Bar "Le Caporal":

Depuis sa petite beuverie avec Russel et Leeroy, John avait quelque peu pris goût à cette boisson. Pas qu’il ne l’appréciait auparavant, mais cette fois-ci cela avait été plus amusant, plus grisant ; alors il se décida à troquer une de ses traques nocturnes contre une petite soirée dans un bar. Pas du quartier Sud, évidemment : il n’avait ni envie de tomber ivre sur une ombre, ni de se faire détrousser par quelques gens peu scrupuleux. Alors il se balada au hasard dans le quartier Est, mais incapable de retrouver celui de la dernière fois, il se rabattit le premier qu’il trouva.

Il n’était pas encore vingt-trois heure, et cet endroit avait l’air assez accueillant. Il poussa la porte, et fut aussitôt happé par l’atmosphère ; c’était un bar, un véritable. Il y avait déjà le poivrot au comptoir, du bruit dans la salle, certains couples qui se levaient. John se demandait quelles rencontres il allait faire ce soir – s’il en faisait, évidemment. Alors il se dirigea aussitôt quelque siège à côté de l’ivrogne, fouillant un peu ses poches avant de commander. Il lui restait cinquante dollars d’économie, et il allait en gaspiller une partie en boisson. Décidemment, il avait bien changé.
Mais il devait aussi avouer que, parfois, se faire plaisir possédait l’étrange logique d’être plutôt agréable.

« - Un whisky, s’il vous plaît. »

Parce que oui, il n’était pas encore assidu à ce genre de lieux pour être impoli – mais ce n’était pas une tare, après tout. Son verre servi, il posa un coude sur le comptoir, tenant au bout son verre et balaya la salle de son regard. Cette soirée promettait d’être amusante. Et boire un peu allait lui permettre d'oublier quelques temps sa brûlure à la hanche, qui l'avait à nouveau élancé après s'être fait rouvrir à cause d'une griffe d'ombre bien placée.

Son regard baladeur finit par être obstrué par une forme, et John leva les yeux pour voir ce qu’il en était. Une femme. A vrai dire, plutôt une jolie femme même, et le Nephil ne put contenir un sourire qu’il lui adressa aussitôt. Amplifié quand elle lui adressa la parole, cherchant apparemment à engager la conversation.
En fait, John n’avait aucune expérience avec les femmes ; mais il faut aussi dire que celles qu’il côtoyait ne se prêtaient pas vraiment au jeu de la séduction. Entre Alice qui cherchait sans cesse à introduire une relation de maître à esclave entre eux – et sans aucun sous-entendu, soit dit en passant-, Nylian qui était lesbienne et Saskia mineure, il n’avait pas vraiment d’occasion de tenter de les séduire. Et par le passé, son côté asocial n’avait pas arrangé l’affaire… Et dire que son seul et unique baisé était Fox. Pourtant, il n’était pas gay, alors cette petite histoire demeurait encore un mystère pour lui.

« - Bonsoir, avec plaisir. »

Il voulait lui offrir un verre pour être quelque peu galant, mais en s’attardant un peu plus sur le joli minois de la demoiselle, il remarqua qu’elle était déjà servie. Alors, camouflant son visage un peu déçu, il se décida à continuer la conversation afin de montrer qu’il avait envie de discuter. Parce que oui, sa soirée sympathique à boire seul dans ce bar pouvait tout à fait se transformer en une soirée à discuter ; ce n’en serait que plus sympathique. Et son innocence un peu tardive ne lui faisait pas voir plus loin.

« - Je m’appelle John, et toi ? »

Indubitablement, il n’était pas très doué en amorce ; alors il espérait vraiment qu’elle lui mâcherait un peu le travail. Il faut le comprendre, après neuf ans à fuir les gens, à les haïr ou à les détrousser, paraître social n’était pas si facile. Preuve en est que ses seuls amis sont à peu près tous socialement inapte – d’après les propres mots de Nylian, quelque peu déformés pour coller à la réalité de John.

