A l'origine, on m'avait interdit d'aller dans cet endroit à cause de mon pouvoir. Pourtant, il n'était pas si imposant, alors je ne voyais pas pourquoi. Je comprenais parfaitement qu'ils avaient peur que je ne tue malencontreusement quelqu'un tout comme ma grand-mère, mais je ferais attention. Cette fois-là, j'avais hésité entre entrer dans l'hôpital et tuer une ombre ou la laisser se gambader et obéir. Mon choix avait été vite décidé, je ne pouvais pas laisser une ombre se balader dans un hôpital, elle était très certainement beaucoup plus dangereuse que moi.

Avant d'entrer dans le bâtiment j'avais fait attention à faire apparaître mon Kekkai dans un endroit un peu isolé. Normalement, l'ombre était prise dedans et ne pouvait pas m'échapper. J'entrais alors dans le bâtiment et regardais autour de lui comme s'il visitait. Au final, c'était la première fois qu'il entrait dans un institut de soin comme celui-ci. Avant de tomber sur l'ombre par surprise, j'invoquais alors mon marteau qui faisait un peu près ma taille. Je le portais à deux mains parce qu'il était beaucoup trop lourd pour que je puisse l'utiliser à une main.

Enfin je tombai alors sur l'ombre. Rien qu'à la vue de cette dernière, j'avais deviné que j'allais avoir du mal à l'achever. Et finalement, ce fut un très bon pressentiment. A la fin du combat, j'avais pas mal d'entaille aux bras, aux jambes et sur le flanc droit. Heureusement j'avais réussi à abattre l'ombre, avec difficulté, mais elle était morte. C'était délicat, je ne pensais pas pouvoir tenir mon Kekkai pour sortir de l'hôpital. Je me sentais bien trop fatigué, j'avais besoin de faire une pause, alors j'entrai dans les toilettes des hommes avant de me débarrasser de mon Kekkai et de mon arme. A cause de mon pouvoir, j'avais aussi les jambes engourdies, c'était un des risques que j'avais à utiliser de l'électricité sur quelque chose ou quelqu'un. Je ne contrôlais pas assez mon pouvoir pour éviter de me faire électriser moi-même. C'était assez ridicule effectivement.

Heureusement, il n'y avait personne, alors j'en profitais pour me laisser glisser sur le mur, attendant un peu de temps pour se reposer.

Je priai pour quelqu'un ne me retrouve pas dans cet état, et pourtant, un médecin de l'hôpital venait d'arriver. Il me demandait de le suivre. Pourquoi ne posait-il pas de question ? C'est vrai, c'était bizarre de retrouver quelqu'un blessé à en laisser un peu de sang sur le sol des toilettes, non ? Je fronçai légèrement les sourcils, puis arrêté, étant incapable de tenir un visage avec mécontentement. Peut-être étais-je trop gentil ? Je ne savais pas vraiment, mais je regardai le médecin et me levai pour pouvoir le suivre avec difficulté. Pour mon âge, je n'étais déjà pas très grand, et j'étais vraiment léger. On pouvait facilement pour me prendre pour quelqu'un de plus jeune que je ne le suis déjà.

- M-Mh.. uh, je … D'accord.

Je n'étais pas vraiment décidé à le suivre, après tout, j'avais peur de pouvoir faire une bêtise sans vraiment faire exprès. En plus de cela, mes jambes étaient légèrement engourdies, comme si je ne les sentais plus. C'était une blessure que je m'étais infligé moi-même et bêtement.

Enfin, tout cela n'empêchait pas que je trouvai cet homme un peu trop suspect, je ne devais encore pas me laisser avoir par naïveté que l'on m'a souvent reproché ! En même temps, je ne faisais jamais exprès de me faire avoir.

- Où est qu'on va aller M'sieur ?

Cet homme était bizarre à me vouvoyer alors que j'étais vraiment beaucoup plus jeune que lui. C'était légèrement dérangeant, peut-être parce que je n'étais pas habitué à ce que l'on me dise « vous ». J'entrai alors dans le cabinet et je tournai la tête vers la porte que le médecin venait de fermer à clef. Comment voulait-il que je ne m'inquiète pas trop ? Mes yeux restèrent fixer sur Actée, comme si je surveillais le moindre de ses gestes.

- Vous êtes vraiment bizarre. Vous ne voulez pas me poser de question, M'sieur ?

Doucement, je rentrai ma tête entre mes épaules, réticent à l'idée de s'être mis dans une galère pas possible. Comme je voyais un tabouret non loin de moi, je m'approchai encore un peu pour m'asseoir dessus. Pendant qu'il avait le dos tourné, je baissai les yeux vers ma clavicule gauche, heureusement, ma marque de seraph n'était plus là.

