[color=#EEEEEE]Terrain de Jeu[/color]:

Alors, honnêtement, ce que je fous ici actuellement ? Pas grand chose. Hic. Je... Suis juste venue m'asseoir, et puis un barman est venu me parler. Là, j'ai commencé à commander plein de trucs - quoi, je me souviens plus. Hic. C'était bon. Au début. Après, j'ai commencé à enchaîner les verres sans qu'ils n'aient plus aucun goût. Pourtant, j'veux dire, un verre de cognac, ça se sent normalement.

Bwah.

Je crois que j'étais trop triste pour compter le nombre de verres que j'ai commandé. Je sais juste que j'ai fait une pause à un moment parce que j'avais envie de vomir. Et puis parce que je pensais trop. Aux Nephils, à mon voeu, à mon père, aux espions, à ma mère qui doit pleurer sur sa bible en priant pour que je me téléporte dans le salon.Je repense à mon grand frère, qui a toujours voulu me protéger. Qu'est ce qu'il me foutrait comme claques si je lui disais que je veux m'engager dans une armée invisible au commun des mortels qui affronte des monstres suceurs de mauvaise humeur...

Je me mets alors à rire doucement en fixant le liquide au fond de mon verre qui tourne, tourne, touuuurne... Ah... Je crois que je vais vomir... Je fais alors tourner le tabouret ou je suis pour balayer la pièce du regard. J'ai déjà fait la même chose que j'ai rencontré Lenna. Après ça, j'ai tué un homme. Genre, d'ici peu de temps, je vais sûrement être recherchée - ou pas si c'était vraiment un truand dont le monde se passera sans doute...

Je réfléchis à un voeu. Je ne trouve pas d'idée. Je vais peut être souhaiter avoir une idée de voeu. Même si... Hic. Je doute que ça fonctionne... Je soupire alors profondément en riant à nouveau. Ce que je peux être pathétique : je me suis bourrée la gueule, toute seule, dans un bar devant un mec qui essuie des verres en surveillant mon état d'ébriété, à la limite du coma éthylique. Franchement, jusqu'où je vais bien pouvoir tomber ? Y'a un fond ?

"A votre avis... On se suicide à partir de quel moment ? Le moment où on touche le fond, ou le moment où on sait qu'on va toucher le fond, et qu'il faut pas, sinon on va se suicider ?"

Oula, même pour moi c'était pas clair. D'ailleurs ma voix me paraît un peu plus aiguë que d'habitude. Sûrement une illusion d'optique. Heu... Non. D'ouïe. Quelque chose dans ce genre là. Et puis d'ailleurs, à qui je parle moi ?!

Une voix me parvient et me paraît terriblement lointaine - peut être que j'ai déjà touche le fond, du coup les gens à la surface me paraissent inatteignables. Je tourne mon tabouret vers un homme, assis à côté de moi, qui sirote tranquillement son propre verre. Je soupire en le dévisageant sans  pour autant le voir. Si ça se trouve j'hallucine. Qui aurait bien pu s'intéresser à la poivronne que je suis aujourd'hui ?

Je repousse une mèche violette de ma vue, tatant la surface du bar à la recherche de mon verre.

"J'ai la chance de pouvoir souhaiter une chose, n'importe quelle chose en étant sûre que ça va se réaliser... Et je suis incapable de trouver ce que je veux. Peut être que je n'ai aucun intérêt à rester en vie. Peut être que c'est ça le fond, vivre sans avoir aucun but ni aucune envie."

Ça résonne bien trop déprimant à mes oreilles que ce que je croyais. Je déprime peut être ? Après tout, tout le monde a une envie, quelque chose qui lui tient à coeur, j'veux dire. Même un truc con. Moi le seul truc qui m'est venu en tête c'est de devenir Harry Potter. Après je pourrais souhaiter résoudre les problèmes de tout le monde, pouvoir les rendre heureux, empêcher les autres de mourir. Je sais pas, un truc qui peut servir à quelque chose. Au lieu de ça, je suis trop égoïste pour vouloir souhaiter quelque chose de personnel.

Une nouvelle chose à ajouter sur la liste de mes vices : l'égoïsme.

"Je voudrais être libre, je voudrais avoir des amis. Mais ça, pas besoin de faire un voeu pour l'obtenir. Du coup, j'suis paumée. Paumée. Pauméeeeeeee."

Je pose alors mes bras sur le bar, enfoui ma tête dedans en attendant une réponse. Je me demande si ce gars existe - maintenant je me pose des questions. Les gens vraiment bourrés peuvent inventer des trucs vachement poussés. Je suis peut être fortement bourrée, ceci dit. Je tourne alors légèrement le tête sur le côté, ressors à la lumière du jour un de mes yeux fatigués, histoire de vérifier qu'il existe vraiment.