Elle était entreprenante, c’était le moins que l’on puisse dire. Et ce n’était pas pour déplaire au jeune homme, qui au fond de lui ne demandait que ça. Alors, pour éviter le sourire béta classique des jeunes hommes lors de leur première tentative de drague, il se contenta d’un sourire un peu béat. Si si, c’était très différent dans sa tête.

Quoiqu’il en soit, ce n’était pas une occasion qu’il allait laisser partir aussi facilement, et il se décida à réellement rentrer dans son jeu. Enfin, à son niveau de garçon inexpérimenté ; mais tout de même. Il descendu un peu son verre de whisky – lentement cette fois, il avait retenu la leçon lors de sa dernière beuverie-, et tenta quelque chose.

« - T-tu m’proposes quoi ? »

C’était nul. Il avait bégayé, sorti n’importe quoi ; bref, digne d’un magnifique looser. Alors il éclata d’un rire gêné, et tenta de reprendre la situation en main.

« - J’avais la voix un peu enrouée… Donc, comment refuser ça à une si jolie demoiselle ? »

A vrai dire, ce n’était pas beaucoup mieux. Mais à défaut de bon, John devait se contenter de pas trop mal ; ce qui était déjà un exploit pour lui.
Il ne savait que faire de son sourire ni de ses bras pendant cette charmante discussion, alors il les posa tout deux sur le comptoir, oubliant de changer son air un peu abruti. Il n’était vraiment pas familier de la séduction.

Néanmoins, dans les bas-fonds de son esprit une réflexion germée. Le genre qui n’arrivera au cerveau que trop tard – et que le jeune homme ne voulait pas entendre-, alors que pourtant elle était d’une importance capitale. Le nom de Lenna ne lui était pas inconnu, et sa mémoire travaillait activement à retrouver la raison de ce souvenir. Enfin, il n’y avait pas de raison que cette information se retrouve au-devant de la scène pour le moment : son intelligence était trop occupée à descendre anatomiquement parlant.

Le temps que son cerveau lâche la dernière once d’intelligence qui l’habitait, John entreprit de vider son verre. Un peu vite certes, mais cela ne devrait pas lui faire trop d’effet pour l’instant. Lenna était belle, attirante et semblait intéressée par lui, alors il ne devait pas faire n’importe quoi ; c’était d’user de toutes ses qualités de séducteurs. Une phrase de trop, en somme, mais cela signifiait qu’il fallait qu’il ne réagisse pas de la même façon qu’à l’usuelle – il lui fallait être plus ouvert.
Il reposa son whisky maintenant disparu, et réfléchit rapidement à la situation. Elle ne lui avait pas touché la main, donc il ne devait pas le faire. Elle l’avait invité, il devait accepter. Elle voulait aller plus loin, son corps aussi.

Son corps surtout, en fait.

« - Privé ? Je te suis. »

Aucune méfiance n’habitait John ; c’était la première qu’une femme l’approchait autant, alors il ne voulait pas laisser passer sa chance. D’ailleurs, tout se passait rapidement – trop rapidement-, mais il n’était plus en mesure d’y prendre garde.

Et Lenna avait reculé sa main. John empêcha son visage de se contracter un peu, mais cette soudaine distance l’avait dérangé. La main de la jolie femme était si proche… Et quand il était presque prêt à la saisir, voilà qu’elle s’était éloignée. Il voulait la laisser mener la danse, mais il ne pouvait plus rester sans rien faire. Il fallait qu’il agisse, qu’il lui montre que lui aussi était intéressé ; pas un type paumé dont on pouvait se jouer. Ce qui était en fait tout à fait le cas.
Alors, à son tour il avança sa main, de façon à faire comprendre à la demoiselle qu’elle pourrait la saisir. Il aurait aimé lui caresser la joue, mais cela aurait été un peu trop rapide peut-être. Ou déplacé. Ou il aurait peut-être dû, en fait.

