Description des lieux:

Marco s’éloigna de la porte avec une grimace censée booster sa discrétion. A dire vrai elle ne parvenait qu’à plisser ses yeux et étirer sa moustache déjà bien large, le tout pour un résultat médiocre. Il pivota sur lui-même, ses chaussettes glissant sur le parquet sans n’émettre autre chose qu’un frottement à peine audible. Comme d’habitude le bois gémit plaintivement sur ses derniers pas, le forçant à suspendre ses mouvements, à l’affut de la moindre réaction. Rien. Il s’autorisa un bref soupir nasal et quitta enfin le couloir.

Un regard à l’horloge lui appris qu’il avait mis vingt-minutes. Soit six de moins que la moyenne des autres soirs. Il effectua silencieusement le signe de victoire universel consistant à mimer une traction d’un seul bras et, tout sourire, s’installa à table. La viande était à peine chaude mais pas question de la passer au micro-onde. Ce serait la défaite assurée. Au lieu de ça il alluma la télé et au rythme des images muettes qui y défilaient, mangea précautionneusement sans émettre le moindre son.

Une journée qui s’achèverait comme tant d’autres dans le silence réconfortant d’une vie bien rangée.

Marco suspendit un instant sa fourchette à mi-hauteur. Il tourna la tête en direction du couloir pour n’y voir qu’une obscurité à peine grignotée par la lumière de la veilleuse qui se glissait sous la porte de la chambre d’Anna. Il renifla et haussa des épaules. Quand il revint sur la table la vue du chat blanc le fit sursauter et il lâcha sa fourchette. Le choc de l’étain contre l’assiette le fit grimacer.

-Bon sang de…

Il avala la suite de ses mots, conscient qu’un de trop lui assurait une nouvelle demi-heure près du lit. Il ramassa son couvert et le plaça lentement sur la table. Par chance aucun mouvement du côté du couloir.

En se redressant Marco vit la cause de sa surprise. Un chat blanc assis sur sa table. Il pivota sur sa chaise. La baie vitrée était fermée, la porte d’entrée verrouillée et il était à peu près sûr que le couloir était désert. A moins de passer par la serrure, rien n’expliquait la présence du félin. Ce qu’il avait entendu, son cerveau avait refusé de le traiter ou bien l’avait attribué à une fatigue accrue par une bonne journée de travail. Agitant des mains devant le chat, il poussa sa voix en un murmure appuyé.

-Qu’est-ce que tu fais là toi ? Allez, pssht ! Descends !

La seule réaction qu’eut Marco en voyant le chat blanc s’avancer vers lui fut de se propulser en arrière. La chaise avait fait un boucan du diable en frottant par terre mais le plombier avait l’esprit ailleurs. Finalement le félin avait bien parlé. Du fond de la pièce il tourna la tête dans sa direction. Des yeux luisant comme deux gouttes de lave en fusion et une sorte de… sourire ? Difficile à dire. Et puis si Marco n’était pas un expert de la physiologie féline il était à peu près sûr que les oreilles d’un chat n’étaient pas aussi étirées que ça. Et encore moins avec des anneaux qui flottaient autour comme par magie.

Mais outre ces considérations purement prosaïques il y avait la simple constatation que le chat avait lu dans ses pensées. Ou du moins avait compris d’une façon ou d’une autre ce que lui-même n’avait pas exprimé à voix haute. Le fait qu’il se retrouve à l’intérieur de la maison sans absolument aucune explication rationnelle, qu'il connaisse son prénom et qu'il n'agissait en rien comme un de ses semblables paraissait bien anodin à côté.

Marco recentra ses pensées en focalisant son attention d’abord sur sa respiration puis sur les paroles prononcées par l'animal. Il prétendait être réel. Mais n’était-ce pas là le propre de toute hallucination ? Le plombier n’avait rien d’un psychotique, il n’avait rien consommé d’illégal et à moins de verser dans une réflexion alambiquée vecteur de maux de crâne existentiels, il était pleinement éveillé.

-Tu… Si tu es bien réel… Tu… Je peux te toucher ?

Il se reprit. Finalement c’était stupide. Pouvait-il vraiment se fier à ses sens au vu de la situation ?

-Comment je peux être sûr que tu existes bel et bien ? Tu pourrais... le prouver non ? D'une façon ou d'une autre.

C'était peut-être aussi stupide en y réfléchissant. Tout de go, il aurait bien été incapable de prouver sa propre existence alors demander à un chat de faire de même ? Il n'était pas sûr de ce qu'il souhaitait obtenir comme certitude, si elle serait véritablement probante ou si le chat pouvait la lui apporter, mais faute d’autre choix il tenait au moins à tenter autre chose que de rester à se noyer dans cet espèce de blague cosmique.

