Le supermarché:

J'allais rentrer dans le centre commercial par les portes automatiques. Avec la sévère envie de perdre mon temps en achetant quelques bagatelles. Une occupation somme toute normale quand il est question de profiter de son temps libre en pleine semaine. La fréquentation des lieux n'est pas encore à son apogée. Mon attention est attiré par une fine silhouette qui se glisse en contresens. Ses bras chargé de courses alimentaire qui lui donne l'impression d’être aussi haute que large, affublé d'une poussette double. Mon cerveau la reconnais malgré moi mais je n'ai pas le réflexe de lui proposer mon aide.
Pendant quelques secondes, je m’arrête dans son sillage les bras ballants avant de faire demi tours et de l'interpeller avec un sourire amicale.

«  Je peux vous aider, Mlle Shirogane ? »

Je n'ai pas vraiment réfléchis. Mais je note ma première erreur: Trop de formalité et de politesse alors que je la croise en dehors du travail. Ces moments de discutions hors de mes horaires de travail étaient vraiment précieux, mais restaient trop rares à mes yeux.

En notant son ventre plat et en faisant le lien avec la poussettes, les questions silencieuses et indiscrètes se bousculent dans ma tête. Je suis juste trop curieuse à ce sujet, probablement plus que je ne devrais l'être avec un employeur. Mais faut que je sorte de cette logique « travail ». Naoto était plus qu'un employeur, une personne que j’appréciais et avec laquelle je pouvais lâcher prise. Aussitôt dit, aussitôt fait. Je me met à lui parler comme si je la connaissais depuis une éternité sans me soucier d'être familière.

« Déformation professionnelle, désolée. Je reformule ma phrase : Je vais t'aider à porter tes courses. Et toutes mes félicitations ma belle ! Je suis en retard de combien de temps ? »

Je relance la conversation, une petite distraction verbale qui me permet de me charger d'une partie de son fardeau dans les mains.

Naoto me permet de la délester de ce poids. Arf... C'est lourd, je me demande comment elle a fait jusque là ne serait ce que pour arriver jusqu'à la sortie du magasin. Où alors est à moi de rejetter la faute sur mon gabarie qui n'a pas vu l'ombre d'un cours de sport ces cinq dernières années. Mais par principe je lui laisse ce qu'elle à de plus léger en stock : Le sacs de couches, plus volumineux que lourds.

« Enchantée jeunes gens et très heureuse d'être en votre charmante compagnie. »

Puis je me tourne vers Naoto. J'avoue que c'est relativement court puisque je suis un peu imperméable pour ce qui est de l'ordre des enfants ou de l'envie d'en avoir. L'idée de jouer faussement les hypocrite transits et gagas ne m'effleure même pas.

« Ta vie quotidienne n'a pas été trop chamboulée ? »

Et même si j'avoue que la maternité de Naoto m'a un peu dérouté par son jeune age. Je m'en voudrais de ne pas la soutenir face a toutes l'adversité qu'elle a déjà dû affronter et qu'elle affrontera probablement dans le futur.
Et puis je n'ai pas à la juger. Si elle rayonne un peu plus grâce a ces deux diablotins aux allures angéliques, je me contenterai d'être heureuse et enthousiaste pour elle.

C'est pas tout, mes les courses commencent doucement a être lourdes, il serait peut être temps que l'on prenne la direction du parking.

« Par où est ta voiture ? »

J'écoute sa réponse avant de simplement repartir sur un ton un peu amusée.

« Un peu d'animation ? Ils te laissent au moins dormir ? »

En m'écoutant j'ai l'impression d'être un poil balourde et ennuyante avec mon flot de banalités. Manquerait plus que je balance une remarque sur le temps qu'il fait. C'est un sentiment étrangement inhabituel. En temps normal quand je questionne à satiété quelqu'un, ce genre de pensés parasites n'entravent jamais mon esprit.
Peut être est ce juste une petite pression supplémentaire qui se greffe a la conversation : mon envie de m'éloigner de tous ces rumeurs qui circulent dans les rangs Sharks. Entre les dernières excentricités de Giovanni et les aventures scabreuses de Clarence, figure quelques récits sur la vie personnelle de David et la manière dont il a sommé quelques Sharp Eys de les informés sur un certain... Nan, j'ai pas envie d'aborder le sujet, même en pensée. Je veux juste offrir a une amie un moment de conversation simple.