« - Tu es vraiment très belle, Lenna. »

Qui ne dit mot, consent ; du moins, c’était ce que se disait John pour expliquer son soudain mutisme. Tout cela allait vite, bien trop vite pour que son esprit encore chaste et innocent – plus pour longtemps espérait une partie de son corps-, et il ne pouvait faire autre chose que suivre aveuglement Lenna. Surtout que le baisé l’avait quelque peu étourdi et qu’elle le tenait par le col. Et puis il n’allait pas se plaindre d’avoir une raison pour ne pas détruire toute cette magnifique soirée en ouvrant la bouche, alors il se contenta d’exécuter la consigne que l’on venait de lui donner.

Voilà le moment fatidique : ils étaient tous deux dans une chambre, seuls et face à face. Elle semblait attendre, alors il fallait que John prenne ses responsabilités. Elle était consentante, et lui voulait aller plus loin ; il n’y avait donc qu’une seule chose à faire.
Tremblotant un peu, il s’approcha de Lenna et l’embrassa. Ses lèvres étaient étrangement fraiches, mais il n’en tenu pas rigueur – il n’était pas en position de faire le difficile. Après deux longues secondes, il se recula quelque peu, prenant soin de ne rien dire. Si la moindre parole lui échappait, alors il en serait fini de ce moment, donc il décida d’agir plus… physiquement.

Les bras toujours aussi dignes d’un vieux parkinsonien, John entreprit de retirer lentement les vêtements de Lenna. Il avait l’espoir qu’elle l’aide à accélérer l’affaire car il savait que bientôt il allait tomber sur le fameux obstacle : le soutien-gorge. Cela allait être une épreuve bien trop difficile pour le jeune novice, et perdre la face à ce moment-là n’était pas vraiment dans ses plans…

Alors, c’était fait. Cela avait été un peu différent de ce que s’était imaginé le jeune homme ; bien plus frais que prévu. Elle, qui pourtant s’était montré chaleureuse et entraînante pendant leurs discussions, s’était révélée comme ayant finalement un corps tout à fait gelé – ce qui, il faut l’avouer, avait provoqué un certain malaise sur jeune homme.
Le bassin encore frigorifié, il tira à son sur la couverture pour tenter de se réchauffer un peu. Il se demandait si c’était un caractère récurrent chez les jeunes hommes - un détail qui décevrait tout de même John-, ou si Lenna était particulière.

« - C’était… étrange… Ton corps est très froid, Lenna. J-Je m’attendais pas à ça. »

Il aurait aimé être plus doux, contourner un peu le problème ; mais il devait s’avouer qu’il n’avait pas vraiment envie de recommencer. Alors, le meilleur moyen était de peut-être s’en aller. Aussitôt sa phrase dite, il se releva du lit, se dirigeant vers la chaise sur laquelle avait été lancés ses vêtements.

« - Je crois qu’il est mieux que je parte… Je sais pas comment t'expliquer ça... Sans te dire que c'était pas super agréable. »

En situation de stress, son tact empirait. Et désormais il avait attend des profondeurs encore inexplorées, voguant aux côtés de donzelles et autres grenadiers ; et John s’attendait tout à fait à recevoir une gifle en guise de réponse. Il faut dire qu’Alice l’y avait tant habitué – et pour bien moins que cela-, que c’en était presque normal maintenant. Décidément, cette soirée s’était finalement moins bien passé qu’il l’avait imaginé, et son cerveau commençait lentement, mais sûrement, à retrouver le chemin menant au haut du corps.

Les blessures sur le corps de Lenna, John les connaissait. Des griffures d’ombres ; des stigmates de contractant, en somme. Et puis, au passage, elle était quand même sacrément jolie – mais ce n’était plus le moment d’y passer. Le sang remontait, et la gifle que lui colla la jeune femme lui fit totalement reprendre contrôle de la situation.

