Restaurant "Chez Armani":

Après avoir fait un rapide tour au van, j'ai laissé Pompidou avec une bonne gamelle de bouffe et d'eau fraiche. Ouais, parce que cet argent nouvellement acquis, j'ai pris un taxis. Bon, je suis pas crevarde au point d'avoir vidé plus que nécessaire la boite a gant. Je l'ai désemplis d'à peine 140$ Et honnêtement, je me dis que c'est proche du salaire qu'on peut espérer quand on est médecin et qu'on stop l'hémorragie potentiellement mortelle d'un mec qui s'est fait agresser par magie. Chez moi on appelle ça le prix du silence. M'enfin, oublions ce type.

- Mais sii ! S'trop bon ! Et il font de ces bierre ! UN RÉ-GALE !"

Je bouffais ici quand j'étais petite et ces souvenirs me rendent hyperactive et nostalgique. J'ai actuellement 8 ans d'age mental, voire moins j'crois. Et il me semble même que Peter à l'air tellement joyeux à l'idée de bouffer avec moi que je vois vaguement à travers son regard son encéphalogramme plat qui se demande vaguement comment il s'est retrouvé en ma compagnie. J'ai tenté de le changer d’état d'esprit. Mais il est imperméable. S'trouve ca vaguement gênant qu'il soit emmurés dans cette attitude blasée. Mais au fond s'il est là, c'est bien qu'il cherche ma compagnie nan ? Ou je suis un bouche trou ?

Au fond je m'en fout de son jugement. Même s'il me méprise, même s'il m'insulte mentalement. Je suis ici pour le plaisir égoïste de manger quelque chose que j'aime en causant a un type que j'aimerai bien aider.
Sans attendre je l'embarque dans la partie restaurant et on s'y pose. Le serveur nous file la carte et il semble que mon regard dévore des yeux les simples mots écrit sur le bout de papier. Faut croire que j'ai vraiment faim.

"Tu vois, niveau le lait de poule alcoolisé, c'est le nec plus ultra, mec  ! Allez, je te l'offre !"

Facile d'offrir quand c'était pas mon argent y'a genre 30 minutes. Mais je suis de bonne humeur. Ou du moins, mon caractère lunatique a décider de passer l'éponge sur les désagrément de la journée !

D'une certaine façon, nous sommes tous à la recherche de réponses. Mais quel que soit le camp choisi, science ou religion, la vérité reste dans les spéculations. L'espoir d'obtenir une réponse sur comment tout a commencé réside alors sur comment tout s'est terminé. Ce soir, j'avais prévu de partir à la recherche d'une réponse à cette question universelle : que se passe t-il après la mort ?

Le voyage aurait été sans retour et impossible à partager... du moins, pas dans ce monde. Mais quelle importance ? Après tout, je n'ai plus grand chose à perdre. Mon travail, mes amis, ma famille... Marysa... Plus rien ne me m'attache à Palema. Tel était mon programme de ce soir, mais c'était sans compter les apparitions quasi-paranormales de Luna et Terry.

Sans le savoir, ce dernier m'avait complètement détourné de mon plan initial. En me rappelant au passage que la vie gardait toujours son lot de surprises et de mystères. Quant à Luna, elle avait tout simplement sauvé nos vies, à tous les deux. Malgré cela, ce n'est pas la reconnaissance qui prédomine mes sentiments mais plutôt la peur de la solitude. Aussi ai-je accepté son invitation pour un repas... ou plutôt n'ai-je pas refusé sa proposition pour être plus exact.

Son enthousiasme contraste franchement avec mon amertume d'avoir laissé Terry sans obtenir davantage de réponses sur le mystère qui l'entourait. En prenant un peu de recul, mon comportement ressemble a celui d'un enfant d'humeur boudeuse obligé de suivre sa mère. Grosso modo, il s'agit de la suivre en gardant un regard morose et en étant le moins communicatif possible.

Néanmoins, malgré l'ambiance carrément pesante, la joie de Luna semble intacte et le trajet jusqu'au restaurant se fit bien plus vite que je ne le pensais. Ce n'est qu'une fois installé que je sentis pleinement le poids du regret. Sérieusement, elle compte vraiment prendre un repas à cette heure-ci ? J'agite doucement la main pour refuser lorsqu'elle se propose pour m'offrir un verre.

- C'est très gentil mais je ne peux pas accepter...

Surtout vu d'où provenait l'argent qu'elle comptait utiliser.

- Ne vous en faites pas pour moi, je paierai ma part.

Vu l'endroit où elle vit, cette fille me fait de la peine, je comprends mieux pourquoi elle n'a pas rechigné à prendre l'argent de Terry. Comparé à elle, je vis dans le grand luxe... Comme quoi, les proverbes ont parfois du vrai, l'argent ne fait pas le bonheur. Je jette un œil sur la carte histoire de trouver quelque chose qui pourrait me convenir et ne pas laisser Luna seule à se mettre à table. Je n'ai pas vraiment faim et, avec ce mal de crâne, boire de l'alcool me parait être une mauvaise idée... Mais qu'est ce que je fous ici bon dieu ?

C'est à ce moment que mon regard capture l'image d'un magnifique tiramisu chez un client situé quelques tables plus loin. Incroyable ! Ça fait un bail que je n'en ai pas mangé en restaurant mais des comme ça, je ne m'en souviens pas d'en avoir déjà vu... Une serveuse passe justement prendre notre commande.

- Un tiramisu pour moi... et une bière.

Ce n'est certainement pas le meilleur combo mais il me fallait bien quelque chose à boire. Et puis faut me comprendre... Ce n'est pas facile de faire autrement avec toute la bonne publicité autour.

