Enfin, les médecins avaient finis par me signer ce fichu bon de sortie. Cela faisait maintenant un peu plus de 2 semaines que je végétais dans cette satanée clinique et je n'en pouvais plus de cette inactivité qui m'avait rongée pendant mes 18 jours d'hospitalisation. Et bien qu'au départ, les toubibs se soient montrés plus que réticents à mon départ en raison de ma guérison trop rapides à leurs yeux, les quelques examens supplémentaires subis finirent de les convaincre. Le psy était revenu me voir et, ayant retrouvé mon calme depuis que je lui avais craché toute mon venin à la figure lors de l'arrivée d'Aleister, lui aussi m'avait  jugé apte à rentrer chez moi. Bon débarras se dira sans aucun doute cette chère infirmière.

J'avais prévue de rentrer seule mais évidemment, Logan ne voyait pas les choses de cette manière. Alors, il est venu pour me raccompagner et, soi-disant, me filer un coup de main. Bon, il était vrai que faire des courses ou autre étaient le moindre de mes soucis mais comme c'était lui qui géraient tout, je le laissais faire avant de pouvoir enfin rentre chez moi. A peine le trousseau eut-il tourné dans la clef de mon appartement qu'un miaulement puissant ce fit entendre. Et déjà, Arsen était à mes pieds. A la fois heureux et boudeur. Je venais le prendre contre moi avant de le caresser, faisant se déclencher ce ronronnement que j'appréciais tant.

Laissée seule, je pris deux jours avant de me décider à rouvrir mon cabinet. J'avais besoin de reprendre mes marques, de retrouver certains repères, de refaire le point maintenant que j'étais de nouveau chez moi. Je n'avais pas eu de nouvelles de David depuis ma convalescence et je ne pouvais m'empêcher de me poser des questions, Logan n'ayant pas lâché un traître mot à son sujet. Aussi, lorsque j'appris au bout du fil après un bon quart d'heure de débat rhétorique que mes consignes n'avaient pas été suivies et qu'il avait été traité comme un suspect et non comme une victime, je me sentis bouillir. Et n'hésitais pas à passer le lendemain au commissariat pour me permettre de leur faire comprendre clairement ma façon de penser.

Je rageais encore en rentrant chez moi, ayant de plus appris que Logan avait divulgué des informations à Minato à ce sujet. Lui, je le connaissais assez pour savoir qu'il n'avait pas les mêmes limites que les simples flics de là-bas. Surtout à mon sujet et cela ne me plaisait pas. Il ne m'en avait pas parlé, il allait falloir que j'aille donc le chercher sur ce thème, quitte à créer un nouveau conflit entre nous. Un de plus au final. C'est ainsi que la fin de semaine me parut morose et négative. Super pour une sortie d’hôpital, j'étais ravie. Sans compter tout le travail en retard que j'avais accumulé. Enfin, j'étais toujours vivante et j'allais pouvoir reprendre le cours de ma vie comme si de rien n'était.

Enfin, c'était ce que je croyais jusqu'à ce que Melle Betsy me monte une colis suite au passage du facteur. N'attendant aucune livraison, je l'ai cependant récupéré avant de le déposer sur mon bureau, hésitant à l'ouvrir. Qui sait, ce pouvait être un piège. Je soulevais donc le couvercle avec précaution, après avoir laissé Arsen s'approcher de la boite sans avoir manifester la moindre crainte. Et en en découvrant le contenu, je ne peux m'empêcher de me dire qu'il y a forcément une erreur quelque part. Cependant, mon attention fut vite attirée par un carton d'invitation que je me mis aussitôt à parcourir.


Non, c'est une blague, n'est-ce pas? On me fait une farce et je vais me réveiller. Voilà, c'est ça. Et puis, comment pourrait-il connaitre ma taille? A coup sur, il se sera trompé, parfait. Et puis, je e repasse le film de la soirée. Ses chaussures qu'il m'a prêté, ma robe que j'ai laissé en lambeau certes mais bel et bien en vrac dans sa sale de bain. Et merde, ce n’est pas possible.

Mais en fait, il est complètement malade ce type. Il a déjà fini au poste, Minato est forcément allé lui rendre visite et lui, il m'invite à un Bal? Habillée comme ça? Il me prends pour qui? Je ne compte pas accepter une seule seconde. Et déjà, je commence à rédiger un mot pour expliquer mon refus. Cependant, chaque fois que j'avance un peu dans ma rédaction, je m'arrête, rature et recommence. Il a pris des risques erreurs pour me sauver. Il a subit des interrogatoires qu'il n'aurait pas du avoir à affronter. Certes il ne me demandait pas mon avis mais après ce que je lui avais fait vivre et subir, je n'étais pas en droit de refuser. Il avait toujours les photos, il aurait pu s'en servir contre moi et pourtant, il n'en avait rien fait. De la pitié à mon égard?

"- Je sens que je vais le regretter.... "

Oui, il était trop tard pour reculer. Et impossible de refuser. Il en avait trop fait pour moi, je me sentais redevable à son égard et du coup, je n'avais aucune autre solution que de céder à sa demande. je m'occupais donc de lui faire parvenir ma réponse positive, tout en notant bien dans ma tête de m'assurer que pour la date prévu, rien ni personne ne soit dans les environs pour l'heure prévue de mon départ. Je ne veux pas de questions, j'ai bien assez à faire comme ça. En attendant le grand jour, je rangeais a la fois précieusement et très savamment la boite avec son contenu avant de me préparer psychologiquement à ce qui m'attendait.

C'est affreux, horrible, infâme. Jamais je ne pourrais sortir comme ça. Si jamais quelqu'un me voyait? La dernière fois, c'était une obligation, j'étais en mission et c'était d'une importance capitale. Cette fois, les conditions sont fondamentalement différentes et pourtant, je ne peux me décider à ne pas m'exécuter. Je n'ai qu'une parole et avec tout ce qu'il fait pour moi, je lui doit au moins ça, même si cela ne me plait guère.

Mais je crois qu'en réalité, ce qui me gêne le plus, c'est que je finirais presque par me trouver... féminine. Pas jolie, je n'en suis pas à ce point là mais finalement, une robe comme ça, ce n'est pas si mal que ça. Enfin, au moins, je ne ressemble pas à une fille de joie. Oui, on pourrait presque dire que ça me va bien, mais l'idée qu'il puisse avoir bien choisi sans même me connaitre me gêne encore plus. En tout cas, il a bon goût car l'ensemble est bien assorti.

Je termine d'attacher le collier avec l'attache duquel je me bats depuis cinq minutes lorsque j'entends la sonnerie de l'entrée retentir. Mais c'est pas vrai, je sais menotter n'importe quel malfrat les yeux fermés et un putain de collier oserait me résister? Je me pince le doigt pour la vingtième fois et finit par abandonner. Un dernier coup d'oeil à mon allure générale, une caresse à Arsen avant de lui confier la maison, je verrouille solidement mon appartement et descend ouvrir au rez de chassée.

David est bien là, juste devant la porte. Ponctuel à ce que je vois. Tant mieux remarque, ainsi à minuit tout sera enfin terminé. Je marque une seconde de surprise malgré tout, m'étant jusqu'au dernier moment attendue à une mauvaise blague, avant de l'inviter à entrer dans la sale d'attente et, une fois la porte refermée, lui montrer avec un brin d'hésitation le collier encore dans ma main.

"- Je suis désolée mais.... Je n'arrive pas à l'attacher. Tu... peux m'aider, s'il te plait?"

Oui, pour le bonsoir, on repassera. En fait, je suis trop stressée encore pour m'en soucier. Je devais être prête et même ça, je n'en ai pas été capable, c'est lamentable. Du coup, je fais tout pour ne pas croiser son regard, c'est à peine si j'ai noté comment il était habillé. Enfin, j'aurais toute la soirée pour m'attarder sur ce genre de détails.

