Agence Blake

Norella Yewtree ne représentait pas une menace. Ma petite visite à son hopital m'avait permis d'en avoir le coeur net. Que ce soit sa mémoire qui lui avait jouée des tours ou qu'elle ne m'aie tout simplement pas vu lors de cette fameuse soirée aux ronces. Je savais au moins qu'elle ne risquait pas de mêler mon nom à l'affaire qui lui a valu son séjour en clinique.

Il y avait témoin de moins à craindre, mais leur nombre était toujours très loin d'atteindre le zéro. Un comparse détéctive et une fillette dont j'ignorais encore l'identité m'avaient vu ce jours-là. Je devais donc m'assurer de leur silence. Autant dire que je n'en était pas à la moitié de mes malheurs.

C'est donc avec cette idée en tête que je me suis rendu au quartier sud, un samedi matin digne des hivers les plus glaciales. Cette fichue saison m'en avait montrée de toutes les couleurs, et de toute évidence, elle n'en avait toujours pas fini avec moi.

Avant de venir ici, je m'étais préalablement assuré de la présence de mon hôte ainsi que de la gamine avec un coup de fil passé hier soir, qui les a prévenu de mon arrivé chez eux aujourd'hui. J'étais resté simple dans mes mots. Je voulais voir comment allait la fillette ainsi que porter un toast à notre réussite. Et aussi, partager nos gains reliés à notre dernière affaire commune.

- Aaah, la boite de strip-tease ! J'y reviendrais bien un jours, tiens.

Je laissais mes mots s'évaporer dans le vide avant de frapper à la porte de l'agence Blake. J'avais bien fait de prendre sa carte de visite la semaine dernière. Sans cela, je n'aurais jamais deviné qu'il s'était installé dans ce coin paumé. D'ailleurs, quel sorte d'ex-inspecteur de police choisirait de lui-même de venir s'installer dans un quartier aussi malfamé que celui-ci ?

*Alala, faire le bien ne rapporte plus autant qu'avant, hein ?*

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La petite fille de l'autre fois était là, à mon plus grand bonheur. Elle s'appelait Origan, d'après l'ancien enquêteur. Je ne voulais pas trop m'avancer sur la raison de sa présence ici, alors j'allais éviter le sujet pour le moment. A la place, je choisissais de me montrer plus courtois en faisant des compliments à mes hôtes. Après tout, que serions nous sans courtoisie ?

J'en profitais également pour identifier ce que la gamine avait vue et n'avait pas vue durant cette fameuse soirée.

- Hé, salut petite ! Sympa ton chat. Dis, tu te rappelle de moi ?

La gamine prenait un air pensif, semblant plonger dans les tréfonds de son esprit. Puis, soudain, elle cria droit sur mon visage.

- T'es le monsieur qui a crié au restaurant !!

Je lui répondis directement, affichant un petit sourire gêné sur le visage.

- J'ai.. J'ai quoi ? Enfin, oui ! On s'est bel et bien vu au restaurant. Je suis heureux que tu te souvienne encore de moi.

Après cela, je me releva hâtivement afin de refaire face à Russel, évitant ainsi de faire chavirer la discussion vers une voie qui m'était indésirable. Je n'avais rien prévu pour le cas où on m'interrogerait sur la raison de ma présence aux ronces ce jours-là, alors je devais faire en sorte de pas ne leurs laisser la chance de le faire.

- Sympa la baraque ! J'aime bien l'odeur aussi, c'est quoi ? J'en mettrais bien dans mon agence !

Parallèlement, je laissais mon regard se balader un peu partout sur les murs de la pièce, cherchant du regard tout élément apte de me donner plus d'information sur mes deux interlocuteurs. Tout et n'importe quoi pouvait m'être utile en cet instant. Mais, ce que je cherchais plus particulièrement était des photos, des documents, ou encore... Des caméras de surveillance.

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J'aimais bien quand les discussions restaient stables, sans aucun débordement de sujet, ni aucune question indiscrête. Je sentais que cette petite visite de courtoisie allait se dérouler parfaitement bien. Contrairement à l'autre dans hopital, avec leurs infirmières un chouya trop curieuses à mon gout.

