Ce soir, je sors le maquillage, la robe et le grand jeu. Pas que je soit ici pour chopper de la chaire. De toute facon, je m'ennuie facilement des jeux de séductions quand je les sais gagner d'avance. Nan, aujourd'hui, le constat est sans appel : je me sens pas assez bien pour rester sobre. Mais mon compte bancaire m'interdit formellement d'avoir des frais ce soir. Sous peine de trouver le gout des pâtes aux beurre un peu trop fade pendant la fin de mois qui suivra.
Du coup, je m'assoie dans une table dans un coin, de sorte a pouvoir avoir de visu une grande partie de la salle du New Heavens. Je soupire en attendant qu'un pigeon veuille bien me payer un petit exutoire pour mes démons. Histoire que je ne provoque pas de retard demain pour ceux qui prenne la ligne de train qui dessers les alentours de la ville.
Aussitôt assise, aussitôt extirper de cette sombre pensée.  Le barman vient de m'aborder avec un petit verre en triangle. Ce type déguisé en pingouin me désigne du moignon un homme seul. Cet ahuri de second zone vient apparemment de m'offrir à boire, un martini. C'est dommage, premier contact, première fausse note : il n'a pas de très bon gout en matière de cocktail. Rien ne vaut un mojito avec beaucoup de citron et de rhum.
Et en plus de ça, il a l'air vraiment d'un petit con assez ambitieux pour croire que je lui plait. Le type a l'air froqué comme un bourge, mais qui suis je pour juger ? je suis moi même sapé comme un petit cliché ambulant de midinette citadine. Le fait qu'il soit aisé m’embête pas, je peux essayer de lui racketter un dinée au resto, pourvus que le repas ne soit pas composé de riz ou de pâte au beurre.

Je remercie donc le serveur et le type d'un mouvement du menton et d'un sourire. Mue par une vielle habitude, je trempe discrètement mon doigt dans le martini. Dit comme ça, ça fait pas très hygiénique voire dégueulasse, mais au moins, le test s’avère positif. A peine en contact avec l'alcool que mon vernis commence doucement à se teindre en noir. Signe qu'il n'y a pas qu'un peu de cocktail vendu a prix d'or dans ce verre. Mais probablement un genre de merde médicamenteuse qui traine souvent en soirée. Les gens réunissent tout une famille de médoc' sous le même étendard en appelant communément ça "drogue du violeur".
Merde, ce connard a pris mon sourire pour une invitation a squatter ma table et il se dirige vers moi... Merde, merde, merde... Je transforme ma grimace furtive en sourire radieux et j'engage la conversation chaleureusement tout en cherchant des yeux une porte de sortie. Je fais mine de discuter et j'en profite pour trouver une issue de secours. Mon regard tombe sur une fille aux cheveux bleu néon. Je pris intérieurement pour que l'on se connecte sur la même onde l'espace d'un instant et je me lance à la cantonade :

Hey,  Luna Feelgood ! Ca fait un bail depuis la fac ! Tu deviens quoi ? Ca fait au moins cinq ans qu'on s'est pas vu !

Je me leve pour rejoindre sa table subitement. S'il te plait trésors, évite moi ce moment de solitude et capte mon message...

Nina ! Oui, ça doit faire 7 ans. Je t'ai pas reconnus du premier coups d'oeil ! t'as changé !     

Merci, merci a toi petite créature a la chevelure bleu radioactive. Tu viens de me sauver en  m'épargnant 50 minutes passionnante de discutions avec un connard.
Oh ! Mais c'est génial ! Et en plus de ça elle se permet même le luxe de bien l’humilier en public. C'est vraiment cool, j'ai l'impression d'avoir lié l'uber utile au désagréable. Franchement, si elle est capable d’humilier quelqu'un de 80 bons kilos d'une pichenette, j'ose a peine imaginer un coup de poing.
Elle continue la conversation factice, mais l'autre autiste a pas l'air de comprendre le concept de "Tu as perdu 8 dollars et une bonne partie de ta dignité, alors casse toi (s'il te plait)."

Hey on dicutait ! Salope

Je n'accorde plus beaucoup d'attention a ce type. Lui parler revient a gacher mon temps. Mais il ne m'aura plus ou moins été utile pour ce soir. J'ai plus ou moins rencontré quelqu'un de bad ass grâce a lui.  

Merci meuf, tu me sauves la vie. Ce con a faillit me gacher ma soirée

Au fait, j'oublie la politesse la plus élémentaire envers ma sauveuse.

Au fait, mon nom est Nylian Hunt.

 

Le connard semble s'éloigner de la table. Je profite d'avoir la parole et d'attirer son attention pour vider le martini dans une petite plante juste derrière ma chaise. Ouais, je sais, c'est cliché.

Ouaip' assez souvent, mais jamais aussi tôt dans la soirée a vrai dire. Si vous voyez une fille étrange qui chantonne "It's a small world" dans le quartier à quatre heure du matin, y'a de forte probabilité que ce soit moi en effet...

Je lui sourie pauvrement en la regardant, mais mon oeil se perd un peu à sa gauche. L'autre connard est toujours là à une table un peu décalée. De sorte a ce que je puisse voir sa nuque. Même si je suis occupée actuellement, je dois vérifier s'il essaie pas de m'offrir a nouveau un verre a quelqu'un. Je regarde par réflexe ma manucure comme pour me convaincre de sa culpabilité. Maintenant, j'ai un ongle de vernis en train de devenir noirâtre alors que la couleur des autres est plutôt crème de base.
L'idée de venir le voir et lui foutre un pain est plaisante, vu que Elliade a pas l'air de porter ce genre d'individus dans son cœur. Mais j'ai pas envie de me faire prendre une raclée. Et puis si c'est pour jouer un cliché vivant de petite princesse fragile qui a besoin qu'on la sauve, je passe mon tour.
Le serveur se pointe avec un mojito. Je n'ai pas pris de consommation et je me sens gênée sur le moment : Mon compte est a sec et la seule maniere de boire actuellement est de me faire offrir un verre. Comme j'ai moyennement envie de racketter la fille ou d'accepter un autre verre de la soirée, je me contente juste de me justifier quand le serveur s'éloigne.

Je crois que j'ai assez bu pour ce soir.

Petit mensonge. Je suis tristement sobre.