Je regardai alors autour de moi, regardant s'il n'y avait pas d'objet à pile. C'était les seuls objets qu'il était capable de perturber. Maintenant, il ne pouvait même plus avoir une lampe de poche pour la nuit quand il avait envie d'aller aux toilettes. A quoi bon, il allait enlever la lampe de toute électricité.

Comment pouvait-il savoir ce qu'il m'était arrivé ? C'était maintenant clair et net que cet homme était un contractant tout comme moi, mais il ne préférait pas en discuter. A vrai dire, je me sentirais mal de devoir attaquer quelqu'un après m'avoir soigné, alors comme il le voulait, il valait mieux en rester-là après ça, et ne pas lui demander sa nature. Je ne devais d'ailleurs jamais divulguer la mienne. Cela pourrait m'être dangereux. En rentrant au QG, je pourrais toujours demander à des informateurs s'il y a un Seraph qui travaille à l'hôpital. J'aurais toujours moyen de me renseigner sur lui. Je ne devais pas oublier que j'étais un Seraph et que je devais tuer tout Nephil !

- Je suis d'accord.

Comme il me l'avait demandé, je découvris mes blessures, enlevant mon pull et mon pantalon. Comme mes vêtements étaient encore déchiré, il faudra que je pense à demander à une Seraph de me les recoudre. La pauvre, je venais souvent la voir pour ça. Je n'étais pas vraiment quelqu'un qui prenait soin de mes affaires lorsque je me bats.

Alors que je réfléchissais un peu, une question me vint à l'esprit.

- Pourquoi me soigner alors que je suis peut-être votre ennemi ?

Ayant été surtout élevé par des Seraphs depuis très longtemps, je fus vite initié à la guerre. La première leçon était de ne jamais aider un Nephil, alors ce qu'il faisait là était incompréhensible. J'étais peut-être l'un de ses ennemis. Peut-être était-il Seraph et il savait que je l'étais aussi ? Je ne savais pas, alors ça me perturbait un peu de le laisser me soigner.

Haaa, ça faisait mal. Ce n'était pas agréable de se faire recoudre les plaies. Cet homme était bien gentil de le soigner d'urgence, car je ne pouvais plus bouger, mais je savais qu'au QG il n'avait pas mal puisqu'il y avait quelqu'un qui pouvait le soigner avec la magie. Enfin, je devais paraître fort alors je me mordais un peu les lèvres, essayant de résister désespérément à la douleur.

Lorsque j'écoutais les paroles du médecin, je le trouvais vraiment étrangement altruiste. Je ne savais pas si c'était vraiment ce qu'il faisait ou non, mais il fallait le remercier. Il était bon, et ma grand-mère m'avait toujours dit qu'il fallait remercier ce type de personne et les aider en retour. En revanche, je me ferais sûrement punir si j'aidais un potentiel ennemi.

- Je trouve que vous avez quand même un grand cœur. Je veux dire, très peu de contractant son comme vous.

Gentil mais extrémiste, j'aurais très probablement tué mon soigneur si les rôles avaient été inversés, alors je me sentais légèrement mal vis-à-vis de tout ça.

Cet homme est bien différent des autres contractants que je peux croiser à l'heure actuelle. En quelques sortes, ça m'impressionne et ça me permet aussi de voir que tous ne pensent pas forcément à cette guerre entre les seraphs et les nephils, chose que je n'arrive pas à comprendre. C'est vrai pourquoi doit-on se battre ? Je ne comprends pas, mais je dois quand même faire ce que l'on me demande. Même si c'est quelque chose que je n'aime pas, je le ferais puisque les seraphs ont été ceux qui m'ont élevé et aidé. C'est comme une sorte de reconnaissance que je ne peux me débarrasser. Mais je ne suis pas malheureux et sans eux, je ne sais pas ce que je serais devenu, alors agir fidèlement est tout ce que je peux faire pour les remercier.

- Vous avez de la chance. Mais on vous laisse vraiment faire ce que vous faites ? Je veux dire, même si vous pensez humainement à ce que vous faites, votre chef ne vous dit rien ?

C'est vrai, si je viens à aider un nephil et que l'actuel chef des seraphs vient à l'apprendre, je serais en mauvaise posture, même si je ne connaissait pas sa véritable nature. Enfin, je suppose, mais je n'en suis pas sûr non plus.

