"Le Caprice d'ambiance:

Il était seulement 19h30 et le bar était déjà bien rempli.
Une bonne partie des tables étaient occupées et un musicien animait la soirée au piano.

Un type assis au comptoir, me racontait nonchalamment sa journée pendant que j'essuyais et rangeais les verres. Je ne l'écoutais que d'une oreille distraite et me contentais de hocher brièvement la tête par moment. Il n'était pas d'un énorme intérêt et se contentait comme pratiquement tous les soirs de parler de son ex-femme et de son chat.
En bref, il était d'un ennuie mortel.

Cela faisait déjà plusieurs semaines, que je n'avais plus eu vent d'une histoire intéressante et je commençais à m'ennuyer. Je n'aurais pas non plus dis non à une histoire sans lendemain mais, hélas, pas la moindre paire de fesses intéressantes à l'horizon.
Je me remis à astiquer pour la énième fois mon bar. Après tout, la soirée ne faisait que commencer et qui sait des clients intéressants pouvaient très bien passé ce soir.
Le son de la clochette de la porte retenti soudain à mes oreilles et me sorti de mon ennuie. Un client entra. Il ne semblait pas être un habitué du lieu. Sa tête ne me disait absolument rien. Je lui souris et le salua:

- Bienvenue au "Caprice d'ambiance"! Que puis-je te servir?

Je m'accouda au comptoir, le regard avide et pensa, enfin un peu de distraction.

Étudiant assidu, et solitaire à mi-temps chez les Seraphs, il ne sortait pas beaucoup de chez lui à part pour aller à la fac. Susceptible de se faire agresser à chaque coin de rue par un contracteur à cause de son visage complètement fiché, c'était la solution qu'il avait choisi, et ce, depuis bien plusieurs années ! Bref, ce soir, c'était la petite folie de la semaine, une sortie dans un bar qu'il ne connaissait pas. Très rare était les bars qu'il ne connaissait pas, et non, il n'était pas alcoolique, seulement un jeune homme de la vingtaine qui aimait boire de temps en temps un verre pour se détendre les nerfs. Quoique depuis récemment, il avait découvert une nouvelle « drogue », qui était beaucoup plus addictif que n'importe quelle drogue.

Ce soir, il comptait boire un verre ou deux… ou peut-être plus, sans jamais atteindre la limite du bourré. Son but n'était pas de finir complètement torché, mais juste assez pompette pour pouvoir au moins apprécier sa soirée et pouvoir rentrer chez lui sans emmerde. Qui savait, peut-être qu'une ombre pouvait passer par-là au moment où il déciderait de rentrer.
Rentrant dans l'un des seuls bars de son quartier qu'il ne connaissait pas encore, c'est-à-dire, « Le caprice d'ambiance » s'il savait lire correctement, Leeroy se dirigea directement vers le comptoir, en direction de l'un des tabourets. De l'autre côté se trouvait un jeune homme qui avait un peu près l'air d'avoir son âge. C'était sympa de remarquer qu'il y avait bien deux types de personnes de la vingtaine, ceux qui travaillaient, et ceux qui étudiaient, en excluant bien sûr ceux qui ne foutaient rien.

Il était aussi drôle de constater que ces deux-là n'avaient pas des couleurs de yeux très communs : le barman les avait rougeâtre, tandis que Leeroy les avait d'un jaune légèrement doré comme de l'or. Il s'était installé tranquillement et silencieusement à côté d'un blond qui était rentré à peine avant lui. Il l'avait donc laissé commander en premier son verre de soda. L'étudiant ne comptait pas juger la personne ou se moquer, il y avait quelque temps, il aurait pris la même chose. Le temps changeait vraiment les personnes. Et puis, chacun son truc. Une fois que son tour arriva, il finit par faire sa commande d'un ton neutre et plat.

- N'importe quel cocktail avec de la Tequila. Peut-être une spécialité ?

Quitte à aller dans un nouveau bar, autant tester ce qu'il avait de différent des autres, espérant qu'il allait proposer un cocktail à base de Tequila qu'il n'avait jamais goûté.

Après avoir passé commande, il retira la capuche qu'il avait sur la tête, laissant peut-être apparaître un trait qui le caractérisait bien: une plaque d'écaille sur le haut de la joue droite.

