Orphelinat Nibelheim:

Roger Moore. C'était désormais le nom que porterait John au long de ce jour important, celui où il pourrait enfin donner aux enfants une vie meilleure; grâce à Leeroy.

Avoir une identité avait été plus difficile que prévue finalement. Il venait de se faire fabriquer des papiers au nom de John Fallen pour faire sa petite mission sur le paquebot, et à peine un mois plus tard il était revenu en demander de nouveau; surtout qu'il avait moins d'argent sur lui que la première fois. Etonnamment, la chance avait été avec lui cette fois-ci, et à force de négociations  il finit par avoir ses papiers. Il fallait quand même qu’il réussisse, parfois.

Maintenant, John avançait dans le quartier Est accompagné des trois lurons. Il ne devait pas être plus de dix heures, et il comptait arriver pile à l’heure pour ne pas trop trainer en ville. Il s’était beaucoup habillé pour être le moins reconnaissable : chapeau, écharpe, long manteau et même lunettes de vue, il avait tout prit. Un peu trop peut-être, mais il se sentait presque sage dans ses habits, cela changeait tellement de sa tenue habituelle… Il s’y ferait presque.

Après une bonne marche, ils étaient enfin arrivés devant l’orphelinat Nibelheim. Ils pouvaient déjà apercevoir Leeroy au loin, et les enfants accoururent rejoindre ce dernier. John souriait en assistant à cette scène, il était vraiment heureux de voir les enfants ainsi. C’est fini. Plus de galère, plus de mendicité, plus de froid l’hiver. Ils vont avoir une vie normale, épanouie. Enfin.

Au fond de lui, il enviait un peu ces enfants ; il aurait aimé avoir eu une enfance normale. Ou alors il enviait peut-être aux enfants leur côté orphelins : il avait tant rêvé de ne jamais avoir eu les parents qui l’ont vu naître. Le démon personnifié caractérisait son père, et sa mère était une manipulatrice ; en somme, John aurait dû devenir un de ces monstres de l’aristocratie, sans cœur ni scrupule. Mais le hasard – il ne savait pas choisir entre la chance et la malchance pour ce fait, avait préféré faire de lui une sortie d’esprit vengeur. Enfin, il aurait aussi préféré que ce destin tout puissant n’oublie pas de lui donner le talent et la chance, mais c’était une autre histoire.

Aujourd’hui il ne devait pas penser à sa vie nocturne, il devait simplement penser aux enfants. Alors, il atteignit Leeroy et lui tendit la main.

" - Merci Leeroy. Bonjour, et merci."

Le programme de Leeroy avait été plutôt simple. Il s'était fait un petit plan sur ce qu'il devait faire ce matin-ci, un petit programme simple qui allait lui permettre de réviser quelques examens. Il avait réussi à se lever tôt pour pouvoir être plus efficace et avoir son après-midi de libre. Alors qu'il avait commencé à s'installer sur son bureau, il reçu donc un mail de John à propos des trois enfants et de l'orphelinat. Il lui disait d'aller devant à 10h. Heureusement, il l'avait prévenu assez tôt et Leeroy allait pouvoir se bouger assez rapidement. Il avait assez de temps. Prenant la veste la plus proche, il l'enfila et partit sur le champ pour les rejoindre directement là-bas.

Aussi rapide qu'il le pouvait, il arriva alors devant le fameux orphelinat. Et pourtant, ce n'était pas la peine d'aller si vite, il était déjà pas mal en avance puisqu'il était arrivé bien avant John. Pour l'attente, il s'installa alors contre un muret qui entourait tout le manoir. En le regardant de l'extérieur, il avait déjà l'air bien entretenu. Il se disait qu'au moins les trois enfants auront leur place dedans et auront enfin une belle vie. C'était un cadeau merveilleux qu'allait lui offrir John. Il ne pouvait pas faire mieux.

En les voyants arrivés, et surtout en apercevant les trois petits monstres courir vers lui, il s'accroupit pour être un peu près à leur hauteur et leur tapotait gentiment la tête à tous les trois. Ils étaient vraiment adorables à être si excités à propos de l'orphelinat. En même temps, il s'agissait d'un grand jour. Après avoir légèrement caressé les cheveux de la plus petite, il se releva correctement pour serrer la main du seul majeur ici en guise de salutations.

- Merci Leeroy. Bonjour, et merci.

C'était évident qu'il allait accepter les remerciements, cependant, il ne comprenait juste pas pourquoi il le remercier puisqu'au final, c'était John qui allait tout faire pour qu'ils se fassent adopter par la maison. Leeroy ne servait que d'accompagnateur et n'allait pas jouer un énorme rôle dans leur admission.

- Salut. Comment dois-je t'appeler aujourd'hui ?

Après cette question, il afficha un simple petit sourire un peu moqueur. Il avait déjà l'air de meilleure humeur que la dernière fois.

« - Salut. Comment dois-je t'appeler aujourd'hui ? »

John ne savait pas vraiment si Leeroy allait rire quand il entendrait son nom. Même s’il avait réussi à obtenir sa fausse identité rapidement et à moindre coût, il s’en était sorti avec un nom risible. Enfin, James Bond, ça claquait tout de même. Il sourit, et répondit à Leeroy :

« - Roger Moore. Ouais, je sais, la classe tout ça tout ça… Enfin bref je pense qu’il faut qu’on rentre, il fait pas super chaud par ici. Je vais te laisser parler pour moi si ça te dérange pas, je préférerai rester un peu en retrait et agir uniquement quand on aura besoin de moi. Ça te convient ? »

Il ne voulait pas trop se montrer dans cet orphelinat, de façon à ce que personne ne puisse le reconnaître. A vrai dire, il n’avait jamais eu de nouvelles de ses anciens camarades de jeux après ce soir là – mise à part de John, malheureusement ; et il craignait d’en retrouver ici. C’est pourquoi il devait se faire discret et parler le moins possible, sinon ses petites identités seraient encore plus compromises.

Puis John se baissa à la hauteur des enfants. Ce sera sûrement la dernière fois qu’il les verra avant des années, et il tenait à que tout se passe parfaitement. Léopold, Magdalène et Billy. Si ça n’avait tenu qu’à lui, il ne les aurait jamais nommés ainsi, mais c’était les noms qui étaient inscrits sur leur vêtement le jour où il les a recueillis ; alors il décida de garder au moins ça. Même si ce n’était plus vraiment des noms dans l’ère du temps… Quoiqu’il en soit, il les prit tous trois dans les bras, sans dire un mot. La séquence émotion serait pour plus tard, pour l’instant il était temps de s’occuper du côté adulte de la chose.

- Roger Moore. Ouais, je sais, la classe tout ça tout ça… Enfin bref je pense qu’il faut qu’on rentre, il fait pas super chaud par ici. Je vais te laisser parler pour moi si ça te dérange pas, je préférerai rester un peu en retrait et agir uniquement quand on aura besoin de moi. Ça te convient ?

- Ca marche

Roger Moore ne lui allait pas du tout, et pour lui faire comprendre, il afficha alors le même sourire moqueur. Mais ce sourire s'enlevait bien aussitôt lorsqu'il entra dans la demeure. Avant de déposer des enfants dans un orphelinat, il préféra inspecter comment était le hall. Ce n'était pas du tout désordonnée, la décoration était correcte. Ce n'était pas l'orphelinat le plus riche et le plus confortable, mais pour ces trois là , ce bâtiment devait ressembler à un palace, même si ce n'en était pas un.

Quand il baissa son regard pour observer la réaction des trois enfants, il les voyait tout excités à l'idée d'habitude dans cet endroit qu'ils leur semblaient merveilleux, mais tout n'était pas joué. Il ne devait pas décevoir les bouts d'chou puisqu'il était l'investigateur de cette démarche. John lui avait confié son rôle, préférant rester caché. Pour un voleur, cela pouvait paraître normal.

Un peu plus loin, il aperçut un panneau qui indiquait qu'il y avait le bureau d'administration juste en face de l'entrée. Leeroy frappa alors poliment et attendit que quelqu'un lui dise d'entrer avant de le faire.
Une fois la porte ouverte, il entra en compagnie des quatre autres personnes. Leeroy était le seul à s'avancer un peu vers le bureau où se trouvait une belle femme. Elle devait s'occuper de l'admission.

- Bonjour. Nous sommes ici car nous aimerais faire interner les trois enfants qui sont derrière moi. Ils n'ont évidemment plus de parents, et vivent dans la pauvreté. Ce sont les deux conditions pour qu'ils soient acceptés n'est-ce pas ? La personne qui m'accompagne est celle qui s'est occupée d'eux jusqu'à maintenant, mais vous vous doutez bien que c'est de plus en plus dur de s'occuper deux. Et avec vous, ils auront le droit à une parfaite éducation.

La fameuse femme avait parfaitement compris quelle était la situation et commença alors à sortir quelques papiers.

- Si cette personne a des droits légitimes sur ses enfants, il devra signer un papier pour nous en laisser la garde. Quand je parle des droits légitimes, cela veut dire que cette personne est enregistrée en tant que tuteur légal de ces enfants. Si ce n'est pas le cas, vous n'avez rien à faire et nous vous remercions pour avoir amené ces enfants ici.

