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Ah... Un classique des lieux. La dernière fois c'était devant Sarah qu'elle s'était retrouvée ici. Les informations qu'elle avait récoltée par la suite, grâce à sa complaisance, et sa dépravation toujours plus grande, les avaient menées à tuer un Nephil ce soir.

La limite entre le bien et le mal semblait se dissoudre, en même temps que sa raison qui voltigeait d'une idée à l'autre. Rien n'avait de sens. Rien n'était rationnel. Sans un sourire, sourire qu'elle n'offrait plus, Lenna s'assit à une table, ne sachant absolument pas quoi commander.

Il n'y avait pas de Martini ici. Pas d'homme à séduire. Il faut avouer que sa séduction laissait à désirer dernièrement, la frustrant d'autant plus que ces instants frivoles qui peinaient à la satisfaire.
Les paroles de Julien résonnaient toujours dans sa tête. Il avait tellement raison.

Elle se rendit compte, en baissant ses manches qu'un joli bleu commençait à couvrir son bras. Une blessure de plus ou de moins. Elle espérait finir par en crever. Elle espérait.

Un café du quartier nord, pourquoi pas. Enfin il semblait correspondre aux critères d’Aria, et le lieu était plutôt joli en soit. Un lieu comme un autre pour discuter un peu avant de revenir au rapport au QG ? Pourquoi pas après tout.

S’installant à la suite de Lenna, il remarqua qu’elle semblait déprimer un peu, même loin des falaises, et qu’elle regardait à un bleu sur son bras. Aleister désigna la marque d’un signe de la tête.

-« Pas trop douloureux ? En tout cas joli choix, je ne connaissais pas l’endroit. »

Ou comment tenter de débuter une conversation dans une ambiance qui lui semblait un peu lourde… Aleister soupira. Il n’était vraiment pas psychologue ou sociable pour un sou, ça en devenait agaçant dans des moments comme ça.

Doublement accompagné cette fois, j'entrais dans mon café préféré. L'ambiance était toujours la même. Une ambiance chaude et paisible, mais surtout... L'odeur exquise du café mélangée avec de la pâtisserie européenne. Aujourd'hui je sens que je vais prendre un mille-feuille avec mon thé. Il tarde d'avoir l'impression d'Aleister sur ce café que je leur fait découvrir. Et... Il a dit que c'était un joli choix ! Diantre je suis aux anges. Dommage qu'il fasse toujours attention à cette Lenna. Oubli cette machine de guerre mon Seraph, elle s'en remettra éventuellement. Après tout, si on veut survivre, tuer une ombre ou un Nephil sera toujours nécessaire. C'est inutile de trop y penser.

"J'offre. Faites vous plaisir." Dis-je.

Le coup que j'ai reçu de la part du Nephil que nous avons tué me fait toujours un peu mal. Mais cette Lenna attire toute l'attention d'Aleister. Quelle garce... Je m'installa à mon tour, me logeant évidemment du côté du Seraph.

"Lenna... Est-ce que ça va ?" Demandais-je inquiète en dirigeant mon regard vers le bras de cette dernière. J'étais un peu loin mais je pouvais parfaitement voir que c'était on ne peut plus sérieux.

*Et moi qui pensait qu'elle n'était qu'une m'as-tu vu...*

Même si je n'apprécie guère cette nouvelle recrue dans nos rangs, en tant qu’aînée je me dois de prendre soin d'elle. Ais-je un pansement ou du désinfectant sur moi... Non. Quel dommage.

"Nous passerons à l'infirmerie avant de faire notre rapport." Proposais-je finalement avant de commander calmement.

"Un mille-feuille s'il vous plaît, accompagné d'un thé vert."

En théorie, un mille-feuille s'accorde un peu mieux avec un vin, mais je ne supporte guère l'alcool. Donc je me contente de ma boisson préféré qui est le thé.

Elle offrait. Quelle magnanimité. Lenna rabattit la manche sur son bleu qui l’a démangé un peu, il faut bien l’avouer. Elle s’en sortait bien. L’autre avait la tête tranchée. Elle l’avait tué. Comme on tue un poulet. Tu n’es plus humaine. Tu n’es déjà plus rien.

C’est rien. Ça va passer.