La douleur commence vraiment à être insupportable. Doucement, je tapote alors les pieds sur le sol, et de plus en plus fort, comme un enfant à qui on forcerait de lui faire la piqûre dont aucun enfant ne veut. L'exemple n'est pas vraiment comparable à la situation actuelle puisque je dois me faire complètement suturer les plaies pour ne pas qu'elles ne me fassent encore plus mal. Je ne sais pas ce que ça fait par la suite, mais on m'a dit que ça ne donne pas quelque chose de très beau lorsque l'on ne soigne pas ce genre de blessure. Ça n'empêche que ça fait vachement mal ! J'ai même la petite larme coincée à l’œil tandis que le médecin me parle, faisant une suite à notre conversation.

- Non, elle ne m'a pas loupé. Je combats depuis longtemps, mais je n'ai pas l'impression de m'améliorer beaucoup. Et faites comme vous voulez, ne vous en faites pas pour moi.

J'ai toujours eu l'habitude de prendre sur moi à propos des douleurs, que ça soit physique ou mental. « Tu es contractant, c'est normal de souffrir » m'a-t-on dit auparavant. Je ne sais pas si ces paroles étaient vraiment vraies, mais je pense que c'était au moins pour me préparer à me voir blessure ou voir des proches mourir. Je suis au courant de tout ça. Un de mes premiers tuteurs de combat est mort des mains d'un Nephil, en face de mes yeux, alors j'ai déjà réalisé que cette phrase est vraie.

Les ombres ? Des sales bêtes ? Peut-être, je voyais ça comme de la routine, tout comme un éboueur qui devait ramasser les poubelles de dehors, ou un chasseur qui chassait les lapins. Je me souviens très bien de la première ombre que j'ai rencontrée, et personnellement, ça faisait longtemps maintenant que je vivais en les combattants tous les jours. C'était normal, et je n'avais jamais vraiment eu d'avis la dessus.

- Peut-être, je ne sais pas trop. Elles ne sont pas gentilles, mais c'tout. On m'a surtout après que ceux de nature autre que la mienne sont les méchants.

Bien évidemment, j'avais fait attention à ne pas révéler ma nature à cet homme qui pourrait s'avérer être un ennemi.

- J'ai vraiment hésité à venir la combattre ici. On m'interdit d'aller à l'hôpital.

Je n'en dirais pas plus de toute manière. Ce serait donné des indices sur mon pouvoir et le médecin ne devait rien savoir sur ça. Je ne voulais pas me mettre en danger.

Son raisonnement tenait la route, mais finalement, ça revenait à la même chose. Comme elles n'étaient pas gentilles, alors elles étaient forcément dangereuses. C'était comme ça que ça marchait non ? Je penchai légèrement ma tête sur le côté et commençai alors à regarder le travail qu'Actée avait effectué jusqu'ici. Il avait l'air d'avoir fait du bon boulot, malgré ça, je ne pouvais pas accepter sa proposition de revenir ici pour se faire soigner. Je ne savais toujours pas s'il était un ennemi ou pas. Et je n'avais pas envie de me faire réprimander par mes tuteurs pour avoir traîné avec un ennemi, que je le sache ou non.

- Je suis désolé, mais je pense que c'est mieux si je ne reviens pas. Enfin, je reviendrai sûrement lorsque je connaîtrais votre nature.

Mes yeux se dirigèrent alors vers son visage pour pouvoir le regarder dans les yeux un moment et lui faire prendre compte que j'étais sérieux à propos de cette histoire. Et bien sûr, demander son nom maintenant paraîtrait beaucoup trop suspect et jamais il n'allait me le donner, à moins que je lui promette le mien en retour. Peut-être ? De toute manière, je n'osais pas le faire, alors je finis simplement par tourner la tête sur le côté, comme pour bouder.

- Enfin, je vous remercie pour ce que vous faites, disais-je en bougonnant un peu.

Une fois que tout était fini, je remettais alors tranquillement mes affaires grimaçant tout de même à cause de la douleur contre laquelle je n'étais nullement protégé. Se faire lacérer de cette manière par une ombre ce n'était nettement pas agréable ! Et se faire soigner non plus d'ailleurs. Mais bon, dans quelques jours, j'allais être sur pied, et tout allait rentrer dans l'ordre.

Je me tournais légèrement vers Actée et fis une petite courbette assez polie pour le remercier, tout en s'accompagnant de quelques mots.

- Je vous remercie. Je n'oublierais pas que vous m'avez soigné. Je vous en dois une.

Je lâchai un petit sourire, espérant quand même qu'il ne soit pas mon ennemi. Je fis demi-tour vers la porte, la déverrouillai et sortis de la salle pour pouvoir rentrer chez lui, c'est-à-dire au QG Seraph.