Bien sûr, tiens, elle est pour toi.

Je n'avais même pas vu la présence de la rose dans sa main et ce cadeau à mon intention me surprends. Et tandis qu'il vient se charger de finir de m'attacher le collier, je réfléchis à toute allure à ce que je suis censée faire de ce drôle de présent. Je n'ai même pas de vase pour la mettre. Et s'il me l'a amené, c'est sans doute aussi pour que je la porte, avec le reste, non? Mais pourquoi faut-il que les choses soient toujours aussi compliqués. Finalement, je la glisse dans mon sac sans l’abîmer, laissant le bouton en fleur dépasser de ce dernier, pour en rappeler la présence. Ça devrait faire l'affaire.

Tu es vraiment ravissante en robe. Es-tu prête ou as-tu besoin d'encore un peu de temps?

Moi, ravissante? Je crois qu'il n'a vraiment pas les yeux en face des trous. En même temps, c'est pour ça qu'il a des lunettes non, pour mieux voir. Donc, je peux l'excuser. Je ne peux m'empêcher de me regarder de nouveau, essayant de m'habituer un minimum à cette idée de passer la soirée dans cette tenue. Est-ce que j'ai encore de temps? Bonne question. J'avoue que si je pouvais passer les deux heures à venir ici, cela m'arrangerais. En terrain connu, je suis toujours plus à l'aise. Avec lui, je ne sais pas à quoi m'attendre et je ne peux pas avoir vraiment confiance en lui.

"- Je... suis prête... Enfin, je crois..."

Mes clefs, mon téléphone, un couteau suisse dans mon sac et une arme toujours à portée de main quoi qu'il arrive, oui, j'ai tout ce qu'il faut. Mon étui à lunettes aussi, au cas où je voudrais les ranger. Ma correction est tellement légère qu'ua fond, je n'en ai pas tant besoin que ça. Elles me servent plus à me dissimuler un peu plus, comme toujours au fond, par pure habitude.

"- Oui, c’est bon pour moi. Et euh... Cela te gêne si je te tutoie, au fait? Sinon, dis-le moi. Enfin, en attendant, allons-y. "

Heureusement que je suis flic d formation et que j'ai l'habitude de mener des interrogatoires et autre, cela se voit que j'ai une assurance débordante et une grande force de caractère. Je me fais vraiment honte, c'est impressionnant ce que je peux me montrer idiote. J'espère juste qu'il ne m'en tiendra pas rigueur, je ne tiens pas à ce qu'il profite de la situation non plus. Tout ça à cause d'une robe...

Ça ne me dérange pas du tout.

Bon, au moins une bonne chose de faite. Par contre, je ne comprends pas vraiment la raison de son sourire. Même si cette sortie reste son idée, je pense même pouvoir dire une sorte de vengeance de sa part à mon égard , aussi à cause de ce que mes collègues lui ont fait, je reste assez surprise qu'il prenne tout cela de façon aussi légère. Pour le coup, je serais plus une sorte d'otage dans son petit jeu mais il ne parait nullement inquiet quand à mon comportement. Je ne sais pas, je ne comprends vraiment pas ce qu'il cherche.

Nous quittons l'agence et déjà, je pénètre dans la voiture dont il m'a ouvert la porte. Il me faut bien quelques instants pour arriver à m'installer correctement, la robe prenant plus de place que je ne l'aurais cru, le temps que j'arrive à bien la mettre e n place. Quelle galère ce truc, sérieusement. Je me demande bien qui a imaginé ce style de vêtements. J'attache ma ceinture alors que déjà, la voiture s'engage sur la route, direction la sortie de la ville.

J'espère que les ballerines ne te font pas trop mal au pieds. Tu es déjà allée à la foire de Little River?

"- Ce ne sont que des chaussures, rien de plus. Et pour la foire, non. Que ce soit à Little River ou ailleurs."

Pour ce qui était de nos sorties en famille du week-end lorsque j'étais petite, mise à part les locaux de l'armée, les notaires et autre lieux de justice, les commissariats ou encore, de temps à autre, des prisons, je n'avait pas vraiment l'habitude de seulement sortir pour m'amuser. Ma plus belle sortie à ce jour restait mon passage par le parc un soir, ou j'avais récupéré Arsen avant qu'il ne s'établisse définitivement à mes côtés, c'est dire.

"- Au fait, je tenais à m'excuser... Pour le comportement de mes 'collègues'. Et de mon Frère. Ils n'avaient pas à s'en mêler de la sorte. "

Voilà, autant se débarrasser tout de suite également de ce qui fâche. J'étais sincère mais je préférais garder le regard fixé sur la route, à travers la vitre passager. Le jeu des lumières sur l'asphalte me plaisait et me détendait un peu. Cependant, j'étais loin de me sentir à l'aise pour autant.

Tu sais, je m'y attendais de toute façon. Ce que j'ai fait ne change pas ce que je suis, alors au fond, ils n'ont fait que ce qu'ils pensaient devoir faire. Et ce n'est pas à toi de t'excuser, tu n'as rien à te reprocher. Mais j'espère que ce soir, ça se passera mieux. Quoique ça ne sera pas trop difficile, comme objectif.

Pour le coup, je le trouvais presque trop gentil. Ce n'était pas parce qu'il était membre d'une mafia qu'il devait être traité comme un criminel alors qu'il avait joué un rôle important dans ma survie et la réussite de cette affaire. Si je n'avais comptée que sur Terence, je ne serais plus là à l'heure qu'il était. Quand à Minato, il ne perdait rien pour attendre. J'aurais une véritable conversation avec lui, dont il risquait de se souvenir.

La fin du trajet se passa dans le silence, ne sachant pas trop ce que je pouvais ajouter d'autre. Tout semblait toujours être pris à la légère par David et je n'avais pas vraiment l'habitude de ce genre de comportement. Après, je ne pouvais nier que moi aussi, j'espérais que cela se passe mieux. Simplement car je n'avais nullement l'envie de finir de nouveau à l'hôpital dans l'état dans lequel je m'étais retrouvée il y avait encore un peu moins d'un mois.

"- Eh bien, c'est drôlement coloré par ici."

Oui ma réflexion est sans doute complètement incongrue mais c'est la première chose qui me passe par la tête. La moindre ruelle semble en fête, tout étant illuminé de couleurs diverses et variées. Il y a des guirlandes, des décorations qui pour beaucoup semblent artisanales et des ponts, partout. Eux-même semblants presque vivants suite aux jeux des Ombres et des lumières les habillant. Je me suis rapprochée de la vitre, curieuse. Oui, je sais ce qu'est un Bal, ma Famille en a déjà organisé et j'ai participé à nombre d'entre eux mais ça, c'est complètement différent.

"- C'est ça, la foire? "

O... oui.
Ils l'organisent tous les ans aux premiers jours de l'été. Il y a plein d'attractions, tu verras.

Pleins d'attractions? Pleins de monde aussi, je suppose. Je ne suis pas certaine que cette donnée me plaise. Car plus il y a aura de personnes présentes, plus cela représentera des risques. Présence d'Ombres, de petits voyous, pickpockets et autres personnes de ce genre. Mais déjà, la voiture s'arrêtait, garée comme il se devait avant que mon chauffeur du moment ne vienne m'ouvrir la porte pour m'aider à descendre. Bon, en tout cas, on ne pouvait pas lui retirer le fait qu'il savait se montrer galant.

Allons nous amuser!

"- Euh... D'accord."