Le serveur s’avançait à ce moment-là pour prendre leur commande, rompant la léthargie dans laquelle son esprit était en train de tomber.

Un café.

Au cognac ? Non. Chut. Ne perds pas tes esprits ou tu vas sombrer encore plus. Elle fixa l’homme, attendant qu’il dégage aussitôt qu’il aurait récupéré leur commande. C’était peut-être un Nephil pour ce qu’elle en savait !

Aria qui offrait, sympathique. Oui, c’était heureux pour le modeste étudiant, au vu des prix de la maison, mais bon d’abord le portable, ensuite ça, heu… Enfin c’était sans doute simplement poli. Et déjà, tout comme Aleister, Aria s’inquiéta de l’état de Lenna, suggérant de passer à l’infirmerie malgré l’assurance, un peu légère, que tout allait bien.

*Ce qu’il lui faudrait c’est pas un guérisseur, c’est un psy en fait… mais je ne suis pas sur que ce soit possible, dommage.*

Et en parlant de guérisseur, Aleister jeta un œil à son bras. Il avait bandé les profondes griffures infligées par le chien invoqué, et le pull qu’il avait par-dessus rendait la plaie invisible, mais bon, ça faisait quand même bien mal, même si Aleister avait déjà vécu bien pire, et s’habituait à faire mine de rien malgré les blessures subies.

Mais trêve de pensées sanglantes, un serveur était là, et déjà les deux jeunes femmes passaient commandes. Manger après avoir tué ? Décidément, Aria avait l’estomac bien accroché. A se demander qui de l’étudiant ou de la dame était le moins humain des deux, histoire de nature ou pas…

-« Un thé à la camomille s’il-vous-plait. »

Ses mains se posèrent de part et d’autre de sa tasse de café, profitant de la chaleur brève que lui offrait la boisson.

"Lenna vous accomplissez de grandes choses pour notre groupe. Je suis persuadée que vous serez rapidement reconnu pour tout ce que vous faîtes, n'est-ce pas Aleister ?"

Heureusement qu’elle avait une gorgée de café à ce moment-là en bouche, où alors elle aurait risqué de lui rire au nez. Elle manqua juste de se brûler la langue, et elle se tourna vers Aria. N’est-ce pas Aleister ? Un petit bisou Aleister ? Quand penses-tu oh mon cher Aleister ? A mourir de rire. Sans aucune ironie.

Je n’ai pas besoin de reconnaissance. Je fais ce que tout Seraph devrait faire.

Et tu sais très bien que ce n’est pas le cas de tous, toi l’informatrice. Tu connais Sarah. Tu sais. Tout. Elle reposa sa tasse vide, en se demandant bien pourquoi Aria l’horripilait déjà ? Elle ne savait plus trop. C’était physique. Une fille. L’ombre d’une rivale sans doute.

Merci pour votre participation d’aujourd’hui. Vous êtes des alliés respectables.

Elle se leva, posant une pièce sur la table pour payer sa part, et se dirigea vers la sortie sans un mot de plus.

[Si personne ne l'arrête, elle s'en va !]

Aleister haussa les épaules à la remarque d’Aria, qu’elle aurait quand même pu garder pour elle. C’était ça le souci avec les anciens : trop habitués au sang, ils voyaient un peu trop légèrement la mort et finissaient par oublier qu’ils avaient une conscience, du moins c’est ainsi que le voyait le seraph en ce moment. Et malheureusement, Aleister n’était pas épargné par le processus, il le savait un peu trop bien.

-« Je préfère laisser les promotions et la reconnaissance aux officiers, ils savent mieux que moi gérer ça je pense. »

Rien que pour ça, le seraph n’était pas pressé de se voir offrir une quelconque fonction ou importance, quoi qu’il ait pu en penser à une époque où il était plus naïf.

Et de même, Lenna donna l’impression de ne pas bien prendre la remarque d’Aria, vu sa réponse. Faire ce que tout seraph devait faire… vrai au vu du commandement actuel, mais un brin terrifiant tout de même.

Lenna qui finalement s’en alla après des remerciements. Alliés respectables, pourquoi pas.