- Ne vous en faites pas pour moi, je paierai ma part.
- Rien que pour m'avoir vouvoyé, je te condamne à te faire inviter au restaurant !

S'en suivit une gestuelle parodique digne d'un fanfilm kitch de phoenix wright. Y'a pas a dire, je crois que je suis dans l'instant ou je n'ai honte de rien. Ma tenue attire quelques regard amusées ou exaspérés. Mais je suis pas du genre à m'en formaliser. Pas quand je sais que je vais manger quelque chose de bon !

"Et vous commandez... Madame ? "

Je tourne doucement la tête vers la serveuse qui m'a parlé. Ah, oui. C'est bon, je me souviens pourquoi passer pour une dingue a des désavantage. J'avais oublié le petit sentiment de gène que je suis sensée ressentir quand quelque chose de ce genre arrive.
Mais mon estomac prends le dessus, y'a pas a dire

- Alors ca sera pour un apéritifs des Roulés d'Aubergines à la Mozzarella. Une Salade de Italienne si vous virez la vinaigrette et enfin une pizza Margherita senior avec plein d'olive ! Et... Un café gourmand en désert

J’énumère la liste avec une rapidité qui met a mal la capacité de la serveuse à écrire vite. Mais elle s'en sort et refourgue a notre tablée une petite carafe d'eau. Sur ce elle se casse acvec son calepin. Une fois disparu je reprends la conversation l'air de rien.

-Désolée mais, j'ai vraiment faim donc... j'avoue que je me prive pas. Et au pire je pense que... Je sourie péniblement face a mon échec a garder un discours cohérent :Désolée, je suis vraiment pas doué pour parler aux gens. Dans ces conditions surtout. Y'a un genre de 404 not found qui fait que j'dis de la merde en espérant être un peu drôle au passage. M'enfin...

Sur ce j'ai un genre d’illumination Random qui pop dans mon cerveau :
"Mais bon, commençons pas le commencement. Tu sais que je m'appelle Luna Nightingale. Bon, j'tai p'être pas dit mon nom de famille mais maintenant si, donc ca compte. Fin' bref, comment tu t'appelles comment ?"

Ca me parait être un bon début nan ?

Je n'ai peut-être pas toute ma tête ce soir mais je crois bien discerner de la surprise dans le regard de la serveuse. Entre l'improbable mariage du tiramisu avec la bière et le festin royal en face, on avait de quoi troubler la demoiselle. Ce dîner me rappelle cruellement mon premier rendez-vous avec Marysa, la différence cette fois, c'est que ce n'est plus moi dans le rôle du gourmand.

Ce n'est non plus moi qui tente maladroitement d'initier la conversation. Ce soir, c'est Luna qui semble jouer le rôle de l'homme que j'étais avant. Le fait qu'elle s'obstine à me tutoyer alors qu'elle ne me connaît pas atteste de sa volonté à familiariser notre relation. Peut-être est-ce simplement sa façon de parler me direz-vous, mais j'en doute car il me semble bien qu'elle s'adressait à Terry différemment.

Malgré toute la gêne qu'elle manifeste et son discours sans queue ni tête, je la laisse poursuivre, jusqu'à ce qu'elle me fasse réaliser que je ne m'étais toujours pas présenté.

- Je m'appelle Peter... Peter Jensen.

Je me ravise très vite à la remercier pour ce qui s'est passé car ce serait terriblement hypocrite. En réalité, je ne sais même plus si j’en éprouve de la reconnaissance ou de la frustration pour m'avoir tiré hors de ce pont. Je m'empare de la carafe pour nous servir de l'eau, en commençant par son verre. Cette fille m'a  tout de même sauvé la vie, j'imagine que la politesse est la moindre des choses que je puisse lui accorder. Luna Nightingale...Quelle drôle de nom.

- C'est un joli nom que vous avez, vos parents ont bien choisi.

Sur ces paroles, je vide mon verre d'une traite et ressens instantanément le soulagement que procure cette désaltération. Les événements de cette soirée sont certainement improbables mais les choses semblent bien trop concrètes pour être un rêve.

- C'est un joli nom que vous avez, vos parents ont bien choisi.

Le hausse les épaule, un peu amusée par la remarque sur mon prénom. L'évocation des parents aussi. Comme si des bourges qui m'avaient élevés avaient bon gouts en matière de prénom.

" En vérité jusqu'à récemment, je m'appelais encore Chanel Nightingale. Mais j'aimais pas ce prénom. C'est mes amis qui en ont trouvé un autre pour moi. Soit à cause de Luna Lovegood dans Harry potter. Ou La princesse Luna de My Little Ponie. Je n'ai jamais su d'où venait leur inspiration. Et ils ont jamais osé de la dévoiler. "

Je bois avidement un verre d'eau à porté. Histoire de faire passer le fait que je partais d'une discutions on ne peut plus banale pour parler de My little pony. Mais si Peter n'avait pas fuis quand j'ai commencé a parler de Donald trump. Je doute qu'il s'enfuie en courant a l'évocation d'un dessins annim pour petite fille et bronis

"Mais j'dirais qu'ils ont quand même bien fait de passer ca sous silence. Je suis sur que je peux être violente si j'apprends que ca vient d'un truc vraiment pourris ♪
M'enfin... "

Tentative de changement de sujet avorté. Rien ne venait au cerveau dans l'immédiat. Et je profite de la venue de la bière pour distraire mon interlocuteur.
Je suis une vrai handicapée sociale quand je le veux...

Je hoche la tête sans vraiment écouter la fin de son histoire car les références quant à la provenance de son nouveau prénom ne me parlent que vaguement. Et puis surtout parce que j'en ai rien à foutre de l'origine de son prénom. Ce qui me préoccupe davantage, c'est ce qu'il se passera après ce repas.