S'amuser? Oui, cette simple idée me semblait presque incongrue. Mais les décorations couplées à la musique me feraient presque penser à une sorte de conte de fée, ou un dessin animé pour enfant. Chargé de couleurs, de rires et de musiques joyeuses et dansantes. Même si je ne pouvais m'empêcher de rester sur la défensive, je devais bien avouer que l'atmosphère des lieux était si légère, si douce, que je me laisserais bien emportée par cette dernière. Les odeurs venaient à présent se mêler au reste, maintenant que nous étions arrivés sur la place principale remplie de stands aussi divers que variés.

"- Tu as l'air de bien connaitre les lieux. Tu as viens souvent dans ce genre de fête? "

Quand je peux, je viens me défouler dans les attractions ou simplement passer un moment tranquille. Ça me change de l'ambiance du Quartier Sud. Mais je n'étais jamais venu à celle de Little River avant. Après, toutes les fêtes foraines se ressemblent. Je suis sûr que tu aimeras aussi, tu verras! Par quoi veux-tu commencer? Un manège à sensations ou un stand de jeu?

C'est étrange, quand je repense à notre dernière rencontre, j'ai vraiment du mal à l'imaginer venir participer à ce genre de ce petite fête de village, à se mouvoir à son aise dans cette ambiance bucolique. pourtant, il ne semble nullement gêné, presque naturel. Ce n'est pas le souvenir que nos dernières discussions m'avaient laissées. Comme quoi, la première impression ne veut rien dire. Et puis, si il trouvais comme exutoire à la pression des mafias une simple fête foraine, c'était tout à son honneur.

"- Tu as l'air bien sur de toi, alors que tu ne me connais même pas."

Comment peut-il être si sur que cela que toute cette effervescence va me plaire? Bon, d'accord, je trouve plutôt l'ambiance agréable et les lieux sympathiques, cela ne veux rien dire pour autant. Quand à sa question sur les stands et les manèges j'avoue que je n'y avait nullement réfléchi. Et en regardant les manèges à sensation, ma première réaction fut de venir serrer les bras le long de ma robe. Dans cette tenue, je pense que je vais boycotter d'office ce genre d'attraction.

"- Plutôt un stand de jeu. N'importe lequel. "

Après tout, c'était lui le spécialiste de genre de fête de village alors autant qu'il joue les guides et gardiens jusqu'au bout. Et puis, franchement, je n'aurais sans doute pas su choisir par moi-même. Oui, je me sens complètement démunie dans ce lieu et avec lui.

Voyons ! Tout le monde aime les fêtes foraines!

Bon, il était vrai que par ici, je ne voyais aucun visage triste, aucune expression blasée ni quoi que ce soit qui puisse ressembler à de la tristesse ou a de la lassitude. Tout le monde semblait s'être mis d'accord pour que ne demeure que des sourires et des expressions de calmes et de joies. Jamais je n'avais vu autant de bonne humeur en un seul lieu. Mon quotidien avait toujours été fait de visages fermés et autres grimaces du même genre.

Lorsque sa main saisit la mienne, je me raidis instinctivement mais déjà, il e tire après lui et je le suis. Non, ici, je ne crains rien. Je ne suis plus en mission et je ne cours plus pour sauver ma peau, loin de là. Il faut vraiment que je me calme. David nous arrête devant un stand de tir, avec un grand panneau marqué chamboul'tout devant tenu par un homme souriant et jovial.

Essayons celui-ci. Il faut lancer ces balles pour dégommer les piles de conserves. Comme ça.

Oui, bon, ça va. Je suis peut-être novice dans ce genre d'activité mais bon, il y a des limites quand même. Je suis quand même capable de comprendre le but d'un jeu de ce genre. En tout cas, son lancer n'est pas mauvais. 5 boites sur 6, cela fais un bon ratio.

À toi!

"- Merci"

Je vise sa boite restante et la fais tomber sans grande difficulté. Je pense que l'habitude de viser avec les armes à feu m'aide grandement. Et puis, ce n'est pas la première fois que je m'exerce au lancer. La seule différence notable c'est qu'en général, mon but à atteindre n'a jamais été des boites de conserves. Comme il me reste une balle, je tente de viser la pyramide la plus proche. Je me concentre un peu et, une fois bien sure de moi, je lance mon projectile. Peut-être un peu trop fort car les boites s'envolent littéralement, ce qui sursauter tout le monde en m'arrachant un sourire. En tout cas, j'ai réussi mon coup, les 6 boites sont au sol.

"- Naoto 1 - Ennemis 0"

Je lâche ses mots dans un murmure. Une allusion à nos jeux d'enfants avec mon jumeau. Quand nous comptions les points entre nous. Et comme la plupart du temps, c'était moi qui avait l'avantage. Enfin, je n'ai rien à gagné cette fois mais je ne sais pas, raviver ce souvenir me fait malgré tout plaisir quelque part.

Magnifique performance, mais ici, il n'y a pas d'ennemis. Et j'ai gagné mon premier lot : ton premier sourire de la soirée! J'ai hâte de voir les autres.


Sur le coup, je reste un instant, surprise, clignant des yeux le temps de bien assimiler la fin de sa phrase. Son premier lot, mon sourire? Je ne vois vraiment pas en quoi cela peut l'intéresser amis bon, si il trouve son bonheur ainsi, je ne vais pas m'en plaindre. De mon côté, je me raccroche à ces premiers mots pour ne pas risquer de me mettre à rougir ni rien. Revenir sur un terrain connu me sera d'une aide plus que nécessaire.

"- Il y a toujours un ennemi à ses côtés, puisque nous sommes nous nous-mêmes notre pire ennemi...."

Voilà, ça c'est dit. Et c'est on ne peut plus vrai. Après tout, ne suis-je pas moi-même devenue un monstre à force de vouloir à tout prix en capturer un? Oui, cette histoire m'avait fait réfléchir, mine de rien. En tout cas, je ne m'attarde nullement sur ses pensées, déjà le teneur du stand nous demande ce que nous souhaitons faire pour la suite.

On continue, ou on passe au stand suivant?

"- Puisque c'est un jeu, tu ne diras pas non à un petit défi. Une balle chacun et les trois pyramides du stand. Celui qui fais tomber le plus de boites l'emporte. Et si tu gagnes... je ferais l'effort de sourire un peu plus."

Je trouve que ce n'est pas si mal déjà. Et je prends des risques mine de rien. Mais je ne suis pas détective pour rien non plus. j'aime le challenge et les défis. Finalement, cette sortie n'est de plus qu'un test parmi d'autre. Et je le relèverais, comme je l'ai toujours fait avant. Si en plus, je peux m'amuser un peu, eh bien, je n'aurais rien perdu au final.

Honneur aux Dames oblige, je suis la première à jouer. J'observe un instant les boites proches les unes des autres et les diverses pyramides. Si je joue bien mon coup, je peux y arriver. J'arme mon bras et lance la balle aussi fort que je le peux. Heurtant le centre de la pyramide centrale, les boites s'envolent et commencent à venir frapper les tas adjacents, faisant dégringoler le tout de plus belle. mais malgré le bruit provoquer par le tout, il reste encore pas mal de boites debout.

"- 11 boites sur 18. A toi de faire mieux."

Personnellement, je ne joue pas spécialement pour gagner, surtout que contre toi, je te laisserai volontiers la victoire si tu la veux. Mais il ne sera pas dit que je n'ai pas joué le jeu.

Me laisser la victoire? Ne pas jouer pour gagner? Pourtant, c'était bien lui qui parlait de s'amuser un peu plus tôt. Décidément, je ne le comprends vraiment pas. Enfin, finalement il ne dit pas non malgré tout et se prépare à son tour. Son coup est très bien pensé et j'avoue que je suis assez impressionnée. Moi aussi j'avais réfléchi au coup des rebonds mais jugeant ce coup trop hasardeux, je ne l'avais pas tenter. Lui n'avait pas mes hésitations. Alors même qu'il ne voulait soit disant pas spécialement gagner. C'est vraiment à n'y rien comprendre.