-« J’ai fait ce que j’avais à faire, rien de plus, nul besoin de remerciement. »

J'essayais de mon mieux pour remettre une ambiance joyeuse. J'imagine que cette tentative me vaut des critiques, puisque Lenna glousse son café. Petite peste, je me donne tant pour toi et tu n'as pas une once de reconnaissance. Enfin, je ne pouvais guère m'attendre plus d'une machine de guerre. Samantha était pareil au final. Elle ne m'a pas recontacté après l'incident avec elle et cet Adonis que j'ignore toujours. Je continue de manger mon gâteau, laissant mes pensées noires prendre le dessus sur moi. Bien entendu, tout n'est que comédie.

Le seul point positif est que la Seraph se décide à partir. Pas trop tôt. Après qu'elle ait été aussi réticente à me laisser seule avec Aleister, elle avait prit son temps pour s'en aller. Mais cette machine de guerre nous appelle alliés respectables... Si elle savait... Diantre, je me ris d'elle intérieurement. Tu n'es qu'une marionnette pour me divertir jeune Seraph et j'entends te faire payer les humiliations que tu m'as fais subir aujourd'hui. J'ai horreur tendre ma main pour me faire cracher dessus en permanence. Bien entendu, je la laisse volontiers s'en aller. Me laissant ainsi seule avec Aleister. Néanmoins je lui dis un joli mot pour cette séparation.

"Bonne continuation Lenna. J'espère que nous aurons l'occasion de travailler ensemble dans le futur pour le bien de notre camp."

Je mange un bout de ma pâtisserie et je laisse place à une certaine mélancolie sur mon visage.

"Aleister... Je dois t'apparaître insensible... N'est-ce pas ?" Prononçais-je, les paupières fermées. Je poursuivis aussitôt.

"Cela fait treize ans à présent. J'ai longtemps pensé que je ne m'habituerai pas, pourtant..." Conclus-je à voix basse, la voix presque tremblotante...

"Suis-je encore humaine ?" Demandais-je finalement en observant Aleister. Un acte, pour le sensibiliser sur mon sort, moi qui suit insensible à la mort d'une personne. Un véritable paradoxe, n'est-ce pas ?

Après qu’Aria ai à son tour fait ses au revoir à Lenna, qui du coup quitta les lieux sans que personne la retienne, la vétéran revint à Aleister, lui faisant comprendre qu’elle avait parfaitement compris les réflexions du jeune seraph.

-« On s’habitue à tout, c’est bien ça le soucis n’est-ce pas ? »

Aucune critique dans le ton d’Aleister, juste un triste constat, dépité, suivit par une question d’Aria.

-« Aussi longtemps que tu te poses la question, c’est que tu l’es n’est-ce pas ? »

Aleister eu un sourire triste, puis enchaina.

-« Désolé je ne te suis pas d’une grande aide, je n’ai jamais compris comment font les militaires combattants. Ils n’ont pas l’air de se sentir moins humains que les civils, et nous sommes censés nous voir comme leurs équivalents seraph non ? »

Mon expression reste grave, j'arrête pendant un moment de toucher à ma commande. J'écoute les propos d'Aleister, quelques peu maladroit au début mais dont la volonté de réconforter restait largement palpable. Je tourne mon regard vers le Seraph, un faible sourire parcourant mon visage. J'étais reconnaissante par de telle parole. Et son sourire, même s'il était attristé, évoquait chez moi une certaine passion.

*Craquant...* Songeais-je l'espace d'une seconde.

"Tu as... Probablement raison." Émis-je dans un premier temps, détournant le regard l'espace d'un bref instant.

Je remarquais alors... Depuis quand, avais-je commencé à le tutoyer ? Non, c'était voulu, nous avons tué une personne ensemble. Cette distance n'est en conséquence plus nécessaire. Cela n'avait rien d'inhabituel. Tout était comme d'habitude. Oui, comme d'habitude. Je retourne mon regard vers Aleister.

"Ne...deviens jamais comme moi Aleister. Je sais que c'est difficile, peut-être même impossible... Mais je suis persuadée, que la compassion, le regret, le remord, sont les choses qui font d'une personne quelqu'un d'humain. Con...Contrairement à ma dégustation de pâtisserie !"

Je laisse ma colère envers moi-même parler et mon bras envoie valser ma tasse de thé vert et mon mille-feuille par terre. Je suis surprise par cet acte et je m'excuse directement auprès d'un serveur qui passait par là.