"- Eh bien... Je n'en ai pas encore en fait. J'ai toujours évoluée en moto et avec les derniers événements qui se sont un peu précipités, je n'ai pas encore eu le temps d'investir dans ce domaine."

Je laisse échappé petit soufflement de nez en écoutant sa réponse. Un genre d'équivalent a un éclat de rire chez de nombreuses personnes. J'ai très envie de proposer spontanément mes talents de chauffeurs pour lui épargner un retour à pied, ou pire : Une course de moindre qualité chez un concurrent. Mais je préfère poursuivre un peu la conversation avant de remettre ça sur la table.

« J'imagine bien. Mais tu arrives à dénicher du temps pour toi malgré les jumeaux ? »

"- Enfin, c'est gentil de porter mes courses mais tu ne venais pas faire les tiennes? Ça ne va pas être pratique pour toi de porter mes paquets si tu dois aller acheter les tiens."

« J'ai déjà fait mes courses en début de semaine. Je venais errer un peu pour passer le temps. »

Autant dire tout de suite que personne ne m'attend vraiment quelque part. M’enfin, tout le monde comble l'ennuie d'une vie de célibataire comme il peut.

« Et puis j'en ai profité pour sortir Eden. Je le n'ai pas conduite de l’hiver. »

Je réalise que je viens de dévoiler à Naoto ma manie d’appeler mes voitures par un petit nom. Ou alors je le lui ais déjà dévoilé cela il y a quelques mois au cours d'une conversation semblable et je ne m'en souviens pas. Bon, j'imagine qu'elle est plus ou moins habitué à mes originalités.

D'ailleurs en y repensant elle ne l'a probablement jamais vu. C'est pas le genre de voiture que j'tutilise pour le boulot. La gène se disciple, elle se change en étincelle. Celle que j'ai dans la voix a chaque fois que je suis dans mon domaine.

« Une vielle Cadillac eldorado de 1957. Une grande histoire d'amour. »

La seule voiture que j'ai entièrement restaurée. Celle qui m'a pris pas mal de week end depuis que je suis a Palema.

"- Et la demoiselle apprécie sa sortie, du coup? Je serais curieuse de la rencontrer elle aussi. "

La rencontrer ? Oh... J'y compte bien. Plutôt mourir que de te laisser faire le trajet du retour a pied ou dans un mauvais taxis. Je prends donc nonchalamment la direction de la voiture en continuant de discuter.

« C'est pas vraiment une voiture que j'utilise pour le travail. A la base, c'était juste que j'avais envie d'apprendre à rénover une voiture de A a Z. Je suis partie d'un squelette de voiture rouillé et j'ai mis les mains dans le cambouis et acheté ce qu'il fallait... Ça a animé une bonne partie de mon temps libre pendant... 3 ans, je dirais  »

Une sharks m'avait bien aidé dans cette quête. Même si son truc c'était plus les motos.

« Et la je suis un peu en train de réfléchir a un nouvel objectif que je pourrais me donner. Un projet qui pourrait me passionner. Je laisse une petite pause avant de revenir a la charge pour briser le silence. Pour l'instant rien, nada. Mais j’espère que ca ne va pas trop durer  »

En zyeutant le berceau, une partie de moi se dit que ça doit être un projet mastoc à mettre en place. Mais je ne vois pas trop l’intérêt de transmette 50% de mes gènes à un pauvre  mini-moi un peu agaçant.

"- Ah oui, quand même. Eh bien, toutes mes félicitations. C'est un peu ton bébé à toi dans ce cas."

Je sourie en entendant sa réponse. A vrai dire, j'imagine que malgré moi j'ai quand même une sacrée garderie qui traîne dans mon garage. J'imagine qu'elle est juste plus silencieuse et moins ingrate que les véritable enfants.

"- Eh bien, prend ton temps. Je suis certaine que tu trouveras de quoi t'occuper en temps et en heures. Tu as de la ressources après tout. "

A vrai dire, je ne sais pas. Je n'ai pas vraiment de famille, pas exactement d'amis. Mon entreprise fleurit, elle qui m'a jadis occupé pendant des centaines d'heures. Et maintenant que Eden est terminée, je n'ai toujours pas trouvé de nouvel objectif, un nouvel Eldorado qui me passionnera autant sur une longue durée. Y'a pas a dire, j'ai presque peur de m'ennuyer.