Ah ouais. Il est toujours là.

Comment pourrait il savoir que c'est mieux de faire son voeu rapidement ? Je l'observe toujours en coin, plissant les yeux pour mieux le détailler. Mais j'ai l'impression de le voir de loin, et d'être incapable - mais genre, vraiment incapable, de prétendre me souvenir de lui dans quelques heures. La, je crois que je me noie dans l'alcool. D'ailleurs, il disait quoi déjà ? Je soupire lourdement en me redressant un peu, demandant un nouveau verre au barman, qui semble presque hésiter en me voyant tituber sur ma chaise. Oui, je sais que je titube. Le tabouret crisse. D'ailleurs ce bruit est horrible.

"Vous feriez quoi, vous, si vous pouviez souhaiter n'importe quoi ? Moi je ne sais pas. Être immortel, c'est horrible à mon avis. Être invincible, ça doit être insupportable à force. Je sais pas quoi souhaiter. Devenir une peluche ? Devenir un cactus ? Ne jamais m'étouffer en mangeant de la semoule ?"

Je joue avec mon verre du bout des doigts, sirote tranquillement l'alcool qui me brûlent la gorge en affichant une mine très clairement contrariée. Je déteste être perdue, encore plus quand c'est dans mes pensées, parce que personne ne peut m'aider à retrouver le chemin. Si ce n'est mon deuxième moi, ou la 22 ème voix qui cause actuellement dans ma tête. Je soupire et retombe encore plus lourdement sur la table en lâchant un "blblblbl" de désespoir.

Le même qu'avant. La chance que t'as, d'avoir eu une idée avant. Je soupire tout en songeant à un voeu avec un peu plus de sens, mais étrangement je ne trouve rien à souhaiter si ce n'est disparaître sous terre et hiberner pour les 6 prochaines années. Quand sa voix me parvient et me demande si je vais réussir à rentrer, j'affiche un sourire contris puis mes épaules se soulèvent.

"Je sais plus où j'habite."

Je ris légèrement en sentant mes doigts se crisper sur mes propres bras. Ça fait un peu mal. L'alcool me monte dans les narines, si bien que je suis obligée de me frotter le front pour faire passer la douleur.

"Je vais souhaiter savoir où j'habite."

Le regret d'avoir pu dire un truc aussi nul me rattrape alors et je souris à nouveau en observant mon interlocuteur droit dans les yeux. Puis mon rire de gamine prépubère se perd entre deux gorgées, l'espoir vain mais bien présent qu'il m'oublie une fois mes esprits retrouvés... Parce que, après tout, s'il me parle de voeu, et qu'il en a déjà fait un ça veut dire que...

Oh merde.

C'est un contractant... Comment j'ai pu être aussi longue à la détente ? Ah oui, c'est vrai, en étant fortement bourrée. Mon sourire s'efface légèrement et ma tête se penche sur le côté :

"Quel chat ?"

J'espère qu'il va comprendre ma question, ça peut paraître louche si ce n'est pas un nephil ou un seraph. Intérieurement, je prie pour qu'il soit un rouge. Et puis de toute façon, qu'est ce qui me dit qu'il va me le dire ? Si ça se trouve il va juste ignorer ma question. En tout cas si c'est un bleu, il va falloir que je désaoule vite pour éviter de raconter des trucs trop compromettants. Genre, je veux pas que John ou Rekor ne meurent sous prétexte que j'avais un coup dans le nez.

Obligés de s’entretuer hein ? C'est pas énorme ça. Niveau galère on atteint le seuil qui me ferait presque changer d'avis. M'enfin je dis ça, je serais incapable d'oublier un traître mot de ce que Rekor ou John m'ont dit. C'est un comble quand même, de se rendre malade pour quelque chose qu'on pourrait finalement éviter et faire comme si on ne savait absolument pas de quoi il s'agissait. Seulement voilà, il y a cette guerre entre les clans, qui me rend toujours un peu perplexe quand j'y pense. Après toutes les rencontres que j'ai faites avec des contractants - et il y en a quand même eu pas mal, j'ai cru remarquer que cette bataille est au coeur de tous les débats.

"C'est si radical que ça ?"

Puis je soupire, bien consciente que même bourrée, insister sur ce sujet relevait de la pure débilité. Et même si je suis pas mal habilitée dans ce domaine, je vais éviter de me faire tuer si jamais nous sommes effectivement ennemis. Ou futurs ennemis. Peu importe finalement qu'il soit l'un ou l'autre.