Leeroy fut quelque peu étonné que l'admission s'était faite aussi facilement. N'allaient pas vérifier leur véritable identité et enquêter sur eux ? Enfin, en donnant simplement leur nom et avec quelques examens, ils seront capables de dire s'ils étaient des vrais orphelins ou non avec la technologie d'aujourd'hui.

Pendant que Leeroy se dirigeait vers l’accueil pour s’occuper de l’admission des enfants, John observait ce hall. Cela était plutôt bien entretenu, voire même bien décoré à vrai dire ; cela rappelait à John ses quelques sorties nocturnes dans l’est. Il eut un petit frisson, ces visites étant celles qu’il détestait le plus. Il se secoua la tête, il savait que ce n’était pas le moment de repenser à sa petite carrière prometteuse.

« - Bonjour. Nous sommes ici car nous aimerais faire interner les trois enfants qui sont derrière moi. Ils n'ont évidemment plus de parents, et vivent dans la pauvreté. Ce sont les deux conditions pour qu'ils soient acceptés n'est-ce pas ? La personne qui m'accompagne est celle qui s'est occupée d'eux jusqu'à maintenant, mais vous vous doutez bien que c'est de plus en plus dur de s'occuper deux. Et avec vous, ils auront le droit à une parfaite éducation. »

John se retourna brusquement vers Leeroy ; perdu dans ses pensées il ne s’attendait plus vraiment à l’entendre parler. Une fois le contrôle de son air ahuri repris, il félicita intérieurement Leeroy. Il avait dit tout ce qu’il fallait, sans faute. Tout se déroulait bien pour l’instant, John était heureux.

« - Si cette personne a des droits légitimes sur ses enfants, il devra signer un papier pour nous en laisser la garde. Quand je parle des droits légitimes, cela veut dire que cette personne est enregistrée en tant que tuteur légal de ces enfants. Si ce n'est pas le cas, vous n'avez rien à faire et nous vous remercions pour avoir amené ces enfants ici. »

John eut un instant de frayeur en entendant le début de la réponse de celle qui s’occupait de l’accueil. Il crut l’espace de quelques secondes que son plan était fichu et qu’il allait devoir tout arrêter maintenant, mais la dernière phrase l’apaisa. Finalement, il n’aurait même pas besoin de signer un quelconque papier ou de se présenter, il lui suffirait simplement de laisser les enfants. Roger Moore n’existera donc jamais, et John n’en était pas mécontent ; il avait eu peur de ne pas pouvoir retenir un rire lorsqu’il allait devoir se présenter.

Il s’approcha un peu de l’accueil, et chercha à être concis :

« - Je n’ai fait que les recueillir, je n’ai aucun droit sur eux, je vous remercie infiniment de les prendre en charge. »

Enfin. Enfin, les enfants allaient avoir une meilleure vie, enfin il allait vivre. John vivait une des journées les plus heureuses de sa vie. Néanmoins, la femme lui répondit :

« - D’accord. Pourriez-vous m’en dire un peu plus sur eux et dans quelles circonstances vous avez été amené à les héberger ? »

John n’était pas à l’aise à l’idée de devoir parler à nouveau, mais il savait qu’il n’avait pas le choix.

« - Le plus grand s’appelle Léopold, la fille Magdalène et le petit Billy. Ces noms étaient inscrits sur leurs vêtements quand je les ai découverts, mais malheureusement je n’ai aucune idée de leurs noms de famille. Je les ai en quelques sortes adoptés un jour où je passais sur une colline du Sud. Ils étaient là, sales, pleurant et apparemment abandonnés. Je suis revenu chaque jour pendant quelques semaines, et jamais personne n’est venu les chercher. Ils sont peut-être recherchés, je n’en sais rien ; je pense que vous vous en sortirez mieux que moi pour le découvrir. Je pense vous avoir tout dit. »

John reprit sa respiration après sa petite tirade. Il espérait s’en être sorti, et ne plus avoir qu’à faire ses adieux aux enfants.

Pour que John puisse prendre la parole, il s'était alors décalé sur le côté et avait rangé ses mains dans les poches de son pantalon. Par la fenêtre, il regardait le temps qu'ils fassent leur petite conversation. C'était à John de jouer maintenant.

- D’accord. Pourriez-vous m’en dire un peu plus sur eux et dans quelles circonstances, vous avez été amené à les héberger ?

- Le plus grand s’appelle Léopold, la fille Magdalène et le petit Billy. Ces noms étaient inscrits sur leurs vêtements quand je les ai découverts, mais malheureusement, je n’ai aucune idée de leurs noms de famille. Je les ai en quelques sortes adoptées un jour où je passais sur une colline du Sud. Ils étaient là, sales, pleurant et apparemment abandonnés. Je suis revenu chaque jour pendant quelques semaines, et jamais personne n’est venu les chercher. Ils sont peut-être recherchés, je n’en sais rien ; je pense que vous vous en sortirez mieux que moi pour le découvrir. Je pense vous avoir tout dit.

Enfin, il connaissait un peu plus leurs histoires même si ce n'était pas très détaillé. Mais déjà, ils connaissaient leur nom. Jusqu'ici, le brun ne savait même pas comment ces trois petits monstres s’appelaient. Il devait s'avouer sans se moquer d'eux, que leurs noms étaient loin d'être à la mode en ce moment, ils étaient d'ailleurs plutôt d'époque. Il n'y avait pas énormément de parents qui appelaient leur enfant par ce prénom. Après tout, ils savaient sans doute qu'ils allaient les abandonner tôt ou tard, alors qu'importe le prénom ?

- D'accord, cela me va parfaitement. Je vous remercie de nous les confier. On va s'occuper des recherches. On va d'abord les identifié, même pour des enfants abandonnés, les bébés sont enregistrés dès la naissance. Nous ferons attention s'ils sont recherchés, ou s'ils possèdent encore un parent. Les mesures nécessaires seront prises.

Maintenant, c'était l'heure des au revoir. Il fallait laisser ces trois enfants ici. S'accroupissant doucement, il se mit devant la petite fille pour lui caresser doucement la tête comme il avait l'habitude de le faire.

- De toute façon, vous allez revenir nous voir hein ?, demanda-t-elle avec de grand yeux.

En guise de réponse, Leeroy fit l'effort de lâcher un petit sourire.

- Évidemment.

À ces mots, il se releva donc et attendit que John fasse aussi un au revoir aux gamins.

« - D'accord, cela me va parfaitement. Je vous remercie de nous les confier. On va s'occuper des recherches. On va d'abord les identifié, même pour des enfants abandonnés, les bébés sont enregistrés dès la naissance. Nous ferons attention s'ils sont recherchés, ou s'ils possèdent encore un parent. Les mesures nécessaires seront prises. »

« - Merci beaucoup. »

John échappa un petit soupir de soulagement en entendant ces mots ; il pouvait enfin partir, il n’y aurait pas besoin de parler plus. Il se demandait si ces enfants portaient vraiment ces noms-ci, ou même s’ils allaient retrouver leurs parents. Il espérait que si c’était le cas, ce ne serait pas des enfoirés ; vraiment, sinon tout ceci n’aurait servi à rien.

« - De toute façon, vous allez revenir nous voir hein ? »

Pendant qu’il était perdu dans ses réflexions, Leeroy avait déjà commencé à s’approcher des enfants pour leur dire adieu. Ce moment était arrivé.

« - Évidemment. »

Les trois enfants enlacèrent aussitôt Leeroy. Et dire que quelques jours auparavant ils le ne connaissaient pas, maintenant on croirait que c’était quasiment leur frère. John souriait en assistant à cette scène, mais l’inquiétude l’envahissait aussi. Ils lui avaient donné leur entière confiance un peu trop rapidement, et cela pourrait leur porter préjudice à l’avenir. Il se demandait s’ils n’avaient pas hérité de sa naïveté latente, tout en espérant que c’était faux.
Quoiqu’il en soit, il était temps de faire ses adieux à son tour. Il se rapprocha des enfants, se baissa et s’adressa aux enfants :

« - Bien sûr, je passerai vous voir et vous me montrerai tout ce que vous faîtes de super ! Amusez-vous bien ici, ça sera génial ! »

Il n’avait pas osé leur dire qu’il ne passerait que rarement les voir. Il voulait sortir de leur vie, et s’il leur avait dit il n’aurait jamais pu le comprendre ; aucun ne dépassait sept ans après tout. Ils lâchèrent tous trois Leeroy et se ruèrent sur John, quasiment à l’en faire tomber par terre. Ils lui hurlèrent tous en cœur.

« - Salut Johnyyyy ! Tu promets, tu promets , hein ? On te montrera pleins de truc ! »

Merde, mon nom.John garda le sourire, acquiesça puis se releva. Il enlaça une dernière fois ces trois enfants, et commença à s’en aller. Il était temps de tourner la page, maintenant ils seraient plus heureux dans cette vie. S’il avait été plus émotif, il aurait lâché une larme ; mail il se contenta d’arborer un grand sourire. A travers ces enfants il vivait une joie dont il avait rêvé plus jeune, et prierait presque pour leur futur, si il était croyant. Mais il ne l’était pas.

Bref, John était heureux.