Autrefois, il me suffisait de fermer les yeux et je pouvais voir ce pour quoi je persévérais. Je pouvais voir mes rêves, mon futur. Ce soir, je ne vois rien. Je remue machinalement le fond d'eau qui reste dans mon verre avant de me rendre compte du silence pesant qui s'était installé.

- Vous, hum... je vous ai vu soigné cet homme tout à l'heure... Vous travaillez dans le médical n'est-ce-pas ?

Question tout à fait futile car vu le professionnalisme dont elle avait fait preuve, j'avais déjà probablement la réponse à ma question. Le but était simplement de meubler la conversation et, entre autre, de faire connaissance. Le problème, c'est que mes pensées se sont tournées ailleurs, encore une fois. Plus précisément, sur les raisons qui nous ont poussé à sauver Terry.

Pour ma part, la question est assez vite réglée. A cet instant, je ne voulais qu'une chose : découvrir ce qui se cache derrière cette histoire. A partir de là, le cheminement dans ma tête était déjà tout tracé. Les désirs dictent nos priorités, les priorités façonnent nos choix et les choix déterminent nos actes. La triste vérité derrière ça, c'est que la vie du bougre n'était qu'une priorité secondaire pour moi. Mais qu'en est-il de Luna ? Est-ce pour les mêmes raisons ? Et d'ailleurs, dans quel but m'a t-elle tiré de ce pont contre ma volonté ? Je me demande simplement...

- Pourquoi ?

A ce moment-là, la serveuse était déjà en train de servir la salade. En croisant son regard interrogatif, je comprends très vite que quelque chose ne va pas. Et merde, ne me dites pas que je l'ai pensé trop fort... Je n'ai même pas fait attention à la réponse de Luna à ma dernière question... Bon tant pis, maintenant que j'y suis, je me lance.

- Pardon, je veux dire... Tout à l'heure, sur le pont, pourquoi avez-vous fait cela ?  

- Vous, hum... je vous vu ai soigné cet homme tout à l'heure... Vous travaillez dans le médical n'est-ce-pas ?

-Oui, j'ai travaillé dans un hôpital. J'ai plus où moins l'habitude du sang et des blessures.

Je vide mon verre d'eau avec désinvolture. Allez, avouons le tout de suite a mon interlocuteur. J'aime pas vraiment le  

- Mais disons que j'ai montré plus d'assurance que j'en avais en stock. Je crois qu'il n'y a rien de pire que d'être soigné par quelqu'un qui a l'air incertain de la marche a suivre.

Je continue la conversation l'air de rien. De toute manière Peter n'a pas l'air d'être du genre a parler pour relancer la conversation et Terry semblait être un bon sujet.

- Disons que ce qui m'a le plus perturbé. C'est la nature des blessure de Terry. Elles étaient... Inhabituelles. C'est pas de l'arme blanche qui tranche net, ni une balle. On aurait dit qu'un animal l'aurait griffé. Mais genre un gros animal. La blessure était trop profonde pour que ce soit l’œuvre de mon chien par exemple.

Je joue nerveusement avec mon verre. J'aime pas parler dans le dos des gens. C'est typiquement le genre de comportement que je condamne moi même. Mais si ce sont des informations objectives, j'imagine que mon expertise n'entre pas dans ce genre de comportement, nan ?

- Et puis, j'avoue c'est complétement foireux. Entre ce qu'il nous a dit, la manière dont il est arrivé et ce que j'ai pu voir. Je sais qu'il y a quelque chose de foireux.

- Pourquoi ?

Je suis un peu étonné de l’intonation qu'il prend en oarlant. La serveuse se tourne vers lui mais je la distrait en lui demandant de remplir la carafe d'eau que j'ai presque vidée.

- Pardon, je veux dire... Tout à l'heure, sur le pont, pourquoi avez-vous fait cela ?  

Je reste un instant de réflexion. Le temps que la serveuse redevienne en quatrième vitesse avec une carafe fraiche. Je la remercie chaleureusement avant de la laisser partir une bonne fois pour toute. Des qu'elle me tourne le dos, je regarde presque avec prudence sa silhouette s'éloigner. J'ai pas envie que quelqu'un écoute distraitement notre échange. Et une maigre intimité reste bienvenue. Je sourie avec pudeur

- Fait quoi ? Te proposer un repas ? J'avais envie de discuter avec toi !

J'efface mon pauvre sourire pour aborder cette distance mentale. Ce fantôme de blouse qui me sied mal. Des lambeaux de tenue professionnelle qui dupe souvent les gens.

- Je sais d’expérience que parfois, ce sentiment s'estompe avec un rien : un café, une bonne discutions, une blague foireuse ou un câlin. Je veux pas prétendre connaitre l'impression pérenne d'être en stagnation existentielle. D'un coté, j'ai envie d'essayer d'en parler. de l'autre j'ai pas envie de t'y forcer.

Je pioche dans ma salade. C'est maladroit. Honnête mais maladroit.

Visiblement, Luna préfère s'assurer que la serveuse soit suffisamment éloignée pour me répondre. L'idée qu'une oreille indiscrète puisse nous écouter m'est complètement égal mais je respecte son choix et reste silencieux. En attendant sagement qu'elle reprenne la parole, je profite de ce temps de répit pour entamer ma bière. 

- Je sais d’expérience que parfois, ce sentiment s'estompe avec un rien : un café, une bonne discussion, une blague foireuse ou un câlin. Je veux pas prétendre connaître l'impression pérenne d'être en stagnation existentielle. D'un coté, j'ai envie d'essayer d'en parler. de l'autre j'ai pas envie de t'y forcer.