"- Félicitation, très joli tir."

Officieusement, j'ai gagné ce défi. Mais les rebonds ne compte pas dans les règles du jeu. Donc officiellement, tu reste gagnante, Naoto. Personnellement, c'est un score qui me convient. Après tout, tu dois savoir que je n'aime pas beaucoup jouer dans les règles.

"- J'ai cru remarquer ça, en effet."

Je ne souris pas vraiment mais je garde le coin des lèvres retroussé en une ébauche de sourire malgré tout. Il est vraiment étrange, comme garçon. Moi qui ai été plus que formatée pour rentrer dans un moule imposé, forcément je ne peux pas le comprendre et pourtant, je crois que j'aimerais y arriver un eu mieux. Peut-être que cela me permettra d'avancer d'une autre manière que ce que j'ai toujours fait jusqu'à maintenant.

Je récupère la peluche que le tenancier nous tend avec un grand sourire. Un énorme animal bizarre répondant apparemment au nom de Stitch. Il est drôlement doux en tout cas mais bon, il reste assez imposant. Heureusement, déjà, David se charge de la prendre pour l'attacher à son sac à dos. Pour le coup, je ne peux dissimuler mon sourire qui dégénère en léger rire.

"- Ça te va très bien, comme ça. Ça mériterait une photo."

Bah quoi, il en a bien de moi à ce que je sache, j'ai bien le droit de vouloir rire un bon coup moi aussi. enfin, je me calme rapidement et observe le reste des lieux. Et à présent, quelle sera la suite de la soirée? Mon regard est alors attiré par un stand un peu plus loin, une sorte de maison d'ou les gens à l'intérieur cirent et rient avant de ressortir en courant, essouffler mais visiblement ravis.

"- Qu'est-ce que c'est que cette drôle d'attraction? Tu connais ça?"

On devrait en prendre une, oui!

Il est sérieux, franchement? Comme s'il n'en avait pas assez déjà des photos de moi. Et vu nos métier respectifs, je doute que cela soit vraiment une bonne idée. Non, il vaux mieux que cela demeure un souvenir. Pas de preuves, pas de traces mis à part dans mon esprit. En tout cas, le voir ainsi détourner la tête ne fait que renforcer mon sourire. pour une fois que ce n'est pas moi qui suis mis en porte à faux, j'ai bien le droit d'en profiter non. Et puis, au pire, je ne fais que lui obéir. Je m'amuse.

C'est une maison du rire. Un peu comme un parcours d'obstacles loufoques

Déjà, je me retrouve happée par la foule et déjà, me voici devant la porte de l'attraction. Sur le coup, je paniquerais presque un peu, je ne pensais pas que je m'y retrouverais aussi vite mais David reste dans les parages. Bon, je ne suis pas certaine que ce soit une bonne chose que sa présence me rassure un peu mais ici, il est mon seul repère alors, je n'ai pas trop le choix.

Les dames d'abord. Je suis juste derrière toi!

A peine ais-je passée la première porte que je manque de tomber. Des tapis avançant en avant et en arrière, à des rythmes différents qu'il faut traverser. Je trouve le rythme et parviens à traverser cet obstacle avant de me retrouver devant un escalier avec des marches escamotables. Mais il en faudra plus pour m'avoir. Je m'élance et passa aisément ce nouvel obstacle avant de passer dans un rouleau tournant en courant, me permettant ainsi de ne pas perdre l'équilibre. Tu ne m'auras pas, satané maison.

Complètement prise au jeu, je me retrouve cette fois face à un labyrinthe de miroirs. Ouah, quand même. Je m'avance un peu au hasard, les mains en avant pour ne pas rentrer dans un de ces derniers en trottinant avant de me rendre compte que je n'entend plus rien. Les pas de David derrière moi ont disparus. Aurais-je été trop vite? Du coup, je tente de faire demi-tour mais je crois que je perds plus qu'autre chose. Alors, je finis par l'appeler, au moins pour essayer de le repérer.

"- David? "

Mince, mais où est-il passé?

Je t'ai manqué?

Je sursaute en me retournant vivement. Comment a t'il fait pour arriver ainsi derrière moi alors que je me trouvais là-bas il y avait moins de 10 secondes? Et puis, je lâche en frisson en même temps, son souffle dans mon cou m'a vraiment prise au dépourvu. Décidément, il a vraiment l'art de sortir de là où ne l'attendait celui-là.

Ou tu as besoin d'aide pour sortir d'ici? C'est vrai qu'avec tout ce verre mieux vaut être prudent.

"- Le verre ne me fait pas peur, tu devrais le savoir mieux que quiconque. "

Cependant, je n'étais pas pressée de me retrouver de nouveau avec les pieds au bord de l'amputation pour autant. Alors, je me laisser guider cette fois. Une fois de plus, il vient prendre ma main avant de me guider avec une assurance hurlant son habitude à traverser ce genre de lieu. Il avait un sacré avantage sur moi par ici.

Arrivés au niveau de la sortie, David s'arrête avant de me faire faire de même. Il s'engagea en premier et soudain, un grand coup de vent jaillit des côtés pour faire s'envoler son t-shirt qu'il retient à grand peine. Hein, quoi? Je vais devoir traverser ça? Pour le coup, je déglutis un peu bruyamment. Est-ce qu'il se souviens de ce que je porte?

Gare à ta robe, Naoto!

Visiblement oui. Et il savait qu'il y avait ce truc à la fin du parcours. Donc, il l'a fait exprès. Et flûte. Enfin, je n'ai pas 50 solutions, je suis bien obligée de passer au travers de ce mur de vent. Bon alors, réfléchissons. Si je tiens fermement les pans de la robe, en serrant les poings et en réduisant la largeur de cette dernière au maximum, cela devrait le faire. Je prends une grande respiration avant de me lancer et de me prendre le souffle puisant en plein visage.

Et au lieu de continuer mon chemin, je m'arrête. Et je laisse l'air me fouetter les joues, et sentir le tissu léger voleter contre mes jambes. la robe est longue, je ne crains rien. Et ici, en cet instant, j'ai la sensation de voler. Un rêve que j'ai toujours voulu réaliser. Acquérir une véritable liberté, voler de mes propres ailes. Pour le coup, j'écarte même les bras avant de reprendre à mon compte une célèbre phrase de film.

"- Je suis la Reine du Monde!"

Et là, retour violent à la réalité lorsqu'un gamin déboule de la maison et se jette divers la sortie, me rentrant violemment dedans et me faisant tituber, emportée par son élan et le sol du vent. J'ai beau tenter de reprendre mon équilibre, je sens que la chute arrive et que je ne peux rien y faire.

Je ferme les yeux en attendant le choc qui ne pourra que suivre mais c'est alors que je me sens attirée sur le côté, heurtant non pas le sol mais quelque chose de bien moins rude. Par un réflexe idiot, je m'y accroche, comme si je craignais de perdre ce repère soudain. Et puis, j'entends des pas qui arrivent à toute vitesse ainsi que la voix d'un homme qui résonne dans mon dos.

Pardonnez-le, il est tellement content !

Faites attention à ce qu'il ne tombe pas.

Euh, pourquoi la voix de David résonnait-elle aussi proche de moi soudainement? Et ce ne serait pas un souffle que je perçois près de mon oreille? Je me recule légèrement avant de réaliser qu'en fait, j'étais accrochée à lui. C'est lui qui m'a rattrapé? Je le fixe, complètement incrédule tandis qu'il desserre son étreinte pour me relâcher.

Ça va? Rien de cassé, Majesté?

