Spoiler:

Quelle plaie… Curse se prit une taloche pour le soupir profond qui venait de lui échapper. Après avoir remis en place sa cervelle, Véro s’abaissa devant lui pour ajuster son nœud papillon qu’il n’arrêtait pas de desserrer. Il étouffait là-dedans. Cela faisait déjà une bonne demi-heure qu’ils attendaient tous à devoir se taire, sans bouger, répétant la chanson débile qu’ils avaient dû apprendre pour convaincre les donateurs de rénover l’orphelinat.

- Un dernier petit effort, et je te promets un éclair au chocolat.

A ce stade-là, même une pâtisserie ne pouvait l’acheter. Alors quand le groupe passa devant une porte de sortie de secours laissée entre-ouverte, le gamin joua au courant d’air et profita de l’agitation pour se faufiler à l’extérieur. Véro pensait trop à son estomac, alors qu’il n’y avait que la liberté qui l’habitait. Il ne songeait même pas à une ombre, pas même une toute petite, tout au bonheur de se retrouver sur le parking à l’extérieur.

Il tomba alors sur une splendide voiture. Presque aussi belle qu’un avion. Il posa sa main crasseuse dessus, observant qu’il se voyait dedans. N’observant pas du tout que quelqu’un d’autre l’observait lui, de l’intérieur.

HRP:

Course habituelle pour moi. J'avais pris ma soirée spécialement pour servir de chauffeur privé avec deux notables de la ville en quête de contrat juteux et de bonne réputation. Donc prestige oblige, j'ai  sortie Gloria de son garage. Une fois la petite course faite, j'ai trouvé une place dans un parking payant encore relativement vide, soirée en pleine semaine oblige. Une fois dans le fond du parking désert, j'ai malheureusement "emprunté" quatre places au lieu d'une.
Dans la cabine, je savourais la petite pause dans mon planning nocturne. Ça se limitait à écouter du jazz à la radio en buvant un thermos de café. Puis j'ai aperçu du mouvement du coin de l’œil. Une petite silhouette dans le parking bien éclairé. J'ai facilement identifié la carrure d'un gamin d'à peu près 6 piges qui s'approchait doucement de Gloria. Les étoiles dans ses yeux ne laissaient pas vraiment de place au doute. Il était probablement en train de dévorer Gloria du regard.
Amusée, je le laisse approcher. Après tout, les vitres son teintées, il peut difficilement m'apercevoir. Mais cet amusement est de courte duré et s'estompe totalement en voyant l'état du gosse : il est sale. Doublé qu'il a la bonne idée de toucher à ma voiture. Ni une ni deux je dépose mon thermos de nectar caféiné pour baisser la vitre.

« Salut petit. Tu traînes souvent ici seul à cette heure ? Tu n'as pas peur des monstres qui rodent la nuit ? »

Le ton se veut rassurant et amical. Mais je cherche à l'effrayer un peu histoire qu'il aille pleurer dans les jupes de sa mère. Après tout c'est pas vraiment normal qu'un môme se balade dans ce lieux glauque à cette heure de la nuit. Et puis les monstres... Pas vraiment besoin de faire un dessin, certains humains n'ont d'humanité que l'apparence. On a pas besoin d'invoquer l'image des monstres pour se faire peur à Palema. Quand on connait même très vaguement les hautes sphères de qui régissent la ville, l'idée de monstres qui grouille dehors la nuit serait presque réconfortante. Où alors le problème c'est que j'en suis devenu un aussi, à ma manière. A croire que ma nonchalance se change en cynisme.

Pendant que j'ouvre la conversation, je saisis la peau de chamois dans le vide poche de la voiture. Bien décidé à retirer cette trace quand le gamin sera partie. En attendant, je n'ai pas grand chose a faire d'autre que d'essayer de le virer.

Alors qu'il observait son reflet dans la carrosserie brillante de la voiture de taille exceptionnelle, un bruit sur le côté le fit relever la tête et lâcher des doigts le capot. Une vitre s'était ouverte, et une jolie madame lui adressa la parole.

« Salut petit. Tu traînes souvent ici seul à cette heure ? Tu n'as pas peur des monstres qui rodent la nuit ? »

Le mioche s'approcha de la femme, et posa ses mains sur la portière, afin d'être assez près pour qu'elle puisse juger de sa bogossitude admirable chez quelqu'un de son âge. Oui, son plan était des plus clairs.

Nan, c'pasque j'voulais pas chanter !

Il haussa les épaules, alors qu'il lâchait la portière pour s'attaquer à son noeud papillon qui lui faisait vivre un enfer.

Y'a pas de monstre ici, y'a de la lumière.

Les vrais monstres ne sortaient que des recoins obscurs, tout sombre. Ici, il y avait des lampadaires. Donc aucun risque en so.

T'appelles comment ? T'as quel âge ? T'es mon amoureuse ?

Il lâcha son noeud pap' qui faisait de la résistance pour lui adresser un sourire sincère et plein d'espoir.

