Pâtisserie Melting Bakery

L'affaire "Aaron" durait depuis maintenant cinq jours. Une première journée ayant été réservée à la recolte d'information au sujet de la victime, elle ne me fit pas vraiment avancer dans mes recherches. La seconde, elle, fut plus fructueuse avec les différents échanges que j'avais pu avoir avec les collègues de notre homme, au commissariat. J'avais pu alors ajouter quelques noms à ma liste de suspect. Jack pour commencer, ensuite Ron. Et pour finir, j'ai pu poser un nom sur le profil de mon principal suspect, le voisin d'Aaron, Ringingston. Mes deux tentatives d'en apprendre d'avantage sur les connaissances du défunt Aaron m'avaient menées tout deux sur une seule et même piste. Un coup de téléphone passé à son partenaire de travail, Ron, qui avait eu lieu pile à l'heure du crime. C'est donc en restant sur ses traces-là, qu'avant-hier, je m'étais rendu jusqu'à l'agence téléphonique de Ron.

Le résultat de cette dernière fouille ne fut malheureusement pas à la hauteur de mes attentes. Et dire que j'avais contourné la lois afin de mettre la main sur leur registre. Au final, je me retrouvais avec rien d'un plus qu'une durée d'appel de dix minutes et une certification qui prouvait que cet appel avait bel et bien eu lieu. Oui, Ron était innocenté grace à cette preuve, mais je n'avais toujours aucune idée de qui aurait pu mener cette attaque contre l'ancien commissaire de police. D'autant plus que cette preuve ne me servait pas de point départ à une nouvelle piste. L'appel ayant été lancé à partir d'une cabine téléphonique, je n'avais aucun moyen pour retrouver l'identité de son emetteur.

Hier, le quartième jours de l'enquête, j'avais passé la journée entière à glandouiller dans mon agence en espérant retrouver un détail qui aurait pu m'échapper, en vain. Aujourd'hui, j'allais devoir me rabatre sur les dernières miettes de cette affaires, une pistes qui était nullement prometteuse. Alors autant dire que mes espoirs à son égard étaient proches du zéro.

Me revoilà donc au quartier Est. Dans un charmant établissement portant le nom de Melting Bakery. Je n'avais jusqu'à lors jamais entendu parlé de ce nom. Mais en tendant l'oreille, j'ai pu avoir vent de quelques rumeurs à son sujet. Tous étaient centrés sur la -très- timide tenancière des lieux. Que des paroles élogieuses circulaient au sujet de cette jeune asiatique. C'était touchant, émouvant même. Mais ce n'était pas cela qui allait faire avancer mon enquête.

A l'entrée du batiment, je me mis à remuer vivement ma tête dans tout les sens afin de me vider l'esprit de toute pensée négative. Je ne devais pas laisser mon pessimisme s'afficher sur mon visage, ni même le fait que j'étais venu ici afin d'enquêter sur la jeune demoiselle. Une entrée en douceur primait. Ensuite, j'allais tout doucement faire pencher la discussion sur le sujet de ses clients pour finalement tomber sur l'homme de la semaine, Aaron.

Je finissais donc par franchir calmement la porte d'entrée, et à rendre son sourire à la dénommé Yui. Ma bouche s'ouvrait, et au même moment ma mémoire me fit me rappeler que j'avais donné mon véritable nom à cet jeune dame. Bonne ou mauvaise chose, je ne pouvais le dire. Je devais juste éviter de me tromper en me présentant à nouveau devant elle.

- Salut, ma petite dame ! Pas trop de client aujourd'hui, à ce que je vois.

Je zyeutais rapidement les articles qui étaient exposés un peu partout dans la pièce avant de reposer mon regard sur le visage, toujours souriant, de la jeune japonaise. Mes sourcils se haussèrent disctinctement alors que j'entrevoyais le plâtre qui était à moitié voilé par-dessous le foulard de Yui. La blessure devait donc être encore fraiche, si elle avait besoin de mettre ce genre d'instrument sur son cou. Mais, l'heure n'était pas encore à ce genre d'interogation.

- Je vois que tu te rappelles toujours de moi. J'espère que ma présence ici ne te gêne pas. Je suis simplement venu prendre de tes nouvelles, et aussi me servir un peu de tes spécialités tant que j'y suis.

Pâtisserie Melting Bakery

La livreuse de petit gâteau était aussi timide qu'elle m'en avait donné l'impression au commissariat, différence faite qu'elle était légèrement plus ouverte à la discussion que la dernière fois. Sûrement qu'elle se sentait plus à l'aise chez elle que lorsqu'elle était entourée par des flics de tout part. Je me demandais d'ailleurs si elle me prenait pour l'un d'entre eux. Notre première rencontre l'avait peut-être mal renseignée à mon sujet, et ma venue ici laissait également croire la même chose. Ce n'était peut-être qu'un détail futile pour le moment, mais l'image qu'elle avait de moi allait jouer un grand rôle quant à la façon dont elle allait intéragir avec moi. Elle pouvait tout autant la pousser à se confier à moi, comme la rebuter de ma personne. J'allais devoir faire attention à ce genre de détail à l'avenir.

Pour l'heure, je me contentais simplement de la regarder droit dans les yeux en souriant légèrement face à ses adorables maladresses verbales. Je comprenais en la regardant d'où lui venait sa réputation de petite bouille de bonheur timide. Ses clients devaient certainement aimer ses manières et son amabilité. Mais j'imagine aussi qu'il devait y avoir dans son entourage des personnes malententionnées pour profiter de ses faiblesses et les retourner contre elle. Ceux qui, plutôt que de voir de la timidité, voyaient de la naiveté, ainsi qu'une opportunité. Et j'étais pour sûr l'un d'entre eux, même si pour l'instant, je préfèrais éviter de recourir à des basseries tant que je n'en voyais pas l'utilité. Puis, regardez-moi ce jolie minois tout mimi qui rougit en hésitant entre le vouvoiement et le tutoiement, qui oserait le faire pleurer, sérieusement ?

Oui, moi.

- D'accord, je prendrais un fraisier puisque la cheffe cuisinière me le recommande. Ainsi que des cookies a emporter, s'il te plait. Mes clients ont besoin de gâteries pour leur délier la langue.

Mon bras droit se rapprochait petit à petit du comptoir pour finalement s'y accouder. Tandis que mon regard restait fixé sur la silhouette de la brune, l'expression toujours cordial. Je ne savais pas si ce changement de sujet était voulu ou naturel, mais je devais m'atteller au plus vite au redressement de ma barque. Le courant m'emmenait vers une mauvaise direction. Oui, j'allais suivre son rythme pour le moment, mais je devais tout de même me laisser une petite voie de sortie. Un point de sauvegarde qui me permettrait au moment voulu de faire chavirer la discussion vers la direction que je souhaitais.

- Tes clients te commandent quoi, d'habitude? J'aimerais bien connaître ta spécialité.