Elle semblait énervée par la situation, et le Nephil ne savait pas vraiment comme il devait réagir : la réconforter, ou s’enfuir ? Etait-elle une ennemie, ou une alliée ? Les chances étaient bien trop incertaines.

« - T-tu … Merde. »

John entreprit de continuer à remettre ses vêtements pendant qu’il fixait du regard Lenna. Il se mordit la lèvre, puis reprit la parole.

« - Bleu, ou rouge ? »

Pourtant, Russel lui avait appris la leçon quant à ça ; savoir le camp n’était d’aucune utilité.

« - Ne réponds pas. Il faut juste que je parte, ce sera mieux pour nous. Merci pour la soirée. »

Tout de même, un peu de politesse n’était pas un effort surhumain pour John. Ses mouvements devenaient plus nerveux, et il se trompa plusieurs fois de trou pour la manche de sa chemise. C’était peut-être la première fois qu’il avait un véritable face à face avec une Seraph, qui semblait lui être hostile. Même avec tous les discours sur le peu d’importance qu’il portait à sa vie, finalement c’était peut-être un peu plus complexe que cela.
A travers son visage stressé, il tenta un sourire pour apaiser la situation. C’était toujours ça.

John soupira. Une Seraph, c’était bien sa veine. L’espace d’un instant, il s’imagina fuir en se téléportant, mais ce serait trop lâche. Lui qui n’avait pas tout à fait envie de mourir – et qui l’avait même promis à Nylian-, devait avouer que l’idée d’affronter pour la première fois un être réellement vivant l’excitait un peu. Et ce n’était pas un mauvais jeu de mot quant à ce qu’il c’était passé quelques minutes auparavant, mais c’en était presque aussi intense.

Sacrée faux d’ailleurs, cette femme semblait être réellement l’incarnation de la Mort elle-même : une fraicheur mortelle, et une arme digne du faucheur d’âme. Un certain frisson parcouru l’échine du jeune homme, espérant que ce n’était qu’une malheureuse coïncidence quant à son destin dans cet affrontement.

Il invoqua son arbalète dans sa main droite, un carreau dans la gauche. Si jamais le combat tournait trop à sa défaveur, il saurait quoi faire – d’ici là, il allait devoir se débrouiller.

« - Nephil. »

L’instant d’après, John se téléporta à l’autre bout de la pièce, se retournant pour être prêt à affronter la jeune femme ; un début au corps à corps aurait été quelque peu mortel pour lui.

Spoiler:

Une forme étrange venait d’apparaître aux côtés de Lenna. Ce n’était pas humain, presque un ectoplasme – mais pas une ombre pour autant. Cette soudaine apparition surprit John, et cette réaction le força à faire un pas en arrière, relâchant de trop sa garde. Quand son regard se dirigea à nouveau vers son ennemie, la Mort s’était déplacée de sa tranquille table à une position proche de lui. Bien trop proche, et dans un réflexe de survie le jeune homme releva son arbalète, réussissant de peu à arrêter la faux avant qu’elle ne lui transperce le crâne.

La force de l’impact dépassait l’heureuse réaction de John et, contraint, il recula encore d’un pas tout en abaissant son arbalète pour réduire son potentiel décès en simple griffe sur le torse. Une rude belle griffure, en réalité ; d’au moins trente centimètre de long, sans pour autant être assez profonde pour provoquer une hémorragie. L’adrénaline couvrit la douleur, et John n’eut qu’un instant pour réfléchir à sa prochaine attaque.

« - Uurgh. »

Très poétique. Quoiqu’il en soit, sa prise sur la faux était maigre et allait probablement s’inverser sous peu, alors il devait effectuer une contre-attaque avant qu’il ne soit trop tard. Profitant de la position abaissée de la lame, il relâcha d’une main son arme et dirigea son poing vers l’épaule de Lenna, tentant de frapper celle-ci avec un carreau qu’il voulait invoquer assez rapidement.