Le temps que le chat ne réponde à sa demande Marco avait tenté de déterminer l’emplacement d’un quelconque micro d’un bref coup d’œil circulaire à la pièce, avant de se rendre compte que le son était bien trop ciblé pour que ce soit le cas. Et puis à moins d’un soudain bond technologique l’animal ne semblait pas robotique. Non ce n'était pas une simple machine. Ou même une simple boule de poils. Ça, c'était définitif. Ses mouvements, son regard, tout paraissait… éthéré. Irréel. Et pourtant bien là. Même sa façon de parler était étrange. Une voix indescriptible et des propos qui laissait sous-entendre qu'il était quelque chose de plus. Que quoi ?

-Je… Je sais pas.

Bien que faisant écho à ses propres réflexions la question ne trouvait aucune réponse. Peut-être prenait-il le problème à l’envers ? Au lieu de voir le chat comme était le fruit d’une quelconque apparition et tenter de déterminer qu'il ne l'était pas, peut-être pouvait-il le considérer comme étant réel et attendre qu’il se trahisse de lui-même. Suivre le chat blanc en somme.

Marco s’affala sur son canapé en s’épongeant le front. Il sentait déjà poindre un début de migraine, lui qui n'avait rien d'un philosophe ou d'un adepte de ce genre de réflexion métaphysique. Il plaça un coussin à côté de lui si l’animal se décidait à s’approcher et il lui lança.

-Bon. Mettons. Tu as parlé d’un contrat, non ? Tu pourrais m’en dire plus ?

En voyant le chat rester à ses pieds, Marco expurgea un peu de tension d’un bref souffle nasal. Il se décrispa le temps de d’observer de plus près l’animal. Il parlait oui, mais sans bouger les moustache ou ce sourire verrouillée sur ce qui passait pour un visage chez lui. Alors comment pouvait-il comprendre ce qu'il disait ? Il entendait quelque chose. Donc l'animal parlait. C'était certain. Surement. Peut-être. Il croyait. Après tout comment pouvait-il en être autrement ?

Le plombier avait lu une fois que simuler une conversation en pensée provoquait le même genre de réaction cérébrale qu’entendre effectivement la voix de quelqu’un. Incapable d'accepter cette dose un peu trop concentrée de surnaturel il avait peut-être simplement bloqué la possibilité que le chat ne s’adresse à lui par un moyen détourné et s'était plutôt tourné vers l'explication la plus rationnelle possible : ce qu'il percevait provenait d'une source extérieure. C’était ciblé, ça oui, mais plutôt imprimé dans son esprit que passant par ses oreilles. Donc l'animal ne parlait pas. Il... communiquait. Comme ça. Ou alors Marco n’y comprenait simplement rien du tout et réfléchissait excessivement sur ce problème.

Quand le chat mentionna un vœu, des ombres et des seraphs, le plombier rit jaune.

-Qu’est-ce que c’est que cette histoire ? Un vœu ? Tu es une sorte de « chat génie » ?

Réflexion faite il manquait encore deux vœux pour faire de l’animal un authentique génie mais le trait d’humour servait plus à expulser le stress engendré par la situation que pour obtenir une quelconque réponse. Il se pencha en avant pour mieux voir la créature face à lui. Elle était vraiment ressemblante à un chat. Au point que les différences sautaient d'avantage aux yeux. Et ça le mettait mal à l’aise.

-Et c’est quoi ces ombres au juste ? Pas juste une figure de style j’imagine... Des espèces de monstres suceurs de sang que tes... comment tu dis ? Seraphs, c'est ça ? Une sorte de clan qui doit les détruire avec des lampes torches ?

Peut-être était-il piégé dans un des contes qu’il lisait tous les soirs pour sa fille au final.

Marco grinça une nouvelle fois des dents quand le chat sembla poser des mots sur ses pensées. C’était affreusement dérangeant de se sentir aussi démuni face à cette créature qui lançait posément toute sorte d’informations comme si elles étaient aussi naturelles que la façon dont les saisons s’enchainent.

Et puis il y avait cette question sur les ombres. Ce qu’elles semblaient faire sonna douloureusement dans sa tête. Il n’était pas certain du penchant corrélation-causalité mais étrangement il avait l’impression de comprendre ce dont il était question. Et si le chat lisait vraiment dans ses pensées il le verrait aussi. Le plombier n’était pas encore fixé sur la véracité de ses propos – et encore moins sur son existence même – mais la liste qui faisait pencher la balance dans le surnaturel s’allongeait à mesure que cet entretien se poursuivait.