Il posa sa main une deuxième fois sur la portière, celle de l'avant cette fois. Je serre un peu les dents comme si je ne voulais pas exprimer un cri du cœur qui menaçait de sortir de ma gorge. Il m'offre sa trombine un peu angélique surmontés de deux yeux d'un éclats étrange. Surement la faute a la lumière jaunâtre des lieux.
Mais je ne me ferait pas tromper. Pour avoir dînée avec des amis ayant presque le même modèle, je sais derrière cette tête d'ange se cache un petit démon machiavélique. Ou alors juste un enfant lambda de 5 ou 6 ans, mais ça revient au même, non ?

Nan, c'pasque j'voulais pas chanter !

Pas chanter ? Quel rapport ? Ah... J'ai compris, c'était un orphelin. Lui aussi participait à la soirée caritative de l’orphelinat local que fréquentait les deux clients de la soirée. Mais cet enfant était probablement du mauvais coté des invités.

Y'a pas de monstre ici, y'a de la lumière. T'appelles comment ? T'as quel âge ? T'es mon amoureuse ?


Réponse probablement logique dans la tête du gosse j'imagine. A cet age là on est persuadé que si l'on reste enroulés sous la couettes les monstres, les cambrioleurs et les clowns ne peuvent pas nous atteindre.
Mais comme je le vois galérer, je me penche pour l'aider à desserrer son nœud papillon. Je peux me permettre de toucher la peau crasseuse du môme puisque j'ai des gants.

« Je m'appelle Carmilla, j'ai 27 ans et non je ne suis pas ton amoureuse. Et toi t'as des amoureuses ?  »

Pendant que je lui répond, j'arrive a desserrer le nœud qui est a son collet. Juste ce qu'il faut pour qu'il respire un peu mieux et que la gène s'estompe. Mais je ne le défait pas.

« Et tu comptes revenir avant que tes amis ne te laisse tout seuls ici sans pouvoir revenir ? »

Le gamin respira un bol d’air alors que la pression autour de son cou s’atténuait. Peu timide, ni méfiant il continua de converser avec la belle dame. Carmilla.

Oui. C’est Nelysta. C’la plus belle. Carmilla c’est comme Camille ?

Il haussa les épaules à la question suivante. Elle était bien loin de ses préoccupations actuelles. Il se tourna et désigna du doigt le bus qui les attendait sagement sur le parking.

J’y verrai quand y partent.

Il avait réponse à tout et c’était bien ce qui était agaçant chez ce morveux.

J’y peux monter dedans ?

Alors qu’il avait hésité à grimper dans la voiture de David qui lui avait sauvé la vie, la perspective d’observer de plus près une voiture de cet acabit lui faisait oublier toute prudence. C’était une fille aussi. Les filles ne faisaient pas peur. C’étaient elles qui faisaient ce que les hommes décidaient. Alors il n’avait pas peur d’elle. Absolument pas. Et elle était trop jolie pour être un monstre déguisé. Cela expliquait le comportement de Curse plutôt envahissant à son égard.

Oui. C’est Nelysta. C’la plus belle. Carmilla c’est comme Camille ?

Je hausse les épaules. Carmilla était un pseudo. Une identité que j'avais prise. Même si j'avais pris l'habitude de me retourner a chaque fois qu'on prononçait les syllabes, je n'y était pas pas particulièrement attaché. C'est peut être pour ca que le fait qu'il l'écorche me laisse indifférente.

« Pas vraiment. Mais quel est ton nom au fait ? »

C'est peut être mieux que je le lui demande. Après tout, si je dois le ramener c'est probablement plus pratique.

J’y peux monter dedans ?

Je songe au mini bar, remplis de verrerie et de champagne de prestigieux millésime et l'idée que ce gosse se trouve a l'intérieur donne un genre de vision. Une image mentale qui a quelque chose d'effroyable, j'en aurait presque des frisson d’horreur.

« On ne t'a jamais dis de ne pas monter dans les voitures des inconnus ? »

J'invoque une petite défense qui saurait faire mouche si on lui a déjà inculquer la notion de danger. Mais comme c'est un orphelin, je me sens tout de même obligée de faire un geste pour lui.

« Mais si tu promets d'être sage et de rentrer calmement avec les adultes, tu peux aller a l'avant avec moi. »

En disant ces mots je sors de la voiture avec l'intention de lui ouvrir la portière comme la gentleman que je suis.

« On ne t'a jamais dit de ne pas monter dans les voitures des inconnus ? »

C’était vrai. Mais on lui avait dit de ne pas monter dans les voitures des hommes qui lui donnaient des bonbons. La dame, là, elle avait une belle voiture, immense en plus. Le gamin pesa le pour et le contre, coincé entre deux façons de voir les choses.

Si.

Soudain son visage s’éclaira, ayant trouvé la parade.

Mais, toi j’y t’y connais. T’y t’appelles Carmilla.