Spoiler:

« - Le haut est-il en haut du bas ? Le bas se bat-il avec des bas? AAhhahahhaha ! »

Excellente question. Techniquement, si l’on prend un axe de sens vers le haut, alors le haut est en haut – ce qui est un pléonasme, soit dit en passant. Donc le souci repose sur l’axiome du sens : en effet, si l’on pose le haut, en haut, et le bas, en bas, alors il va de soi que les deux suivent bel et bien leur définition ; mais alors, la solution pourrait être de changer le postériori de base. Si l’on ne définit pas exactement la direction, simplement lui inculquant deux mots, on peut commencer à réfléchir. Si ces deux vecteurs dans ce plan spatial sont opposés, alors le bas serait un sens, le haut l’autre.

La question est donc trouver de quels vecteurs unitaires nos deux inconnus sont les sommes et les produits ; or, ce schéma, bien que simpliste, l’est trop justement : ce qui empêche une résolution finale du problème. Donc, sans indications tierces, il en vient que tout ceci est insoluble. Triste fin, mais bien vraie – il fallait être plus précis sur la question. Nous en venons donc à la seconde problématique, certainement menant à une réponse, elle. Donc, en posant que le bas est guerrier…

John fut soudainement tiré de ses pensées métaphysiques, mathématiques et absurdes – que lui-même n’arrivait pas à comprendre-, quand un métal froid vint heurter sa hanche, commençant à trancher sa chair. Mû par son instinct de survie, et la douleur qui envahissait son lobe pariétal, le jeune homme déclencha une sorte de téléportation de quelques simples mètres, sauvant sa vie.

En effet, le saut de John coupait toute énergie cinétique – et toute énergie, même : la téléportation transporte la matière et l’esprit, mais pas l’énergie. Ses muscles ravivés, son corps brutalement de retour dans le combat, le Nephil saisit la poignée de la faux qui était plantée dans sa hanche. Forte heureusement pour lui, rien de létal : l’os était entaillé et allait lui provoquer un fort boitement jusqu’à soin, mais la disparition de toute vitesse dans l’arme arrêta sa course en plein élan. La suite ne dépendait plus que des muscles de Lenna, et John comptait bien bloquer autant que possible cette pénible avancée en utilisant de toute la force de son bras gauche. De l’autre main, l’arbalète bien tenue, il la dirigea vers l’épaule principale de la jeune femme, décidé à user de sa lame cette fois-ci.

Que cela plaise à John ou non, le combat était clairement à l’avantage de la jeune femme : elle lui avait griffé le torse et entaillé un os, tandis qu’elle n’avait pas encore reçu la moindre blessure. Continuer l’affrontement de cette manière avait beaucoup de chances de finir en une victoire pour la demoiselle – et John n’avait pas envie décéder ce soir-, alors il devait trouver un moyen de mettre un terme à ce duel, ou alors à inverser la balance ; et les deux semblaient bien compliqués.

L’avantage du pouvoir de John, c’est qu’il est excellent à courte portée : le surplus de fatigue dû au cumul est assez léger sur des sauts de moins de cinq mètres, ce qui repousse sa limite fixée à non pas trois sauts, mais au nombre extraordinaire de quatre en ne ressentant qu’une fatigue légère. Bien que cela semble tout à fait risible, une téléportation supplémentaire peut s’avérer être très utile – voire vitale-, et il comptait bien en user.

Sa hanche libre, son bras flottant à côté de sa cible, le Nephil ne pouvait toujours pas se résoudre à viser les points vitaux de Lenna. C’était la première fois qu’il affrontait un être humain dans ce genre de situation, et il ne souhaitait pas la tuer. Alors, il se téléporta dans le dos de son adversaire – à un mètre, évidemment-, tourna rapidement son corps tout en grimaçant à cause de sa jambe gauche plus lente que la norme, et dirigea à la fois le carreau qu’il avait invoqué dans sa main gauche sur l’épaule gauche et, logiquement, son arbalète sur la droite.