Mon examination de la piéce ne me donna aucune information utile, il y avait très peu de décoration sur les murs, voire pas du tout. Aucune photo non plus, à en croire que mon hôte n'avait pas d'être chères à ses yeux. Allons, même les vieux loups solitaires comme lui devraient bien avoir une ou deux maîtresses par-ci et par-là, non ?

Mais, plus sérieusement. C'était vraiment bizzare qu'il n'y ai rien de personnel dans cette baraque. Il vivait ici, à ce que j'en avais compris. Alors, pourquoi ? Comptait-il bientôt déménager ? Où était-ce seulement faute à un manque de ressource ?

Je finissais par mettre fin à mon fil de pensée pour répondre à l'offre de l'ex-enquêteur.

- J'aimerais bien, oui. Tu me notera ça sur une feuille après.

Mes yeux se baissérent vers la moue insatisfaite d'Origan alors qu'elle me faisait part de son mécontentement. L'oxygéne de la chambre n'était pas d'assez haute qualité pour ses poumons royaux.

- Ne dit pas ça, petite. Russel t'héberge chez lui sans rien demander en échange. Alors, tu devrais lui montrer un peu plus de gratitude.

Je n'aurais jamais cru un jours prononcer ce genre de mot en présence d'autrui, mais c'était désormais chose faite. Moi, faire une leçon de morale à une enfant ? C'est le monde à l'envers, je vous jure.

En entendant la question de Russel, je me rendis compte que je venais de laisser la discussion tourner autour de moi. Je ne pouvais pas changer de sujet après une question aussi directe, alors je me contenta de lui répondre sincérement tout en laissant mes pas me guider vers la fenêtre la plus proche de moi.

- Mon agence ? Hé bien, tout d'abord, il n'y a pas autant de chambre qu'ici. C'est une seule et unique piéce, un peu plus grande que celle-là, ceci dit. Il y a une bibliothéque pour ranger mes documents dedans, et aussi un petit aquarium pour mes amis venus des mers. Sinon, à part ça, ce n'est pas bien différent d'ici. Un bureau, des canapés, une cafetière. Un peu comme toutes les agences de nos jours.

Mon regard se baladait entre le visage de mon interlocuteur et la vue que j'avais sur l'extérieur à partir de la fenêtre. J'essayais de voir s'il n'y avait rien de louche depuis ce point de vue, et... à part les quelques sales têtes qui passaient dans la rues, rien en particulier n'avait attiré mon attention.

Je tourna ensuite du dos à la fenêtre, après un enième choux blanc, l'expression déçue.

- Je me demandais... Tes voisins, ils sont comment ?

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Ma petite expérience avec les enfants gâtés me signala qu'il vallait mieux ne pas me lancer dans un débat sur le sujet avec Origan. Auquel cas, je risquais plus de perdre mon temps à tourner en rond que de lui faire comprendre une bonne fois pour toute où se situait son erreur. Je décida donc de lui répondre par un simple «Ok» afin de pouvoir passer à autre chose.

*Mère ?*

Ce mot éveilla ma curiosité. Si je suivais bien leur histoire, sa mère ne devait sûrement pas être joignable à l'heure actuelle. Sinon, pourquoi est-ce que cette gamine serait présente sous ce toit ? Cette piste mériterait d'être approfondit. Mais, pour le moment, je devais régler mes soucis avec le vieux détéctive. Mieux vallait commencer par celui avec lequel je pouvais bien m'entendre. Et avec un peu de chance, il réglera en même temps mon probléme avec Origan, sans que je n'aie à avoir affaire à elle.

L'esprit occupé ailleurs, je ne remis les pieds sur terre que l'instant où Russel avait finit de répondre à ma question.

- Je ne t'apprend rien de nouveau en te disant que le quartier est malfamé dans ce cas. Cela vaux doublement pour toi que quiconque d'autre vivant dans ce quartier. Les gens du coin... N'apprécient pas vraiment notre compagnie.

