HRP:

Actée était au quartier Sud, un quartier qu'il n'avait que très rarement visité. Il avait décidé, après une discussion des plus intéressantes avec Juliet, de se lancer dans le bénévolat. Il s'était donc rendu au Centre Est ou on lui avait donné un bon rôle : son temps se partageait entre des permanences chirurgicales à la Clinique (pour les urgences), mais aussi à des tours pour vérifier que personne n'ait besoin d'un médecin dans les rues.

Ce soir là il était donc affilié à l'extérieur. Son téléphone sur lui, il guettait le moindre signe d'un blessé, qui trop souvent étaient laissés à leurs sort. S'il en voyait un, il appelait immédiatement une ambulance et devait administrer les premiers soins au patient. C'était un travail qui lui plaisait, il se sentait vraiment utile et ça le changeait de sa routine. De plus, ça lui permettait de combler les heures qu'il n'avait plus besoin de dormir.

Il arriva alors aux environs du bar "Chez Duck". Il le connaissait comme un bar avec souvent des violences qui éclataient. Il décida de rester un peu dans les environs, prenant un verre mais restant à l'extérieur. Il entra donc dans l'établissement.

Ce n'était pas un bar désagréable pour la vue, mais les gens qui étaient dedans n'étaient pas des plus recommandables. Actée se dirigea vers le bar et demanda la bière la moins forte de la carte. Il ne devait pas trop attirer les regards, et en même temps devait rester sobre pour intervenir au cas ou ; il allait donc la boire très lentement. Alors qu'il attendait son verre, il regardait autour, voir quel genre de personnes il y avait.

Hadence pénétra dans le bar le plus proche en boitant. Lors de la soirée, il avait comme à son habitude déclenché une bagarre. Or il avait reçu une balle au niveau de la cuisse. Il connaissait le corps humain et savait que cela ne lui coûterait pas la vie, mais il n'aimait pas voir sa motricité réduite.

Arrivé au niveau du comptoir, il grogna en rejoignant un tabouret. Il commanda sèchement un whisky, dissimulant sa blessure pour n'inquiéter personne et se contenta de boire.

Il n'avait pas l'habitude de venir chez Duck, trainant plutôt au Last Drink. L'ambiance était sordide et les clients l'étaient tout autant. Il n'allait pas trainer, à moins qu'un pigeon le rince de quelques billets grâce à ses tours de carte.

Quelques minutes plus tard, il finit son verre et en recommanda un autre. Après tout, il fallait anesthésier la blessure avant de repartir !

Actée remarqua un jeune homme au bar. Les cheveux bleu et l'air pas très commode. Il semblait vouloir enchaîner les verres, mais pour une raisons que le médecin ignorait. Il le regarda d'avantage à la dérobée, buvant en même temps. Il vit alors du sang sur la cuisse de l'homme. Il prit alors sa bière et s'en approcha. Mieux valait entrer immédiatement dans le vif du sujet, au moins ses intentions ne seraient pas mal interprétées.

"Bonsoir. Je m'excuse de vous déranger mais je vois que vous êtes blessé. Je suis médecin, et si vous le voulez bien je voudrais vous emmener à la clinique pour vous soigner"

Il avait dit cela avec calme et diplomatie, espérant que le jeune homme n'allait pas se braquer face à un inconnu. Pour lui prouver sa bonne fois, il posa sa carte officielle de médecin bénévole devant lui.

Hadence observe le jeune homme du coin de l’œil. Il n'avait pas vraiment envie de se faire prendre la tête ce soir. Sa blessure était certes incommodante, mais bien plus supportable qu'une de ces vermines faisant la tournée des bars.

- Vous venez vous donnez bonne conscience en agissant dans les quartiers du Sud, vous les médecins ?

Il tourna le regard vers lui et devina tout de suite qu'il était empli de bonnes intentions. Mais ce n'était pas ça qui faisait tourner le monde, ça se saurait.

- Désolé l'ami, tu ne feras pas ta bonne action de la journée avec moi.

Il se tourna ensuite vers le barman :

- Remets m'en un. Et la même chose pour le bon samaritain.

Le patron s'exécuta, sans comprendre la remarque ironique du jeune homme. Quand les verres furent posés, Hadence renchaina :

- Tiens, voici mon remède. Tu devrais essayer, ça panse autant les maux de l'âme que du corps.

Actée n'était pas tellement surpris de la réaction, c'était une chose à laquelle il fallait s'attendre, un refus. Par contre le côté avenant allant avec était surprenant. Il s'assit donc et ne refusa pas le verre, mais n'y toucha pas. Il devait garder toutes ses facultés.