Je souris face à l'optimisme presque naïf de sa réponse. Je veux bien admettre que j'ai accepté de la suivre jusqu'ici mais le fait que je me sois retrouvé attaché à la grille du pont avec une laisse n'était sûrement pas de mon plein gré. D'un autre côté, elle n'a pas tout à fait tort, car si j'ai accepté sa compagnie, c'est bien parce que j'y trouve du réconfort face à la solitude. Néanmoins, sa réponse est presque insultante. Comment peut-elle prétendre savoir ce que je ressens alors qu'elle ne me connaît même pas ?

- D'expérience ? Qu'en savez-vous ? Ce que j'ai fait sur le pont, j'y ai déjà songé depuis quelques temps.

Je n'ai pas envie de lui raconter mes problèmes mais une part de moi veut lui faire comprendre qu'elle ne sait rien de ce que j'ai enduré. Que ces idées ne sont qu'une généralisation d'un problème que l'on prétend pouvoir soigner avec un peu de compagnie.

- Lorsque que ma fiancée m'a quitté, je me suis rendu compte que rien ne me retient ici. J'ai tout laissé pour venir vivre dans cette ville. Mon travail, la famille, mes amis... Les journées s’enchaînaient et se ressemblaient. Juste aucun accomplissement dans un appartement trop grand pour une personne.  

J'aperçois la serveuse occupée à débarrasser un client quelques tables plus loin mais toujours aucun signe de mon tiramisu.

- Si ce genre de choses pouvaient se régler avec une simple discussion, le monde serait déjà bien plus souriant.  

Je prends un verre d'eau. Nullement vexée de la pointe de mépris qui plane dans les paroles de mon interlocuteur. J'ai appris à lire plein de chose dans les réactions. De là a dire que j'ai l'habitude, il y a un gouffre que je ne franchirais pas. Parce que mine de rien, il parle de lui. Et que dans une certaine mesure c'est exactement le sujet que je voulais amener.

- J'ai jamais prétendu connaitre votre ressentie. On alterne tous entre des baffes et des douceurs de la vie. Des moments ou tous nos projets se concrétisent et d'autre ou des vides existentiels. J'ai bossé dans un hôpital. Et chaque histoire heureuse ou triste que j'ai côtoyé. Ça me permet de relativiser et je sais que le ressentis de chacun est différent face a une même situation.
Même quand je suis moi même pas au top. J'ai appris a relativiser.

Nan, mais me fait pas dire ce que je n'ai jamais penser.

- J'ai pas la prétention de pouvoir changer ta vie en réglant tous tes problèmes.

Un plat se glissa entre moi et lui. Un tiramisu fit de même. J'en profitre

" Tu faisais quoi avant de venir ici ? "

Relativiser. Je connais bien ce mot. Après la disparition de Marysa, les gens qui m'ont rendu visite l'employaient souvent. Le mot sonne comme un « positiver » dans ma tête, mais en moins déplacé, au vu des circonstances. Se rendent-ils compte à quel point c'est plus facile à dire qu'à faire ? Je réalise bien que certains envient ma situation, notre monde a bien d'autres aspects infernals à partager. La maladie, la misère, la guerre... Je me demande encore comment des gens peuvent vouloir continuer à vivre dans ces conditions. Finalement, il y a t-il vraiment plus de courage à vivre plutôt que de mourir ?

L'espoir. Est-ce vraiment ce qui les retient en vie ? Car même dans les instants les plus sombres, l'espoir d'un avenir meilleur persistait en moi. Aussi infime soit-il. J'ai connu un enfer, celui de la solitude. Celui de la perte d'un être cher et d'un avenir plein de promesses. J'ai passé des semaines dans ce luxueux appartement, plein d'espaces vides et froids. Plein de portraits et de souvenirs me rappelant ce que j'ai perdu. Peu à peu, je me suis rendu compte que cet espoir n'était peut-être qu'une illusion.

- Tu faisais quoi avant de venir ici ?

Petite pause durant laquelle mon cerveau travaille la question pour comprendre qu'elle parlait de mon arrivée à Palema et non du pont. Je ne vous cache pas que je suis plutôt fier de mon parcours professionnel, c'est pourquoi je ne me prive pas de lui parler de la bonne époque.

- J'étais cryptologue à New York, j'ai travaillé un certain temps pour une agence nationale.

Inutile de lui préciser l'agence pour laquelle je travaillais, surtout depuis les dernières polémiques. Mais j'imagine que des explications s'imposent.

- C'est un métier assez peu connu du grand public. En bref, je passais le plus clair de mon temps à concevoir des outils pour protéger des données informatiques. D'un autre côté, j'avais plus d'expérience en cryptanalyse qui consistait à déjouer ces mêmes outils et à déchiffrer l'information.

Je l'écoute apres ma maigre relance pour continuer la conversation. Alors ce type bossait dans la sécurité informatique ? C'est pas typique le genre de job a pourvoir un peu partout ? Hum une agence national. Merde, me dit pas qu'il a bossé pour la NSA. A vrai dire je ne sais même pas si la NSA requiert des cryptologue. Et je pense même pas que la question mérite d'être posée. Mais la NSA quoi...

J'ai envie de relancer la conversation. Parce qu'il ne fait pas vraiment l'effort de le faire. Continuer de parler : Ok. Sans balancer des banalités presque déprimantes. Sans non plus trop m'avancer dans un domaine qui m'échappe presque totalement. Sans non plus me cueillir son mépris. Ouais, merci gars. Tu es génial. J'essaie de jouer la compréhensive, de parler. Mais toi tu me lâches sur le sujet de l'informatique bien pointu et tu te tais. Comme si t'avais aucun plaisir a essayer de me causer. Comme si je te faisais chier.