"Je... je suis désolé !" M'excusais-je maladroitement, le serveur haussa les épaules avant de ramasser le reste par terre. Dans sa tête, probablement qu'il ne s'agissait que d'une querelle entre un couple. Je m'excuse également auprès du jeune homme m'accompagnant, les joues rougissantes.

Aria était plus humaine qu’Aleister n’avait pu méchamment le penser, au vu de son air gêné, de sa remarque, disant à Aleister de ne jamais devenir comme elle, puis de son geste de colère, d’emportement, ou n’importe quoi d’autres qui la mena à faire voler sa tasse. Une personne qui avait renoncé à son humanité, ou en avait été totalement privée pourrait-elle encore tenir un tel discours ? Aleister se plu à penser que non.

Compatissant envers cette femme à laquelle il avait peur de finir à renoncer, Aleister se laissa aller à poser une main sur la sienne en signe d’apaisement.

-« Tu as appris à relativiser pour ne pas casser, comment je pourrais critiquer ça. C’est très humain comme processus au final. »

Aleister laissa passer un sourire apaisant sur son visage, qui disparut bien vite.

-« La vie nous oblige à faire des choix, et personne n’aime souffrir quand il peut l’éviter. J’espère arrive à suivre ton conseil, mais je sais aussi que toute décision entraine des sacrifices. »

Comme sacrifier une partie de son âme pour obtenir la localisation de sa mère, ou une partie de sa conscience pour vivre un jour de plus. Aleister était-il encore plus humain qu’Aria ? Il finirait par en douter.

Je laisse mon rôle se jouer... Oui, je suis humaine. Aleister me le dit, il me tient même la main. Je sens sa chaleur, sa voix et le sens de chacun de ses mots me réconforter. Mais... Est-ce que je le mérite réellement ? Moi qui assiste à la mort d'un homme sans broncher. Moi qui parvient à passer à autre chose aussi aisément que l'on change de chemise. Je ne suis pas sûre de mériter l'intention que le Seraph me porte. Pourtant... Ce contact physique que je reçois m'ait tellement agréable, ces paroles que j'entends, me réconforte tellement. Je laisse un instant mon regard troublé dévisagé le jeune homme.

"Tu es incroyablement... gentil Aleister. Tu ne mérites pas d'être entraîné dans un monde aussi impitoyable. Si...c'est possible... J'aimerai entretenir une discussion en privée avec toi..." Émis-je difficilement.

Oui, ici il y avait trop de monde. Même si le brouhaha était omniprésent, je ne pouvais pas parler de ce qui était sujet à ce monde aussi facilement. Un espace plus intime, un espace plus...dramatique en fait. J'avais l'intention de faire d'Aleister le beau chevalier d'Aria Lake. Mais pour l'instant, rien n'était joué et surtout, une certaine confiance était nécessaire pour cela. Aleister est un prodige qui me dépasse largement malgré mon ancienneté. C'est un pari divertissant que je prends, mais j'entends m'assurer que tout ceci se passera bien. Dans tel cas, je ferais comme je le fais toujours: m'enfuir.

Aleister, gentil ? Pauvre Aria, tu me connais si peu. Demande donc à Jasmine si j’ai été gentil avec elle, et écoute ses hurlements comme moi je les entends. Le regard d’Aleister se fit sombre.

-« Je suis moins gentil que j’en ai l’air, crois-moi Aria. Quant au fait que j’ai été entrainé dans ce monde… on fait tous des choix, et on assume les conséquences, quelle qu’elles soient, ce n’est pas une histoire de mériter ou quoi. Enfin du moins c’est ainsi que je le vois. »

Et Aria qui en profitait pour parler d’une discussion privée. Une histoire liée plus directement à la faction que leur échange raisonnablement vague jusque-là ? Si c’était le cas, Aleister pouvait comprendre. Et puis il était curieux malgré tout. Ça et ennuyé de voir Aria un brin troublé, elle qui était censé être bien plus solide que ça, après en avoir tant vécu durant ses années comme seraph.

-« Et pour ta question… c’est quelque chose lié à la faction ? Enfin pas de soucis, je te suis. »