"Hé bien écoute, si tu es devin je suis preneuse. J'déconne pas quand je dis que je suis paumée... Mais malgré tout je ne suis pas contre un peu d'aide."

Mes bras s'étirent alors vers le haut alors que j'observe mon verre fraîchement rempli abandonné sur le bar. Ce serait le verre de trop. Ouais. J'ai déjà dit ça y'a 6 ou 9 verres. Je souris légèrement en me penchant dangereusement du côté.

Oh merde. Je vais tomber. Je ferme les yeux, m'attends à goûter au sol. Tiens Nemesis, ce sera bien fait. Et toi, tu compte rentrer ? Même accompagnée je vais finir pour mourir dans cet état !

Je ne touche pas le sol. Oh. Y'a de la magie dans l'air ! Ah. Non. C'est juste lui qui me retient. Dieu merci. Je lui souris d'un air gêné et un soupir vient se perdre dans le silence qui résonne autour de moi.

"Désolée, je n'attire que des ennuis. Et sinon euh... Je m'appelle... Nemesis de la Rose. M'enfin non, ici je m'appelle Cristal Morgan. Nemesis c'est mon vrai nom. Fin du coup je m'appelle Nemesis mais genre, seulement pour les intimes. Ma maison est au nom de Cristal..."

Je ferme les yeux et me tait. Ça suffit, je m'enfonce toute seule là. Je laisse échapper un léger rire puis finis par annoncer d'une voix presque triste :

"'Fin voilà. Je m'appelle Nemesis, et toi ?"

J'observe la sortie du bar, consciente soudainement du manque d'air qui me serre la cage thoracique. Omg mais qu'est ce qui se passe tout à coup ? J'ai chaud, ma vision est floue. J'ai trop bu, ah, ça j'en suis plus que sûre et certaine. Heureusement qu'il est là, même si, par malheur il vient à être Seraph. Je pense que je commence à désaouler. Oula oui, je commence à remarquer que je suis clairement pathétique...

Potentiellement, j'aurais du ne pas réussir à retenir son nom, vu mon état. Mais je fais un effort surhumain, actuellement, pour forcer mon cerveau à enregistrer l'information. Russel. C'est noté. Je lui souris puis acquiesce quand à mon transport dans sa voiture. Je ne le connais pas, mais il a l'air bienveillant. De toute façon c'est un contractant alors j'espère bien qu'il est bienveillant. Hum. L'un n'empêche pas l'autre. Même si quand on est contractant, c'est difficile d'être bienveillant, on est plutôt meurtrier, quelque chose comme ça.

"C'est loin ?"

Ma voix devient presque un soupir à la fin de ma phrase, le mouvement retournant mon estomac. Pas vomir, Nemesis, pas vomir. Je secoue doucement la tête en espérant que la migraine passe, mais en vain, j'ai l'impression qu'un marteau est actuellement en train de refaire la déco dans ma boîte crânienne.

"T'aurais pas une idée de voeu pour moi ? Genre, un voeu bateau, le truc qui peut marcher sur tout le monde ? Je sais vraiment pas quoi faire..."

Mes yeux se ferment tout seuls au moment où je finis ma phrase, et je lutte pour ne pas m'évanouir, m'appuyant de toutes mes pauvres forces sur Russel. Bon, ça va, il a l'air solide. J'veux dire, on devrait pas tomber à deux. Parce que si ça arrive, lui aussi a un peu bu. Je sais pas comment on ferait pour se relever, puis ensuite, pour rentrer. Ce serait comique, quand même. La gamine ivre et maladroite qui, accidentellement, attire encore et toujours plus d'ennuis. Admettons, ça choquerait personne finalement.

"Mais tu comprends pas Russel !..."

Je m'accroche à lui et le fixe dans les yeux avec un regard plus que désespéré. Bon. Mes mains relâchent un peu l'homme qui m'accompagne et mes pas me dirigent seuls jusqu'à la voiture. Enfin je présume qu'on va jusqu'à la voiture, moi je me contente de suivre Russel d'un air dépité. Un soupir s'échappe de mes lèvres et je secoue la tête légèrement.

"Promis je ne vomirais pas."

Je m'engouffre dans la voiture et m'assois côté passager. La place du mort comme on dit. Un frisson parcourt ma colonne vertébrale et je demande à Russel d'une voix un peu hésitante :

"Heu... Tu vois pas flou ? Tu sais rouler même bourré ? J'veux dire... Ah... De toute façon je te fais confiance... J'imagine que... Je vais pas mourir comme ça..."