Lorsque l'un des petits prononça le nom de John, il tourna un peu son regard pour regarder la femme du coin de l’œil. Il essayait de voir si elle avait tilter quelque chose de suspect. Enfin, de toute façon, il n'y avait pas de raison puisqu'ils n'avaient jamais prononcé son nom et prénom. Mais bon, il y avait plein de John, aucune chance que les enfants aient des problèmes si John faisait quelque chose de travers. Il n'avait pas vraiment à s'inquiéter.

Alors il commença d'abord par se mettre de dos aux enfants, en direction de la porte de sortie. Il ne comptait pas passer cent ans à leur faire des adieux. De toute façon, ce n'en était même pas puisqu'il comptait passer de temps en temps pour les voir. Il attendit tout de même un peu John avant d'ouvrir la porte.

- Merci à vous. Bonne journée, disait-il poliment à la femme qui s'occupait de l'administration.

Après ces mots, il sortit donc du bureau et passa ensuite la porte final de sortie pour se retrouver à l'air libre. Il n'avait pas oublié cet air frais du matin. Il devait s'avouer qu'il faisait déjà beaucoup plus chaud dans cet orphelinat. Il n'était même pas midi, une heure n'était même pas passée en fait. Ils avaient vite été acceptés par la femme, et c'était tant mieux. Il n'aurait pas aimé faire des tas de paperasses si John avait été un tuteur légal pour ces enfants.

Une fois dehors, il se retourna donc vers son accompagnateur. Le fixant un peu, il préféra demander simplement.

- Tu retourneras vraiment les voir ?

Leeroy n'en était pas sûr. Il arrivait à deviner un peu près ce qu'il pensait : « Je suis un voleur, et ils peuvent avoir des problèmes à cause de moi. Il faut que je me détache d'eux ». Il savait qu'il pensait ce genre de chose et il comptait bien lui faire remarquer que c'était ridicule.

En attendant que Leeroy finisse ses adieux, John s’était adossé sur le mur de l’orphelinat. Il était songeur, il repensait à ces quelques années passées avec ces trois enfants. Et il se disait aussi qu’il ne les reverrait pas. Ils étaient encore jeunes, ils allaient vite l’oublier ; après tout il ne faisait pas partie de leur famille, et ils n’avaient pas vécu si longtemps avec lui. C’était des enfants de la rue, habitués aux galères et excellents comédiens, bien meilleurs que ne l’était John. Quoiqu’au fond, ils n’étaient pas encore pourris par cette pauvreté ambiante du Sud, et ils pouvaient encore espérer se fondre dans le monde. Ironique pour un homme qui a voué sa vie à protéger le sud, que de presque l’insulter dans sa tête. Mais c’était ça John, un homme aux multiples paradoxes.
Leeroy finit par sortir à son tour.

« - Tu retourneras vraiment les voir ? »

John rit. Il se doutait que Leeroy savait très bien ce qu’il pensait réellement, et le lui dire serait inutile. Il prit le partie de jouer sur le second degré, sans savoir si Leeroy le comprendrait. Enfin, il n’avait pas grand-chose à perdre ; ce n’était pas comme si leur relation était basée sur un fin tact.

« - Bof, ils étaient sacrement moches. J’suis bien content de plus les voir. »

Il se tourna vers Leeroy pour déduire de son regard s’il avait compris sa super blague. S’il rigolait, il rigolerait. Sinon, il rigolerait. Il se doutait bien que Leeroy ne s’attendait pas à une telle réponse, et c’est ce qui faisait d’autant plus rire John. Après tout, lui qui n’avait pas eu d’amis pendant des années il avait dû apprendre l’humour seul ; peut-être que maintenant quelqu’un rigolerait de ses blagues.

Le second degré ne le fit pas rire. En fait, ce n'était peut-être pas le moment de blaguer. John venait de se détacher de gosses qu'il s'occupait depuis un moment. C'était comme faire une blague sur des kallach et des explosions après qu'il y ai eu un attentat. Mais, essayait-il de se convaincre qu'il ne les aimait pas tant que cela pour ne pas qu'il ai dû mal à les quitter ? Dans les deux cas, ce garçon ne comptait pas revenir voir les enfants. C'était fort dommage.

- Tu devrais aller les revoir. Je sais probablement pourquoi tu t'inquiètes. Mais ils sont parfaitement indépendants de toi. Ce n'est pas comme si était leur véritable tuteur.

Leeroy s'adossa alors au mur qui forcement une sorte de barrière entre la rue et le terrain de l'orphelinat.

- On peut venir les voir ensemble à l'occasion, puisque moi, je compte venir ici au moins une fois toutes les deux semaines, je dirais pour commencer. Après on verra.

Pour l'instant, les voir une fois toutes les deux semaines paraissait faisable et il pourra toujours travailler convenablement. Il ne voulait pas non plus donner de faux espoirs aux gosses. Il espérait qu'ils n'avaient pas pensé qu'il viendrait presque tous les jours. Leeroy avait ses études à côté et ne pouvait pas se permettre de passer tout son temps à l'orphelinat. De plus, il avait la chasse à l'ombre et pas mal d'occupation qu'un Solitaire avait.

Il posa alors son regard sur John pour voir quel genre de tête il affichait, peut-être pour essayer d'identifier ses sentiments. Généralement, beaucoup de choses se voyaient dans ses yeux, notamment des sentiments qui paraissaient forts. Leeroy avait réussi à ressentir cela lors de leur petite sortie au bar.

Donc Leeroy comptait bien le forcer à aller voir ces trois monstres puisqu'ils voulaient le voir et que John refuserait de peur de leur attirer des problèmes même s'il adorerait aller les voir.

« - Tu devrais aller les revoir. Je sais probablement pourquoi tu t'inquiètes. Mais ils sont parfaitement indépendants de toi. Ce n'est pas comme si était leur véritable tuteur. »

John s’arrêta de rire. Effectivement, Leeroy et lui ne partageait pas le même humour, et celui-ci avait sûrement mal compris ses pensées. Il n’avait pas tout à fait tord, légalement John n’était rien pour eux ; sauf qu’officieusement il avait une place importante dans leur vie. Si jamais on menait une enquête sur lui, les recherches finiraient par aboutir dans cet orphelinat et les enfants seraient interrogés. Même si leurs noms n’étaient pas fichés aux côtés de celui de John, il ne voulait pas leur faire vivre un interrogatoire, surtout lors duquel toutes les vertus qu’ils avaient pu donner à celui qui les avait en quelques sortes sauvés soient anéanties. Ils en perdraient des repères, chose importante à leur âge. Non, John ne voulait pas leur faire subir cela.


« - On peut venir les voir ensemble à l'occasion, puisque moi, je compte venir ici au moins une fois toutes les deux semaines, je dirais pour commencer. Après on verra. »


John regarda amusé Leeroy, cet homme qui s’était déjà attaché à des enfants qu’il ne connaissait qu’à peine. Quand il remarqua que celui-ci l’observait, il décida de changer son expression. Leeroy n’avait pas l’air d’avoir envie de rire, et John ne voulait pas prendre le risque de se brouiller dès lors avec lui. Alors, il sourit pour indiquer à Leeroy qu’en ce jour il fallait être heureux. C’était le début de la nouvelle vie de ces enfants, il était temps pour eux de tirer un trait sur le passé.

« - Y a des portraits robots de ma tête tu sais, et plus je viendrai ici, plus il y aura de chance que je sois repéré. Et puis, en-dehors de ça je pense qu’il serait mieux pour eux de grandir en rompant les liens avec leur ancienne vie. Avant, ils étaient pauvres et à la rue, désormais ils seront au sec et heureux. Toi, tu peux aller les voir, tu symbolises la réussite. Moi, je suis simplement l’échec, une sorte de déchet de la société. C’est mieux pour eux qu’ils n’essayent pas de me copier. »

John avait perdu son sourire lors de sa tirade, il avait commencé à presque afficher une mine triste quand il avait commencé à parler de rompre  les liens. Même si cela le blessait, même si c’était en quelque sorte contraire avec ses idéaux, John pensait tout ce qu’il avait dit. Il espérait de tout son cœur que les enfants allaient prendre Leeroy comme leur nouvelle idole. Ainsi, ils auraient un bel avenir.

- Y a des portraits robots de ma tête tu sais, et plus je viendrai ici, plus il y aura de chance que je sois repéré. Et puis, en-dehors de ça je pense qu’il serait mieux pour eux de grandir en rompant les liens avec leur ancienne vie. Avant, ils étaient pauvres et à la rue, désormais ils seront au sec et heureux. Toi, tu peux aller les voir, tu symbolises la réussite. Moi, je suis simplement l’échec, une sorte de déchet de la société. C’est mieux pour eux qu’ils n’essayent pas de me copier.

Il pensait alors qu'ils n'avaient pas la même façon de voir les choses. Ils étaient encore petits, et même s'ils vivaient dans la pauvreté et la misère, à trois, ils avaient l'air de s'en sortir et gardaient quand même le sourire. Voir quelqu'un qui avait réussi et eu le courage de les sauver et de s'occuper d'eux ne pouvait pas dire cela. Il était aussi un symbole pour eux. Leeroy était sûr qu'ils pensaient de lui comme quelqu'un de fort et comme un modèle puisque même dans une vie où rien ne lui souriait, il avait réussi à accomplir plein de choses, il leur avait redonné espoir.