Il semblait avoir déjà payé les fraits de son séjours au quartier Sud, mais il s'en sortait plutôt pas mal pour quelqu'un de notre millieu. Sûrement, parce qu'il n'était pas suffisament connu pour attirer l'attention sur lui. Cela devrait changer lorsqu'il commencera à avoir affaire aux gros poissons de la ville. Chose qu'il avait déjà entamé en travaillant avec Cornvac.

La discussion, un peu trop sérieuse pour la petite tête toute joyeuse d'Origane, fut interrompu par cette dernière. Elle me demandait ce que j'étais venu faire ici. Bonne question, ma petite demoiselle ! Cela me donnait justement un bon point de départ pour lancer le sujet qui m'intéressait le plus.

- Oh, ça petite, j'allais justement y arriver. Bon, je vais aller droit au but. David Desange. Il me semble que tu le connais, Russel.

Je me tus après ces quelques mots afin d'examiner leurs expressions, à tout les deux. Je connaissais déjà la réponse à ma question, mais je voulais tout de même l'entendre de sa propre bouche.

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Décidément, je sentais que cette affaire allait vite être réglé. Mes deux interlocuteurs me posaient pile les bonnes questions au bon moment. Et dire que j'avais peur de subire des interogations du genre : "Comment savez-vous que je le connais ?". Bien aimable à mon vieux camarade que d'éviter cette question. Mais, ce n'est pas pour autant que je étais à l'abris de ce genre de soupçon.

- Oui, sept hommes.

J'acquiesçais à haute voix, ravi d'entendre ce chiffre et non pas le numéro six. J'étais peut-être hors d'atteinte en se qui concernait la partie "meurtre". Mais, il me restait encore à enterrer la partie concernant le recel.

On pouvait dire que j'étais sur la bonne voie. Ceci dit, un petit détail imprévu fut envoyé à mon attention. La gamine aussi connaissait le français. J'avais trop peu de détail concernant la liaison qu'il y avait entre ces deux-là et l'armurier, alors je devrais probablement mettre les choses au clair avant de m'avancer plus que cela.

- Famas ? David le sait quand vos deux chats sont ensemble ?

Elle connaissait le nom de son chat, ce qui me laissait croire que oui. Seulement, il avait toujours une chance à ce qu'elle fasse cela en secret et qu'elle ait eu vent de ce nom dans un tout autre contexte.

Pour ce qui était du lien entre le vieux détéctive et le français, je n'avais pas vraiment envie de lui demander quoique ce soit à ce sujet. D'après Fox, la rencontre qui avait eu lieu entre ces deux-là ne s'était pas faite dans le meilleur des environnements. Je préfèrais donc éviter plonger dans d'autres ennuis. Pas avant d'avoir réglé propres soucis, du moins.

- Je vais faire simple. Appeler la police, très mauvaise idée. Comme tu l'as dit toi même, ce type à une certaine expérience dans le domaine de l'assassinat. Et je ne sais pas pour toi, mais moi, je n'ai pas très envie d'avoir ce mec en face de moi car "quelqu'un" à laissé filtré des informations sur lui à la police. J'aimerais qu'on soient clairs, je me sens tout aussi mal que toi en ce qui concerne ces meurtres. Je ne suis pas un monstre, après tout. Mais, je préfère encore rester rationnel et me dire que je vaux plus vivant que mort. Pas toi ?

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Intriguant. Le français avait donc une relation avec cette gamine ? De toute évidence, ce n'était pas une relation famillale. L'un posséde des traits européens, et l'autre est asiatique. Que faisait-il donc avec elle ? Si on me dit que ce petit mafieu aime juste jouer les enfants, je ne répond plus de rien !

Ma tête se penche légérement vers le côté, tandis qu'une expression hébété prend place sur mon visage.

- Ah... Ok. David, hein. C'est ton ami ?

Je n'étais pas sûr du ton que je devais employer avec elle. J'aurais préféré lui poser des questions plus directes, du genre : "Quand est-ce que tu l'a rencontrée pour la dernière fois ?" ou alors, "Comment vous êtes-vous rencontrés ?". Mais, je ne pouvais pas le faire sans risquer d'éveiller ses soupçons. Après tout, à leurs yeux, je n'avais aucune raison de vouloir en apprendre d'avantage sur le français. Et je ne pouvais tout de même pas leurs dire que je m'étais fait menacé par lui.