"- A ton regard, je dirais que pouponner ne te dis trop rien. Après, si l'idée te prenait, je te conseille surtout de commencer avec un seul, ce sera plus simple. "

« Je note tes conseil. »

Le sourire amical ne fléchis pas. Mais je n'ai toujours pas ressentis l'appel de la maternité. Comme je n'ai pas envie de dire à un enfant que je lui ai imposer d'exister « Parce que je le voulais et que je m'ennuyais le soir entre 18h et 21h » je m’abstiens de sauter le pas et je doute qu'il faudra un bout de temps pour le franchir. Si jamais je le franchis un jour.

« Je... désolée du regard, je réfléchissais. »

"- Il n'y a pas de mal, ne t'en fais pas. Et puis, tu as raison de prendre ton temps. Avoir des enfants, ce n’est pas tout à fait comme s'occuper d'une voiture alors, si tu ne te sens pas prête, tu as raison d'attendre."

C'est surtout que je ne vois pas pourquoi j'en aurais. J'ai l'impression qu'elle part du principe que je changerai un jour d'avis sur la question, et ça me vexerai presque qu'elle pense cela.

"- Dis-moi, tu pourrais me donner des conseils en matière de voiture? Il va falloir que j'en prenne une rapidement mais moi, j'ai toujours été moto alors du coup, je ne sais pas trop comment en choisir une fiable et correcte. "

« Une voiture, c'est assez large. Ca dépend clairement de ce que tu comptes faire avec. Si tu comptes te balader avec les jumeaux faire des courses. Une simple voiture familiale acheté d'occasion peut être parfait.

Je fais une pause avant de placer un fielleux argument qui touchera probablement plus Naoto qu'une quelconque éloge du recyclage et de l'écologie.

Ça t’économise en paperasserie administrative »

Je ne pense pas que l'idée rebute foncièrement Naoto. Son humilité est aux antipodes des normes de tous les gens que je suis amené a conduire. Mais j'ai comme une idée qui s'insinue. Sachant que David Klee était un membre importants des Sharks, j'hésite à continuer sur mes propositions. Mais si Naoto vient faire ses courses ici, c'est qu'elle n'a rien à craindre d'une potentielle vengeance de David. Donc j'ai pas envie de lui implémenter l'idée qu'elle puisse avoir besoin d'un break familial blindé. Ce serait pas saint d'insinuer que sa sécurité soit en danger, et surtout en plus d'être laid, ça consomme vachement ce genre de véhicule.

«  Après, je ne saurais pas te dire précisément un modèle. »

On arrive a hauteur de Eden. La propreté de la carrosserie tranche avec tous les véhicules alignés. Et j'ai l'impression que d'une certaine manière, j'ai moi même un peu de fierté parentale.


Eden : http://c.images.boldride.com/cadillac/1967/cadillac-eldorado-1309235406-1777.jpg

Ce n’est pas grave, je verrais aussi suivant ce que je me sens capable de conduire car je suppose que moi aussi, je devrais me sentir plutôt bien dedans. Mais par contre, est-ce que tu connaîtrais des concessionnaires plus 'sérieux' que d'autres? "

Elle s'interrompt pour regarder Eden. Fierté parentale oblige, je sourie en voyant sa réaction. En la regardant faire le tour. Quand elle commence a parler je sens mes joues s'empourprer légèrement.

"- Waouh! Elle est superbe. Eh bien, tu as vraiment de quoi être fière de toi. Elle est ravissante vraiment. Mais je ne vois pas conduire ce genre de voiture personnellement. "

« Pour le concessionnaires, il y en a un très bon a coté de l’hôpital. Mais en même temps c'est le seul que je fréquente vraiment. »

Je m’arrête un instant pour lui demander explicitement

« Je peux te raccompagner, mais je viens de penser que je n'ai pas de siège bébé. La nacelle de ta poussette se détache ? »

L'air de rien, je commence a ouvrir le coffre et a déposer délicatement mon fardeau.