- Je ne sais pas pourquoi tu penses comme ça. C sûrement la mauvaise manière. Tu as sauvé ces gosses, tu étais probablement leur modèle, tu ne peux pas les abandonner comme cela. Ils t'aiment et veulent te revoir. Et puis tes activités non-rien à voir là-dedans. Il se peut que toi, tu aies des problèmes, mais les flics n'en n'auront jamais après ces gosses parce qu'ils sont encore beaucoup trop petits pour comprendre ce de choses.

Au moins, là, Leeroy avait dit ce qu'il pensait dans les grandes lignes. Il avait eu envie de l'insulter de déchet, voire plus à sa façon de penser et de se décrire. Comment pouvait-on se rabaisser à ce point ? Il avait du mal à tolérer cela, pourtant, il ne ressentait pas de haine envers lui et un sentiment amical commençait à émerger. Cela ne voulait pas dire qu'il le considérait déjà comme son ami. Ça ne se passait pas aussi vite !

« - Je ne sais pas pourquoi tu penses comme ça. C sûrement la mauvaise manière. Tu as sauvé ces gosses, tu étais probablement leur modèle, tu ne peux pas les abandonner comme cela. Ils t'aiment et veulent te revoir. Et puis tes activités non-rien à voir là-dedans. Il se peut que toi, tu aies des problèmes, mais les flics n'en n'auront jamais après ces gosses parce qu'ils sont encore beaucoup trop petits pour comprendre ce de choses. »

John laissa planer un silence quelques instants. Il savait que continuer dans ce sens ne mènerait qu’à se prendre la tête avec Leroy ; or il ne voulait pas lui mentir en promettant de revenir voir les enfants. John avait bien comprit que Leeroy était persuadé qu’il était une sorte de modèle pour ces trois garnements, et John en était conscient en réalité ; sauf qu’il y avait un autre souci. En dehors de toute considération morale ou réflexion sur le futur des enfants, John ne pouvait pas se résigner à faire la promesse de revenir voir les enfants fréquemment.
Le souci, c’est qu’il avait quelque chose à faire, et ce rapidement. Quelque chose qu’il savait risquée, et qui pourrait le perdre. Et ce dont John avait le moins envie, c’était de rompre sa parole au bout que quelques semaines à peine. C’était l’ultime raison pour laquelle il ne voulait pas revenir voir les enfants, et c’était aussi l’unique raison dont il ne pouvait pas parler à Leeroy. Même s’il commençait à lui faire confiance, il ne s’imaginait pas dévoiler à ce dernier ses futurs plans de cambriolage, car il pensait Leeroy du côté de la justice. Jamais il n’approuverait ses actes, et John ne souhaitait pas que cette belle matinée parte en débat.

« - Peut-être… Je les laisserais un ou deux mois tranquilles, pour leur donner le temps de s’habituer à leur nouvelle vie. Et une fois qu’ils s’y seront fait, je passerai les voir au moins deux fois par mois. Marché conclu ? »

Remarquant qu’il avait oublié un détail, quand il finit de poser sa question il arbora un grand sourire. Leeroy devait continuer de la voir comme l’être pathétique, déchet et pessimiste. Le côté ambitieux de John avait encore à rester caché pour le moment. Un jour, il dira tout à Leeroy.

- Peut-être… Je les laisserais un ou deux mois tranquilles, pour leur donner le temps de s’habituer à leur nouvelle vie. Et une fois qu’ils s’y seront fait, je passerai les voir au moins deux fois par mois. Marché conclu ?

Ce John était voleur n'est-ce pas ? Il avait peut-être prévu de faire quelque chose dangereux. Dans ce cas-là, il avait sûrement raison sur le fait de laisser les petits tranquilles puisque effectivement, voleur n'était pas le meilleur métier qui soit. D'ailleurs, il se demandait toujours pourquoi John ne faisait pas un travail honnête. À vrai dire, il y avait toujours quelques boulots simples qu'il pouvait faire sans avoir de diplôme. Ce n'était pas forcément facile à trouver, mais il y en avait. Une accumulation de petit boulot pourrait largement faire l'affaire. Le matin, il faisait un petit boulot, l'après-midi, un autre, et le voilà plutôt bien payer pour quelqu'un du quartier sud.

Les petits boulots qui restaient maintenant n'étaient certes pas les plus intéressants, mais ils recrutaient. Leeroy pensait justement à tout ce qui est nettoyage de la ville. Il pouvait être payé par l'administration de la ville pour faire cela. C'était à voir. Il pouvait aussi proposer ses petits services un peu partout. Il y avait toujours un moyen de s'en sortir.

- Ouais ça me va. Mais ne va pas te fourrer dans des affaires dangereuses d'accord ? Au fait, au lieu d'aller voler les gens, pourquoi ne fais-tu pas un travail honnête ? Après t'être occupé de ces gosses, tu devrais être capable de trouver quelques petites recherches de nounous. Ou tu peux ramasser les déchets de la ville. C'est peut-être moins bien payé qu'un bijou en or, mais au moins tu ne risques pas ta peau.

Leeroy sortit de sa poche son téléphone pour regarder l'heure. Il était encore tôt et pouvait rester papoter avec John jusqu'à qu'il veuille partir. Maintenant qu'il avait interrompu ses révisions, autant profité d'être ici, sous l'air frai du matin.

« - Ouais ça me va. Mais ne va pas te fourrer dans des affaires dangereuses d'accord ? Au fait, au lieu d'aller voler les gens, pourquoi ne fais-tu pas un travail honnête ? Après t'être occupé de ces gosses, tu devrais être capable de trouver quelques petites recherches de nounous. Ou tu peux ramasser les déchets de la ville. C'est peut-être moins bien payé qu'un bijou en or, mais au moins tu ne risques pas ta peau. »

Victoire mitigée pour John. Alors qu’il venait d’obtenir de Leeroy un compromis quant aux visites de l’orphelinat, voilà que celui-ci mettait sur le tapis un sujet à polémiques. A très grosses polémiques, en réalité, car le point de vue de John était déjà très difficile à concevoir, alors de là à le partager…
John avait déjà songé de nombreuses fois à se faire une nouvelle vie, légale, sereine, normale. Il avait même tenté d’aller au lycée il y a quelques années, mais ce fut un échec. Il manquait quelque chose à John que tous les autres avaient, quelque chose d’indispensable pour se fondre dans la masse, pour vivre cette vie épanouie.
Il n’existait pas. Il avait le souci des agents secrets de retour chez eux et qui avait du mal à vivre à nouveau leur vraie identité ; chez John c’était la même chose, sauf que sa vraie identité était bannie.
En fait, John n’avait pas d’enfance à raconter aux gens, ne voyait pas d’amis en dehors des cours, et était très turbulent, adolescent. Une haine profonde envers son père et les riches en générale s’était instaurée dans son esprit à cette époque, et dès qu’il voyait un autre enfant faire preuve d’égoïsme il ne pouvait se retenir d’aller se confronter à lui. Et souvent, ça finissait mal pour lui… C’est pourquoi il avait très vite arrêté les études.

Désormais, cet échec social en plus de son souci d’identité l’avait poussé à vouer sa vie pour une cause qui lui semblait juste. Sans oublier qu’être mort avait l’avantage de lui permettre de disparaître sans se soucier qu’on le recherche.

John inspira et regarda Leeroy observer ton téléphone. Était-il pressé ? Quoi qu’il en soit, il attendait sûrement que John lui répondre. Alors John releva les yeux pour regarder le ciel, inspira et se lança :

« - Oublie pas un petit détail : je suis mort. Un mort ça travaille pas, sinon c’est illégal. Et puis, j’existe pas, j’ai pas de place dans cette ville ; tu engagerais un type qui sort de nulle part, hormis d’une pauvreté ambiante pour travailler pour toi ? J’ai pas de passé, pas d’expérience… Je suis personne. Le seul boulot légal que j’ai eu, j’ai dû le préparer des mois en avance pour y être embaucher ; et par là je veux dire que je me suis créé une fausse vie, qui n’avait aucun rapport avec moi. Tu parles à un fantôme, Leeroy. »

Il se doutait bien que Leeroy n’allait pas se ranger de son côté ; mais John ne voulait pas mentir à cette personne qui était le plus proche pour lui de ce qu’on appelle un ami. C’était déjà beaucoup pour John, et il ne voulait pas commencer leur relation sur des mensonges.

- Oublie pas un petit détail : je suis mort. Un mort ça travaille pas, sinon c’est illégal. Et puis, j’existe pas, j’ai pas de place dans cette ville ; tu engagerais un type qui sort de nulle part, hormis d’une pauvreté ambiante pour travailler pour toi ? J’ai pas de passé, pas d’expérience… Je suis personne. Le seul boulot légal que j’ai eu, j’ai dû le préparer des mois en avance pour y être embaucher ; et par là je veux dire que je me suis créé une fausse vie, qui n’avait aucun rapport avec moi. Tu parles à un fantôme, Leeroy.

