Terrain de foot délabré:

Aujourd'hui, Saskia se confrontait aux Ombres, les vraies. La demoiselle avait toujours en mémoire le dessin de Leeroy et les horribles griffes de la créature. Heureusement, la jeune fille ne partait pas seule, cela aurait été du suicide sinon ! Howard lui avait assuré qu'elle serait accompagnée, d'un Accompli de surcroît ! La Russe songea à Naoto, elle-aussi Accomplie. Aurait-elle un jour la chance de partir en mission avec la détective ? Pour le moment, avec son ventre aussi rond qu'un ballon, c'était hors de question. De ballon, justement, il n'y en avait pas beaucoup ici. Pourtant, c'était un ancien terrain de foot dans lequel elle se trouvait, longeant les tribunes dévastées. Tout était à l'abandon, difficile de faire plus désert. Pourtant, Saskia se doutait que l'Ombre devait rôder dans les parages, les guettant pour mieux les surprendre. Peut-être son imagination s'emballait-il et dotait-elle l'Ombre d'une réflexion qui n'était pas propre à son espèce ? Elle verrait bien prochainement.

Saskia tourna la tête, observant un jeune garçon s'avancer, bonnet enfoncé sur le crâne sous lequel surgissait certaines de ses mèches blondes. On envoyait un gamin combattre en sa compagnie ? La Russe savait que les apparences étaient parfois trompeuses, mieux valait ne pas sous-estimer le mouflet. Pourtant, elle ne pouvait s'empêcher de songer à Avdeï en le voyant, il devait avoir l'âge de son petit frère. Si jeune et déjà bousculé dans une guerre sans nom ! La vie était parfois mal faîte, vraiment.

– Hey ! Moi c'est Saskia, tu es Ethan, je suppose ?

Oui, Howard avait au moins eu l'obligeance de la renseigner sur le nom de son allié d'un jour. S'était-il amusé à le choisir exprès parce qu'il se doutait que la Moscovite ne pourrait s'empêcher d'associer Ethan à Avdeï le temps d'un instant ? Si tel était le cas, bien joué ! Mais l'heure n'était pas aux remontrances, les festivités allaient bientôt pouvoir commencer. Saskia ne s'en réjouissait pas, il n'y avait que dans les films pour adolescents que les personnages étaient heureux de frôler la mort et d'avoir à prendre les armes.

Si jeune, et pourtant, j'étais déjà dans cette guerre. Beaucoup de personnes pensaient ça de moi en me voyant. En plus, je faisais déjà plus jeune que mon âge, peut-être à cause de mes vêtements légèrement trop grand pour moi, mais j'étais frileux. Ce n'était pas vraiment ma faute. Enfin, quoique cette jeune femme allait penser de moi, je m'en fichais, mais lorsque que je fus capable de voir sa silhouette, elle se tourna vers moi pour me regarder. Quand mes yeux se plongèrent dans les siens, je vis alors une petite lueur de nostalgie. A quoi pensait-elle en me regardant ? Doucement, je détournai mon regard sur le côté.

- Hey ! Moi c'est Saskia, tu es Ethan, je suppose ?

Lentement, je hochai alors la tête de haut en bas, répondant timidement sans utiliser le son de ma voix. J'avais beau essayer de faire quelques efforts pour être moins timide, mais ça ne marchait vraiment jamais ! Du coup, les personnes avaient tendance à me prendre pour quelqu'un d'inexpressif ou qui s'en fiche de tout. Pour faire un petit effort de plus, je relevai mon regard vers elle, et avec quelques petites rougeurs sur les joues, de timidité, je finis par dire quelque chose.

- En...Enchanté.

Directement après, je me tournai alors vers le large terrain de foot et repliai la tête dans mon col roulé. J'étais ici pour battre une ombre avec cette demoiselle et je comptais bien faire mon travail. On m'avait aussi prévenu qu'il s'agissait d'une débutante, alors en tant que vétéran de ce monde, je devais lui montrer, même si je ne me considérais pas vraiment comme un bon enseignant. Bah oui, j'avais 15 ans, c'était dur.

Enfin, l'ombre se montra alors, et à cet instant, mon premier réflexe fut de déployer un Kekkai ainsi que mon arme : un marteau géant faisant environ ma taille, voire légèrement plus grand.

- Votre arme, distant ou corps à corps ?

Je voulais simplement savoir comment j'allai devoir, me battre et adapter ma façon de faire en fonction de l'arme qu'elle avait.

Sûrement un grand timide, cet Ethan ! Le vouvoiement la surprit. Elle n'avait pas l'habitude qu'on lui témoigne une telle marque de respect, aucun moins que ses cadets lui adressent la parole de cette manière. Elle se sentirait presque vieille, sur le coup. Heureusement qu'elle n'avait pas commis l'affront de l'appeler « Madame » !

– Tutoies-moi, tu dois avoir l'âge de mon frère.

Si elle savait à quel point c'était vrai ! Aussitôt, Ethan déploya son Kekkaï et invoqua un énorme marteau, il était presque inconcevable qu'un garçon aussi frêle puisse manier une telle arme avec une facilité déconcertante! Saskia fit de même, invoquant son arc avec lequel elle n'était pas encore totalement familiarisée. L'Ombre s'agitait au loin, se dirigeant droit sur eux. Au moins Saskia pouvait-elle se rendre compte à quel point le dessin de Leeroy avait été fidèle à la réalité. À la différence près qu'il lui paraissait que l'étudiant avait légèrement exagéré du côté des griffes, les rendant encore plus menaçantes qu'elles ne l'étaient déjà. La demoiselle eut un léger frémissement en voyant la créature humanoïde, ça y était, au cœur du combat. Déjà que Saskia galérait à viser correctement des cibles immobiles alors des cibles mouvantes ! Du grand n'importe quoi !