-Tu dis que les ombres provoquent le suicide c’est ça ? C’est… C’est progressif ? Ou b…
-A qui tu parles ?

Marco leva la tête. Derrière ses mèches blondes emmêlées par la fatigue, Anna posait sur lui un regard vide. Quand ses yeux rencontrèrent ceux de son père elle les détourna vivement, balaya la pièce sans s’accrocher sur l’animal pourtant bien en évidence, pour finalement se perdre vers un point vague derrière lui.

-Qu’est-ce que tu fais là ma chérie ? Tu devrais être au lit.

Marco jeta un coup d’œil évasif au chat et s’approcha doucement de sa fille. Elle ne le regardait toujours pas, préférant le dessus de son épaule. Vu le boucan qu’il avait provoqué tout à l’heure c’était étonnant qu’elle ne soit pas venue le voir plus tôt.

-Vas te coucher Anna.
-Te coucher Anna. Tu parles à qui ?
-A personne. Je réfléchis juste pour le travail. Allez file au lit. Tu vas être fatiguée demain.
-Tu me lis une histoire ?
-Tout à l’heure promis. Va m’attendre dans ta chambre, j’arrive.

La petite sembla réfléchir. Un instant il crut qu’elle allait refuser mais elle hocha lentement la tête avant de trainer des pieds dans le couloir. Quand il fut certain qu’elle était retournée dans sa chambre Marco retourna près du canapé.

-Comment ça se fait qu’elle t’ait pas vu ? C’est comme les ombres. Comment ça se fait que personne les voit si elles sont si dangereuses que ça ?

Sa suspicion relevée d’un cran il croisa les bras dans l’attente d’une réponse.

Marco déglutit péniblement. Il était presque tenté de jouer la carte de l’ignorance mais il savait que c’était peine perdue. Le pas lourd il se laissa tomber sur le canapé et se frotta les tempes. Une partie de son cerveau hurlait encore à la calomnie alors que l’autre acceptait simplement cette autre facette de la réalité. Pouvait-il vraiment en toute bonne foi abuser d’un double standard à propos ce que lui disait le chat ? Quel intérêt aurait-il à apparaître devant lui pour mentir ainsi en jonglant entre des faits tirés de son passé et cette sordide histoire de contrat et d’ombres ?

-Du déni, c’est tout, souffla-t-il pour lui-même.

Dans une sorte d’assurance frôlant la prétention il avait tenté de poser çà et là des pièges pour démonter les propos de l’animal. Tentative aussi puérile qu’inefficace. Si d’autres s’étaient cassés les dents face à l’apparition il n’allait certainement pas être l’exception à la règle. Il se frotta les yeux un brin humides et chassa le nœud dans sa gorge d’un bref raclement suivi d’un pauvre rire amer.

-Tu dis vraiment la vérité, hein ? Ça parait juste tellement… Enfin tu vois. Tu débarques et tu me racontes tout ça. Je suis juste un homme banal alors bon… Que tu me choisisses ou je sais pas quoi... Je suis un peu chamboulé.

Il se demanda un instant si le chat savait ce qu’il ressentait ou s’il avait tellement l’habitude de ce genre de réaction qu’elle lui paraissait familière au point qu’il les comprenait d’un point de vue purement pragmatique. Action-réaction. Ou s’il finissait même par en devenir indifférent. Répondre sempiternellement aux mêmes questions avait de quoi user. A moins qu'il ne réfléchisse sur un tout autre plan qu'un humain ordinaire.

Et puis une avalanche de questions noya l'esprit du plombier. Plus ou moins pertinentes, plus ou moins métaphysiques, il dut fournir un effort colossal pour chasser ce martèlement crânien et se focaliser sur ce qui lui semblait être le plus utile dans l’instant.

-Elle dure depuis longtemps cette… cette guerre ? Et c'est partout dans le monde ? Si c'est le cas tu dois pas être tout seul pour recruter des gens pour combattre les ombres, si ?

Il garda pour lui une autre batterie d'interrogations chargée dans un coin de sa tête, surement parmi les plus importantes le concernant, le temps d’une nouvelle explication.