Logique pure et simplette qui ne s’appliquait que dans le cas présent. Il avait hésité avec David, alors qu’il le connaissait certainement plus que la dame, mais lui était un monsieur, elle une madame. Et puis la dernière fois il aurait bien voulu prolonger un peu son escapade. Là, il ne s’agissait que de s’amuser, sans bouger. Sauf que ce n’était pas l’avant qui l’intéressait.

J’peux pas voir dedans derrière ?

Il se baissa un instant, comme s’il ramassait quelque chose, tendant alors Toudou qu’il plaça alors sur la portière, à l’endroit de l’ouverture.
Toudou était une protection évidente. Il lui dirait si elle faisait des choses pas gentilles. Il l’avertit.

C’pour te surveiller.

Si. Mais, toi j’y t’y connais. T’y t’appelles Carmilla.

Logique imparable. C'est donc ça l'incroyable niaiserie devant laquelle on s’évertue à s’émerveiller ? Tss...  

J’peux pas voir dedans derrière ?

Parlé avec lui revenait a s'adresser a un mur. Je sais pas pour vous, mais les murs n'ont jamais eu de conversation intéressante. Et se cogner dessus avec acharnement me donnerai au mieux, une migraine assez tenace.
Suite à ça, il ramassa son ours en peluche poisseux et l'installe là où la vitre s'abaisse. Gravité oblige, le nounours tenu deux ou trois seconde en équilibre avant de tomber du coté de l'habitacle.

Hum... ? Je fais quoi ? Je m'énerve ou j'essaie de jouer le jeu ? J'ai pas envie qu'il  salisse l’intérieur de la limousine. Bon, je vais essayer de le distraire, de faire bonne figure, même si je ne suis pas douée avec les enfants.
Cette réflexion m’amène a un autre problème : Ils aiment quoi les gosses ? Hum... Ma seule expérience en la matière est le jour ou j'ai gardé un chien pour une amie partie en vacances... Bon, j'imagine que c'est assez semblable les deux non ?

C'est donc la tête remplie de bon sentiments que je lance le doudou de l'enfant au loin dans le parking avant de simplement dire « Va chercher »

Elle… Elle… Il n’y a pas de mots pour décrire l’horreur dont Carmilla venait de se rendre coupable. Curse ouvrit muettement la bouche avant de la refermer pour lui adresser son regard le plus noir dont il avait le secret. Il se précipita pour récupérer l’ours, qu’il cala gentiment sous son bras, avant de dégainer son lance-pierre, bien au chaud dans son pantalon. Il n’avait pas de gros cailloux, mais cela devrait faire l’affaire.

Et si ça tournait mal, il lui suffisait de courir à toute vitesse dans la salle, en l’accusant d’avoir voulu le kidnapper. Un sourire narquois s’étendit sur ses lèvres alors qu’il lança le premier caillou depuis sa position éloignée d’une portière.

Je n'ai jamais compris les enfants. Les adultes encore, ca allait. On pouvait facilement cerné les motivations d'un adultes. Mais un gosse était un électron libre, un genre de point d'interrogation que je n'avais jamais pris le temps de comprendre. Quand j'ai vu la tête décomposée du gamin, je me suis souvenu que je devais probablement empathique. Même si je ne savais pas vraiment qu'est ce qui avait provoqué cette peine.

Mais soudainement, le gamin s'est fendu d'une expression furieuse. Il a couru attraper son ours avant de saisir un lance pierre. Mon cerveau n'a mis d'un instant a comprendre les horribles desseins du diablotin.

"NAN !"

ma voix résonne avec force dans ce parking. J'ouvre la portière, m’éjectant du véhicule. quitte a salir mon uniforme il faut que protège Gloria de ce dingue. Faut que j'intercepte son obus maléfique !

Jet de dé:

Le membre 'Carmilla Woods' a effectué l'action suivante : Les joies du hasard

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'Dé classique' :

Le caillou atteignit sa cible avec un craquement caractéristique. Touché !

Ouais ! Dans ta face !

Le gamin serra le poing de victoire et adressa un grimace à la mauvaise adulte qui jette des peluches. Il se hâta ensuite de décamper à toute vitesse vers la salle des fêtes. Quelque chose lui disait qu'elle n'allait pas être contente. Rien que sa tête n'augurait rien de bon.

Il ajouta une dernière insulte.

Caisse de merde !

Je n'entendais plus rien. Plus depuis le bruit de l'impact. Je m'étais retourné pour constater l'état de Gloria. Mes yeux s'agrandir en prenant conscience du désastre. Un motif de toile s'était incrusté dans la vitre arrière. L'impact avait été rude.

"NAN ! Gloria ! "

J'en ai presque les larmes aux yeux. Le môme s'enfuie comme un lâche. Le temps que je me rende compte de sa disparition, il doit être déjà loin. L'idée de le poursuive me frôle, je me remémore même que j'ai un desert eagle dans la boite à gant. Mais non, je l'efface. Restant au chevet de ma voiture. Je pousse un soupire.