Saskia tenta de rester en retrait, laissant Etan en première ligne, quelques mètres devant elle, faisant apparaître une flèche tout en se préparant à viser. En plus elle se devait de faire avec les mouvements de son co-équipier. En somme, c'était une épreuve pour elle. Blesser l'Ombre sans blesser Ethan. Elle tira une première flèche, ratant complètement sa cible. Le projectile n'avait pas même frôlé son ennemie. Elle savait que chaque tir était précieux, elle ne pouvait se permettre de gaspiller de la sorte ses flèches qui l'épuisaient à force d'être convoquées. Elle allait avoir besoin d'un petit coup de pouce pour cette mission, oh trois fois rien ! Déjà la demoiselle se concentrait pour appeler à elle son invocation, Léna, histoire que la Roussalka puisse immobiliser son adversaire à l'aide de son chant.

Spoiler:

Même si elle me disait de la tutoyer, ça va être très compliqué de le faire. J'ai été habitué dès le plus jeune âge à vouvoyer les gens qui paraissaient plus vieux que moi, et ça peu importe mon grade. J'étais son supérieur hiérarchique, pourtant c'était quelque chose que je ne pouvais pas faire. Normalement, elle aussi devrait me vouvoyer, mais je me sentirai beaucoup trop mal si elle en venait à là ! Ça faisait d'ailleurs bizarre qu'un enfant comme moi soit déjà gradé à cet âge ? Ça laissait à croire que ça faisait déjà longtemps que j'étais dans cette situation de guerre, en même temps, quand j'y pensais ça faisait déjà 9 ans. Le temps passait vachement vite. Je lâchai un petit soupir.

- Je ne sais pas trop...

Cette femme combattait donc en tant que distant. Si elle était vraiment débutante, je devais faire attention à ce qu'elle ne me touche pas avec ses flèches. Je ne me sentais pas assez bon pour pouvoir les esquiver si elle venait à me toucher par erreur.

Pour l'heure, je devais foncer dans le tas pour éviter que la bête ne s'approche trop de Saskia. Je soulevai alors mon marteau pour commencer à courir vers l'ombre et la première action fit de lui éclater la tête sur le sol. Ce fut un succès. Cette ombre n'avait pas l'air très fut-fut. Tant mieux. Sans que je ne comprenne pourquoi l'ombre s'était arrêté pendant un petit moment, me laissant du temps pour faire une nouvelle attaque. J'en profitai alors pour écraser l'ombre sous le marteau et m'installer dessus pour l'immobiliser. Seul son fessier ressortait, la tête et le reste du corps étant écrasé sous le marteau. Pour le moment, ça fera l'affaire pour que la Russe puisse tirer quelques flèches. Bien sûr, en attendant l'ombre essayait de se débattre. Elle n'allait pas se laisser faire.

Je montrai du doigt le derrière de la bête pour lui dire qu'elle pouvait tirer quelques flèches ici et qu'elle pouvait l'utiliser comme cible.

Ethan semblait maîtriser pleinement son arme. En quelques coups bien placés, il immobilisa la créature. Cette dernière ne cessait de s'agitait sous le marteau géant, ondulant son fessier qui était le seul à ressortir, cible parfaite et immobile pour Saskia. Elle fit apparaître une nouvelle flèche qu'elle encocha avant de viser le postérieur sombre. Le projectile fit mouche ; cela lui rappelait son entraînement avec Howard et les cibles immobiles qu'elle devait viser, sauf qu'elle était plus proche de la cible et que cette dernière était vivante et dangereuse.

L'invocation de Saskia apparut enfin, la Roussalka se tenait à sa droite, observant de gauche à droite pour tenter de se situer. Ses yeux croisèrent le fessier de l'Ombre, et Léna ne put s'empêcher de sourire face à ce spectacle. Mais l'heure n'était pas à la rigolade, un combat avait lieu et si la naïade Russe pouvait servir un minimum sa maîtresse, elle le ferait avec joie.

– ''Que puis-je pour vous, Dame Saskia ?''
– ''Pour le moment, rien, mais tiens-toi prête à intervenir si jamais la situation dérape.''

Les mots avaient été prononcés en russe, comme d'habitude.
Bien que le fessier de l'Ombre était désormais planté d'une bien belle flèche, empêchant cette dernière de s'asseoir si tel était son projet, mais elle vivait toujours. Preuve en était qu'elle se dégagea du marteau d'Ethan, souhaitant retourner la situation à son avantage. Saskia avait déjà fait apparaître une nouvelle flèche pour tenter de la planter une nouvelle fois sur sa cible. La flèche partit et effleura le visage de l'Ombre, si tant est que l'on pouvait appeler cela un visage. Cela aurait presque pu être encourageant si de prime la Russe n'avait pas tenté de visé le poitrail de l'Ombre.

Alors que j'étais installé debout sur mon marteau pour retenir l'ombre coincée en dessous, j’aperçus quelque chose apparaître. Ça ressemblait à une femme, une invocation ? Peut-être, mais ça avait tout de même l'air d'être l’œuvre de Saskia. Et j'étais trop loin pour comprendre ce qu'elles disaient ou marmonnaient, alors je n'essayais même pas. Retenir l'ombre n'était pas facile puisqu'elle bougeait dans tous les sens, mais enfin, une des flèches de la Russe vint se loger directement dans le fessier de la bête.

Au bout d'un moment, elle finit enfin par réussir à s'échapper de l'emprise de mon arme et se dégagea, se situant entre Saskia et moi. Je fronçai légèrement les sourcils en voyant une des flèches arriver. Je m'étais préparé à l'esquiver, on ne savait jamais. Et je n'avais pas eu tort, quand le projectile passa à côté de son visage, il aurait très bien pu arriver dans ma jambe, mais je réussis à faire un petit bon sur le côté pour esquiver. Un bon qui me coûta cher puisque la bête noire revint à la charge vers moi pour m'attaquer. Le coup de griffe qu'elle me donna, je l'ai pris involontairement. Rapidement, je me retrouvais alors à terre, une griffe plantée dans la cuisse droite. Ça faisait vraiment mal, mais j'y étais habitué, n'est-ce pas ? Mais ca faisait vraiment mal quand même !