"C'est gentil à vous. Mais non, je ne cherche pas à m'acheter une bonne conscience, je cherche juste à servir à quelque chose, et il se trouve que je suis chirurgien et que ça manque cruellement ici. Mais si vous ne voulez pas que je vous soigne, je ne vais pas vous forcer"

Il n'avait pas le droit de forcer un patient à se faire soigner, même s'il le voulait. Il resta silencieux un instant, avant de reprendre sa carte et d'ajouter.

"Je peux au moins savoir ce qui vous est arrivé? Pas forcément toute l'histoire, mais au moins ce que vous avez à la jambe"

C'était une question rhétorique. Actée demandait uniquement cela pour ne pas éveiller les soupçon. Tout ce qu'il avait besoin de savoir, il le savait : hémorragie et légère fracture du fémur. Ce n'était pas très inquiétant, mais il valait mieux immobiliser la jambe quelques temps et surtout désinfecter et recoudre la cuisse. Il voulait aussi savoir s'il n'y avait pas de corps étranger dans la blessure, ce qui serait embêtant.

Tss. Servir à quelque chose ... au final ne servir que les desseins des gens qui étaient au-dessus, bien en sécurité et qui se réjouissaient de voir le troupeau d'homme en détresse s'entretuer ... Détresse qu'ils avaient eux-même créé par ailleurs.

Hadence ne doutait pas de la sincérité du jeune homme. En revanche, elle transpirait également une grande naïveté de sa part, chose insupportable.

- Une balle perdue dirons nous. La routine.

L'étudiant posa ses yeux sur le verre de son voisin qui ne descendait pas. Il le tapota du bout des doigts tandis qu'il reportait son attention sur le sien.

- Tu sais, je suis sûr que d'autres personnes dans le coin auront plus besoin de tes services que moi.

Il observa du coin de l’œil un groupe d'hommes ivres tournant autour d'une jeune femme comme un groupe de hyènes affamées.

- Surtout si je bois trop.

Actée le laissa parler, ne répondant pas tout de suite. Il sentait comme une sorte de condescendance du jeune homme à son égard, mais ça lui était un peu égal, ce qui lui importait n'était pas d'être apprécié.

Il le regarda tapoter son verre lui suivit son regard vers la jeune femme et les hommes. Effectivement, elle ne semblait pas en bonne posture, c'était inquiétant.

"Si vous parlez de ces hommes, je doute que vous puissiez faire quelque chose pour les en empêcher dans votre état."

Il n'était pas fou au point de fermer les yeux sur ce qui se passait. S'il voyait quelque chose de suspect, il pouvait contacter la police, mais en ces lieux elle est toujours trop lente.

"Vous êtes aussi du genre à vous battre pour protéger les autres?"

Un léger sourire traversa le visage d'Hadence.
Non, il ne voulait pas qu'on le classe dans ce genre de catégories : les héros. Il ne cherchait qu'à survivre et trainait un passé empli de démons en tout genre. Jouer les héros ne l'intéressait pas, il ne tenait qu'à bousculer suffisamment ce foutu destin pour échapper à la détresse de ce monde.

- Il faut savoir passer outre cette foutue douleur physique. Certaines sont bien plus douloureuses et plus marquantes. Et ce n'est pas cet éclat de balle qui m'empêchera de briser la mâchoire à deux ou trois joyeux fêtards.

Hadence remarquait que le calme d'Actée avait une influence bénéfique sur lui. Lui d'un naturel nerveux et impulsif aimait bien être en présence de gens qui représentent son exact opposé. Cela lui permettait de mieux réfléchir.
Mais c'était frustrant en même temps, car il se délectait de voir certains individus tomber dans son piège et s’énerver de ses propos.
Il avait aussi volontairement éviter sa seconde question, ne tenant pas à tomber dans un énième débat existentiel.

-C'est quoi ton nom doc' ?

Actée le regarda sourire et braver la douleur, dans les mots en tous cas. Pas qu'il ne l'en croyait pas capable, mais simplement qu'il partait avec un handicap et ce n'était pas ce qu'il y avait de plus souhaitable. De plus, cela soulignait la confiance nulle que les habitants du quartier Sud avaient en la police, et ce n'était pas la première fois qu'il remarquait cela.

"Je suppose que vous savez ce que vous faites. Et je suppose aussi que vous n'avez aucune envie de faire appel à la police pour régler la situation?"

C'était rhétorique comme question mais il devait en avoir le coeur net, si jamais il devait y faire appel.

Le jeune homme lui demanda son prénom, c'est vrai qu'il avait complètement omis de se présenter, mais ils étaient les deux dans ce cas.

"Vasilis, Actée Vasilis. Et vous?"

Il caressait machinalement du doigt son verre, préoccupé par la jeune femme. Il fallait qu'ils interviennent au plus vite, et le mieux était peut-être encore de le faire sans émeutes, en la prenant avec eux et en la sortant du bar pour l'éloigner de ses peut-être bientôt agresseurs.