" Depuis combien de temps tu y songes ? "

En fait, une partie de moi non représentative voit davantage Peter comme une adolescente ayant trop écouté d’évanescence dans sa chambre. Une autre voit que ces ça manière de penser qui doit être dysfonctionnelle. Trop mélancolique et porté sur le passé. Et une autre a de la compassion. Parce que moi aussi j'ai pas réussit à encaisser les derniers chocs qui ont secoués mon existence. La preuve. C'est entièrement de ma faute si je vie dans un van et que je deal quelques fonds de weed pour survivre.
Mais toute cette haine. Je la fout dans mes passions, mes musiques. Parce que j'ai pas les couilles d'aller voir un psy.
Au fond, c'est bien beau de relire ce qui est écrit sur la page précédente parce ce qu'elle est bien écrite. Mais ca ne fait pas beaucoup avancer l'intrigue. Et le pages suivantes que l'ont découvre sont les relectures nostalgiques de demain.


"Tu n'as jamais songé a aller vers les gens. Pour t'aider toi même ? T'as jamais trouvé d'autres solutions ?"

Laissant le temps à Luna de digérer l'information, mon attention se tourne toute vers le tiramisu qui venait d'arriver. Y'a pas à dire, que ce soit le visuel ou le goût, celui-ci excellait sur tous les points. Jamais je n'aurais imaginé manger un des meilleurs desserts de ma vie dans ce restaurant, surtout ce soir.

-  Depuis combien de temps tu y songes ?

Encore une fois, quelques secondes passèrent avant que je ne comprenne où elle voulait en venir. J'étais désemparé. Non seulement le changement de sujet trahissait son désintéressement sur mon métier mais elle persistait en plus à revenir sur la question épineuse. S'intéresse t-elle vraiment à ce sujet ou est'ce encore pour meubler la conversation ?

- Des jours, des semaines... Je ne sais pas, quelle importance finalement ? Juste assez de temps pour me faire une idée sur ma vie.

Rester courageux face à toutes épreuves est une marque distinctive des grands hommes. Mais je ne suis pas un grand homme. La perte de Marysa est quelque chose que je n'arrive pas à surmonter. Elle était si fondamentale pour moi que je me sens vide à présent. Comme si une partie de moi a été volée, me forçant à endurer une douleur dont je n'arrive pas à trouver le remède.

Des jours. Des semaines. Des mois. Le temps n'avait plus de signification tant les jours se ressemblaient. Mes rêves n'ont jamais semblé aussi réels, je n'ai jamais voulu rester endormi aussi longtemps. C'est là que réside mon dernier refuge, c'est là que je peux la voir. La réalité est froide, si différente de la chaleur que la vie offrait autrefois. Le monde semble si gris, notre appartement est mien, notre vie est mienne. Tout est seulement mien. Sauf dans mes rêves. Ici, dans mon esprit, elle réside.

- Tu n'as jamais songé a aller vers les gens. Pour t'aider toi même ? T'as jamais trouvé d'autres solutions ?

J'ai le sentiment d'être face à une aide psychiatrique et je me demande même si ce n'est pas réellement le cas. Quoiqu'il en soit, Luna tient visiblement à me faire parler et à me changer les idées alors autant lui exposer mon point de vue.

- J'aurais pu retourner à New York pour retrouver mes amis et la famille... mais ça demande beaucoup trop d'effort et d'argent. J'ai préféré rester ici en espérant trouver un travail rapidement mais visiblement la ville n'a pas vraiment besoin d'un cryptologue.

Une petite gorgée de bière avant de me lancer.

- Et puis à quoi bon solliciter de l'aide ? Les autres ne peuvent rien faire de plus, je ne peux compter que sur moi pour m'en remettre. Le problème, c'est que je ne vois plus pourquoi je devrais continuer dans cette direction. Il y avait un sens autrefois, mais là... Je ne vois qu'une suite de corvées et de peines à endurer pour payer la société. Alors pourquoi devrais-je continuer ?    

Sur ce pont, ma raison guidait mes pas autant que les émotions.

HRP :

S'il songe à ça depuis un petit bout de temps, c'est que c'est passablement inquiétant. Et pourtant il est là, à manger avec moi. Et il a même conduit Terry quand personne d'autre ne pouvait vraiment le faire. Alors je me dis que c'est quand même qu'il y a de l'espoir. Même si je sais pertinemment que l'on est seul dans ce genre de situation. On aura beau s'entourer de monde. Le deuil, la tristesse ou la dépression, c'est une traversée du désert en solitaire. On en parle pas entre amis ou dans la famille. Comme si éviter le sujet aiderai éventuellement à panser les plaies. La seule solution face aux événements est d'évoluer, s'adapter. Comme chaque créature est sensé le faire pour promouvoir sa propre survie.
Mais dans le cas ou lui même n'a pas envie de survivre ?

- Je peux pas répondre à votre place. Éventuellement, je peux donner des idées ou esquisser des solutions. La seule certitude que je peux vous délivrer est que vous pensez actuellement - a tord, que le suicide est la solution.

Je pique un peu dans mon assiette quelques fourchettes de bonne bouffe. Histoire de me donner le courage de parler.

- Si vous avez même temporairement abandonné l'idée de sauter pour conduire ce type. C'est qu'il y a quelque chose qui a percé l'apathie, même temporairement.

Je repousse mon assiette. Un peu contemplative avant de simplement relancer la conversation d'un ton neutre.

- Vous avez  des passions, des amis, de la famille prêt à vous rendre visite sur Palema ? Si votre appartement est trop grand pour vous, il y a toujours le moyen de le remplir. De créer des opportunités. Par exemple ce matin encore, on ne se connaissait pas. Et pourtant on mange ensemble et on a une discutions intéressante et un moment pas trop désagréable. Nan ?