"- Oui, la poussette est fait pour cela. Elle fait un peu tout en un. C'est la magie de la technologie. Et je dois bien avouer que c'est drôlement pratique.
Et c’est gentil de nous ramener mais je te paye la course par contre. Je te fais travailler alors que tu es sur ton temps libre alors ce sera la moindre des choses."

C'est dommage de laisser mon travail infester ma vie personnelle. J'ai quelques regrets a ce niveau là, comme de ne pas être vue comme une amie qui aide bénévolement quelqu'un pour qui elle a de l'estime, mais d'être réduite au rôle d'une chauffeuse qui fait des heures supplémentaires.
Mais je n'ai pas vraiment droit de m pas après des années à formater mes relations dans ce sens et à m'y complaire. Après tout c'est moi qui ai laisser les choses s'installer telle quelle. C'est encore moi qui n'ai jamais vraiment chercher à les changer. En soit c'était donc presque logique : Naoto ne me connaissait pas en dehors de mon travail.
Je laisse Naoto installer méticuleusement la nacelle dans la voiture. Pour me rendre utile je range le reste de la poussette dans le coffre.

"- Eh bien, ils en auront eu de la chance, ces deux-là. A peine nés et déjà, ils auront été transportés dans une superbe Cadillac. Vous pourrez remercier Carmilla pour ça, hein? "

Je jette un coup d’œil vers eux avant de simplement sourire.

« Pas de pleure, j'imagine que je prends ca pour un oui ? »

Passé cette brève prise de parole, et après quelques vérification réglementaire de sécurité, je tourne doucement la clés. Le moteur de la Cadillac démarre son ronronnement. Au même moment la radio s'éveille et diffuse un petit fond sonore de jazz.
Je me rappelle que Naoto ne vit plus au manoir Klee. Je me tourne donc a demi vers elle avant de lancer mon traditionnel.

« Ou allons nous ? »

"- Tu pourrais nous déposer juste à la sortie de Palema, au niveau du Quartier Nord? De là, je finirais le chemin à pied mais j'ai un dernier achat à faire, à la bijouterie qui fait le coin. Après, je ne serais pas loin et cela me fera du bien de marcher un peu et aux petits de prendre l'air. "

Peut être suis je parano ? J'ai l’impression d'avoir compris un message sous entendus entre ses mots. Ça me déprime d'autant plus que j'ai horreur d’apprécier quelqu'un plus qu'il ne le fait en retour. J'enrage, pourtant cette réplique me donne l'impression fade que je ne peux n'en vouloir qu'à moi même.
J'imagine bien que d'autre paramètre entre en compte, qu'il y a les jumeau, les gangs, éventuellement David Klee. Je me raisonne intérieurement, une manière comme une autre d'exorciser ma sensibilité. De me rappeler doucement a l'ordre : Ce n'est qu'une cliente. Je ne suis qu'une employée. Je n'ai pas a être blessé par sa prudence.

« A ton service. »

"- Déjà, tu me rapprocheras énormément. Et puis, cela me fait plaisir de pouvoir discuter un peu avec toi. Tu as eu beaucoup de clients dernièrement? "

Une relance dans la conversation, plus motivé par une politesse élémentaire.

« Les affaires tournent correctement, je n'ai pas a m'en plaindre. »

Réponse laconique, mais je peux l'excuser parce que je suis concentré a manipuler le volant et observer la route. Je laisse planer un petit silence, juste le temps de sortir du parking. Pendant ce temps, le solo de saxophone prend le relaie il berce l’atmosphère de sa nostalgie cuivrée.

« En quel honneur cette sortie à la bijouterie ? »

"- Eh bien, c'est pour un cadeau. J'avais une commande spéciale et il n'y a que cette boutique qui a su répondre à ma demande. Normalement, ils l'ont terminés hier et si le résultat me conviens, je pourrais le récupérer. "

Sur la route, je prends la direction du quartier nord. Visualisant mentalement où se trouvait la bijouterie en question. La circulation est fluide et je n'ai pas de difficulté a m'y diriger.