Il ne pouvait pas que désapprouver les arguments de John, cependant, il y avait quelques petits points où il pensait qu'il avait tort. Leeroy se mit alors un peu à réfléchir, il ne voulait pas lui répondre sans avoir tourner sa langue sept fois dans sa bouche avant de parler.

- Tu as raison, personne n'engagerais un type sortit de nul par. Par contre, au niveau de l'existence, tu te trompes totalement.

Il n'avait pas vraiment pris la peine d'expliquer ce qu'il venait de dire, mais il était persuadé que John faisait fausse route. Il ne pouvait pas dire qu'il n'existait pas puisqu'il était bien présent, devant lui. De plus, il se trompait totalement, il avait un passé et une expérience, cependant, il les reniait tellement qu'il pensait ne pas en avoir. Ce n'était pourtant pas quelque chose de positif.

- Tu es quelqu'un. Tu as un passé et de l'expérience. Cette expérience fait ce que tu es devenu aujourd'hui. Tu es Théodore, mais en reniant ton passé de la sorte, tu te fais du mal. Tu es juste Théodore qui par de certaines circonstances, tu as décidé de changer de nom et tu as été dans le Quartier Sud. Tu as un passé, ca te fait peut-être du mal d'y repenser aujourd'hui, mais on a tous quelque chose de noir dans notre vie, mais cela a fait ce que nous sommes aujourd'hui.

Il avait dit ce qu'il pensait. Leeroy ne venait pas de dire que John devant pensé de son passé comme quelque chose de bien, mais qu'il devait au moins le respecter. Il pouvait regretter. Leeroy regrettait ses erreurs, son passé, mais c'était comme cela qu'il avait appris et qu'il était devenu la personne d'aujourd'hui. Cependant, pour le cas de Leeroy, c'était légèrement différent. Leeroy regrettait simplement qui il était. Il faisait la morale à John, mais n'était pas mieux placé que lui pour dire ce genre de chose puisqu'il restait bloqué par la personne qu'il était devenu aujourd'hui : une espèce d'homme mi-serpent.

« - Tu as raison, personne n'engagerais un type sortit de nul par. Par contre, au niveau de l'existence, tu te trompes totalement. »

D’un point de vue physique, Leeroy avait raison. John était bien là, palpable : oui, il existait. Mais si l’on s’intéressait à son histoire, à son passé, il n’en était rien ; Théodore Brun était mort, et John Fallen n’était basé que sur du faux. C’est pourquoi on pouvait raisonnablement dire qu’il n’existait pas. Enfin, jusqu’à cet été : désormais son visage était connu, il y avait des traces de lui, son histoire émergeait. Mais ce n’était pas un semblant de début d’existence que John appréciait tout à fait, et il préférait donc l’ignorer.

« - Tu es quelqu'un. Tu as un passé et de l'expérience. Cette expérience fait ce que tu es devenu aujourd'hui. Tu es Théodore, mais en reniant ton passé de la sorte, tu te fais du mal. Tu es juste Théodore qui par de certaines circonstances, tu as décidé de changer de nom et tu as été dans le Quartier Sud. Tu as un passé, ca te fait peut-être du mal d'y repenser aujourd'hui, mais on a tous quelque chose de noir dans notre vie, mais cela a fait ce que nous sommes aujourd'hui. »

Leeroy ne pouvait pas dire ça. John n’était plus un Brun, il avait été renié, chassé, laissé pour mort. Comment prétendre faire encore partie d’une famille qui a décidé de vous faire disparaître des registres ? En réalité, John leur était presque redevable, car grâce à cela il a pu commencer ses petites aventures ; mais c’était très relatif. Très, très relatif. De toute façon, John serait bientôt fixé sur son existence.

« - Tu sais, je pense que si mes parents apprenaient mon existence, elle serait compromise. Genre, de façon définitive. J’aurai une existence, oui, mais mon passé n’existe pas encore. John Fallen n’a pas encore laissé de traces pour qu’on le reconnaisse … Enfin si, un portrait-robot un qui traîne, mais bon, c’est pas bien glorieux. Mais bientôt j’existerai, ou je disparaîtrai ; enfin, qui vivra rira, hein ! »

Et il rit franchement. Il voulait faire retomber le sérieux de la discussion, car il savait que Leeroy allait le questionner sur sa dernière phrase, et il ne voulait pas trop entrer dans les détails. Et si on lui forçait un peu la main, John se mettra à nouveau à questionner Leeroy sur son PC : soit ils en resteront là, soit Leeroy en dévoilera un peu plus sur lui. Et quoique puisse dire John, il aimerait bien découvrir pourquoi il sent Leeroy si semblable à lui.

- Tu sais, je pense que si mes parents apprenaient mon existence, elle serait compromise. Genre, de façon définitive. J’aurai une existence, oui, mais mon passé n’existe pas encore. John Fallen n’a pas encore laissé de traces pour qu’on le reconnaisse … Enfin si, un portrait-robot un qui traîne, mais bon, c’est pas bien glorieux. Mais bientôt j’existerai, ou je disparaîtrai ; enfin, qui vivra rira, hein !

Leeroy le vit rire alors. Rare était les personnes qui avait vu rire le solitaire, alors il ne le suivait pas spécialement. Ce n'était même pas question de mauvaise blague ou non. De toute façon, John le remarquera bien un jour s'il restait de plus en plus avec lui.

Enfin, s'il avait sourit et rit de telles manières, il supposa donc que John ne voulait pas parler plus de ce sujet. Cela devait être sensible pour lui apparemment. Il ne pouvait pas vraiment cracher sur cela, car Leeroy aussi avait ce genre de sujet sensible. Tout le monde en avait au moins un. La vie de quelqu'un n'avait pas pu se passer parfaitement comme il le désirait et que même si l'on faisait tout ce que l'on désirait, on finirait pas regretter puisque les choix de quelqu'un ne pouvait pas être parfaits.

- Bref. Je disais juste tout ça pour éviter de vivre une vie dangereuse. Et je pense que des gens voudraient bien t'employer même s'il ne te connaisse que trop peu. Réfléchis, tout le monde n'est pas mauvais.

Avec ses paroles il tentait aussi de se convaincre lui-même, se disant que tout le monde n'était pas mauvaise chez les Seraph. De toute façon, la question se posait pas, il y avait Samantha. C'était la jeune femme qui n'avait rien à faire dans ce genre de monde. Il soupira un peu rien que d'y penser.

- Evite de mettre la plupart des gens dans le même sac.

Leeroy demeura impassible au rire de John. Vraiment, John se demandait si un jour il le verrait rire. Enfin, il avait le temps de trouver comment s’y prendre : après tout, il n’avait pas l’intention de lui dire adieu ce matin. Il se demandait si Leeroy ne riait jamais car il était torturé, ou si tout simplement car John n’était pas drôle.

« - Bref. Je disais juste tout ça pour éviter de vivre une vie dangereuse. Et je pense que des gens voudraient bien t'employer même s'il ne te connaisse que trop peu. Réfléchis, tout le monde n'est pas mauvais. »

John avait bien été embauché sur le paquebot Nightray, mais ne n’avait pas été facile. Et puis, John n’aspirait pas à avoir une existence normale. Il avait de l’ambition, celle de rendre le monde meilleur. C’est vrai que cela semblait niais, mais il a voué sa vie à rétablir un équilibre entre riche et pauvre, une sorte de lubie communiste qui vivait dans son esprit. Avoir une vie normale réduirait cet objectif à néant et ferait de lui quelqu’un de lambda. Et malgré tout ce qu’il disait, John voulait sortir du lot.

« - Evite de mettre la plupart des gens dans le même sac. »

Touché. C’était le défaut principal de John vis-à-vis des individus : il stigmatisait les gens. Même s’il savait qu’il y avait des riches bons, des pauvres salauds ou même des gens moyens sans histoire ; mais sa haine l’avait tellement accompagné au fil des années, qu’il ne pouvait se résoudre à faire preuve de modération. Et pourtant, à force de cambrioler des gens il s’était rendu compte beaucoup de ses cibles n’étaient finalement pas ce qu’ils étaient censés être. Certes, Alice Nightray était une pourriture, mais elle ne faisait absolument rien pour détruire la vie de ceux du Sud. Et il y avait beaucoup d’autres exemples qui détruisaient ses catégorisations. Il était temps que John change sa façon de voir le monde.

« - Ouais, j’ai pu voir ça ces quelques derniers mois… Ils sont pas tous des connards, je sais, mais bon, faut me laisser le temps de changer ma vision des choses et tout… Tu sais, j’suis con moi, je suis pas allé au lycée ! »

Cette fois-ci, il ne ria pas. Il savait qu’un second rire serait inutile, Leeroy semblait avoir compris qu’il fallait changer de sujet. Alors il se contenta simplement de sourire, cela servirait toujours. Il appréciait d’avoir une discussion, en plus sérieuse, aussi longue que celle-ci. Vraiment, ce Leeroy commençait à lui être sympathique.

- Ouais, j’ai pu voir ça ces quelques derniers mois… Ils sont pas tous des connards, je sais, mais bon, faut me laisser le temps de changer ma vision des choses et tout… Tu sais, j’suis con moi, je suis pas allé au lycée !