"- Euh... Non, je... n'ai rien... Grace à toi... Merci. "

Et c'est là que je sens mes joues se mettre à me brûler littéralement. Je baisse le regard, cherchant un point à fixer tandis que mes doigts jouent nerveusement entre eux. Allez, on respire Naoto, tout va bien. Ce n'est rien. Tu ne vas pas te laisser impressionner pour si peu. Histoire de reprendre une contenance, je passe ma main dans mes cheveux avant de revenir à David.

"- Bon, vu comment celui s'est terminé, je crois que je vais faire une pause à propos des manèges. Il doit bien y avoir d'autres choses à faire par ici, non?"

Voilà, reprendre le contrôle, repartir sur des choses simples et évidentes, sans aucune ambiguïté. Pourquoi est-ce que je m'assure que la peluche est bien toujours là? Je dois vraiment me calmer moi. Enfin, en attendant, je me contente de sourire légèrement à David, un brin gênée malgré tout. Oui, je ne suis vraiment pas dans mon élément ici, c'est flagrant.

Et si nous faisions un peu de tir à la carabine? Ensuite, on pourra se prendre un truc à boire ou à manger.

"- Bonne idée. "

Oui, voilà qui était parfait. Ça au moins, c'était un domaine que je maîtrisais et ou je ne risquais pas de me ridiculiser. Je suivit mon partenaire de soirée en direction d'un stand tout proche où tout un tas de cibles semblaient nous faire de l’œil. Bon, les armes n'étaient pas ce que l'on pouvait appelé de bonne facture mais cela faisait l'affaire pour ce genre de jeu. Enfin, je pense qu'elles étaient un peu trafiquées quand même car les canons étaient tous plus ou moins déviés.

Déjà, nous nous installons et, curieuse, j'observe David se mettre à l'ouvrage. Il se débrouille bien, même avec une arme pas franchement correcte il réalise un très bon score. Certes il n'y avait pas une grande distance jusqu'au cible mais largement de quoi se rater. Je prends mon arme avant de commencer à la vider sur ma propre cible. Oui, ce n'est pas du tout le même ressenti qu'avec mon arme de service et il me faut bien deux tirs pour parvenir à me régler mais après ça, c’est carton plein.

Le gérant semble satisfait en nous rendant nos cartons et en houspillant gentiment David, sous prétexte qu'il a failli se faire battre par sa copine. Et moi, par un réflexe idiot, je me tourne pour chercher la fille en question avant de comprendre que c'était de moi qu'il parlait. Eh oh, on se calme Monsieur, arrête de te faire des idées tout de suite!

"- Bon eh bien, chacun son tour. A la carabine, c'est toi le plus adroit. Félicitation. Tu vas pouvoir te reconvertir et ouvrir une collection de peluches si sa continue comme ça."

Moi, me moquer? Non, je n'oserais jamais. D'accord, je me moque un peu. Mais bon, c'est sa faute aussi, c'est lui qui m'a attiré ici alors maintenant, tant pis pour lui, il assume.

Je vends des carabines, normal que je sache m'en servir. Quoique je préférerais fermer boutique que vendre une pareille camelote. Quant aux peluches, que je sache, je porte les deux, mais chacun a la sienne. Famas va déjà avoir fort à faire avec ce... Bob.

Famas. Ah oui, son chat. Ce pauvre petit félin, j’espérais bien qu'il aurait le dessus sur ce monstre de coton tout vert. Oui, j'avais toujours aimé les animaux et plus particulièrement les chats. Et j'avoue que je ne pouvais m'empêcher de me demander ce qui lui était arrivé pour se retrouver dans cet état mais je ne jugeais pas le moment opportun pour en parler à son propriétaire alors je conservais ma question pour moi-même.

Une fois installés à une des tables libres d'une gargote du coin parmi d'autre, je me décide pour un hot-dog accompagné de quelques frites et d'une limonade. Quitte faire un peu tout ce que je m'interdis en temps normal, autant y aller jusqu'au bout. Je prends le temps d'observer tranquillement le défilé des passants bariolés avant que la voix de David ne me ramène sur Terre.

C'est une agréable soirée! Quoique ça m'étonne que tu ne sois jamais venu à ce genre de fête. Tes parents ne t'y ont jamais emmenée?

"- Non, jamais. Je ne suis même pas certaine qu'ils sachent que cela existe. Quoique... Ils avaient bien le même genre d’événements au Japon, lors des fêtes rituelles."

Il est vrai qu'ils m'en avaient parlés une ou deux fois. Des ces grandes fêtes aux feux d'artifices phénoménaux, de ces concours de cerfs volants géants et des allées immenses de cerisiers en fleurs mais pour moi, cela demeurait du domaine du conte, de ces histoires qu'on nous racontait pour mieux nous endormir tout petit, quand nous peinions à nous sentir vraiment américains avec notre profil asiatique marqué.

"- Nos sorties en Famille étaient uniquement à but éducatives ou parfois, pour des histoires d'arrangements d'affaires. J'ai sans doute passé plus de temps en prison et dans les couloirs de détentions que la plupart des petits prévenus de la ville réunis."

J'ai lâché ça avec une certaine nonchalance. Pour moi, c'était devenu naturel, une sorte de rituel auquel se plier. Les autres allait prendre le goûter chez grand-père, moi je planchais sur des énigmes puis des affaires de meurtre.

"- Et toi, tu viens souvent ici? Avec ta famille aussi?"

J'y allais beaucoup quand j'étais encore en France, avec des amis. On était tous pensionnaires au lycée, et ça nous changeait des études. Depuis que je suis venu au États-Unis, j'y vais moins souvent, et seul.
Mais c'est plus amusant d'y aller à plusieurs. Surtout avec une si charmante compagnie.

Ainsi, lui aussi n'était pas vraiment à 100% américain. Remarque, c'était assez évident en y repensant. Son plus grand avantage c'est que son origine ne se lisait pas sur son visage comme elle pouvait se percevoir sur le mien. Pensionnaire eu lycée, adepte de sortie pour changer ds études. Finalement, je crois que je l'enviais un peu d'avoir pu jouir d'une telle liberté de mouvement. Ce qui ne faisait que me rendre plus obscur encore les raisons pour lesquelles il était devenu ainsi membre d'un gang. mais bon, chacun ses secrets et son histoire.

"- Tu n'es pas très exigeant dans ce cas. Car on ne peut pas dire que Charmante soit vraiment un qualificatif pour moi."

Autant être réaliste. Oui, je savais me montrer agréable et même de bonne compagnie, mais parce que c'était toujours à mon avantage. Dans le but d'obtenir quelque chose en échange. Je n'étais qu'une ombre enfilant un costume et jouant le rôle qu'on lui avait attribué. Et même si je cherchais à m'en départir, il me collait à la peau. Rien que dans les femmes qui peuplaient à présents les alentours, toutes brillaient d'un éclat que je n'aurais jamais. Celui de la féminité.

Il ne reste plus que l'épreuve du Bal à passer. Et là il s'agit bien d'une épreuve. Je nous ai inscrit au concours de danse de ce soir!

"- PARDON ???"

Oui, là pour le coup j'ai manqué de me levé. Est-ce que j'ai bien entendu ce qu'il a dit? Non, il n'est pas sérieux, ce n'est tout simplement pas possible. Je ne peux pas y croire. Pourtant, je ne doute pas une seconde de sa franchise. Quel enfoiré! Mais à quoi est-ce qu'il avait pensé en faisant ça? C'était complètement stupide de sa part. Enfin, je reprends mon souffle avant de revenir à mon repas, cherchant un moyen d'arranger les choses.

"- Tu veux nous ridiculiser? Parce qu'à mon niveau, ce n'est même plus deux pieds gauches que je possède. Je ne sais pas danser, ne l'ai jamais su et ne suis pas vraiment pressée d'apprendre.
Mais il te reste encore assez de temps pour te trouver une nouvelle cavalière. Je vous encouragerais avec plaisir."