Mon temps de réaction fut amoindri à cause de la douleur, mais avant qu'elle ne se retire, j'avais eu le réflexe d'activité mon pouvoir, me retrouvant entouré d'électricité. Tout le bras droit de l'ombre se retrouva facilement engourdi par électricité qui parcourait tout son corps. Je tapai assez violemment dans son abdomen avec l'un de mes pieds et l'envoya alors plus loin. Je désactivai mon pouvoir, ne voulant pas me fatiguer pour rien et me leva lentement à cause de la blessure. Cependant, mon adversaire n'allait peut-être pas attendre que je sois totalement debout pour m'attaquer.

Ethan paraissait mal en point. Saskia était trop éloignée pour voir ce qu'il se déroulait exactement mais il croyait percevoir du sang sur sa cuisse. Son pantalon s'était assombri et maculé de rouge, nul doute, l'incompétence de Saskia avait coûté cher à son professeur du jour. Toujours à terre, Ethan était sans défense pendant que l'Ombre chargeait à nouveau. Elle ne lâcherait jamais l'affaire, celle-là ? Saskia jeta un coup d’œil vers son invocation, c'était le moment ou jamais.

Aussitôt, Saskia fit apparaître une nouvelle flèche, se préparant à tirer. Il lui fallait se synchroniser parfaitement avec Léna de manière à ce que son ennemi soit immobile le temps que la flèche fuse et la perfore.

– ''Léna ! Maintenant !''

Avant même que le chant de sa créature ne se déclenche, la flèche partit dans les airs, vibrant presque au son de la voix cristalline de l'invocation. L'Ombre resta figé l'espace d'un instant, une seconde. C'était à la fois très long et très court. Plus qu'à espérer qu'Ethan profite de ce peu de répit pour tenter quelque chose, n'importe quoi, juste bouger. La flèche, elle, atteignit l'Ombre au pied. Le tir n'était pas parfait mais au moins la mobilité de l'ennemie serait-elle réduite. La Russe devait prendre garde avec ses flèches ; Howard lui avait expliqué que ses projectiles n'étaient pas infinis et que cela la fatiguerait. Elle ressentait déjà une légère différence entre le début du combat et maintenant, bien que ses mouvements avaient été restreints et limités, elle devait prendre garde à ne pas s'épuiser bêtement de la sorte.

Alors que j'étais en position de difficulté, je reçu l'aide de ma partenaire de combat. Grâce à elle et à je ne sais qu'elle magie, l'ombre resta figée, paralysé pendant une seconde. Pendant ce laps de temps assez long pour moi, j'avais réussi à me relever pour préparer une assez grosse attaque avec mon marteau. La flèche qu'elle vint de recevoir dans le pied permis de la perturber un peu, ainsi je n'eut aucun mal à frapper la tête de mon ennemie avec son arme. Fronçant les sourcils, je mis alors toute ma force dans ce coup, qui j'espérais être le dernier.

Alors ce coup de marteau, je décrochai alors la tête de l'ombre, la faisant voltigé à quelques mètres plus loin de son corps en direction de Saskia. Je n'avais pas vraiment choisi, mais de toute manière, avant qu'elle ne la touche, elle ou le sol, l'intégralité de l'ombre se désintégra puisqu'elle était morte. Encore une fois, j'avais bien accompli mon travail et tourna mon regard vers la jeune femme qui avait quand même l'air épuisé. C'était tout aussi mon cas, mais en tant qu'aîné Seraph, je ne devais pas paraître si faible !

Je m'approchai doucement de la Russe et révoquai mon arme pour que je puisse me déplacer plus facilement.

- Vous allez bien, mademoiselle ?

Toujours et encore ce vouvoiement ainsi qu'une appellation de politesse puisque j'ai été élevé avec des manières assez strictes. Je devais absolument parler à des gens plus âgés que moi de cette manière. Par contre, j'y avais pensé, n'avais-je pas l'air moins crédible en tant que supérieur avec ça ?

La Russe aperçut au loin Ethan et son puissant marteau fondre sur l'Ombre. En un coup bien placé, la tête de cette dernière se détacha du torse pour venir voler sur quelques mètres. Saskia ne lâchait pas des yeux ce ballon improvisé qui disparut avant même de toucher le sol. Elle jeta un coup d’œil vers l'endroit où se tenait un peu plus tôt le corps de l'Ombre ; plus rien si ce n'est le vide. Ethan était seul sur le terrain de foot plus désert que jamais. Déjà, il revenait vers elle pour s'enquérir de sa santé. C'était le monde à l'envers !

– C'est plutôt à moi de te poser cette question ! Tu es blessé, non ?

Elle avait cru distinguer du sang pendant le combat. Maintenant qu'Ethan était près d'elle, elle pouvait constater les dégâts, une tache sombre maculait le pantalon du blondinet au niveau de sa cuisse droite. Impossible d'estimer la profondeur de la blessure, sans oublier que Saskia n'y connaissait rien en médecine.

– Je suis désolée... C'est ma faute si tu t'es pris un coup... Je suis désolée...

Elle baissa la tête, dépitée. Elle était une bien piètre archère et ne savait presque pas viser. Elle avait fait n'importe quoi et réussi à mettre en danger la vie de son mentor d'un jour. Elle ne faisait pas de progrès, avait le sentiment d'avoir été inutile dans ce combat. Pire, Ethan s'en serait mieux sorti sans sa présence, au moins aurait-il évité les effroyables griffes destructrices de l'Ombre.