"- C'est sympa comme musique. Tu es une fan de jazz ou c'est simplement parce que cela colle bien à l'ambiance que tu veux donner au voyage? En tout cas, je trouve ça très agréable. "

« Les deux. Mon voisin de palier était un vieux saxophoniste aveugle. Un vieil original comme il ne s'en fait plus.  »

Envolée toute esquisse d'émotion négative. Invoquer le visage de Mobi teint mon visage d'un sourire passéiste. Je repense à ce grand'pa adoptif avec une nostalgie douce amer. Il lui arrivait d'être délirant, mais qui ne l'était pas a downtown de boston ? Mobi, c'était une pointe de folie multicolore dans un camaïeu de gris terne.

« J'aurais du être plus prudente plus jeune. Je savais pas que c'était aussi contagieux les goûts »

Petit silence le temps de prendre un tournant et je reprends simplement

« Mais je parle beaucoup de moi. Tu écoutes de la musique ? Tu regardes des films ? Je ne t'ai jamais entendu parler de tes passions. »

"- Sans doute parce que je n'ai jamais eu vraiment le temps d'en avoir. J'ai fait l'erreur de vivre pour mon travail et de tout lui sacrifier. Aujourd'hui, je commence seulement à prendre du temps pour moi. Et finalement, je le dédie plus aux jumeaux qu'à moi-même. "

Je comprends, dédier sa vie a son travail c'est assez problématique. Même moi je me bats encore pour essayer de me créer une vie personnelle. Force est de constater qu’après plusieurs années a Pamela, c'est assez difficile d'évaluer si j'ai vraiment réussi ou pas.

"- Si, je suis une férue de polar et autres romans policiers. Tout ce qui touche au mystère et aux énigmes, c’est mon point faible. Et j'aime beaucoup les chats. J'en ai récupéré un, que j'ai baptisé Arsen. C'est un sacré phénomène mais je l'aime bien cette boule de poil. Sinon... je ne vois pas vraiment de réelle passion. "

« Avoir travaillé dans la police et appeler son chat Arsène. J'aime bien ce paradoxe...»

Je l'écoute distraitement pendant qu'elle parle. Mécaniquement, je tourne à quelques dizaines de mètres de la bijouterie qui est en vue. Juste dans une petite rue parallèle moins fréquenté. J'admets que même si la rue commerçante est loin de l’apogée de sa fréquentation, il y a tout de même une bonne partie des place prise par les riverains. Par défaut, je prends la place réservée aux taxis. Au pire, je suis sûr que j'ai tous les papiers nécessaire dans la boite à gants pour justifier ce petit écarts.

"- Pour le moment, je réfléchis un peu à une reconversion mais j'avoue ne pas avoir tellement d'idées que ça. Et puis, quitte à avoir les jumeaux avec moi, autant m'en occuper. Ils grandissent déjà tellement vite, c’est incroyable.  "

« Professeur. Je trouve que tu as le charisme et la bienveillance pour enseigner aux autres. »

La phrase était sortie le plus naturellement du monde, sans aucune hésitation. Je m'étonne de cette spontanéité pendant que j’arrête le moteur. Seul la musique de jazz embaume encore l’habitacle.

« Excuse moi, ce n'est qu'une opinion, je n'ai pas envie de te l'imposer... J'attends une poignée de seconde avant de relancer sur un ton plus naturel : Je sors la poussette ou tu les laisses avec moi dans la voiture ? »

La question mérite d'être posé. J'ai pas vraiment le cœur à froisser Naoto.

"- Je te fais confiance pour les surveiller 5 minutes? Là, ils dorment bien alors ils devraient même pas se rendre compte que je suis sortie. Et puis, je n'en vraiment as pour longtemps, ce serait beaucoup de dérangement pour rien. "

J'approuve d'un sobre hochement de tête avant de simplement tourner la tête vers les enfants. J'avoue que c'est un peu étrange de contenter longuement leurs bouille endormies et attendrissantes. Pas le moindre écho d'instinct maternel. Au final, s'en est presque effrayant. Suis je étrange ? Puis je hausse mentalement les épaules en balayant cette interrogation de mon esprit.
Les minutes s'écoulent sur fond sonore d'une chanteuse à la voix suave. Ça agit comme un tranquillisant sur mon esprit...
Soudain, le bruit sourd d'une main qui cogne la vitre me tire de mes réflexions, je tourne la tête pour tomber sur le visage souriant de Naoto.