Il ne savait pas si ses coups allaient réellement faire mouche : cela avait pris tout de même un peu de temps de procéder à la rotation – pas moins de presque trois secondes, sa jambe gauche ayant fortement ralenti l’affaire-, mais la surprise pouvait faire son office.

Lâche, John ? De son point de vue, il ne faisait qu’utiliser ses pouvoirs à bon escient – il faut avouer qu’une téléportation d’en face à … en face n’était pas vraiment utile. Joli, surprenant, mais définitivement inutile ; surtout que sa limite des 1 mètres pouvaient tout autant le handicaper que de lui porter assistance.
Et puis, la distraction étrange de Lenna – qui n’était certainement pas naturelle- , ne valait pas beaucoup mieux ; alors, c’était plutôt gonflé d’attaquer John sur ce terrain là.

« - Enfin, on en parle de ton sort chelou… »

Cette fois-ci, ce n’était que de la faute du jeune homme : la faux de Lenna se rapprochait dangereusement de sa poitrine, et lui était en train de faire le malin en échangeant des punchlines d’école primaire. Se téléporter à nouveau lui réduirait à zéro sa réserve d’avant fatigue, donc sa vie serait bien plus en danger. Il n’avait pas le choix ; il fallait encaisser le coup d’une manière ou d’une autre.

Répétant les mêmes mouvements qu’au début, il intercepta l’arme avant qu’elle n’atteigne son corps, mais le choc le força à reculer légèrement le pied gauche pour se stabiliser. L’espace d’un instant, son poids reposa majoritairement sur sa hanche blessée – et elle ne le supporta pas. Alors John chuta, entraînant la faux avec lui, jusqu’à en heurter le sol.

Une douleur vive se fit sentir dans l’épaule droite du jeune homme. La lame s’y était plantée, laissant la clavicule du Nephil dans un état inconnu – ce qui était sûr néanmoins, c’était que cela saignait, et que l’usage de son bras droit allait le faire horriblement souffrir, s'il n'était pas impossible.

Portant toujours un carreau dans sa main gauche, John le porta violemment et rapidement vers l’avant-bras droit de Lenna, dans le but de le perforer ; et d’attaquer l’os si possible.

La situation commençait à réellement devenir critique. John sentait son épaule devenir de plus en plus douloureuse, et la Seraph arrivait à le maintenir au sol. Il faut dire qu’à moins de se laisser découper le bras, il n’avait pas vraiment d’occasion de s’enfuir ; trouver une porte de sortie allait s’avérer compliqué.

De rapides calculs peuvent estimer à peu près la fatigue équivalente que son corps a subit : environ 40 simples mètres de sprint. Vu de cette manière, cela semblait bien peu ; mais ce qu’il fallait s’imaginer, c’était le prochain saut – ou plutôt, les deux prochains, si l’idée de John était envisageable. Une simple téléportation de dix mètres serait 80 de sprint, et couplée au poids de Lenna, près de 150. Alors un second, même seul, à la suite dépasserait les limites du jeune homme…

Il lui fallait un plan de repli, un moyen d’établir une distance entre Lenna et lui. Seul, il pourrait procéder à un ultime saut, un qui le mettrait définitivement hors de danger, loin de la Mort folle qui s’en prenait à lui. John n’était pas dupe ; il savait qu’elle était plus forte que lui, et que la résistant était désormais futile. Il fallait fuir, ou mourir. Et il avait décidé de vivre.

Sa tentative de poignard avait avorté, et désormais il ne lui restait plus beaucoup d’espoir pour arriver à ses fins. Alors, dans une tentative presque finale, il arqua sa jambe encore valide, lâcha sa flèche de la main gauche et poussa sur le sol pour se relever aussi vite que possible et ainsi repousser un peu la jeune femme. En même temps, il tentait de révoquer puis invoquer son arbalète dans la main gauche aussitôt celle-ci éloignée du sol. D’un côté, la faux était maintenant assez plantée pour ne plus lui causer de tords momentanément – sauf si elle usait de la même technique que lui -.
Et s’il arrivait à pousser un peu la jeune femme, il comptait retomber lourdement sur le dos l’instant suivant, pointant cette fois son arme en direction du cœur de son ennemie, lui indiquant de façon primale qui la tenait en joue.