C'est un peu brouillon, un peu confus dans ma tête. J'improvise mal, j’imagine. Et pourtant, j'ai envie de lui prouver que nan. Son histoire est encore pleine de moment d'épanouissement et de surprises. Qu'il y a plus d'une solution pour chaque problème et  qu'écourter sa vie n'en ai pas une vraiment viable. Si ca tenait qu'a moi, je lui ferai un gros hug des familles, mais je sais que je contact physique est proscrit dans ce genre de moment. Évitons de le gêner mon interlocuteur. Je veux pas paraître plus weirdo que je ne le suis vraiment.

Je me doute bien qu'il ne s'agit que de belles paroles. Et pourtant, cela ne m'empêche pas d'être porté par ses opinions. Juste suffisamment pour remettre en question les raisons qui m'ont amené ici. Et si c'était plus que de la curiosité ? Ce qui m'a détourné du pont était un sentiment plus fort. Une excitation, celle de faire une nouvelle découverte, une nouvelle rencontre. Un fragment d'espoir sur ce que la vie peut encore offrir.

Je souris face à la stupidité du constat. Ce n'est pas un simple sentiment qui m'a amené ici, c'est l'essence même de l'esprit des hommes. La passion pour l'aventure, la joie de vivre à travers de nouvelles expériences. Malgré tout ce que j'ai enduré, au fond, je continue de croire à la vie. De la même façon que ceux qui continuent à croire en Dieu et au paradis.

Le discours de Luna est confus mais je pense comprendre où elle veut en venir, je vois même du sens dans ses propos. Ici bas, il reste encore des choses à découvrir et à expérimenter. Il suffit de rester, comme dans un spectacle dans lequel on espère que le prochain numéro réussisse à nous épater. Mais à quoi bon vivre ces expériences si les personnes avec qui on souhaite les partager ne sont plus là ? Néanmoins, il y a bien une chose sur laquelle je suis bien d'accord avec elle.

- Je dois admettre... Le tiramisu est parfait, le meilleur que j'ai pu goûter. Et la bière... Mmh !

Sur ces paroles, je lève nonchalamment la bouteille en direction de Luna avant de prendre une nouvelle gorgée.

- J'ai beaucoup d'amis et de membres de la famille qui m'ont rendu visite après ce qui s'est passé, ils sont tous rentrés maintenant mais d'autres prévoient de venir. Quant à mes passions, c'est... difficile. Écrire, jouer, voyager... Ça n'a plus la même saveur quand on a plus personne avec qui partager nos passions.

J'aimais écrire, c'était un des mes passe-temps favoris. Ce que j'écrivais n'étaient que de simples histoires de fiction sans grande prétention mais l'activité en elle-même était plaisante car elle incluait de la réflexion, de l'imagination et surtout du partage. Mais je n'ai pas réussi à écrire de nouveau depuis son départ. Plus la discussion avance et plus je me rends compte à quel point Marysa avait pris une place omniprésente dans ma vie.

- Heh ! L'ironie de l'histoire, c'est que un cynique individualiste qui vous dit ça.

Je l'écoute, restant attentive  son langage non verbal. Mais je me sens pas a ma place. J'suis trop maladroite en société pour réconforter les gens. J'ai l'impression que d'essayer de le faire revient à jouer au docteur maboule avec des gants mapa et un parkinson à un stade sévèrement avancé. Faut' dire qu'à ce niveau,  je fuis héroïquement mon propre malheur. Si bien, que fuir, c'est presque devenu l'un de mes seuls talents que j'entretiens encore. Même si c'est plus une manière de conserver un brin de santé mentale face aux attentes démesurées qu'exige un égo en miettes.

"Remarque, askip' je serais une défaitiste joviale et optimiste. Comme quoi, je suis rodée aux personnalités paradoxale."

Avec un grand sourire et un ton presque chantant, je reprends une bouchée.

"M'enfin, le cynisme, c'est plus un point de vue sur le monde qu'un trait de personnalité. Et même si on connait la fin du film, rien nous empêche d'apprécier de le voir. Sinon, Titanic aurait fait un flop. Nan ?"

Sur ces paroles de philosophie de comptoir, je constate que mon assiette est vide. Faut croire qu'une faille spatiotemporelle a élu domicile dans mon estomac. Quelques minutes se sont écoulées là où j'ai l'impression qu'il ne s'est déroulé que quelques secondes tout au plus.
Alors je fais mine de rien. Essayant de ravaler ma stupéfaction/ déception culinaire. Même si au fond, j'ai l'impression d'avoir la finesse du jeu d'acteur d'un personnage de idiocracy. Ouais, autant que ça. Je suis vraiment pas douée pour faire genre. Je me tiens prête, à l'écoute mon interlocuteur, me demandant partir en débat est une bonne idée. Vu que ce type à l'air plus intelligent que moi.

La discussion prend une tournure bien trop philosophique à mon goût mais le point de vue de Luna me paraît tellement contradictoire avec le mien que je ne peux m'empêcher de la contredire.

Non, ce n'est pas pareil.

Petite pause durant laquelle je profite des dernières bouchées de mon dessert et refais le tri dans mes idées.

Il y a une différence entre vivre et voir. Ce que décrivent les films n'est qu'un maigre reflet de la réalité. Une version plus romanesque pour susciter des émotions, pour offrir aux gens ce qu'ils veulent voir : de la romance, de la tragédie, de l'héroïsme... Mais je ne pense pas que l'on souhaiterait être à la place des personnages. Tout comme vous n'aimeriez pas être dans la mienne... et moi dans la vôtre.