A moins que...

- Effectivement. Je suis en retard, mais ce n'est pas de ma faute. Ton planning était remplit le lendemain de cet incident.

Il savait de quoi je parlais. Il avait rencontré l'armurier au Last Drink, ce jours-là.

- Dis moi. Il lui a fallut combien de temps pour sortir sa première menace ?

Pile ou face ? A pile, je me trouve un allié de taille pour contrer David. A face, j'éveille ses soupçons et je perd mon pari.

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Mon expréssion restait perplexe. Je ne savais pas comment je devais prendre les mots d'Origan. Elle était... son amie ? Sa compagnie lui était agréable ? Comment pouvait-elle avoir une relation amicale avec ce gangster, doublé de meurtrier ? Même mon carnet d'adresse à moi, détéctive privé depuis presque 2 ans, n'avait rien de tel entre ses pages.

Bizzare. N'oublions pas également, le fait qu'elle avait activement participée au massacre de la derniére fois. Et cela, en mettant fin aux vies de deux hommes à elle toute seule. Deux hommes ! Je ne savais même pas comment elle avait fait cela, ni avec quoi.

Ce fut à mon plus grand bonheur, qu'elle nous laissa seuls en tête-à-tête avec Russel pour aller se réfugier dans la chambre à coucher du vieil enquêteur.

*Une espionne ?*

Cette drôle d'idée emergea dans mon esprit. C'était incongru, certe. Mais, je ne pouvais pas m'empêcher d'y penser.

Je finis par laisser de côté ma réflexion à ce sujet pour revenir au plus important. Mon objectif venait tout juste de changer. Russel semblait être au courant au sujet de Glen.

*Comme ça, au moins, je sais de quoi ils parlaient ces deux-là*

Etrangement, la peur n'était pas la première émotion qui s'empara de moi. Non, ce fut un sentiment de délivrance. Il était au courant à ce propos, et ce depuis bien avant notre deuxiéme rencontre au Lapin Rose, et pourtant ce n'était que maintenant qu'il débalait ce sujet. Cela voulait très certainement dire qu'il ne me prenait pas pour une menace.... Qu'il avait confiance en moi... ?

- J'aimerais bien te parler à ce sujet. Tu as subit certains désagréments à cause de Jack et j'en suis navré. Je pense... Je pense...

Mes yeux se refermèrent l'espace d'une seconde, puis se réouvrirent pleines de conviction.

- J'aimerais qu'on aille ailleurs pour discuter de ça. Les murs ont des oreilles, après tout.

Dis-je en fixant le petit angle de vue que j'avais sur Origan. Cette petite ne devait rien entendre de cette discussion. Sinon, cela risquait très certainement de remonter jusqu'aux oreilles du jeune français avec lequel elle avait pour habitude de jouer. Et cela, il en était hors de question.

Ce que j'étais sur le point de faire était vraiment stupide. Et surtout, très dangereux. Mais, cela allait au moins ôter un poid de ma très lourde conscience.

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Heureusement pour moi, Russel semblait être prêt à répondre à ma demande concernant le changement de lieu. L'ouverture d'esprit du vieil enquêteur me surprendra toujours. Combien de fois m'étais-je attendu à me faire séchement remballé par lui et fut au final aimablement accepté par ce dernier ? Cet homme était indéniablement bon.

J'hocha simplement de la tête en réponse à sa proposition d'aller déjeuner tout en discutant. Ma gorge commençait tout doucement à se reserrer sur moi, me donnant la désagréable sensation de ne plus pouvoir parler. J'étais mal à l'aise à l'idée de partager mes secrets avec quelqu'un autre qu'un des hommes de main de Glen. Ma vie était en jeu, après tout.

Je laissa l'ex-enquêteur mener la marche, puis au moment où il fit ses salutions à Origan, j'en fit de même.

- A la prochaine, petite ! Et tu passera mes salutations à Famas.

Je releva ma main en l'air pour lui faire signe, le tout en gardant mon salut léger. Cela me semblait évident que si elle continuait de tourner autour du jeune français, alors nos chemins se recroiseraient très certainement . Que ce soit pour une occasion ou une autre.