Après avoir retiré sa capuche, Leeroy observa alors les deux jeunes hommes, le blond et le barman. Eux aussi devaient être étonnés par ses écailles sur la joue. Ce n'était pas étonnant, après tout, il avait passé une bonne partie du temps à être involontairement la bête de foire de sa promotion de biologie à la FAC, ou simplement à être le vilain petit canard. Bref, rien de très dérangeant. La solitude, il l'avait du côté humain et du côté contractant.A force, on s'y habitue, comme toute chose d'ailleurs…
Sans essayer de la cacher, parce qu'il en avait assez marre, il ne faisait que mettre une capuche lorsqu'il marchait dans la rue pour forcer ses cheveux à dissimuler pour éviter qu'on lui fasse des regards chelous dans la rue, ou qu'on l'arrête pour tenter de voir quel spécimen d'être humain cela pourrait bien être. Heureusement que ces gens-là n'avaient pas réellement sous les yeux, les enfants atteints de la maladie qui donnait des écailles à la place de la peau. Il y en avait vraiment une, mais les cas étaient rare. Généralement, Leeroy se servait de cette maladie pour expliquer ce phénomène, même s'il était d'origine génétique, contrairement à lui. En même temps, il se voyait mal expliquer à de simples humains qu'en fait, c'était à cause de son pouvoir qu'une petite et vulgaire peluche blanche lui avait donné. D'ailleurs, il jura de tous les noms uniquement dans son esprit pour insulter Kyu, le chat blanc. Ah non, il ne l'aimait pas du tout, et avait quitté les rangs pour ça. Bref.

- Une maladie qui remplace la peau par des écailles, en gros.

Ouais en gros, ça m'étonnerait que la maladie fonctionnait réellement avec de mots aussi simples. Et il n'avait même pas besoin de s'expliquer avec une origine génétique, ces deux gars-là ne l'avaient jamais connu lorsqu'il avait encore un corps à peu près normal.

Entre sa vision à moitié thermique, la détection des ondes sur le sol, et ces écailles sur le corps, il y avait de quoi péter un câble. S'il avait la possibilité, il embrocherait bien un certain chaton blanc le long d'un pic rouillé pour pouvoir s'en servir comme punching-ball toute sa vie.

Le regard de l'étudiant finit par aller en direction du blond. Il avait vite fait remarquer cette attitude du « Je ne devrais pas trop regarder pour le mettre à l'aise ». Combien de fois l'avait-il vu jusqu'ici ? Mmmh, il n'avait pas compté. Ce n'était même pas la peine, ce ne serait que de la perte de temps.

Il attrapa son verre commandé et commença à boire une petite gorgée pour d'abord tâter le goût. C'était pas mal, pas mal du tout même. Mais Leeroy n'était pas bavard, et s'il ne se plaignait pas, c'était qu'il trouvait ça bon, et encore, parfois il n'avait simplement pas envie de se plaindre. Même une connaissance de ce jeune homme ne pouvait pas en dire beaucoup sur lui. Il était loin d'être une pipelette et son visage restait totalement plat comme s'il était vide d'émotion. Il était probablement plus aisé de comprendre une femme que Leeroy.

Ce fut pile au moment où Leeroy reposa son verre sur le bar, que le barman se mit à toucher la joue de son client pour tâter à peine ses écailles sur la joue. Intéressant, au moins il n'avait pas peur. Tout deux étaient étrangers l'un pour l'autre, l'un était client, l'autre était employé. Sans compter que la maladie aurait pu être dangereuse pour les gens qui y touchent ou quelque chose dans le genre. Vraiment. Il n'avait pas froid aux yeux ce type. M'enfin, tant qu'il ne le titillait pas trop, Leeroy n'avait aucune raison de s'énerver.

En voyant que le visage du barman fut proche du sien, il ne fit rien excepter levé un sourcil en se disant qu'il avait un grain dans la tête. Heureusement pour lui, il le pensait dans le bon terme du sens, au moins il mettait un peu d'ambiance contrairement à Leeroy qui était, pour la plupart, du temps très passif. Enfin bon, respect puisque si le Seraph Solitaire tenait un bar, il coulerait en très peu de temps. La sociabilisation peu importe le moyen était le plus important pour tenir ce genre d'endroit, tout ce que Leeroy n'avait presque pas. Ouais parce qu'au final, il était capable de discuter avec quelqu'un, par contre pour ce qui était de tenir une discussion ou même de s'exprimer sur ses émotions, c'était autre chose !