Comment ça, je me défile? Est-ce que je dois lui rappeler qu'il y a 3 semaines on hésitait encore à m'amputer les deux pieds? Alors cette idée est loin d'être géniale. Et je ne sais pas pourquoi, je suis persuadée que la solution que je viens de lui proposer ne lui plaira pas.

Ne t'en fais pas, le bal a lieu dans une vingteine de minutes. Nous ferons des pas simples, tu n'auras qu'à suivre mes pieds, quitte à les écraser si ça te soulage! Mais la participation est nominative et je veux vraiment te voir danser! Ce n'est pas si compliqué, regarde!

J'avoue que sur le coup, son rire me vexe un peu. Il ne réalise vraiment pas à quel point cela risque de se finir en fiasco total. Et je ne comprends vraiment as pourquoi il veux me voir danser. Des filles, il y en a des centaines tout autour de nous, toutes plus ravissantes les unes que les autres et, je n'en doute pas une seconde, très bonnes danseuses. Participation nominative, à croire qu'il se sont tous léguer contre moi. J'avais bien raison, cette sortie n'est rien de plus qu'un piège tendu à mon égard.

Et déjà, il se relève avant de venir prendre ma main et de m'attirer à lui. Non, stop! Je ne veux pas, moi. Mais déjà, il saisit ma main pour venir la poser sur son épaule, mon autre main restant prisonnière de la sienne alors que sa main libre vient se caler sur mon flanc. Par réflexe, je me crispe, cela me rappelle de mauvais souvenirs, encore trop récents à mon goût et un instant, la panique me saisit, bien réelle et profonde. Mais je n'ai pas le temps de m'appesantir dessus que je me retrouve à tourner, guidée et emportée par David.

Un, deux, trois, quatre, un deux trois quatre... Tu y arrives déjà très bien!

"- Je... Si tu le dis..."

En fait, je cherche surtout à ne pas me retrouver trop perdue par son aisance impressionnante. A croire qu'il avait fait ça toute sa vie. Je doutais que ce soit un passe-temps très répandu chez les trafiquants d'armes et autres receleurs alors où avait-il appris tout ça? Dans son pensionnat de France? Enfin, très bien était loin d'être réaliste. Je peinais à suivre ses pas même si, le rythme étant régulier et simple, ce dernier commençait à rentrer. Comme tout, ce n'est qu'une question d'apprentissage.

"- Et ça... dure longtemps?...."

Non parce que mine de rien, ça commence à tourner tout ça. Sans doute par ce que je suis trop concentrée à tenter de regarder mes pieds pour les placer comme il faut. Au moins, je ne passe pas mon temps à lui écraser les orteils, ce sera toujours ça de gagné. Mais je reste lus que dubitative sur son histoire de concours de danse.

"- Ce concours, c'est une forme de vengeance, hein? Avoue..."

Je n'en sais rien. Jusqu'à ce qu'on gagne ou qu'on soit éliminés, je présume. Je n'ai jamais participé à un concours de danse avant celui-ci.

Dans ce cas, cela ne devrait pas s'éterniser. Car même si lui se débrouille plus que bien, ce n'est pas mon cas. Hors, dans ce style de compétition, c'est avant tout le travail d'équipe qui prime et moi, je suis une éternelle solitaire. A tous les points de vue. Et ce n'est pas demain la veille que les choses risquent de changer. La réalité me l'a trop bien rappeler, on en peut compter que sur soi-même et je ne suis pas le genre de personne dont le passage marque votre existence. Simplement un visage qui se noient au milieu de la foule avant de s'y diluer et de disparaître pour de bon.

Si ça avait été un simple bal, tu n'aurais pas dansé, n'est-ce pas? J'ai trouvé que c'était un moyen plus sûr de pouvoir te faire danser. Tu dois trouver ça difficile et rébarbatif, mais tu verras, la danse, c'est comme la fête foraine, on finit par l'apprécier. C'est fait pour s'amuser.

"- De toute façon... C'est n'est pas comme si j'avais le choix..."

Je soupire légèrement. Mon regard n'a pas quitté le sien tandis qu'il m'exposait ses raisons. Et quelque part, je crois que j'aurais préféré qu'il se taise. Parce que oui, il a raison. Je commence à apprécier cet endroit, cette ambiance et tout ce qui va avec. Mais je sais aussi que le retour à ma vie de tout les jours n'en sera que plus difficile à mon réveil. Et je n'avais pas spécialement besoin de cela.

"- Rébarbatif, pas spécialement. Difficile, c'est comme tout, ce n'est qu'une question d'entrainement. Même si la partie talent me fera toujours défaut, je ne suis pas plus bête qu'une autre, je devrais parvenir à m'en sortir. C'est plus pour toi que finalement, ce Bal va se révéler une corvée. Car je ne suis nullement une cavalière émérite."

Il s'agissait de la pure vérité. Il avait visiblement un niveau bien supérieur au mien, et dans tout ce qui touchait de près ou de loin à la vie de tous les jours. Moi, je me voulais libre et finalement, je ne restais qu'une prisonnière de mon état de détective. Je mange un peu mais plus par réflexe qu'autre chose. Je ne ressens pas la faim mais c'est agréable malgré tout de s'offrir ce plaisir de temps en temps.

"- Pourquoi?
Pourquoi est-ce que tu tiens autant à ce que je m'amuse? Je suis désolée mais... je ne comprends pas. "

Personne, pas même mon jumeau n'avait jamais eu ce genre de considérations à mon égards. Alors pourquoi lui les avaient-ils? Pourquoi pour moi? Surtout après ce qu'il s'était passé au Jackal, il devrait me fuir comme la peste. Je l'observe, sérieuse, curieuse mais aussi, quelque part, un brin perdue. Lorsque les énigmes me touchent de trop prés, je ne sais plus être assez objective pour les résoudre.

Je ne suis pas très malin, en ce qui concerne les relations extra-professionnelles, mais je ne pense pas que tu me contrediras si je dis qu'à la dernière nuit du Hungry Jackal, on a tous deux passé une nuit horrible. J'avoue, tu aurais été un de tes collègues flics aux gros bras et à la gâchette facile, de un, il aurait sans doute été buté à la salle des enchères, mais en plus, je ne me serais pas soucié de son sort. Mais toi, tu avais tellement de colère et de haine en toi. Comme une bombe prête à exploser, qui se force à rester sous pression. Alors si j'ai bien mérité de me détendre et de m'amuser, toi qui semblais si désespérée quand on s'est quittés à l'usine, tu devais en avoir besoin autant voire plus que moi.

Une nuit horrible. C'était un doux euphémisme quand je me repassais le film des derniers événements. Je crois que s'il y avait bien une chose que je regrettais dans toute cette histoire, c'était d'avoir fini par céder au chantage de Logan qui m'avait mené à accepter cette mission suicide. Non, je regrettais pas d'avoir pu mettre ce monstre de Nikanor derrière les verrous, mais je regrettais les conditions dont tout cela avait fini par se dérouler.

En tout cas, je ne doutais nullement de sa franchise quand il me disait que si j'avais été un simple de mes co-équipiers, il n'aurait pas levé le petit doigt. Cependant, je ne me m'empêcher de tiquer en entendant sa comparaison entre moi et une bombe. Elle est juste, peut-être trop même, et c'est ce qui me dérange. un inconnu comme lui ne devrait pas pouvoir discerner ce genre de choses chez moi. Quand au fait que j'ai été désespéré, je ne m'en souviens pas vraiment. Une fois la gamin sorti, la fin des événements se perd dans un étrange flou artistique.

Et puis, je te l'ai déjà dis, s'amuser à plusieurs c'est toujours mieux!