"- Voilà, tout est réglé. Merci de m'avoir attendue. Tout s'est bien passé avec les jumeaux? "

Je réponds a la question par un sourire :

« Pas de pleure. Ils n'ont probablement rien contre mes goûts musicaux »

Je rallume le moteur, ce dernier s'élève dans un grondement familier. Direction, la périphérie de la ville, comme convenue. L'idée que Naoto face plusieurs centaines de mettre a pied chargées de ses courses et ses enfants n'est pas vraiment des plus plaisantes. Mais je doute que lui faire remarquer changera grand chose.
Puis je me remémore les rumeurs au sujet du mariage et je culpabilise de parler autant en surface. Au fond, j'ai peur de confondre son indépendance avec de l'isolement.

« Naoto, rassure moi, tu ne vas pas faire un demi kilomètre chargé de tes enfants et de tes courses de la semaine ? »

"- Je note ça. Visiblement, les enfants aiment le jazz. Il faudra que j'essaye de leur en faire écouter à la maison. Enfin, si tu as déjà des albums à me conseiller, je serais preneuse. "

Je réfléchis un instant, cherchant dans ma mémoire des titres marquants. A vrai dire, c'est difficile de trier toutes es connaissances pour aiguiller une néophyte. J'admets que le milieu est assez élitiste. Tous ces gens qui ont tendance a snober les musique trop mainstreams sous prétexte de graduer leur gouts musicaux au dessus des nôtres.

" C'est difficile de citer des noms, des courants ou des artistes. Personnellement j'adore écouter Charles Mingus. Mais j'aime aussi écouter des groupes asiatiques ou latinos qui s'approprie la musique. Ça fait des mélanges assez beaux "

"- Oh non, ne t'en fais. La maison n'est pas si loin que ça non plus. Et puis, cela fera du bien aux jumeaux de prendre un peu l'air avant de rentrer. Bon, certes, je serais un peu chargée mais ce ne sera pas une première, rassure-toi.
C'est gentil de t'inquiéter pour moi. Cela me touche, vraiment. Mais ne t'en fais pas, je n'aurais pas toute la vile à traverser. Et puis, les jumeaux se réveillent, cela leur fera du bien d retrouver l'air frais en plus d'épargner tes chères oreilles. "

Je sourie en l'écoutant. Nous sommes a la sortie de la ville, j’arrête la voiture sur le bas coté. Mes doigts effleure un bouton de la radio et cette dernière recrache un CD. Le CD d'urgence quand je me gare dans un parking souterrain où la radio ne capte pas mes ondes préférées. Kind of Blue de Miles Davis. Je range le cd dans sa boite avant de le tendre à Naoto avec un sourire.

"Si tu as envie d'alourdir un peu tes courses, je peux te l'offrir."

Suite a cela, je descend pour l'aider a sortir la poussette. Pendant la manipulation, je sens venir les au revoir.

"Si je peux t'être utile pour quoi que ce soit, n'hésite pas !"

Ca me fait chaud au cœur de l'entendre dire ca. J'admets, j'ai un sourire niais qui se fend sur mon visage. Même ma poigne parait faiblarde face a celle de Naoto.

"- Bonne continuation pour la suite et bon courage pour ton travail. Et si jamais tu as un client qui te fais des misères, appelle-moi. On ne le laissera pas s'en tirer à si bon compte."

"Je n'en doute pas le moins du monde. C'était un plaisir de parler avec toi"

Une fois cette ultime salutation faites a Naoto, je décide de rentrer dans la voiture. La silhouette de Naoto commence doucement à s'éloigner. Une fois assise je soupire un instant, me retrouvant en tête a tête avec moi. A nouveau seule à noircir mon humeur. Que vais je faire en attendant que ce jour passe comme les autres ? Je l'ai avoué : je n'ai pas vraiment d'objectif en ce moment. Et j'ai beau en chercher rien ne me vient a l'esprit. Obligée de subir la routine du quotidien avec une lassitude assez inquiétante.
La musique change a ce moment. Plus de blues, celle ci m'offre un rythme moins nostalgique, plus insouciant. Comme une girouette, ma tête s’allège de quelques sentiments alourdissants.

[Fin pour moi si Naoto s'éloigne définitivement. Merci a toi d'avoir supporté mon irrégularité o/]