Marco ne sut s’il devait se sentir soulagé ou inquiété des propos du chat. Avait-il devant lui ce qui ressemblait le plus à un dieu ? Lui-même avait été éduqué dans la tradition chrétienne et s’il ne conservait des préceptes qu’on lui avait inculqués que les valeurs les plus fondamentales, il se considérait comme un agnostique. Mais voir un animal capable de telles prouesses avait de quoi faire trembler les fondations de ses croyances. Était-il immortel ? Omniscient ? Omnipotent ? Ubiquitaire ?

-Mais si c’est le cas pourquoi tu ne peux pas te débarrasser des ombres par toi-même ?

En y réfléchissant peut-être que ce genre de conflit nécessitait des intermédiaires pour éviter de faire basculer l’univers dans une sorte de guerre primitive où il ne resterait plus rien à sauver. Une situation qui lui en rappelait bien d’autres issues du folklore.

-Et est-ce que tu exauces vraiment tous les vœux ? Il n’y pas de garde-fous pour empêcher quelqu’un de faire des demandes démesurées ou d'utiliser ses pouvoirs pour son propre intérêt ?

Ou alors il choisissait spécifiquement le genre de personnes qui n’iraient pas jusque-là. Qui sait jusqu’où sa clairvoyance s’étendait. Et puis il revint à quelque chose de plus personnel.

-Si jamais j’accepte ce contrat… Tu as vu que j’ai une fille, non ? Je pourrais toujours continuer à m’occuper d’elle ou je serai forcé de tout abandonner pour ce combat ?

Et plus important que se passerait-il s’il décidait de tout arrêter ? Si le contrat était définitif ? Serait-il puni ? Ou les ombres constituaient-elles à elles seules une sorte de châtiment ? Il frissonna rien qu’à l’évocation de cette idée.

Quand le chat évoqua une distorsion de l’espace et du temps Marco grimaça, plus nerveusement que parce qu’il trouvait la situation drôle. Pas besoin d’être astrophysicien pour comprendre qu’une telle chose n’était effectivement pas très saine pour le bien être de l’univers, peu importe s’il ne comprenait pas très bien ce que cela signifiait. Pour autant si l’animal se refusait à utiliser ses pouvoirs pour cette raison, cela sous-entendait forcément que les ombres elles-mêmes, d’où qu’elles provenaient, possédaient d’une façon ou d’une autre une force équivalente. Toujours de quoi se rassurer sur la présence de toutes ces créatures sur cette bonne vieille Terre.

Au final le chat répondit tout de même à sa principale préoccupation. Il pourrait continuer à mener une vie presque normale tant qu’il aidait à combattre les ombres. Il souffla, plus ostensiblement cette fois. Trouver une motivation pour accepter ce contrat découla presque de lui-même après cela. Si ses actes pouvaient empêcher au moins une personne de subir ce que lui avait vécu, cela lui suffisait. Même si la tache lui paraissait démesurée, presque impossible même, il ne pourrait pas rester les bras croisés en attendant que les choses ne se règlent d’elles-mêmes. Il pouvait peut-être faire une différence aussi minime soit-elle à son niveau.

Restait la question du vœu. Il n’avait aucune idée de ce qu’il souhaitait vraiment. La richesse ou la gloire lui importait peu. Le pouvoir ? Beaucoup trop vague et aussi peu attractif. Revoir sa femme, il le désirait ardemment, au point de presque demander au chat de la ramener à la vie. Mais il ignorait ce que cela signifiait vraiment de « ramener » quelqu'un à la vie. Toucher du doigt un interdit séculaire ne lui parut pas une si bonne idée que ça en y réfléchissait. Sa femme reposait quelque part - ou nulle part - mais elle reposait. Mieux valait laisser les morts où ils étaient. Du reste il avait beau faire turbiner ses méninges en balayant la pièce, son cerveau demeurait imperméable à toute réponse. La montagne de possibilités qui s'offrait à lui le paralysait aussi surement que s'il n'en avait eu aucune. Ironique qu'au moment où il pouvait enfin demander ce qu'il voulait il ne savait même pas ce qu'il voulait.

Il s’accouda finalement sur la cloison qui séparait la cuisine du salon, le regard perdu sur le réfrigérateur à la recherche d’une inspiration soudaine. Ses yeux s’accrochèrent sur un dessin qu’Anna avait fait pour lui, maintenu en place par des aimants en forme de gélules. Dans un de ses moments où elle semblait enfin rattraper la réalité, elle s’était escrimée à le représenter lui dans sa tenue habituelle tout en le glorifiant d'une manière dont les seuls enfants étaient capables. A l’aide d’une cape jaune il se propulsait vers une étoile dorée comme s’il souhaitait la cueillir de ses mains. Il y a avait aussi cinq petites flammes rouges qui dansaient joyeusement autour de lui. Marco remarqua alors qu’il était proportionnellement bien plus grand que dans la réalité.