Et toi? Pourquoi tu n'as pas refusé l'invitation? Tu avais pourtant bien le droit de le faire. Je t'avais donné ma parole que je te rendrai les photos.

"- J'avais une dette envers toi. Et ma vie vaut bien plus que de simples photos, cela n'aurait pas été juste, ni équitable. Tu as pris beaucoup de risques pour moi, il était normal que je fasse un effort proportionnel en retour. "

C'était la vérité mais en même temps, elle n'était pas complète. Oui, je lui était reconnaissante de m'être venu en aide, de m'avoir permis de sauver ma vie et surtout celle du petit Bryan mais il y avait autre chose. Sauf que cette autre chose m'étais très difficile à accepter et encore plus à extérioriser. Je marquais une pause, mordant négligemment dans mon hot-dog, laissant mon regard se perdre un instant au milieu des sourires environnants.

"- J'ai écrit des dizaines de mots de refus. Je n'ai pas été capable d'en terminé un seul pour autant. Alors, j'ai abandonné et j'ai fini par dire oui.
Peut-être aussi parce... j'étais curieuse au fond."

Mon regard revient sur le table avant de croiser celui de David. Je ne souris plus vraiment mais je ne suis pas triste pour autant. Simplement peut-être un peu trop sérieuse. En tout cas, pour lui qui prends tout à la légère, c'est une évidence. Je sais que je devrais me taire, ne pas en dire plus. Ce n'est pas bon, ni pour moi, ni pour mon travail ni pour ma Famille mais quelque part, il a bien droit à la vérité. Alors je continue simplement.

"- Pour une fois dans mon existence, quelqu'un se souciait de moi pour autre chose que mon statut ou ma renommée. Alors, je voulais savoir, ce que cela pouvait faire aussi. D'être comme tout le monde. Juste le temps d'une soirée..."

Oui, les princesses des contes de fées rêvent du Prince Charmant, d'un château et de luxe alors que moi, finalement, je n'avais recherché dans tout cela qu'un anonymat et une vie de tous les jours aussi banale que possible. Je ne m'attendais pas spécialement à ce qu'il comprenne mais au moins, il avait voulu une réponse, maintenant il l'avait. Et malgré tout, je m'en voulais d'en avoir dit autant.

"- Désolée, c'est intéressant au possible. Je ferais mieux de me taire."

Et donc ? Comment ça fait d'être "comme tout le monde" ?

Une seconde, je reste pensive. Qu'est-ce que cela fait d'être enfin comme tout le monde? Je ne sais pas exactement comment l'expliquer. Ou plutôt, j'ai un peu peur de devoir l'exprimer. Car finalement, un rêve n'est beau que tant qu'il reste un rêve. Une fois réalisé, le temps de sa réalité est toujours fantastique mais le retour à la réalité n'en restera que plus difficile.

"- C'est différent. C'est agréable aussi, tout en étant également triste dans un sens. Mais cela restera un joli souvenir. "

Oui, cela ne pourra rien être de plus. Une bulle de couleurs dans un univers sombre et gris, une nuit étincelante au milieu d'une vie destinée à rester terne. Car je ne me fais d'illusions. Ce genre d'événements ne se reproduira pas de sitôt, pour ne pas dire jamais. J'ai eu ma chance, j'ai finalement su la saisir mais comme Cendrillon, dès que la cloche sonnera les 12 coups de minuit, la réalité reprendra sa place, immuable.

"- Je crois que je m'en serais voulu d'avoir raté tout ça. Alors, je ne suis pas mécontente d'avoir fini par accepter.
Même si cela ne fera pas de moi une meilleure cavalière pour autant...."

Tu seras parfaite pour moi...

Sur le coup, je bénirais presque la personne qui a eu la bonne idée de prendre le micro à ce moment-là. Presque seulement car si elle me permet de trouver le temps nécessaire à juguler la soudaine montée de rouge que je sentais venir. Bon, le seul souci c'est que maintenant, je ne pourrais plus échapper à ce concours de danse auquel David m'a inscrite sans me demander son avis.

Allons-y

"- Comme si j'avais le choix... "

Pourtant, mon attitude reste en légère contradiction avec mes paroles. oui, je râle, mais presque plus pour la forme qu'autre chose. Tant que je suis là, autant en profiter. C'est lui qui a raison dans le fond. Comme je sais que cette occasion ne se représentera jamais, c'est le moment de me laisser porter. De lâcher un peu la bride. Je regretterais presque l'absence de Minato, je suis certaine qu'il aurait apprécié ce genre d'endroit.

Je le suis jusqu'à la place qui sera notre piste improvisée de la soirée. Il y a déjà beaucoup de monde et quelque part, je suis un peu impressionnée. je ne pensais pas qu'un simple Bal de quartier ferait se déplacer autant de monde. Et il y a des couples vraiment superbes. Assortis, lumineux et même pour moi assez fascinant de par leur naturel.

Tu peux accrocher le mien s'il te plait? J'accrocherai le tien ensuite?
Ne t'en fais pas. On va bien s'amuser !

"- Hein euh... Oui bien sûr.
Et rassure-toi. M'amuser, je devrais y arriver. Mais ne compte pas sur moi pour gagner. "

Plusieurs couples sont déjà en train de s'échauffer, esquissant des pas compliqués mais leur donnant vraiment des airs d'oiseaux légers et virevoltants. Jamais je n'aurais cette aisance, c'est une évidence. Bien sûr, il y a aussi d'autres personnes un peu plus maladroites mais à mon avis, je ne m'en sortirais pas beaucoup mieux qu'eux.

"- Une dernière question, avant de me jeter dans la gueule du loup. La danse, c'est avant tout une question de confiance ds danseurs l'un dans l'autre. Depuis quand fais-tu autant confiance aux flics? "

Son numéro accroché, je me tourne pour qu'il puisse venir accrocher le mien. Cela lui laissera aussi le temps de me répondre. La foule se regroupe déjà, bien dense au pied de l'estrade. Les danseurs terminent de se préparer de leur côté. Pour moi, la tension monte également d'un cran. En fait, j'e commence réellement à craindre de me ridiculiser et d'entrainer David avec moi.

Je ne fais pas confiance aux flics. Mais je te fais confiance, à toi.

Un frisson m'échappe lorsqu'il lâche ses mots. La brise à fraîchit et son souffle dans mon cou m'a surprise mais déjà, nous revenons au sujet du moment. La danse. Derniers instants de répétition avant que le micro ne grésille pour demander à tous les participants de rejoindre l'estrade prévu à leur intention. Je suis David, restant dans son sillage pour ne pas risquer de le perdre. Il y a encore plus de danseurs que je ne l'aurais cru au premier coup d'oeil.

Mesdames, Messieurs, à la musique, le concours commence. Les catégories pro n'auront droit à aucune erreur, mais les catégories amateurs, nous vous laissons droit à trois erreurs avant de quitter la piste. À chaque catégorie sa médaille. Bonne chance à tous.

Je viens ramener mes mains comme il me l'a montrer plus tôt, l'une dans la sienne et l'autre sur son épaule, avant de reprendre les pas qu'il m'avait fait travaillé un peu plus tôt. Tout n'était qu'un question d'automatismes. Il suffisait que je reste concentrée et je devrais au moins faire illusion et ne pas nous faire éliminer en premier. Enfin, je l'espère.

Tu t'en sors vraiment bien.

"- Il faut croire que j'ai eu un bon professeur... "

Non, il faut que je me taise. Sinon, je vais perdre le rythme. J'ai déjà manqué de me mélanger les pinceaux, ce n'est vraiment pas le moment de faire n'importe quoi. Je secoue un coup la tête avant de chercher à me caler un peu plus sur la musique. Je trouve cela plus simple avec le fond musical derrière. Et finalement, je n'ai pas grand chose à faire, juste à me laisser guider et porter. Un peu comme si c'était David qui faisait tout le travail.