C'est plutôt décousu ce que je dis. Ça veut rien dire, même. Enfin si, mais ça ressemble pas à grand chose. Enfin non. C'est compréhensible, disons. Juste à peine au dessus du langage animal. Je soupire alors que je m'énerve toute seule, puis ferme la porte tranquillement avant de poser ma tête dessus pour observer le parking. Alors c'est ça ma vie ? Un ramassis de conneries ? Un vieux truc décousu sans aucun sens ? C'est vraiment triste, comme histoire. C'est même pas une histoire en fait. Ma vie c'est rien. C'était mon frère, c'était ma mère. Puis ce fut mon mariage et mon père. Ma vie, c'est rien...

Je hoche la tête une seconde avant d'évaluer sa question. Contracteur, et non contractant. Et à vrai dire, je n'ai vu aucune des deux peluches - même si j'imagine qu'elles attendent juste le bon moment pour agir. Mes mains se croisent alors sur mon ventre et je m'affale dans le siège comme une bonne vieille feignasse digne de ce nom. J'ai beau avoir les idées plus ou moins claires, avec quelques grammes d'alcool dans le sang, il est évident que je ne fais pas illusion, hm ?

"Eh bien à vrai dire, j'ai rencontré un Nephil pour la première fois il y a deux semaines."

Un soupir s'enfuit de mes lèvres et j'observe le tableau de bord : deux semaines. Déjà ? C'est passé en un éclair - il faut dire que ça occupe les journées d'avoir un sujet tel que celui ci à décortiquer. Après avoir appris pour Aoba, j'ai eu un peu de mal à me décider si oui ou non je voulais toujours de cette vie. Il avait l'air si effrayé... Un essuie glace mental s'amuse à balayer ces quelques pensées sinistres et je tourne la tête vers Russel.

"Ceci dit, je n'ai encore jamais vu de chat."

Je lui souris légèrement avant de me taper le front d'une main raide comme un mort.

"Merde, on avait dit qu'on ne se dirait pas de quel camp on est... Désolée..."

Faut se l'avouer. Je suis vraiment pas douée, c'est un fait observable et mesurable. Je pense que je dois être à 19 sur l'échelle de la débilité.

Un arrêt soudain me surprend, mais comme je suis encore dans le cirage, le seul réflexe que j'ai est de ramener mes genoux contre mon torse en observant Russel d'un regard inquisiteur. Oublier ? Continuer ma vie normalement et comme si de rien n'était ? Nan mais ça va pas ou quoi ? Je fronce les sourcils tandis que la voiture reprend son allure sur ce chemin qui me menait tout droite chez moi. Mais bordel, qu'est ce qu'ils ont tous à être aussi déprimés ? Je veux bien que ce soit la guerre, mais c'est aussi une chance inouïe qu'ils ont. Même si elle est bien cachée par la mort, la peur, la tristesse et peut être parfois la solitude.

J'ai l'impression de devoir ressortir les mêmes arguments qu'avec Rekor pour me justifier. Mais vu l'état de ma tête, je me contente de soupirer lourdement en observant de nouveau le décor qui défile.

"C'est quoi cette manie de contractant de toujours vouloir me décourager ? Je sais bien que vous êtes des assassins en série, des gens qui se battent pour une cause qu'ils ne comprennent pas tout à fait et je ne sais quoi encore, on me l'a déjà expliqué... Mais moi ma vie c'est quoi ? Un résidu de mon passé, sans queue ni tête. Je n'ai envie de rien, je n'ai besoin de rien. Je suis seule, je suis triste, je suis nulle et je ne sers à rien. Alors vous êtes peut être des tueurs, mais si ce Nephil n'avait pas été là ce soir là, je me serais suicidée ! Vous sauvez des gens. Vous faites à la fois le bien et le mal. C'est cent fois mieux que de ne rien faire du tout."

Finalement j'ai quand même cédé. Ma voix, tremblante, me fait amplifier ma prise, resserrant encore mes genoux. Je ne dois pas pleurer. Surtout que ma décision, aussi radicale soit elle, est prise, et fermement. Je ne changerai pas d'avis. Parce que la rengaine là, je la connais. Alors même si c'est bien malgré moi, c'est comme ça.

"Décider de reprendre une vie qui n'a aucun sens, ça, ça n'a aucun sens."

Quelle phrase philosophique, je devrais boire plus souvent et me mettre à l'écriture d'un roman. Quoique j'ai déjà essayé, je ne connais pas assez le monde pour espérer en faire une pâle adaptation. C'est triste quand même, d'avoir une existence aussi terne. Sans haut ni bas, juste une chute qui mène irrémédiablement à la mort. Wow, c'est tellement triste.