Appeler la police ? Décidément, l'innocence du jeune homme n'avait aucune limite.

- Si tu appelles les flics, tu ne seras plus des nôtres avant leur arrivée, lui lança-t-il froidement.

La réticence des gens du Sud au sujet de la police était réciproque. D'un côté, les habitants savaient qu'ils ne pouvaient pas compter sur eux, et de l'autre les forces de l'ordre étaient dépassées par tous les événements ayant lieux dans le quartier et préféraient intervenir lorsqu'il y aurait un débordement sur les autres parties de la ville. Le quartier Sud n'était qu'un foutu rassemblement de cas irrécupérables à leurs yeux, semblables à des chiens en cage dont on attendrait le trépas pour enfin souffler.

Hadence se retourna vers le groupe d'individus. Ils se dirigeaient vers la sortie, entrainant par la même la même occasion la jeune fille qui se débattait. Une vive colère saisit les tripes d'Hadence. Ce n'était pas cette agression qui en était la cause, mais la passivité de la clientèle devant un tel spectacle. Hadence finit son verre et le reposa brutalement, l'ébréchant au passage. Il se leva et entreprit de suivre les joyeux fêtards d'un pas décidé, ne laissant pas transparaitre la moindre blessure dont il aurait pu être victime.

Actée s'attendait à une réponse de ce genre, mais il n'était pas aussi pessimiste que le jeune homme. L'avantage qu'il avait était celui d'avoir plus de crédibilité auprès de la police, en son statut de médecin bénévole. C'était absolument injuste mais c'était ainsi.

Il vit alors Hadence tourner la tête et se lever. Il la tourna aussi et vit la jeune femme se faire embarquer par les hommes. Sans finir son verre, il se leva à la suite du jeune homme. Il lança tout de même un appel discret sur son téléphone aux policiers, un signal qui les avertirait qu'il se trouvait face à un danger. Ils le localiseraient grâce à son téléphone et viendraient sous peu. Mais il n'allait pas laisser le jeune homme seul, et encore moins la jeune femme.

Il ne dit rien, sentant qu'il était trop énervé pour parler, mais fit apparaître entre ses doigts, dans sa poche, son scalpel, juste au cas ou.

Les fêtards prirent la direction de la sortie de secours. Une fois dehors, leurs rires sadiques et macabres ne trouvèrent comme écho que les cris stridents de la jeune femme. Cette sortie menait sur une étroite ruelle, dont les lampadaires assombrissaient plus qu'ils n'éclairaient les lieux.

Hadence suivit le groupe d'homme sans s'inquiéter de savoir si son compagnon de route le suivait. Son esprit était embrumé de rage et d'alcool. L'espèce humaine s'apprêtait encore à frapper, avec toute la noirceur d'âme dont elle savait faire part.

Il fixa le groupe d'individu, leva ses mains et laissa jaillir une forte bourrasque de vent en continu qui les colla littéralement contre le mur. Son tatouage sur le pectoral s'illuminait fortement et l'intensité de la bourrasque augmentait au même rythme que sa haine. Il se foutait royalement de dévoiler sa nature de Seraph à ces gens, même si avec la force du vent ils ne pouvaient garder les yeux rivés sur son visage. Ils devaient et allaient payer le prix de sa propre souffrance en cette si belle nuit.

Actée arriva à sa suite et fut totalement surpris de le voir utiliser son pouvoir ainsi, sans prévenir, et surtout de découvrir que c'était un élu! Il fut frappé par le choc du vent et fut projeté vers un mur. Il vit que la jeune femme avait ainsi été séparée du groupe et essaya de se rapprocher d'elle, mais le vent était trop fort et il ne pouvait pas bouger.

"Arrête ça! On arrivera à rien si tu m'empêche de t'aider! Tu vas tous nous blesser, moi et la fille aussi!"

Il essaya de crier à travers le bruit du vent, et il espérait qu'il pouvait l'entendre. Il ne voulait pas risquer de ça tourne mal, et surtout que la jeune femme soit une des victimes collatérales. Il fallait juste qu'il la récupère pour le moment et la mettre à l'abris, en suite il essaierait de l'empêcher de faire trop de dégâts...mais il commençait à en avoir marre de se retrouver toujours dans des situations pénibles avec des Contractant. Il allait essayer de faire en sorte de rien savoir de plus, comme d'habitude, mais aussi comme d'habitude il sentait que ça allait être compliqué.

La tempête prit fin aussi rapidement qu'elle ne s'était levée. Hadence était épuisé d'avoir utilisé une telle quantité de vent en si peu de temps et ne pouvait avoir recours à ses pouvoirs une fois de plus.
Mais à quoi bon les utiliser contre ces maudits insectes ? Ils méritaient de recevoir une punition humaine, et non magique.