Il n'était peut-être pas allé au lycée, mais il restait un être humain doté d'une intelligence comme les autres. Après, le but du lycée était de développer les aptitudes humaines. Il n'arrivait pas à s'imaginer si quelqu'un qui n'allait pas vraiment au lycée pouvait réfléchir comme tout autre humain qui y allait. Par exemple, la philosophie qu'il y avait en dernière classe de lycée permettait de bien développer l'esprit des élèves. Quelqu'un qui n'avait pas eu cette manière pouvait-il résonner comme quelqu'un qui l'avait eu ? C'était encore à voir. Leeroy et John étaient forcément un exemple de ce cas-là, mais n'étaient pas stéréotypés.

- Je ne sais pas. Tu n'es pas con, mais je t'avouerai que de n'être pas allé au lycée change souvent l'avis des gens et la façon dont ils pensent.

À vrai dire, l'éducation nationale faisait en sorte que les élèves et que les jeunes d'aujourd'hui pensent de tel ou tel manière. Alors que quelqu'un qui n'avait pas cette éducation pensait forcément différent, alors Leeroy pouvait comprendre que John et lui avait des différents par rapport à ce genre d'amis

- Tu n'as vraiment jamais travaillé légalement pour quelqu'un ?

« - Je ne sais pas. Tu n'es pas con, mais je t'avouerai que de n'être pas allé au lycée change souvent l'avis des gens et la façon dont ils pensent. »

John avait eu vent des cours de philosophie dispensés au lycée, mais il ne lui semblait pas que ça aurait une importance sur sa façon de penser. Non, John avançait ses propos dans le sens où il était très peu éduqué ; en se forçant à perdre son ancienne éducation très précieuse, il avait omis d’apprendre à nouveau le respect à ou la bienséance. Et même s’il était capable d’avoir un comportement à peu près responsable, il avait pu montrer à de nombreuses occasions qu’il était aussi tout à fait capable de faire preuve d’une éducation absolument déplorable quand il aurait dû être. Un exemple frappant avait été la petite discussion qu’il avait eue avec Alice Nightray où il avait été odieusement arrogant. C’était de ça dont il était question pour John.

« - Tu n'as vraiment jamais travaillé légalement pour quelqu'un ? »

Pouvait-on vraiment considérer son travail d’homme à tout faire sur le paquebot comme légal ? John ne pouvait pas vraiment le dire, étant donné qu’il avait suivi un entretien d’embauche mais sous un faux non. Il situait ce boulot entre le légal et l’illégal, quoique plus en respect avec les lois que ses activités habituelles.

« - Plus ou moins. Y a pas longtemps j’ai eu un boulot presque légal… Ça compte si j’avais des faux papiers ? »

Plus il parlait de lui, moins il y avait de barrières entre la vie secrète et illégale de John et Leeroy. Il lui disait tout, ou presque, ce qui représentait un danger grandissant pour John. Il s’en rendait compte, mais ne voulait pas risquer de froisser Leeroy en se fermant maintenant. Il devait dévier la discussion, quoiqu’en abandonnant la subtilité – ce n’était définitivement pas son fort, il l’admettait haut et fort.

« - Et toi, t’as déjà eu des boulots ? Ah et tiens, en parlant de tout ça … T’as déjà touché à l’illégal ? »

De toute façon en prenant ces informations sur John, il était plus en train d'essayer de l'aider plutôt que de l'enfoncer, et tout cela se voyait sur ce qu'il disait. Il disait avoir été travaillé plus ou moins légalement avec des faux papiers. Leeroy fut assez curieux sur l'expression « faux papiers », parlait-il d'un autre nom que Théodore et John ? Ou de John lui-même ?

- Les faux papiers étaient à quels noms ? S'ils étaient au nom de John, c'est que tu te compliques vraiment la vie de façon stupide.

Il ne disait pas cela méchamment, mais il voulait juste lui faire réaliser qu'il se plaignait d'être personne, d'avoir abandonné son ancien nom, pourtant s'il disait que John Fallen n'était que des faux papiers, c'était qu'il se mettait dans la mouise pour aucune raison en fait. Il devait absolument se choisir une identité pour pouvoir vivre tranquillement. Après, peut-être que ce jeune homme n'avait simplement pas envie de vivre tranquillement, et c'était son choix. C'est juste que c'était légèrement bête.

- Et toi, t’as déjà eu des boulots ? Ah et tiens, en parlant de tout ça … T’as déjà touché à l’illégal ?

Avait-il touché à l’illégal ? Il ne pensait pas vraiment, à part avoir acheté de l'alcool un an avant la majorité, il n'avait jamais fait de choses vraiment illégales. Il était en quelques sortes l'enfant modèle, et le fils à son papa que tous les parents aimeraient avoir.

- Bof pas vraiment. J'étais un peu un gosse modèle, la seule chose illégale que j'ai faite, c'était d'acheter de l'alcool.

Ce n'était sans doute pas grand chose par rapport à ce que faisait John.

« - Les faux papiers étaient à quels noms ? S'ils étaient au nom de John, c'est que tu te compliques vraiment la vie de façon stupide. »

C’était plus compliqué que cela tout de même. John Fallen n’avait pas de réalité au niveau de l’État, et si jamais il tenté de se faire de vrais papiers et il se heurterait très vite à des soucis d’empreinte : quelques mois avant sa présumé mort ses parents avaient tenu à lui faire un passeport biométrique, de façon à toujours être le plus actuel possible. Et le souci que ceci amène, c’est que les empreintes de Théodore Brun sont connus ; or si John en vient à faire une demande de papiers officiels, on se rendrait compte très vite qu’il porte les empreintes d’un mort. Et là, sa couverture serait compromise, ce qui serait – vraiment – dommage.
Pendant qu’il pensait à ceci, Leeroy enchaîna directement sur la question de John, ne lui laissant pas le temps de répondre :

« - Bof pas vraiment. J'étais un peu un gosse modèle, la seule chose illégale que j'ai faite, c'était d'acheter de l'alcool. »

John s’en doutait, il n’imaginait pas vraiment Leeroy comme un délinquant, violent et chercheur d’ennuis. A plus y réfléchir, s’il avait eu le sourire du métier, Leeroy aurait été un vrai petit ange. Mais définitivement le sourire faisait défaut … John allait vraiment faire en sorte de fixer cela. Cela donnerait une sorte de petit défaut, un début d’édifice à une possible amitié qu’ils formeraient ; en tout cas c’est ce qu’il espérait.
Leeroy n’était pas comme Nylian, jamais il ne pourrait  lui proposer de le rejoindre dans ses petites quêtes nocturnes ; John en était un peu déçu, mais il savait bien qu’il ne pouvait pas faire de chacune de ses rencontres un allié.

« - C’était bien à mon nom, mais ils étaient faux. Et j’ai le pas de chance d’avoir eu un biométrique dans mon autre vie, donc si je tente d’avoir des vrais papiers, je me ferai attrapé tout de suite, haha !
Ce qui est marrant quand on se compare tous les deux, c’est que si y a bien un truc illégal que j’ai jamais fait, c’est acheter de l’alcool… On se complète bien en fait, c’est drôle. »

Et il sourit à nouveau.

- C’était bien à mon nom, mais ils étaient faux. Et j’ai le pas de chance d’avoir eu un biométrique dans mon autre vie, donc si je tente d’avoir des vrais papiers, je me ferai attraper tout de suite, haha !
Ce qui est marrant quand on se compare tous les deux, c’est que si y a bien un truc illégal que j’ai jamais fait, c’est acheter de l’alcool… On se complète bien en fait, c’est drôle.

Bien qu'il ne riait jamais, sourire pouvait lui arriver de temps en temps. Dans ce cas-là, il avait affiché un petit sourire pour le moment très léger. Il n'avait vraiment pas tort, il ne pouvait donc pas se faire de nouveaux papiers. Leeroy soupira, il n'y avait donc aucune solution pour ce jeune garçon ?

- La personne qui t'a employé même avec de faux papiers. Tu pourrais te faire engager par celle-ci non ? Dans un contrat qui dure plus longtemps.

Même comme cela, ce n'était pas sûr qu'il allait accepter ce qu'il venait de lui proposer puisqu'il avait l'air assez fermé sur ça. Trouver un moyen de l'arranger était assurément compliqué. Il n'avait pas vraiment l'air de vouloir essayer de changer.

- Peut-être que cette personne peut être compréhensive et te donner un travail. Si tu lui racontes ton histoire. C'est peut-être quelque chose de dure, mais tu devrais essayer. Des gens comme moi, ils te comprendront.

Ce genre de personne était évidemment très dur à trouver, et il ne garantissait pas que cette personne soit d'une telle manière, sinon John voudrait dire que c'était un sacré chanceux, mais cela valait toujours le coup d'essayer.

Ses deux yeux jaunes se baladaient un peu du regard sur le corps de John, il examinait ses vêtements plus exactement. Il était vrai qu'ils n'étaient pas les meilleures qui soit et que pour un entretien, ils n'étaient pas ce qu'il y avait de mieux. Limite, il pourrait presque lui prêter ses propres vêtements, cependant, au vu du corps du jeune garçon, ses vêtements seraient peut-être un peu trop grand.