Même si sa tentative ratait, une chose était certaine : sans soins, son bras droit était désormais inutilisable, le tranchant étant allé trop loin pour le laisser faire autre chose que déplacer ses doigts.

L’air. Ce merveilleux composant de l’atmosphère qui s’immisçait dans toute parcelle disponible de l’espace, qui emplissait le vide ; le concept qui pouvait presque définir le vide relatif, l’absence de présence. Et cet air, c’était ce qui pullulait désormais entre Lenna et John : le contact était rompu – les deux ne se touchaient plus.
En d’autres termes, le Nephil était sauvé. Même avec une faux planté dans l’épaule, son pouvoir de téléportation était toujours disponible, quoique qu’il aurait une invitée lors de son petit voyage. Rien de mortel – simplement, de très douloureux -, mais il allait devoir se débarrasser de cette grosse arme le plus tôt possible. Et trouver quelque chose pour arrêter l’hémorragie, il va de soi.
John déploya son Kekkai le plus rapidement possible, puis parla vite.

« - Merci pour la nuit. »

Pendant qu’il disait cela, il avait plongé son regard le plus loin possible à travers la fenêtre, puis usa de son pouvoir de la façon la plus intense qu’il en était encore capable.

Il atterrit au niveau de l’immeuble en face, les pieds touchant la paroi, les fesses le vide. Ses yeux s’écarquillèrent, et son bras gauche battit l’air pour trouver une prise rapidement ; qu’il trouva en la présence d’une balustrade un mètre plus bas.

Voilà ce qu’était désormais le Nephil : un homme blessé, se tenant d’un bras à barrière, une faux plantée dans son autre épaule qui le tirait vers le bas. Pour autant, la situation n’était pas désespérée : des prises pour ses pieds existaient, et se hisser était possible, quoiqu’un peu fastidieux.

Quand la faux disparut son corps, le sang fut comme libéré, provoquant un léger malaise chez le jeune homme. Sa main lâcha la rambarde qui le maintenant en vie, et il chuta.
Heureusement pour lui, il alla heurter une petite terrasse un étage plus bas, la douleur le réveillant au même instant. Maintenant, il était encore plus handicapé dans suite, mais il était toujours vivant. Pénétrant dans la chambre – une téléportation de l’ordre de quelques centimètres lui étant encore possible -, boiteux et souffrant, il s’avança vers les draps du lit et en arracha une partie, formant une espèce de garrot pour son épaule ouverte.
Pendant ce laps de temps, son cerveau fatigué réfléchit au meilleur moyen pour s’enfuir ; mais le plus pratique était inenvisageable. Il pourrait sauter dans le vide, arrêtant son saut au dernier moment et se faisant ainsi passer pour mort en relâchant momentanément son bandage de fortune, mais cela serait trop dangereux. Etant donné son état, rien ne l’assurait de réagir au bon moment, et ses forces pouvaient être assez diminuées pour l’empêcher de se sauver tôt.

Alors, priant pour que Lenna n’ait pas pénétré à son tour dans cet immeuble salvateur, le Nephil sorti de la pièce de s’évada de ce lieu de malheur en empruntant une sortie de secours ; enfin, seulement, il révoqua son Kekkai.

Belle allure qu’avait désormais le contractant : les vêtements enfilés à la va-vite, la moitié de la poitrine serrée dans des draps rouges tandis que la partie à nue était ornée d’une belle griffe ; par-dessus le marché, son air était visiblement épuisé et sa démarche absolument boiteuse et incertaine. Pour autant, il n’avait pas encore perdu assez de sang pour en mourir, et la marche jusqu’au Quartier Général en quête de soin allait être longue et douloureuse, mais néanmoins possible.