Quoique le sujet porte à réflexion, le sort que je me réservais ce soir n'était finalement pas si loin de celui de Jack Dawson. La serveuse revient débarrasser mon tiramisu et le plat que mon interlocutrice avait terminé à une vitesse phénoménale. Cette fois-ci, je préfère m'assurer qu'elle soit à bonne distance avant de poursuivre.

On espère tous une fin heureuse mais lorsqu'on se retrouve face à un dénouement tragique, on se réconforte en se remémorant l'histoire passée. Car ce qui importe ce n'est pas la destination, c'est le voyage...

Je m'interromps l'instant d'une seconde pour me convaincre de mes paroles mais le doute persiste alors je me tais. La seule chose dont je suis convaincu c'est que je n'ai maintenant ni chemin, ni destination. Et pourtant, mon voyage ne faisait que commencer.

Qu'est ce que vous voulez que je fasse maintenant ? Je doute que ce qui s'est passé dans le pont n'ait arrangé ma situation.

- Déjà, j'approuve totalement s'que tu dis. C'est pas le minois de Di Caprio qui me fera voir Titanic jusqu’à la fin.

Je pioche une fourchette de nourriture pour appuyer mon prochain argument. Puis une fois la bouche vide, je continue de parler avec un sourire

- Ce serait exclusivement pour le pop corn.

Mon expression s'éteint, histoire que ma figure reprenne une expression plus sérieuse.  

"Je... Je sais pas. On n'imagine jamais assez loin à quel point on est seul à vivre sa vie. Tout le monde deal seul avec les mêmes peurs existentielles. Et la majorité arrivent à trouver un compromis."

Je regarde Peter, essayant de réfléchir à mes mots avant de.

" Parfois, il faut juste avoir envie d'être heureux. C'est cette volonté qui nous permet de l'être, même dans l'échec"

Suis je heureuse ? Peut être. Je préfère ne pas prendre de recul sur ma vie pour me poser la question. Je préfere zoomer sur des épisodes précis. Probablement que je l'aurais été brièvement plus si j'étais arrivée a tirer un sourire a Peter.
C'est drôle. De se rendre compte que mon humour et ma générosité sont probablement des mécanismes égoistes.

C'est si simple à dire. Et si faux aussi.

S'il suffisait de vouloir être heureux pour l'être, le monde ne serait pas ce qu'il est. C'est vrai, je veux dire... Qui ne veut pas être heureux ?

Ce n'est qu'après ces paroles que je me rends compte de mon erreur. En réalité, ce qui importe pour beaucoup, moi y compris, ce n'est pas être heureux, mais plutôt ne pas être malheureux. Ce que j'avais prévu de faire au pont ce soir n'était qu'une solution pour oublier mes problèmes. Un compromis.

Non, en fait, oubliez ce que je viens de dire...

Je préfère rester silencieux et ruminer un instant avec ma bière plutôt que de continuer à lui déblatérer de nouvelles bêtises existentielles. La serveuse revient à ce moment-là pour servir le café gourmand de Luna avant de repartir en vitesse. Les belles paroles de Luna ont décidément réussi à me faire tourner de la tête mais il y a quand même un truc qui me chiffonne.

Dites-moi, vous croyez à ce que vous dites ?

J'ai un sourire un peu gênée. Mais mentir n'est pas vraiment quelque chose qui est aisant

- Ca dépend. Parfois je me dis que je suis une niaiseuse de première. D'autre fois, que ce n'est pas loin de la vérité. Et puis parfois, j'ai juste envie de m'en foutre et pas me poser de questions. Généralement, je le fait quand je suis dans mes hauts.

Même mon estomac à une limite. Celle du dessert. Je n'ai plus faim. Je le sais. Y'a comme un mur payé par le Mexique qui est en train de se construire dans ma trachée. Mais par principe, je continue de faire entrer des clandestins. Merde, je me tape de ces trips. Si je commence a vomir, je vais penser que Donald Trump est au commande de mon cerveau

J'engouffre donc la bouffe avec une régularité stupéfiante. Je suis vraiment effrayante quand je laisse mon esprit vagabonder ne serait ce que deux secondes de trop. Genre pensé a Donald trump alors que la personne en face de moi a envie de se suicider.

La réponse de Luna est vague. Finalement, elle ne sait quoi penser de ses propres paroles, et moi non plus d'ailleurs. Une partie de moi a envie d'y croire, de continuer à espérer tandis que l'autre me dit que tout cela ne sert simplement à rien.

- On a tous envie d'y croire. Mais de toute évidence, il n'y aurait pas de haut et de bas si c'était vrai. Seulement des hauts.

Je n'aime pas sombrer dans mes préjugés mais beaucoup de choses me laissent à penser que Luna n'est clairement pas  la mieux placée pour donner des leçons de vie. A commencer par sa jeunesse et son accoutrement excentrique, presque dérisoire. Je me demande s'il y un sens derrière cette esthétique si particulière, si divergente des normes de la société. Serait-ce une forme de rejet du système ? Et puis, de toute évidence, Luna ne semble pas venir d'un milieu aisé. Au contraire même, vu de ce qui lui sert d'habitat et sa réaction face à la récompense de Terry. En somme, je me rends compte que ma situation n'a peut-être rien à envier à celle de Luna.

Le temps que je termine ma bière, Luna avait déjà englouti son dessert. La pauvre ne plaisantait pas lorsqu'elle disait avoir faim... Je fais signe à la serveuse de nous apporter l'addition.

- Vous avez fini. Laissez-moi payer votre part. Je vous dois bien ça.