- Enfin, après, je suppose que tu ne voudras pas faire ça de toute manière. Je me trompe ? Tu préfères tant que cela vivre une vie dangereuse ?

Sur ce coup-là, Leeroy savait de quoi il parlait en matière de vie dangereuse.

« - La personne qui t'a employé même avec de faux papiers. Tu pourrais te faire engager par celle-ci non ? Dans un contrat qui dure plus longtemps. »

Il avait souri. Ce fut très court, mais John avait au moins saisi cette information, et c’était déjà quelque chose d’avoir obtenu cela de Leeroy ; du moins c’était ce dont se persuadait John.
Leeroy ne pouvait pas savoir la situation de John quant à son ancien patron : cela lui coûterait cher de revenir la voir. En effet, la perspective de se pointer la queue entre les jambes face à cette garce d’Alice, qui lui servait de patron, et faire des courbettes pour obtenir un nouvel emploi  ne lui plaisait guère. Non, vraiment, il tenait encore à son égo.

« - Peut-être que cette personne peut être compréhensive et te donner un travail. Si tu lui racontes ton histoire. C'est peut-être quelque chose de dure, mais tu devrais essayer. Des gens comme moi, ils te comprendront. »

Il ne savait pas de quoi il parlait, et John éclate franchement de rire. Alice, le comprendre ? Alice, l’aider ? Alice, éprouver des sentiments positifs envers lui ? Il était persuadé d’avoir plus de chance de recruter Nylian, qu’Alice éprouve un semblant de sympathie envers lui. Il est drôle lui !

« - Enfin, après, je suppose que tu ne voudras pas faire ça de toute manière. Je me trompe ? Tu préfères tant que cela vivre une vie dangereuse ? »

John venait de l’analyser des pieds à la tête, et John se demandait s’il se moquait de ses habits. Il faut dire qu’il n’était pas excessivement bien habillé, mais c’était tout de même au-dessus du standard du Sud. Et puis, s’il fallait bien s’habiller pour un entretien ou un événement, il trouverait un moyen. John trouvait toujours un moyen.
Leeroy soulevait néanmoins un point intéressant ; John ne savait pas dire s’il appréciait ou non sa vie actuelle. Le côté dangereux et héroïque était excitant, mais avoir une vie plus calme serait reposant. Peut-être devrait-il finalement s’installer quelque temps dans une vie normale pour pouvoir réfléchir à son avenir, et puis décider finalement ? Il n’en savait trop rien. Peut-être.

« - Tu connais pas mon ancienne patronne toi, plutôt crever que d’y retourner. Ce serait trop dégradant… Mais tu soulèves un bon point. Ma vie est palpitante, hein, mais se poser quelques mois voire un peu plus ça pourrait être intéressant… Le temps de m’améliorer et puis de recommencer plus effacement, bien sûr ! »

- Tu connais pas mon ancienne patronne toi, plutôt crever que d’y retourner. Ce serait trop dégradant… Mais tu soulèves un bon point. Ma vie est palpitante, hein, mais se poser quelques mois voire un peu plus ça pourrait être intéressant… Le temps de m’améliorer et puis de recommencer plus effacement, bien sûr !

Encore un problème de patron. Après tout, tout n'était pas rose dans la vie et il pouvait le concevoir que ce n'était pas très marrant, mais Leeroy considérait cela comme les aléas de la vie. La vie n'était pas rose, et John était aussi bien placé que lui pour le savoir.

- Même si c'est une mauvaise patronne, elle a une paye à t'offrir, et je pense que tu gagneras plus d'argent de cette manière qu'en volant. Disons qu'un vrai travail, c'est stable. Tu ne vas pas forcément réussir tous tes vols.

Disons qu'il voyait les choses comme ça et il ne savait pas si John voyait les choses du même œil que lui. Leeroy était plutôt passif dans ce domaine. S'il avait un patron pourri, il l'accepterait jusqu'à qu'il trouve mieux.

- Tu peux passer à la Fac si tu veux, les visiteurs sont autorisés sur le campus, tu ne pourras juste pas assister à un cours.

Il soupira un peu, lui qui avait fait en sorte de se coller une réputation d'asocial, le voir avec quelqu'un sur le campus allait briser cette réputation. Pourquoi faire cela ? Uniquement parce qu'il ne voulait pas se faire d'ami étudiant. Il pouvait y avoir plein de contractant et il ne voulait pas prendre le risque.

Il lui ferait un petit tour de l'endroit puisqu'il aimerait bien faire des études. Malheureusement, cela pourrait lui faire encore plus du mal, car il allait entrer sur le campus, mais il ne pourra jamais rejoindre cet établissement en tant qu'étudiant. Les personnes du quartier Sud étaient bien évidemment beaucoup trop pauvre pour se payer des études. De toute manière, John n'aurait jamais eu le niveau d'entrer dans une Fac puisqu'il n'avait même pas fait de lycée apparemment.

«- Même si c'est une mauvaise patronne, elle a une paye à t'offrir, et je pense que tu gagneras plus d'argent de cette manière qu'en volant. Disons qu'un vrai travail, c'est stable. Tu ne vas pas forcément réussir tous tes vols.»

John arbora un grand sourire. Non, Alice n’était pas une mauvaise patronne en réalité, c’était lui qui était un très mauvais employé ; ils étaient tout à fait opposés, et c’est ce qui rendait leurs échanges si succulents et détestables à la fois. Mais là n’était pas le sujet, Leeroy n’avait pas le bonheur – malheur ?- de connaître Alice et ne pouvait donc pas mesurer l’étendue de leur différence. Enfin, quoiqu’il en soit, si John trouvait un patron respectable, ou en tout cas moins arrogant qu’Alice, Leeroy avait raison et John pourrait vraiment avoir un emploi à peu près stable. Enfin, il y aurait toujours un souci juridique vis-à-vis des impôts.
La vérité était que John comptait régler son souci d’identité bientôt. Définitivement, Théodore Brun sera mort, ou alors il reviendra d’entre les morts. Seul le futur le dira …

« - Ma patronne était pas mauvaise en fait, c’est juste qu’on peut tout simplement pas se supporter ; faut dire on s’est rencontré lors d’une de mes balades nocturnes, tu vois le genre ? Mais je vais réfléchir à en trouver un autre, qui pourrait peut-être un peu plus m’apprécier, ha ha ! »


« - Tu peux passer à la Fac si tu veux, les visiteurs sont autorisés sur le campus, tu ne pourras juste pas assister à un cours.»

Passer à la fac ? Découvrir ce monde ? John était excité à cette idée ; et on pouvait déceler un certain stress soudain dans son corps. Oui, il voulait aller là-bas. Voir ce lieu auquel il n’avait pas eu droit – et auquel il n’aurait jamais droit-, serait intéressant. Il y obtiendrait beaucoup de réponses aux questions qu’il se posait sur la vie normale. D’un autre côté il avait peur de faire face à la vie qu’il aurait dû avoir, il craignait de regretter ses actes passés ; sauf que John était un homme curieux, et il ne pouvait pas reculer face à cette perspective.

« - Un peu que ça me dit Lee’ ! J’vais te filer mon numéro de téléphone, mon épave devrait encore fonctionner un peu. Au pire si on me chope et qu’on trouve ton numéro dedans, t’as qu’à dire que je t’ai volé ton téléphone… J’t’enverrai un message pour qu’on se trouve un jour ! »

John sourit bêtement en sortant son vieux téléphone pour montrer son numéro à Leeroy. Évidemment, il ne le connaissait pas par cœur.

- Un peu que ça me dit Lee’ ! J’vais te filer mon numéro de téléphone, mon épave devrait encore fonctionner un peu. Au pire si on me chope et qu’on trouve ton numéro dedans, t’as qu’à dire que je t’ai volé ton téléphone… J’t’enverrai un message pour qu’on se trouve un jour !

« Lee » ? C'était bien la première fois que quelqu'un lui donnait ce genre de surnom. A part le « sale gosse » d'Akiro, personne ne lui donnait de surnom, même pas sa famille, quant à ses amis, ils n'étaient pas nombreux. Cette appellation, avait plus tendance à l’embarrasser dans le sens où il n'était pas habitué à entendre ce genre de choses. Enfin, il n'avait pas réagi pendant deux secondes, et avait tenter de rattraper la conversation après. En tout cas, il ne comptait rien dire sur ce surnom, il n'était pas déplaisant.

- Tant mieux alors si ça te dit de faire ça.

Leeroy sortit alors son portable de la poche pour fouiller dedans. Arrivé dans son répertoire, il enregistra alors le numéro que John venait de lui montrer avec sa fameuse épave qui lui servait de téléphone. Même si ce n'était pas très sophistiqué comme celui de Leeroy, il pouvait quand même appeler et envoyer des messages. Il s'agissait quand même des fonctionnalités primaires et indispensable d'un téléphone, et il les avait.
Il repartit rapidement sur son téléphone, cherchant alors son nouveau contact au nom de « John Fallen ». Écrivant un peu n'importe quoi, il lui envoya alors un sms pour qu'il ait à son tour son numéro. Au moins, il aura son numéro de téléphone aussi.