Le combat étant fini et tout danger étant écarté, Saskia en profita pour révoquer son invocation. Sans oublier que la Russe s'était remise à parler en anglais, une langue inconnue pour la Roussalka qui ne communiquait avec son invocatrice que par le biais du russe, langue d'origine des deux êtres ; sa présence n'était plus nécessaire désormais.

– Il faut soigner ça... Au QG ou ailleurs.

Hors de question de le laisser disparaître dans la nature alors qu'il était blessé ! Déjà que c'était plus ou moins sa faute, l'abandonner était inimaginable ! La demoiselle ignorait si le changement de Nature permettait une meilleure résistance aux blessures ou un rétablissement plus rapide mais au moins Ethan pouvait-il marcher, c'était déjà ça.


[Pas de souci, l'amie ! o/]

Pour venir jusqu'à Saskia, j'avais marché en boitant. C'était assez compliqué de contenir la douleur alors que j'avais vraiment l'envie de hurler et de pleurer que ça faisait mal en fait, comme un véritable enfant de 15 ans, mais je ne pouvais pas. Je devais montrer l'exemple correct aux nouveaux Seraph. En plus j'avais gagné récemment un gradé, je ne pouvais plus me défiler.

C'était gentil de sa part de s’inquiéter autant pour moi, venant même à dire que c'était de sa faute si j'étais dans cet état. Elle ne m'avait pas vraiment laissé le temps de répondre, et il fallait dire que j'étais assez lent à la détente. J'avais le mérite de me l'avouer. Enfin, j'aurais voulu pouvoir la calmer, mais elle continua à parler, me disant d'aller au QG avec elle. Ce n'était vraiment pas une mauvaise idée, mais il se voyait mal marcher à côté de simple humain en boitant et en ayant du sang sur la jambe.

- Vraiment, ne vous inquiétez pas ! Ça ne fait rien, je suis habitué.

Pour un garçon normal de mon âge, il serait déjà en train de tomber par terre et de hurler à la mort. Je n'étais plus normal depuis bien longtemps non ? J'avais le droit de paraître fort ?

- Mais je veux bien rentrer à la maison pour me soigner.

Pour moi, la maison était le QG, ce qui n'était pas forcément le cas de tout le monde et il était possible que la jeune femme ne comprenne pas que je parle du QG Seraph, mais peut-être d'un appartement dans le coin, qui pourrait m'appartenir, ou plutôt appartenir à l'un de mes parents ; mais je n'en avais pas.

Ma main vint attraper celle de Saskia pour commencer à marcher dans un coin qui pourrait paraître tranquille. Il était temps de retirer ma barrière, sinon je ne pourrais vraiment plus rentrer chez moi. Le Kekkai aussi prenait pas mal d'énergie, et j'avais érigé le mien. Quand je jetais un coup d’œil à la Seraph, je voyais qu'elle avait aussi l'air fatigué. Les munitions peut-être. Il me semblait avoir déjà vu ce genre d'arme auparavant où les projectiles étaient de l'âme. Enfin dans cet endroit que je visais, je retirais mon Kekkai aussitôt et vérifiai quand même qu'aucun humain nous avait vu. C'était bon.

- On va pouvoir rentrer.

Dans sa main droite, l'arc n'était plus et à la place, la main glaciale d'Ethan se logeait dans la sienne, paume contre paume. Le pauvre garçon boitait, chaque pas devait être une souffrance et lui demander un certain effort. Saskia se sentait bien inutile en cet instant, incapable d'apporter la moindre aide pour soulager son mentor. Elle l'écouta et de l'incompréhension pouvait se lire sur son visage. Rentrer chez lui ? Certes, c'était logique mais ne valait-il pas mieux faire un saut au QG avant, histoire de soigner cette vilaine blessure ? Ne craignait-il pas les questions de ses parents ?

– À la maison ? Tu es sûr ?

Quiproquo bonjour !
Elle ne souhaitait pas discuter la volonté de l'Accompli, sûrement savait-il ce qu'il faisait. Sans oublier qu'elle n'était pas en mesure de lui donner le moindre ordre ; d'un point de vue hiérarchie, il était son supérieur, bien qu'elle était son aînée de quelques années. Elle poussa un profond soupir, résignée.

– Et c'est vers où, ta maison ?

Parce qu'elle ne pouvait pas deviner, il allait falloir qu'il la guide s'il tenait à rentrer chez lui. Cela n'empêchait pas que Saskia désapprouvait totalement cette idée bien qu'elle n'en disait rien en cet instant.

Lentement, et surtout en boitant toujours, je commençais alors à prendre le chemin vers le quartier Est. Ma maison se situait là-bas et au vu de ses questions Saskia n'était pas au courant que j'y habitais, autant lui dire alors ?

- Mh ? Ma maison ? Bah, c'est le QG.

Je m'étonnais un peu puisque des gens me connaissaient justement, car j'étais un très ancien Seraph au QG et qu'en plus, j'y habitais. Du coup, je n'avais pas vraiment d'ami puisque je ne rencontrais jamais quelqu'un de mon âge. J'allais au collège, mais ma timidité faisait que je n'arrivais pas à parler correctement à des gens.

- Là-bas, je trouve toujours quelqu'un pour me soigner !

Et accessoirement, j'essaierai de demander à quelqu'un d'avoir un peu d'argent pour me racheter un pantalon parce que je venais de déchirer celui que je portais en combattant. Alors j'en avais besoin d'un nouveau. J'avais l'habitude de voir la même personne lorsque j'avais besoin d'argent, c'était une très gentille amie de Clara, ma tutrice légale, mais qui a déménagé très loin en me laissant ici. Pendant longtemps, je m'étais vraiment senti seul, mais ce sentiment qui était maintenant devenu une routine, je m'y étais fait.

- Il n'y a pas beaucoup de monde qui habite au QG, alors je pensais que je ressortais un petit peu du lot.