C'est faux. Mon cerveau a envie de tressaillir. De se révolter, comme si ses dires pessimistes étaient injuste. Injuste en moi, injuste envers tous les gens qui essaient d'être heureux. Mais je ne sais pas pourquoi, j'ai du mal a formuler mes pensées. A trouver un début de phrase cohérent et juste. Exprimer ce que j'ai envie de dire me parait impossible. J'aimerai pouvoir continuer de débattre. Mais il me prends un peu au dépourvu et me laisse un arrière gout de défaite.
Je hausse les épaules face a son envie de payer le repas. Soyons honnête, ca m'arrange, et si ca peut lui faire plaisir. Je ne cracherai pas pour ca

"C'est plus une question de point de vue que de véritable haut ou bas. Dans mon métier, j'ai rencontré beaucoup de gens, j'ai écouté beaucoup d'histoire personnelle. Ca m'a permis de relativiser mes petits malheurs. Et j'ai appris a être heureuse pour rien."

Je finis les dernières trace de dessert.

"Ouais, ca fais niais. Il est socialement admis que seul les enfants ont vraiment le droit d'être heureux sans pouvoir se justifier de l'être auprès des autres. "

La déclaration de Luna est d’une candeur telle qu’il m’est devenu impossible de réprimer un soupir. Je décide néanmoins de lui répondre plus par politesse qu’autre chose.

- Que ce soit une histoire de point de vue ou d’humeur, on en revient à la même chose. On relativise... Prenez cette bouteille par exemple.

D’un signe de la tête, je lui indique ma bouteille de bière vide.

- Versez-y un verre d’eau, et ensuite, faites de même sur une même bouteille mais pleine cette fois. Maintenant, imaginons que nous versons la même quantité d’eau dans votre tasse de café. Vous voyez où je veux en venir ? L’humeur et le point de vue. L’un et l’autre déterminent nos limites face aux problèmes.

Et moi j’avais atteint la mienne…Enfin, j’imagine. L’espoir persiste, je le sens, mais l’attente face aux ressorts constants de mes problèmes demande beaucoup trop d’effort. J’avais atteint le fond, ou presque. En tout cas, je n’ai pas connu pire situation dans ma vie. Quant à savoir relativiser mon histoire avec celle des autres, la question ne se pose pas. Ils n’ont pas connu ce que j’ai vécu puis enduré, c’est juste différent. Aussi différent qu’une bouteille et une tasse.

- Je ne vois pas où vous voulez en venir, tout le monde a le droit d’être heureux. Mais je ne crois pas que ça ne soit limité qu’à un simple choix personnel.

La serveuse revient quelques secondes après ma déclaration, je me charge alors de régler l’addition. Quel que soit le montant de ce petit dîner, ça n'avait juste aucune importance.

Bon. Dans mon cerveau y'a comme un bug. Un ancien dicton qui remonte : Ne jamais contrarier quelqu'un qui utilise la métaphore d'un verre remplis pour essayer de gagner un débat. Surtout que. C'est peut être imaginé dans sa tête. Mais mon cerveau refuse, bloque sur ces mots. C'est tout juste s je ne demande pas un répit, histoire de relire l'action qui vient de se passer sous mes yeux

- Euh... Nan ?

C'est rare que je me sens tellement en accord a ce point entre mes pensées et mes mots. C'est tellement occasionnel que je m’arrête dans la narration, juste pour le souligner.

"Être heureux, c'est pas une absence de problème. Tout comme être malheureux n'implisque pas forcément de grosses emmerdes. C'est une vision vraiment très superficielle que tu m'donnes"

Je glisse doucement pour devancer Peter. Je veux pas dire que ca m'arrange pas qu'il paye. Mais j'ai dis que je l'invitais. Et je n'aime pas quand les évènements me font mentir

- Et puis, j'ai jamais dis que c'était facile de l'être. J'ai dis que c'était possible.

Visiblement, Luna n'avait pas compris ce que j'essayais de lui expliquer à travers mon exemple. Mais qu'importe qu'elle ait compris le message ou pas, le repas touchait à sa fin. Et la discussion aussi. Car je n'ai aucune envie de poursuivre cette réflexion philosophique. Après tout ce qui s'est passé ce soir, l'idée de me reposer à l'appartement me paraît soudain beaucoup moins fastidieux.

Je hoche la tête, plus pour mettre fin à la discussion plutôt que par approbation. Évidemment, qu'être heureux ne signifie pas l'absence de problèmes. Après tout qui n'en a pas ? Ce qu'il faut, c'est quelque chose pour y compenser. De l'amour, de l'accomplissement, de la richesse... ou même tout simplement un repas. C'est ce que m'a apporté Luna ce soir... A sa façon, certes, mais je me dois de la remercier, autant par reconnaissance que par pitié.

Mais à peine ai-je eu le temps de sortir ma carte que Luna avait déjà réglé la serveuse. Dépité, je range ma carte et commence à enfiler ma veste. Inutile d'insister là-dessus, je me contente alors de lui remercier comme je peux.

- Et bien... Merci pour ce repas, Luna... Je vous dois beaucoup.

"Pas de soucie"

Je lui sourie.
Bon, je crois qu'on a fini sur un "Bon arrete de me prendre la tête" réciproque. M'enfin je suis contente qu'on s’arrête sur ca. J'ai un peu trop mangé. L'impression d'avoir le ventre plein est presque agréable, malgré l'inconfort que ça implique. M'enfin. Est ce que que je parcourt a demie la ville pour retrouver mon van ? Ou je me permets de prendre un taxis ? Ouais, probablement les pieds.
J'aurais du piquer un peu plus de fric dans cette boite a gant.

Je lui sers la main avec un sourire amicale.
Puis l'instant d’après, le froid m'agresse quand je sors du restaurant. Une pensées me revient alors que 500 bon mètres me sépare du restaurant où nous nous sommes restaurées

J'aurais lui donner mon numéro