rendre droit dans la chambre de Russel.

John toqua à la porte, puis entra avant qu’on lui dise de le faire. Il avait besoin de parler avec son collègue, d’en savoir un peu plus ; et cela ne pouvait pas attendre. Le Nephil était toujours sur le coup de l’émotion des balles du tireur – encore à fleur de peau, en somme-, alors sa patience en avait quelque peu souffert.

« - Désolé de te déranger Russel, mais j’aimerais en savoir plus sur … tout ça. »

C’était bien flou, et il devait dégrossir ses propos s’il espérait une quelconque réponse. Ce qu’il s’empressa de faire.

« - Quels sont tes pouvoirs ? Si jamais on a à affronter une ombre ensemble, je pense qu’il serait plus pratique qu’on connaisse nos capacités avant. Pour ma part, j’ai une arbalète et je peux me téléporter comme tu as vu. Je sais que quelque chose d’autre s’est développé chez moi en parallèle, une odeur… mais j’ai encore du mal à l’expliquer clairement. »

Montrer patte blanche et se vendre avant d’avoir un retour des choses était une technique comme une autre ; et John espérait vivement que le Nephil réponde honnêtement à sa question. Il savait déjà pour les balles influant sur l’état d’âme, mais qu’en était-il du reste, tant est qu’il y en est d’autres, de pouvoirs ?

En réaction, le jeune homme fit un pas rapide en arrière, pas vraiment habitué à voir ce genre de choses de ce point de vue.
Intéressant ; c’était le mot. Alors Russel pouvait lui aussi se téléporter, et même franchir la fameuse barrière qui retenait John : s’approcher à moins d’un mètre de sa cible.
Conscient que les pouvoirs étaient liés au vœu, le jeune Nephil prit un léger moment pour s’imaginer la phrase qu’avait dû prononcer son collègue lors de sa petite rencontre féline : il fallait y lier amertume et téléportation ; voilà bien deux choses sans rapport.
« Je voudrais franchir les dimensions, physiques et psychique » ? « J’aimerais échapper aux lois naturelles, tout en rappelant aux gens leurs erreurs ? » Non, ce n’était pas vraiment un vœu facile à deviner.
Un peu déçu, il reprit la parole.

« - Tu es le premier que je rencontre qui a des pouvoirs proches des miens ; je me demande bien ce que tu as dû souhaiter pour l’obtenir, tiens… »

John s’avança un peu plus dans la salle, quittant sa position feutrée de surprise.

« - Est-ce que tu pourras me former un peu, s’il te plaît ? Je pense qu’il est évident que tu es plus fort que moi. »

C’était un peu abrupt comme demande, mais en-dehors de Leeroy, John n’avait jamais eu de professeurs – et comme il allait être sujet à cohabiter avec l’ex-détective, autant faire d’une pierre deux coups. Ne serait-ce que sur un point stratégique : apprendre au jeune homme à mieux réfléchir ses coups, les préparer en avance ; simplement, de penser et puis d’agir, et non pas le contraire. Il était conscient qu’avec cette mauvaise habitude, il allait finir par y passer.

Nullement plus fort ? Allons bon, Russel avait donné –bien que très courte- une magnifique correction à John lors du premier assaut de celui-ci ; éviter et parer ainsi un coup tel, c’est-à-dire après une apparition soudaine, n’était pas vraiment de la porter du premier venu. Et même, le Nephil s’imaginait tout à fait incapable d’avoir des réflexes assez bons pour éviter son propre coup. Alors Russel était plus fort que John, qu’il l’avoue ou non.

Le jeune homme ne saisissait que vaguement la nuance entre leurs deux pouvoirs : la portée peut-être, ou encore la proximité. Il était évident qu’avec l’avantage de pouvoir approcher physiquement sa cible Russel pouvait aller moins loin que John ; mais à quel point ? Enfin, cette question ne demeura pas plus dans ses pensées, la téléportation lui semblait tout à fait possible à maîtriser seul.

Le vrai intérêt de cette demande de formation résidait dans l’apprentissage du corps à corps et de la stratégie – peu importait l’arme à feu-, ce que l’expérience devait lui avoir apporté, que ce soit en tant que contractant ou en tant que détective.

« - Egaux, c’est un peu fort comme mot, je pense… Tu dois me dominer en corps à corps, et en stratégie de combat, j’imagine. Et ne me dis pas le contraire, sinon la vérification sera assez rapide j’imagine. »

La finesse dans les paroles de John laissait quelque peu à désirer, mais ses nerfs n’étaient pas encore tout à fait retombés, alors il faisait autant qu’il le pouvait. Et puis, il faut l’avouer, il était un peu fatigué par toute cette agitation – et surtout, par ses sauts à répétition.

« - Mais je suivrai autant de cours que tu voudras bien m’en dispenser, je suis ta décision, merci Russel. »

Et puis, le lieu de leur dernière rencontre se prêterait étrangement bien à tous types d’entraînements.

C’était donc acté : John allait être formé par un second individu, une sorte de relai de Leeroy. Pas que ce dernier ne soit plus assez fort ou mauvais pédagogue, mais apprendre de différents individus avait du bon ; et étant une personne qui n’avait plus vraiment été instruit depuis des années, son cerveau possédait de nombreuses cases vides qui ne demandaient qu’à être remplies de savoir. Et s’il était utile, c’était encore mieux.

« - Merci beaucoup Russel. Je te laisserais décider des horaires alors. »

Et il se retira lentement de la pièce, offrant un sourire à son désormais collègue pour lui montrer qu’il lui était réellement redevable. Enfin, il se dirigea vers cette pièce qui allait dans quelques instants devenir sa chambre…

Tout était si beau, si rangé, si riche. Même si une puanteur s’échappait d’une des pièces, John préférait se perdre dans le décor… C’était là-dedans qu’il aurait dû vivre si rien ne c’était passé, et c’était plutôt agréable. John se glissa dans son lit, et s’endormit.

Avant que ses remords ne reprennent le dessus, avant qu’il repense à ses objectifs, ses idéaux. Il avait tenté de voler cette maison, et maintenant il y habitait ; tout avait tout changé en lui… Et le pire, c’était que ce n’était pas si contradictoire avec sa façon de voir les choses.