- Au fait, ta patronne, si tu as essayé de la voler, c’est peut-être normal qu'elle soit comme ça non ? Tu n'as pas essayé de t'excuser ?

Il était vrai que si John avait essayé de faire du mal à sa patronne avant, elle pouvait effectivement être en froid avec lui à cause de cela. Qui ne serait pas en froid après une tentative de cambriolage. C'était pour cela que John devait arrêter s'être activité. Faire des gens riches ses ennemis n'était pas vraiment la meilleure idée du monde, surtout que le monde, c'est eux qui le contrôlent.

« - Tant mieux alors si ça te dit de faire ça. »

Leeroy avait apporté énormément de bonnes choses à John en seulement quelques jours. Un café, une nouvelle vie pour ces trois enfants, quelque chose qui s’approchait d’un ami et maintenant, il allait lui faire découvrir la fac. Finalement, ce n’était pas grand-chose pour le commun des mortels, mais pour John cela symbolisait beaucoup. Un embryon d’une nouvelle vie qu’il entrevoyait, quoique sans s’être décider sur l’issu pour l’instant. Il avait peur de devenir normal, de perdre ses ambitions, d’accepter ce monde tel qu’il est. Le message que venait de lui envoyer Leeroy pour lui donner son numéro lui permit de se concentrer à nouveau. Ce n’était pas le moment de se poser de telles questions existencielles.

« - Au fait, ta patronne, si tu as essayé de la voler, c’est peut-être normal qu'elle soit comme ça non ? Tu n'as pas essayé de t'excuser ? »

S’excuser auprès d’Alice ? Et puis quoi, se laisser prendre par l’autre policier à l’attraction étrange ? Non, réellement, John n’avait pas la moindre envie de demander pardon à cette demoiselle ; et même de son point de vue se devrait être l’inverse. Enfin, elle était trop arrogante et sure d’elle pour ne serait-ce qu’imaginer qu’elle n’était pas une déesse dans un monde de brute. Bref, Leeroy ne pouvait pas savoir la relation quelque peu compliquée d’avait John avec son ancienne employeuse.
Quoique, il avait dans l’idée de tout de même revenir la voir et lui demander un emploi, mais d’un genre auquel elle ne s’attend pas, et qui la forcera à revoir sa vision de John. Cette pensée le fit sourire. Vraiment, il fallait que John devienne son garde du corps.

« - Ha ha ha ! Non vraiment, m’excuser auprès d’elle ce serait ridicule, elle se fouterait ouvertement de ma gueule. Mais t’inquiètes, j’ai une petite idée d’un boulot avec elle, mais va falloir que je prépare l’affaire avant d’y retourner… Tu sais te battre toi ? Au pif, hein.»

- Ha ha ha ! Non vraiment, m’excuser auprès d’elle ce serait ridicule, elle se fouterait ouvertement de ma gueule. Mais t’inquiètes, j’ai une petite idée d’un boulot avec elle, mais va falloir que je prépare l’affaire avant d’y retourner… Tu sais te battre toi ? Au pif, hein

Donc son ancienne patronne était assez mauvaise pour se foutre de sa gueule si jamais il s'excusait, c'était quelque peu spécial comme comportement. Cependant, si cette personne était vraiment riche, alors cela ne l'étonnerait peut-être même plus en fait. Sur ce coup-là, il pensait que les riches étaient quand même de sales races, mais de toute façon, s'il se retrouvait devant l'une d'entre elles, il leur parlerait poliment puisqu'ils détiennent le pouvoir du monde avec la richesse. C'était comme ça que fonctionnaient les États-Unis du moins.

Ensuite, la question qu'il posait était plus compliquée qu'elle en avait l'air. Comment un simple étudiant en biologie pouvait savoir se battre ? Il était contractant et avait prit l'expérience de combattant en se battant avec d'autre contractant tout aussi fort que lui. En soit, il savait se battre, mais il n'avait pas suivi un maître d'arts martiaux. Donc tout ce qui touchait aux vrais arts martiaux, il ne connaissait pas. Il combattait à l'instinct surtout.

- Bof. Un peu, je ne sais pas si se battre contre des voyous peut m'aider à savoir si je sais me battre ou non.

Il avait essayé de pas trop en dire. Il avait juste insinué qu'il savait donner des coups-de-poing et des coups de pied, mais rien de grandiose. En même temps, il avait comparé les contractant à de simples voyous, qui sont deux choses fondamentalement différentes. Les contractant apprenaient à se battre durement, alors que des voyous ne faisaient que gesticuler en espérant que leur coup touchent, et c'était d'ailleurs très amusant à regarder.

« - Bof. Un peu, je ne sais pas si se battre contre des voyous peut m'aider à savoir si je sais me battre ou non. »

John fit la moue, un peu déçu. Dommage, lui non plus ne serait pas son maître de combat. De toute façon il ne croyait pas à ce qu’un étudiant un peu mystérieux de biologie soit en réalité un ninja expert des arts martiaux. Quoiqu’il en soit, il trouverait bien quelqu’un tôt ou tard qui lui apprendrait à se battre, mieux que ce qu’il avait appris tout seul au fil des années.

Cela faisait maintenant assez longtemps qu’ils discutaient tout deux sur le pas de l’orphelinat, et John commençait à se dire que Leeroy avait peut-être des cours à travailler, ou quelque chose du genre ; et lui ce n’était pas mieux, il avait quelque chose à préparer. Un grand événement qui se devait d’être planifié minutieusement, sinon quoi John pourrait y laisser la vie. Un bien grand mot, mais véritable.
John comptait réfléchir aux propositions de Leeroy quant à un potentiel travail – ainsi que de son idée vis-à-vis d’Alice- une fois sa tâche accomplie. D’ici là, il ne devait plus penser qu’à ça. Enfin, à ça et à trouver un jour pour visiter la fac de Leeroy, car ce serait triste de partir sans avoir mis les pieds dans un lieu comme ceci. Même si John ne s’attachait finalement pas à grand-chose, et faisait encore moins des choses par pur symbolisme, visiter la fac lui ferait tout simplement plaisir. Faire quelques pas dans un lieu dédié à l’avenir qu’il n’aura jamais, même si ça lui fera du mal, produira aussi paradoxalement une satisfaction de sa curiosité. Un bien pour un mal, en somme.

« - Bon, bon, je pense que je vais te laisser bosser un peu aujourd’hui quand même, j’suis sûr que tu as plein de trucs à faire … Encore merci pour les gosses, t’es un gars super Lee’ ! »

Il voyait très bien que John lui faisait la moue. Il était évidemment déçu que Leeroy ne sache pas se battre. Mais pourquoi voulait-il cela ? Pour savoir se battre ? S'il devait former John pour en faire un meilleur combattant, ce serait sans doute risible. Il n'avait rien à lui apprendre, tout ce qu'il pouvait faire, c'était se battre avec lui jusqu'à qu'il comprenne seul comment le combat fonctionnait. Cependant, Leeroy n'était pas vraiment sûr qu'il s'agisse de la meilleure méthode d'apprentissage. Il valait mieux pour lui qu'il aille voir ailleurs, un vrai maître.

Enfin, si cela se trouve, il voulait juste lui demander un service pour battre quelqu'un. Il ne savait pas trop ce que voulait John sur cette question. Elle était plutôt vague sur ses idées.

- Bon, bon, je pense que je vais te laisser bosser un peu aujourd’hui quand même, j’suis sûr que tu as plein de trucs à faire … Encore merci pour les gosses, t’es un gars super Lee’ !

Finalement, ils allaient se quitter là. John avait vu juste, il avait quelques exercices à travailler avant d'aller en cours le prochain jour. Donc pour aujourd'hui, c'était évidemment fini, mais ils allaient se revoir assez vite puisque le jour du rendez-vous à la fac n'allait pas non plus être dans un mois. Enfin, c'était ce qu'il se disait. Après s'il voulait se faire languir, ce n'était le problème de John.

- D'accord. Je te remercie, et il n'y a pas de quoi. A plus tard alors. N'oublie pas de me contacter.

Suite à ses mots, Leeroy rangea son portable dans sa main, tout comme ses mains et tourna des talons pour commencer à marcher. Au bout de quelques pas, il sortit quand même la main de sa poche pour faire un signe d'au revoir à John avec.

« - D'accord. Je te remercie, et il n'y a pas de quoi. A plus tard alors. N'oublie pas de me contacter. »

Leeroy commença alors à s’éloigner, puis au bout de quelques mètres lui fit un signe de la main. John lui répondit, assez fort pour être entendu :

« - Ouep’, sans faute ! »

John parti à son tour, souriant. Beaucoup de choses étaient arrivées ce matin, beaucoup de belles choses. Vraiment, Leeroy avait été une bonne rencontre ; parfois le hasard faisait bien les choses. John ne tarderait pas trop à contacter Leeroy, de toute façon il ne lui restait plus beaucoup de temps.
Peut-être changera-t-il bientôt. Ou non. Il ne s’était pas encore décidé, mais il ne pouvait nier que c’était un parti intéressant que de suivre les conseils de Leeroy.

Décidemment, cette discussion traînerait dans tête quelques temps, et il aura à réfléchir beaucoup. Et pourtant, ce n’était pas le moment. Vraiment pas.

Leeroy était un chic type.