Tiens une douce mélodie venait siffler à ses oreilles... d'où venait elle ? Le jeune homme se retourna et aperçu Actée qui se relevait tant bien que mal. C'est donc de lui que provenait ces sautes supplications ?

- Occupes toi de la fille, je me charge d'eux.

Sur ces mots, Hadence s'empara d'une barre de fer posée contre une poubelle. Elle serait l'instrument de son courroux et le prolongement non de son bras, mais de sa colère.
Les "violeurs" étaient encore sonnés du choc reçu il y a quelques secondes. L'alcool n'aidant pas à la recouverte de leurs esprits, ils se rentraient dedans et semblaient comme perdus dans cette ruelle.
De misérables rats de laboratoires sans foi ni loi n'obéissant qu'à des instincts primitifs, voilà ce qu'ils étaient, comme l'individu qui avait assassiné sa sœur quelques années auparavant.

Actée finit par se relever et vit une ouverture, la fille s'étant trouvée isolée par le vent. Il alla donc vers elle le plus rapidement possible, l'aidant à se relever. Elle était tombée au sol et était sous le choc, tremblante et les yeux grands ouverts. Elle eut d'abord un mouvement de recul lorsqu'Actée essaya de l'aider, mais il la rassura.

"On est là pour vous aider mademoiselle, je vais vous mettre à l'abris"

Elle finit par lui faire confiance visiblement, et accepta son aide. Le médecin la soutint et l'amena vers la porte de sortie pour la faire entrer dans le bar. Il ne ferma cependant pas la porte, pour continuer à voir ce que faisait Hadence. Il le vit prendre une barre de fer et s'avancer vers les hommes. Il n'aimait pas trop ça mais pour le moment il ne pouvait pas abandonner la jeune femme. Alors que l'action s'accélérait sous ses yeux, il entendit des sirènes arriver.

"Hadence! La police arrive! Empêche-les de partir!"

Il espérait qu'il ne lui en voudrait pas trop, surtout qu'il utiliserait son "privilège du rang" pour protéger Hadence si besoin, et faire passer son acte pour de la légitime défense.

Seul le vent était maintenant audible pour l'étudiant. Il balayait les paroles d'Actée, ainsi que les sanglots des fêtards. Même les sirènes de police semblaient absorbées par la pénombre environnante.
La barre de fer à la main, Hadence s'approcha d'un des hommes. Il l’attrapa à la gorge et le fit se relever. Il voulait croiser son regard, sa peur mais aussi déceler cette partie malsaine en lui. Un large sourire vint éclaircir le visage de l'homme aux cheveux azurés : cette partie, il l'avait trouvé.

Il lâcha la glotte du fêtard qui tomba au sol mollement et lui donna un violent coup de barre dans la mâchoire. L'individu gémissait, devait implorer tous les dieux qu'il connaissait probablement ... La ferme.
La ferme la ferme la ferme la ferme ! Qu'il la boucle !

D'autres coups s’abattirent sur le pleurnichard, jusqu'à que le flot de paroles dérangeant soit remplacé par un épais flot de sang. Cela ne suffisait pas. Lui l'avait fermé, mais pas les maux qui le hantait.

Hadence leva une nouvelle fois son arme. Or, cette fois le silence fut rompu et le vent déchiré par une note qu'il connaissait assez bien. Celle d'une balle. Il se tourna et aperçu des gyrophares ainsi qu'un flic muni d'un pistolet droit devant lui. Cette scène s'échappait petit à petit de son esprit, remplacée par un lourd sommeil, auquel il s'abandonnait avec joie.

Actée pu remarquer rapidement qu'Hadence était totalement déchaîné et que rien de pourrait l'arrêter. Il se mit alors à frapper violemment l'homme qu'il avait prit par la gorge et mit au sol. Actée voulait intervenir mais la police arriva avant lui, et tira sur le jeune homme, qui perdit connaissance.

Les agents vinrent vers Actée alors que des ambulanciers, venus aussi, transportaient Hadence et sa victime,qui semblait dans un très mauvais état. Le médecin leur confia la jeune femme et alla rejoindre les ambulanciers, montrant son accréditation et montant avec eux. Ils auraient besoin de lui surtout pour l'autre homme, qui avait de soins de la part d'un chirurgien comme lui, spécialisé dans la reconstitution faciale.

En arrivant à la clinique, Hadence et l'homme furent amenés aux urgences, et les opérations purent commencer.

***

L'opération d'Hadence dura deux heures, celle de l'autre homme presque 5. Une fois qu'il eut finit, Actée le laissa aux policiers et tenta de passer dans la chambre d'Hadence, négociant avec les agents gardant sa chambre. Il finit par y parvenir et y entra.