- Oui, ce n'est qu'une simple maladie de peau, mais tu oses quand même toucher sans vraiment te soucier si c'est contagieux ou non. Tu n'as pas froid aux yeux. Je parle par habitude.

« Simple maladie ». En vérité, c'était déjà quelque chose d'assez gros, il ne connaissait même pas le taux de survie avec cette maladie, mais comme ces deux-là n'avaient pas spécialement l'air calé en médecine, cela devrait passer crème.

En attendant, l'autre se fit alors retirer le gant presque de force. Quelle vivacité. Ce barman avait l'air d'une vraie pile électrique à côté de Leeroy qui n'était que tout le parfait contraire.
En passant l'œil sur le dos de sa main, c'était presque s'il s'attendait à une marque de contractant. Ceux qui avaient une marque sur un endroit aussi visible le cachaient forcément d'une manière aussi simple que celle-là. Mais bon, la probabilité de croiser un autre contractant pendant des balades aléatoires devraient normalement frôler les 1 %. Il suffisait de voir la population totale de Palema, et des contracteurs faisant partie de la ville pour se rendre compte que si deux contracteurs se rencontraient, c'était vraiment de la pure chance, un peu comme gagner 10 euros sur un jeu à gratté dans les tabacs.

Oui, complètement fou ce barman, mais c'était peut-être ce qui lui avait permis d'amuser un minimum Leeroy, tellement qu'il en trouvait ça drôle. Enfin, « drôle » dans le langage Leeroyien, voulait surtout dire avoir le petit ride du sourire lorsque les lèvres bougeaient de 0,0001 cm sur le visage. Qui avait déjà vu le vrai sourire de ce jeune homme ? Personne jusqu'ici à moins de le connaître depuis avant ses études supérieures. Mais, dommage pour eux, il n'avait pas gardé contact avec ces amis-là, préférant vivre sa vraie vie de solitaire dans tous les sens du terme. Se tenir éloigné des humains étaient mieux pour eux.

- Un certain charme ? Peut-être. Je ne trouve pas.

Il ne trouvait pas cela vraiment très charmant. Une petite pensée allait vers son pain entre les jambes et heureusement qu'il n'en avait pas à cet endroit, pauvre petite-amie si jamais il en avait eu. Une petite grimace intérieure se forma rien qu'au dégoût de cette fameuse maladie. Bref.

- Je veux bien te les donner, mais je ne pense pas que ça soit possible.

Son regard allait en suite en direction du blond qui ne buvait pas d'alcool et regarda le barman tenter de lui faire changer d'avis. C'était vraiment comme ça qu'il se chargeait de sa clientèle ? En tout cas si ca fonctionnait, il devrait essayer dans le marketing, peut-être qu'il aurait sa chance. En attendant, Leeroy finit tranquillement son cocktail pendant que les deux autres étaient en train de se présenter. Supposant que c'était à son tour, c'était probablement le moment de se jeter à l'eau même si dire son nom était la dernière chose qu'il souhaitait. Savait-on jamais, il n'avait pas envie que l'un des deux soit Seraph par pur hasard, vu que dans cette ville la coïncidence était de sortie presque à chaque fois qu'il posait le pied dehors.

- Lerroy Stone.

Quoi de plus suspect s'il n'avait pas dit son nom. Il aurait pu mentir ceci dit, mais pas dans cette situation. Tout de même, il avait légèrement hésité et avait même laissé un gros blanc dans la discussion.

Après une bonne discussion comme celle-là. Ne serait-il pas l'heure de rentrer ? Leeroy posa alors son verre ainsi que la monnaie sur le bar avant de remettre sa veste.

- Je dois partir. Bonne soirée.

Toujours aussi bavard, mais plutôt clair et concis dans ses réponses. L'heure était venue pour lui de rentrer bosser sur ses cours. Et oui, il n'y avait pas de vacance même s'il n'avait pas cours pour le moment.