"- Je ne sais même pas comment s'appelle cette danse.
Et désolée, je me repose entièrement sur toi pour le coup. "

Rien que l'idée me faisait bizarre. Mais je devais bien admettre la réalité. Sans lui, je n'aurais pas aligné trois pas correctement. Et plusieurs fois déjà, j'avais manqué de me tromper. Si nous étions encore en lice, ce n'était que grâce à lui, je n'avais véritablement aucun mérite.

Princesse, vous me flattez 

Il ne lâchera donc jamais l'affaire, hein? Après Cendrillon, me voilà devenue une princesse à présent. Eh bien, il ne devait y avoir qu'à ses yeux que je pouvais rendre une telle image. De temps à autre, mon regard quitte mes pas, qui deviennent un peu plus assurés avec le temps. Les autres couples alentours sont tellement beau à regarder. Comme si un lien se tissait entre eux, pour ne plus laisser apparaître deux personnes distinctes mais une seule et même entité, protée uniquement par le rythme et la mélodie.

C'est une valse classique. Le rythme des musique vont accélérer au fur et à mesure, mais je trouve que tu danse de mieux en mieux. C'est un vrai plaisir. 

"- Tu ne te débrouilles pas mal non plus, tu sais?"

Je lui rends son sourire, restant à l'écoute de la rythmique mais un peu moins tendue. Je ne dirais pas que je suis zen mais au moins, je ne suis plus complètement sur la défensive. Et oui, je crois que je peux le dire, je m'amuse. Finalement, concours ou pas, je m'en fiche un peu pour être franche. Je n'ai même pas envie que cela se termine.

"- Tu sais si nous avons déjà eu des avertissements? Je ne suis pas la meilleure danseuse qui soit mais je crois que je me suis prise au jeu malgré tout. "

L'estrade commence à se vider lentement tandis que les juges passent au milieu des candidats. La musique de son côté accélère un peu, comme David l'avait prédit. Et alors que mon regard est attiré par un reflet lumineux sur un bijou métallique, je cligne des yeux et perds un instant le rythme, trébuchant légèrement avant de me reprendre. Bon eh bien, nous aurons au moins un avertissement.

"- Désolée... "

Je serre les dents une seconde, mon pied droit ayant frappé le sol plus fortement m'élance faiblement sur le coup. Mais en me concentrant sur la musique, je reprends déjà le rythme et retrouve une certaine fluidité de mouvement. Finalement, ce n'est pas si compliqué que ça, la valse.

Ça va? Tu n'as pas mal?  

"- Non, ce n'est rien. Juste un choc, ça va vite passer."

Après ce que j'ai vécu il y a moins d'un mois, ce n'est un ce genre de petit désagrément qui risque de me mettre K.O. Bon, je le sens quand même résonner dans mon pied mais déjà, la douleur passe et s'atténue grandement. C'est autant la surprise et le changement brutal d'équilibre qui ont provoqués la douleur. En soi, mon pied va très bien, je le sens. Donc pas de souci à se faire pour si peu.

Mais déjà, le bras de mon cavalier passait de ma hanche à mon dos, me rapprochant de lui et me permettant, dans le même temps, de limiter mes appuis sur mon pied légèrement douloureux. Pour le coup, je ne sais pas trop si je dois le remercier ou me sentir gênée. Déjà que nous étions très proche, là, je peine à empêcher mes joues de rosir légèrement.

Si tu as mal au pied, n'hésite pas à t'appuyer contre moi. Je n'aimerais pas finir cette soirée avec une cavalière blessée. Tu es plus jolie quand tu souris que quand tu retiens ta douleur.  

"- Vu comment tu me tiens, j'aurais du mal à ne pas en profiter."

Non, ce n'est pas du tout ce que je voulais dire. Enfin si, mais pas comme ça. Simplement que vu notre proximité, je ne risquais pas de m'enfuir. Oui, voilà, c'est ça. J'espère qu'il ne donnera pas une mauvaise interprétation à mes paroles mais je ne sais pas pourquoi, j'en doute. Je baisse la tête, histoire de retourner fixer mes pieds et essayer de me faire oublier. Je raconte vraiment n'importe quoi. Ce genre de fête n'est définitivement pas pour moi.

La musique accélère à un rythme régulier et à mesure que nous tournoyons au milieu des autres danseurs, je les oublie de plus en plus. Tout comme j'oublie tout de ce qui m'entoure. Il n'y a plus que la musique, les pas répétitifs et cette sensation agréable d'être portée par quelque chose de différent. Je ne suis pas sereine mais presque. Et je souris, bêtement. Simplement. Je ne me pose plus de questions, je me contente de me laisser bercer par la danse.

Les avertissements, les spectateurs, les derniers jours, la robe, mes pieds, tout commence lentement à se fondre en une seule et même image, un unique ressenti, profond et serin, posé. De la quiétude. Une sensation que je ne me souviens pas avoir éprouvée depuis longtemps. Jamais même, je crois. Les yeux fermés, je penche la tête et la laisse s'appuyer doucement sur l'épaule de mon cavalier quelques instants. Je n'ai pas envie que la musique se taise, je voudrais qu'elle continue à résonner pour l'éternité.

Un instant, je crois que je m'emmêle légèrement les pieds de nouveau mais je n'y prête même pas réellement attention. Il n'y a plus que la musique, le rythme et le calme autour de moi. Un monde nouveau, inconnu, que je ne veux plus quitter, auquel je m'accroche de toutes mes forces. Je me redresse, le regard bien plus vif mais aussi légèrement brillant. Je n'ai pas l'habitude de me laisser surprendre de la sorte, encore moins par moi-même. Continuant à me laisser guider par David, je le fixe un instant en lui souriant sincèrement.

"- Merci. De m'avoir amenée ici."

La musique accélère toujours et à présent, je n'ai même plus l'impression de toucher le sol. Les as sont presque devenus automatiques, naturels. Je n'ai qu'à suivre le rythme de mon cœur, de ma respiration, le tout calé sur le rythme d la musique et sur celui d'une autre souffle, très proche. Pourtant, alors qu'encore quelques minutes avant, cette proximité m'aurait fait hurler, je la trouvais étonnement chaleureuse. Si plus tôt j'avais eu la sensation de m'envoler, à présent je virevoltais follement et c'en était même bien plus drôle.

Est-ce l'autre couple qui s'est plus décalé, nous qui avons commencé à trop nous déplacer, je ne le saurais jamais. Toujours est-il qu'au détour d'un énième pas, je viens buter légèrement contre la cavalière d'une autre couple, proche de la 50 aine. Je m'excuse alors qu'elle est déjà repartie et le juge vient apposer un nouvel avertissement sur le dossard de David mais je ne m'en préoccupe guère. Je ne cherche plus à gagner. Je veux seulement profiter de ce moment comme il se doit et rien de plus.

"- Tu devrais te recycler en professeur de danse, tu es décidément très doué, dans de nombreux domaines."

Je ne cherche pas à fuir son regard cette fois, tant pis pour mes joues qui rougissent. Au moins, je suis sincère. Et puis, c'était bien son but en m'amenant ici, me sortir de mon quotidien, me montrer que moi aussi, je pouvais être une princesse. Mais dans ce cas, il restait un détail à revoir aussi.

"- En tout cas, tu ne fais vraiment pas voleur. A moins que tu ne sois de la famille d'un certain Lupin...."

Arsène Lupin, le gentleman cambrioleur par excellence. Je suis persuadée qu'il comprendra parfaitement la référence, il est bien assez doué pour ça. En attendant, la valse n’est pas encore terminée bien que les encouragements sonores des spectateurs se fassent de plus en plus présents. Le concours doit tirer sur sa fin à présent.