Je ne lâchai pas la main de la jeune femme tout en marchant. Grâce à elle, je m'appuyai en quelques sortes pour tenter de marcher correctement. Il fallait que je tienne bon jusqu'à arrivé là-bas.

Le mouflet qui vivait au QG. Saskia avait aperçu des dortoirs lors de sa première visite là-bas mais elle avait songé naïvement que, peut-être, ces lits étaient là seulement pour permettre aux contractants de se reposer après un entraînement trop rude ? Ce qui était stupide, oui, car Saskia ressentait de moins en moins l'envie de dormir, quelques heures lui suffisaient pour être en pleine forme. Même les débutants faisaient des erreurs de perspicacité, surtout les débutants.

– Ah j'ignorais que des contractants pouvaient vivre directement au QG, répondit-elle quelque peu songeuse, et ça fait longtemps que tu vis là-bas ?

Si seulement Avdeï était contractant, il n'y aurait plus de soucis de logement ni quoi que ce soit. Ce ne serait pas leur chez-eux rien qu'à eux mais au moins cela s'en approcherait-il davantage que l'appartement de John dans lequel elle vivait actuellement. Mais ce n'était que pure folie. Plus son frère resterait loin de cet univers magique sordide, plus il aurait de chances de survivre. Être humain, cela avait du bon aussi, c'était le meilleur moyen pour rester en vie et mener une vie tranquille.

– Mais et tes parents ? Ils ne te manquent pas si tu ne vis pas avec eux ?

Saskia ne vivait pas avec les siens et ces derniers ne lui manquaient pas, mais ça, c'était une autre histoire. Elle essayait juste de se mettre à la place de ce gamin qui avait l'âge de son frère, faire preuve d'un minimum d’empathie ou de compassion, elle n'aurait su dire. Mais cet enfant le bouleversait au plus haut point, lui enrôlé dans cette guerre absurde.

Peut-être n'y avait-il pas grand monde au QG mais Saskia n'était pas contractante depuis bien longtemps, cette information n'était pas encore parvenue jusqu'à elle. Main dans la main, tous les deux avançaient droit vers leur QG. Il y avait une petite trotte jusque là-bas, rien d'insurmontable et Saskia était désolée de ne pas avoir la force physique pour porter ce garçon sur ses épaules pour lui éviter de devoir s'appuyer sur sa cuisse estropiée.

– Tu sors peut-être du lot mais c'est pas comme si j'étais Seraph depuis bien longtemps, ça a dû se ressentir avec mes tirs ratés, tenta-t-elle de plaisanter, j'espère que tu te remettras vite de cette sale blessure.

Si Saskia n'avait toujours pas vécu la terrible expérience d'être blessée par les Ombres, cela ne saurait trop tarder un jour ou l'autre. Elle vivait dans le quartier Sud, cet endroit paraissait regorger de ces créatures obscures. Il allait falloir qu'elle apprenne à viser bien et viser mieux, au plus vite.

Bien que ce soit un souvenir assez lointain pour moi, j'arrivais à me souvenir de l'orphelinat et l'appartement de la grand-mère qui m'avait pris en charge une fois. Pourtant, on disait très souvent que les souvenirs les plus jeunes ne restaient pas. En vérité, ce que je ne disais pas, c'était que presque tous les jours, je me remémorais mes souvenirs les plus importants pour ne jamais les oublier. Ce serait vraiment la pire chose qu'il pourrait arriver. Je ne veux pas oublier les deux endroits chaleureux que j'ai eus avant de mettre les pieds au QG.

- J'habite au QG depuis que j'ai 6 ans. J'ai passé mon contrat il y a 9 ans. Et pour des gens comme moi, je suppose que j'ai le droit à une chambre.

Avec cette réponse, Saskia était largement en droit de se demander ce que pouvait effectivement dire ses parents, et s'ils ne me manquaient pas ou inversement. Elle me posa donc la question qui paraissait logique dans la suite de la conversation. C'était embêtant, car je ne souhaitais pas mettre la mauvaise ambiance entre nous deux dès le départ.

- Je ne sais pas. Ils sont peut-être morts. Je ne les ai jamais connus. J'ai presque toujours été à l'orphelinat.

Je n'avais jamais essayé de demander aux responsables de l'orphelinat pour mes parents. À vrai dire, pour eux, j'étais beaucoup trop petit pour comprendre et me disaient souvent « On te dira tout quand tu seras plus grand », mais je me demandais vraiment si c'était vrai. Je veux dire, j'avais 15 ans, j'étais assez grand pour connaître les détails. Enfin, si je ne m'en étais pas spécialement préoccupé jusqu'ici, c'était que ça ne me dérangeait pas plus que ça. En vérité, ma mère, c'était celle qui s'occupait de moi à l'orphelinat. C'était bien mieux comme ça. Je n'avais pas d'espoir, je ne pouvais pas être déçu.

- Ne t'en fais pas pour cette blessure. J'ai déjà eu bien pire. Elle guérira grâce aux soigneurs du QG. Ils font de la magie de soin ! Je vais passer à l'infirmerie et j'aurais une nouvelle jambe.

Encore une fois c'était exagéré, mais je ne voulais pas qu'elle s'inquiète pour mon état, alors j'avais poussé l'exagération un peu plus loin pour faire une tentative d'humour.

- Pour ce qui est de ton arc. Je pense que tu peux t'y habituer vite. Quand j'ai commencé avec mon marteau, je me faisais souvent taper sur les doigts. Il était vraiment dur à contrôler quand il y avait d'autres corps à corps. Je devais faire attention à ne pas les écraser.

Des contrats vieux de neuf ans pouvaient exister. Si Ethan avait réussi à survivre dès ses six ans, pourquoi pas elle ? Bien sûr, elle se doutait que du haut de ses six ans, le garçon devait principalement rester à l'arrière, au QG, sa vie d'humain primant sur celle de Seraph. Le contraire aurait été étonnant. Saskia se demandait sur quels critères pouvait s'axer Kyu pour choisir ses recrues. Certainement pas l'âge, Ethan en était la preuve vivante.

– Neuf ans... Tu dois être l'un des contractants les plus anciens des Seraphs...

À vrai dire, elle n'en savait rien. Elle savait juste qu'elle était bouleversée par l'histoire de ce garçon. Lui qui s'était enchaîné dans cette guerre dès son enfance, lui qui avait grandi dans un orphelinat sans rien savoir de ses parents, sans même avoir la certitude qu'ils étaient morts plutôt que vivants. Et elle, à côté, qui avait fui sa famille. C'était le monde à l'envers. Elle se dégoûterait presque.

– T'as pas tenté de faire des recherches à partir des infos que tu as sur eux, du moins si t'en as ? Et puis, les gens de l'orphelinat qui t'ont élevé ont peut-être une idée sur la question ?

Aussi triste puisse-t-elle être, cette idée. À quinze ans, Ethan était en âge d'entendre la vérité. Qu'est-ce qui pouvait être pire entre apprendre que ses parents étaient morts ou qu'ils avaient préféré abandonner leur fils pour vivre sans ? La demoiselle l'ignorait. Peu importait la réponse, cela faisait toujours du mal à l'entendre.

Le sujet changea aussi, vers un  degré plus proche du nouvel univers de Saskia : la magie, les pouvoirs, leurs armes d'âmes. Elle ignorait encore si elle était heureuse ou non du pouvoir qui était le sien. Elle espérait devenir plus forte et que son pouvoir grandirait avec elle. Pour le moment, elle ne pouvait que s'entraîner pour parvenir un jour au niveau d'Ethan.

– La magie de soin, ça a l'air chouette... Je crois que j'aurais bien aimé quelque chose comme ça si j'avais pu choisir, j'aurais eu un peu l'impression d'aider les autres comme ça...

Elle serait restée en arrière, prête à porter secours aux blessés. Là, si elle ne restait qu'en arrière, ce n'était que pour mieux viser les Ombres depuis son arc et laisser les autres se battre à sa place. Ethan, son invocation, ses alliés. Elle n'avait pas le combat dans le sang, elle le savait mieux que quiconque.

– Je sais pas... Même si je contrôle mon arc, je contrôle pas la flèche... Toi tu peux encore arrêter ton mouvement ou le détourner pour ne pas blesser tes alliés. Moi, même si je révoque son arme, la flèche continue de filer là où je l'ai tirée...

Il était urgent qu'elle apprenne à viser. Elle ne pouvait se permettre d'être un fardeau plus longtemps pour ses compagnons. Elle se doutait que cette mission en équipe n'était que la première. Si un jour elle devait s'associer à Howard pour une quête quelconque, elle espérait lui faire honneur que leur premier entraînement n'aura pas été vain, bien au contraire.

Je n'avais encore jamais rencontré quelqu'un d'aussi ancien que moi. Alors, j'étais peut-être celui qui était ici le plus longtemps. C'était bizarre de penser que le plus jeune d'entre nous était le plus ancien. J'avais vu beaucoup de gens mourir ou nous quitter. Maintenant, ça ne m'étonnerait même plus si quelqu'un mourait encore. J'avais vu énormément de Seraph, de leur contrat à leurs morts.

Pour mes parents, j'avais simplement conclu qu'ils m'avaient abandonné, alors je ne m'étais jamais posé la question de savoir s'ils voulaient me retrouver ou non.

- A l'orphelinat, on m'a appris qu'une jeune femme m'avait déposé. Elle m'avait trouvé abandonné dans la rue. Je n'ai jamais essayé de retrouver mes parents, parce que je pense qu'ils ne le souhaitent pas.

Pourquoi m'aurait-il laissé dans une rue s'ils voulaient m'avoir avec eux ? Il n'y aurait aucune raison, alors j'avais abandonné aussi l'idée de les retrouver, pensant que c'était bien mieux comme ça. Et puis, ils pourraient très bien être morts et dans ce cas, j'aurais fait des recherches pour rien. Je n'avais aussi aucune base sur laquelle je pourrais m'appuyer pour commencer à les rechercher. Pour moi, c'était peine perdue.

Sur le chemin, je m'arrêtai un tout petit peu pour faire une courte pause. Ma jambe me faisait mal, alors j'avais besoin de m'arrêter quelques secondes. En attendant, j'écoutai Saskia qui préférait avoir un tout autre pouvoir.

- Le soin, c'est pratique, mais si on se fait attaquer, c'est dur de se défendre.

Lentement, je repris ma marche et serrai par la même occasion la main de la jeune femme que je tenais dans la mienne pour m'accrocher. Aimer ou non les pouvoirs. Ça aussi, je ne m'étais jamais posé la question de savoir si je les appréciais. Ils étaient là, et simplement, je les utilisais sans me soucier de tout ça. J'avais probablement l'air de quelqu'un de très simple, et je ne pouvais pas le nier. Mes pouvoirs concernant l'électricité m'avaient été imposés, alors je n'avais pas contesté, et je n'avais pas essayé de les aimer ou de les détester, je les utilisais comme on utiliserait une main.

- C'est vrai, ça doit être plus facile en corps-à-corps vis-à-vis des alliés, mais pour ce qui est des ombres, c'est encore plus dangereux.

En général quand il y avait au minimum une personne à distance et l'autre au corps-à-corps, celui qui était à distance avait rarement du souci à se faire pour sa propre condition, à moins qu'une deuxième ombre vienne les embêter. Comme tout à l'heure, Saskia n'avait pas dû avoir peur pour sa propre vie puisque je m'étais occupé de garder la bestiole avec moi.

Il était tout naturel qu'Ethan songe que ses parents l'avaient abandonné dans le simple but de se débarrasser de lui, parce qu'il n'était qu'un poids de plus à traîner. Malheureusement, il arrivait parfois que des adultes se voient obligés de faire certains choix, aussi insensés et douloureux puissent-ils être. Elle-même n'avait-elle pas abandonné son frère en Russie avant de le ramener grâce à un vœu ? Non, c'était totalement différent, elle l'avait quitté par pure envie de vivre une nouvelle vie dans un autre pays. Après, elle avait regretté. Beaucoup. Et il le lui faisait payer par son mauvais caractère.

– Parfois, les adultes font des choix qui semblent horribles pour nous alors qu'en vérité, c'était pour notre bien. Je crois pas que tes parents t'aient abandonné de bon cœur, je crois même que c'est tout le contraire.

Elle ne pouvait imaginer une mère décider de se séparer pleinement de son enfant, juste parce qu'il n'était pas désiré. Surtout qu'avec la médecine d'aujourd'hui, les naissances étaient mieux régulées, certaines pouvaient être évitées. Mais entre ce que Saskia croyait et la vérité, il y avait sûrement un pas énorme. Mieux valait ne pas trop s'avancer de ce côté, elle risquait bien des surprises.

Le débat sur les pouvoirs reprenaient alors qu'Ethan venait de s'arrêter à cause de sa jambe blessée. Ils n'allaient déjà pas très vite, difficile de ralentir encore le rythme pour lui faciliter la vie. La demoiselle ne pouvait rien faire de plus.

– On a tous une arme d'âme comme ton marteau on mon arc, non ? sourit-elle, le tout, c'est de savoir la manier.

Elle n'avait pas tort. Elle n'avait jamais rencontré de contractants dépourvus d'armes. Un cadeau fait à chaque nouveau de la part de Kyu. Il fallait au moins cela pour survivre dans ce monde surnaturel qui souhaitait par dessus tout la mort des contractants.

Elle avait bien conscience que le corps à corps exposait le combattant à des risques bien plus grands qu'un archer ou un tireur. Mais cette dernière catégorie était à son tour soumise à une contrainte qui avait le don d'agacer Saskia.

– Oui c'est sûr… C'est sûrement pour ça que nous, les combattants à distance, on est bridé niveau munitions… Plus on en tire, plus on s'épuise… Une manière comme une autre de mettre tout le monde au même niveau.

Du moins de son point de vue. Le débat quant aux armes allait sûrement toucher à sa fin, un débat qui n'en était pas vraiment un. Le QG se rapprochait dangereusement du duo, à peine une centaine de mètres à parcourir et Ethan pourrait obtenir sa nouvelle jambe. Saskia, elle, pourrait faire en sorte de s'entraîner pour que plus jamais elle n'expose ses alliés à un danger venant de sa propre personne.

C'était faux ce qu'elle disait, non ? Même par un choix difficile, on m'avait dit qu'une maman préférait perdre tout ce qu'elle avait plutôt que d'abandonner son enfant. Si elle m'avait abandonné, c'était qu'elle ne tenait pas autant à moi. Enfin, je crois. De toute façon, je m'étais bien débrouillé sans parent jusqu'à présent. J'étais encore loin d'être adulte, mais je n'en avais pas besoin pour pouvoir vivre. J'étais habitué maintenant. Même si j'étais bien curieux de ce que pouvait être l'affection maternelle, je ne la recherchais pas.

- Je ne sais pas vraiment, mais ne t'en fais pas. Je suis heureux comme ça !

En même temps, j'étais nourri, logé et blanchis chez les Seraph pour pas un sous. J'étais déjà heureux de ne pas me retrouver à la place des autres gamins qui traînaient dans le quartier sud sans maison et sans nourriture. En échange, je devais quand même abattre des ombres, voire des Nephils. On ne me confiait pas trop les missions Nephils parce que j'étais encore trop jeune, pourtant, j'en avais déjà tué un ! Il était très affaiblis, mais je l'ai tué quand même. Je n'étais pas spécialement fier d'avoir mis fin à la vie de quelqu'un, mais c'était mon boulot, alors je le faisais sans discuter.

Par contre, ça je ne savais pas que les munitions fatiguaient vraiment. Je pensais que la fatigue d'un archer venait du fait qu'il devait tendre sans arrêt son arc. Les munitions étaient-elles fabriquées par l'âme ? Je penchai la tête un peu sur le côté d'incompréhension.

- Je ne sais pas vraiment comment sont fabriquées les munitions encore, mais je ne savais pas que ça pouvait vous fatiguer. Je pensais que c'était juste à cause de l'effort.

J’eus un petit sourire angélique sur mon visage. J'étais heureux sans raison alors que je n'avais pas la vie facile et qu'en plus j'étais actuellement blessé ; mais parler à cette jeune femme me réchauffait légèrement le cœur. C'était des personnes comme elle que je voulais près de moi.

Le QG était maintenant devant nous, je me tournai alors rapidement vers Saskia.

- Je vous remercie de m'avoir accompagné. Ça ira jusqu'ici je pense. Au pire, l'un des Seraph présents me portera jusqu'à l'infirmerie si je vais pas bien. Désolé d'avoir abusé de votre temps.

Je fis une rapide petite courbette et montrai que j'étais quand même bien élevé et que la politesse faisait partie de mes plus grandes qualités. De toute façon à l'orphelinat, il n'y avait jamais de juste-milieu possible. Soit l'on était le parfait petit ange, soit un vrai démon. Pour moi, j'étais une petite tête blonde qui avait su bien obéir, et je continuais encore maintenant.

Ce garçon était-il sincère dans sa déclaration au bonheur ? Saskia l'ignorait. Elle se doutait que ne pas connaître ses origines devait le remuer, parfois. C'était normal, sensé même. Mais sa vie chez les Seraphs paraissait lui plaire, du moins c'était ce qu'il laissait paraître. Il n'y avait pas que des désavantages à passer un contrat, la Russe le découvrait aujourd’hui. Cela avait permis à Ethan de posséder une famille, une vraie, non pas faîte de liens de sang mais basée sur la fraternité et l’entraide. Les Seraphs, c'était aussi sa famille à elle désormais, une seconde famille, en plus d'Avdeï.

La réflexion du blondinet la fit sourire. Cela lui rappelait son premier jour d'entraînement en compagnie d'Howard, lorsqu'elle avait réussi à invoquer son arc mais pas la flèche. Et puis, de fil en aiguille, le projectile était apparu entre ses mains et elle n'avait plus eu qu'à préparer son tir.

– Tu imagines si ceux avec des armes à feux étaient fatigués rien qu'en tirant sur la détente ? C'est pas l'effort le plus compliqué qu'on leur demande ! plaisanta-t-elle. Non, c'est créer ces munitions qui les épuisent.

Petite pique à l'intention d'Howard. Lui au moins ne perdait pas de temps à s’encombrer de ses munitions, chargeant directement son revolver avant de tenter un tir. Elle n'avait pas vu une grande diversité d'armes chez les contractants. Armes à feu, arc, sabre et maintenant un marteau géant. Sans nul doute l'arme la plus originale qu'elle ait pu voir. Elle ignorait de quelles manière ces armes leur étaient attribuées, elle se doutait bien qu'à ses six ans, Ethan ne devait pas être familier de ce type d'arme, familier d'aucune arme même.

Le trajet avait vite été parcouru et déjà Ethan se retournait vers elle pour la remercier. C'était le monde à l'envers, vraiment.

– C'est plutôt à moi de te remercier d'avoir été là pour moi pour ce premier combat, oui ! Et puis, ça a été un véritable plaisir de faire ta connaissance Ethan.

La courbette du garçon l'étonna. Elle n'était pas habituée à ce type de salutations. Chez elle, un signe de main suffisait pour se dire au revoir.

– Mais va vraiment falloir que t'arrêtes de me vouvoyer, par contre !

Elle se sentait vieille dès que l'Accompli lui imposait un « vous » solennel et pompeux. Saskia n'avait pas l'habitude de ce type de langage, que cela soit dans sa bouche ou dans celle d'un autre. Sans oublier que dans la hiérarchie des Seraphs, il était son supérieur, la logique aurait souhaité que cela soit elle qui le vouvoie. Mais cela faisait bien longtemps que la logique avait foutu le camp dans cette ville.

Ah oui, je vouvoyais toujours, mais je n'étais vraiment pas habitué à tutoyer les personnes dès ma première rencontre avec eux. Il va falloir que je m'habitue un peu plus.

- Je ferais plus attention la prochaine fois.

Je haussais un peu les épaules comme si je venais de me faire gronder, même si ce n'était pas vraiment le cas.

- Moi aussi, ce fut vraiment un plaisir de faire cette mission avec v-toi. J'espère qu'on en fera une autre ensemble prochainement.

Cette jeune femme, je l'aimais bien. Elle était gentille, et avait un joli visage. C'était dans mes moments comme ça que je me disais obligatoirement que les Nephils étaient les méchants de l'histoire et les Seraph les gentils qui sauveront le monde. C'était comme ça que ça marchait ; comme dans mes BD qui étaient stockées dans ma chambre.

Après ma mission, je devais aussi faire mes devoirs. J'étais au collège avec deux années de retard par rapport à mon âge, mais de toute, je ne me faisais pas remarquer à cause de mon âge puisque de toute manière mon physique me faisait paraître un peu plus jeune que 15 ans. Tranquillement, je quittai alors la demoiselle, boitant toujours un peu, mais l'infirmerie du QG n'était maintenant pas loin. Je pouvais y arriver tout seul sans problème, c'était encore une question d'habitude et de routine. Rentrer seul blessé n'était pas la première fois et ce ne sera probablement pas la dernière.

En m'en allant, je fis juste un petit signe de main à Saskia, à la revoyure.

Le tutoiement remplaçait peu à peu le vouvoiement solennel que lui imposait Ethan depuis le début de cette mission. C'était une petite victoire malgré tout. Le visage de la demoiselle s'illumina d'un sourire et elle observa le garçonnet repartir tout en boitillant. Après un énième signe de la main de sa part, il disparut de son champ de vision, la laissant seule dans la rue donnant face au QG des Seraphs. Il ne faisait pas bon trop traîner dans les environs, elle n'oubliait pas que cet endroit se devait de rester secret, aussi repartit-elle dans le sens contraire après que le blondinet ait pénétré l'imposant immeuble.

Elle n'avait toujours pas eu le loisir d'admirer le travail magique des soigneurs, chanceuse qu'elle avait été, elle avait toujours évité les blessures importantes, ne remportant qu'un peu de fatigue suite à ce premier combat éreintant. Il lui faudrait apprendre à mieux juguler son stock de flèches pour éviter de trop se faire surprendre. Apprendre à mieux tirer à l'arc aussi, les deux allaient de pair.

Toute à sa réflexion, elle prit la direction du quartier Sud. Une petite balade en perspective, le chemin inverse à celui qu'elle venait de faire sans personne pour lui tenir compagnie. Elle était bien tentée d'appeler à elle son unique invocation, Léna, histoire de pouvoir un peu discuter un peu avec elle mais elle avait un peu de mal avec le caractère de la Rousselka. Et elle qui avait horreur du vouvoiement était servie avec le discours datant du Moyen-Âge de l'adolescente ! Maintenant, elle espérait juste qu'elle pourrait revoir Ethan un jour ou l'autre, à la croisée d'une mission officielle, lors d'un combat contre des Ombres hostiles ou juste entre deux entraînements dans la salle de détente du QG.


[Pas de soucis, je comprends, et merci à toi ! ♥]