Tout en bas une petite fille criait : T’es le meilleur super papa ! avec un grand sourire. Marco se redressa lentement. C’était stupide mais il s’était toujours dévalorisé d’une façon ou d’une autre. En tant que fils, en tant que mari mari ou en tant que père. Mais il avait désormais l’opportunité de changer au moins un de ses choses pour une personne qui représentait tout pour lui. Être ce qu'elle voyait en lui. Ce qui germa alors ne fut que l'ultime pierre parachevant la construction mentale qu'il avait érigée pour justifier un tel accord avec le chat. Il n’avait aucune idée d’une formulation correcte aussi greffa-t-il ce qu’il souhaitait vraiment à l’écriture irrégulière de sa fille. Sa requête paraitrait surement idiote, enfantine voire carrément ridicule mais au moins ce serait sa requête. Et au diable le reste.

-Tu pourrais faire de moi… - il hésita, conscient de s’engager dans une voie qui serait probablement à sens unique, se reprit, inspira en fixant ce gribouillage pour y puiser le courage qui lui manquait – Super Marco ?

Spoiler:

Si on lui avait demandé de décrire ce qu’il venait de vivre Marco n’aurait surement été capable de produire qu’un bref soupir accompagné d’un haussement d’épaule. Entre l’instant où le chat s’était retrouvé devant lui – flottant le plus naturellement du monde à un bon mètre du sol – et le clignement des yeux pour se cacher de cette étrange lueur éclatante, il avait l’impression d’avoir simultanément vécu la plus courte et la plus longue seconde de sa vie. Un peu comme une nuit sans rêve où, une fois parfaitement éveillé, on doute encore du temps passé dans les bras de Morphée.

Le plombier se frotta la nuque. La plante de son pied gauche le démangeait affreusement, il s’était pris une désagréable poignée de châtaigne au contact de sa peau mais rien de plus. Une petite voix se réveilla en trombe pour lui souffler un Je te l’avais bien dit !moqueur mais il la chassa assez vite. Il ne savait pas vraiment ce qu’il avait souhaité alors il était encore loin de déterminer les conséquences de son vœu. En sautillant sur place il se rendit compte qu’il ne parvenait pas à s’envoler. Un peu déçu il toussota.

-Pas de super Marco volant alors.

Il tourna les yeux vers le chat, conscient que celui-ci n'allait surement pas s'éterniser pour lui tenir la jambe.

-Bon ben voilà. La messe est dite comme on dirait, hein ? J’ai plus qu’à trouver les autres maintenant. Au fait avant que tu partes… Tu t’appelles comment ?

Une fois le chat parti Marco resta penaud au milieu de la pièce. S’il devait le remercier ou le maudire pour avoir ainsi chamboulé son quotidien, il n’était pas encore décidé. Juste pour voir une dernière fois il sautilla sur place. Rien. Il tenta même de soulever le réfrigérateur pour ne récolter qu’une crampe dans le bas du dos.

-Pas si super que ça le Marco.

Kyu, ainsi qu’il avait dit s’appeler, avait parlé d’entrainement et d’expérience. S’entrainer, pourquoi pas, mais sans base pour s’orienter il n’irait pas loin. Quant à l’expérience il parlait surement des ombres. Dans le bureau il surfa rapidement sur internet. Entre des techniques de coiffure, un phénomène physique et des noms de restaurant il ne trouva pas grand-chose. Idem sur un quelconque Kyu. Un article mentionnait bien un art martial japonais mais rien sur un chat capable d’exaucer les vœux. Sur l’adresse qu’il avait imprimé dans l’esprit du plombier il n’eut pas plus de chance. Une sorte de grande entreprise dans le quartier nord. Trois quart d'heure de recherche mêlant paranormal, mythologie et revue scientifiques ne l'avancèrent pas plus.

Il soupira et posa un œil distrait sur l’horloge. Minuit passé. Avec un sourire il se dirigea vers la chambre d’Anna. La veilleuse fonctionnait encore mais la petite était déjà enroulée dans les couvertures, un livre ouvert couvrant son dos. Marco le retira délicatement et lui baisa le front avant de s’éclipser. Dans la chambre son portable clignotait pour signifier un nouveau message. Une fois changé et glissé sous les couvertures il l’ouvrit.

Joyeux anniversaire frangin ! A ce soir ! =)

Le plombier rit doucement et éteignit la lumière.

Spoiler: