Dojo:

Une heure, deux heures parfois – rarement davantage -, c’était le temps quotidien que se réservaient les deux collègues pour se perfectionner. Ce qui était au départ une formation pure et simple de John, encore novice dans le domaine des contractants, avait évolué vers quelque chose de plus … Partagé. Dire qu’il ressentait un changement à chaque séance serait un mensonge éhonté, mais ne pas concéder le fait qu’il avait rudement progressé depuis le début serait pire encore. Désormais, ils apprenaient à se battre ensemble, chacun apportait des idées sur le style de l’autre, même, le jeune homme lui-même était alors en mesure de déceler des défauts chez son camarade ; l’écart se resserrait, mais les positions de maître et élève demeuraient inchangées.

Ce matin-ci, leur place habituelle avait à nouveau changé : après un tour au Quartier Général quelques temps auparavant, Russel avait proposé au jeune homme de partir se perfectionner dans un véritable dojo cette fois.
Des mois plus tôt, une autre personne avait fait la même proposition à John. Un type qu’il avait cambriolé, qui l’avait massacré, détruit son arc … Mais aussi qui l’avait pardonné, et lui avait proposé de canaliser son trop plein de haine en pratiquant un autre genre d’activités. Malheureusement, il n’eut jamais de nouvelle du bien-pensant, mais l’idée de l’ex-détective le plongeant dans un micro élan de nostalgie.

Un autre détail était à noter ; l’initiative du plus-si-jeune était motivée par une espèce de duel qu’il avait à assurer là-bas. Un type qu’il avait rencontré un soir, et sans qu’il en dise trop à John, il lui avait à peu près expliqué qu’ils avaient convenu d’un affrontement le lendemain.
Une invitation qui surprit un peu le Nephil, étonné que Russel puisse avoir des poussées belligérantes ; mais cela pourrait aussi consister en un remarquable entraînement. Certes, leur nature de contractants les rendaient au-dessus des humains classiques en terme de force brute, mais ils n’avaient ni la technique ni l’agilité de véritables combattants – ainsi, une petite formation par de véritables professeurs ne leur ferait pas de mal.

D’un autre côté, la curiosité de découvrir les capacités au corps à corps d’un homme usé à la distance envahissait John, et il avait hâte d’assister à la démonstration. Et de prendre son tour aussi, évidemment.

Hormis les quelques explications, la route fut relativement calme, et les deux compagnons arrivèrent finalement devant l’enceinte du dojo. Sa simple vision était presque reposante, et cela allait offrir à John de baisser la tension habituelle avant chaque combat.

En apercevant le fameux Gregory, John eut un petit mouvement de sourcils. Quelle coïncidence amusante que le fameux adversaire mystère de son collègue soit le même type qui lui avait offert un café quelques temps auparavant – et qui l’avait salué d’un beau coup de portière. L’explication derrière le faux nom allait être intéressante ; si elle n’était pas banale.
D’un autre côté, s’il était trop paranoïaque sur cette question ce serait hypocrite : après tout, c’était lui le type qui avait changé de noms comme de caleçons pendant quelques années.
Oui, malheureusement il fut un temps pendant lequel le garçon n’avait pas la chance de changer de sous-vêtements chaque jour. De douloureux souvenirs.

Quand Ethan tendu sa main au jeune homme, le regard suppliant et les paroles comme amnésiques, il flaira que la première théorie se confirmait. Il n’avait pas vraiment l’intention de cacher la vérité à son collègue très longtemps, mais rentrer dans le jeu du barman pourrait être amusant.
Réagissant visiblement trop tard, il s’empressa et d’attraper la main de son interlocuteur et lui rendit un sourire.

« - De même. Je suis son collègue. Il m’a un peu parlé de vous, mais dîtes m’en plus, je suis curieux... Comment êtes-vous parvenu à réveiller l’âme de combattant dans le vieux singe qu’est mon camarade ? »

Une petite pique amicale et un comportement qui sortait de ses standards, largement de quoi alerter Russel que ce que faisait John n’avait rien de très naturel ; mais peut-être que le challenger n’y verrait que du feu. Et même s’il se faisait griller dans sa subtilité peu développée, avoir essayé de se plier à un petit amusement de la sorte serait amusant… Du moins, jusqu’à ce que l’objectif de la rencontre se conclue. Voir un type rodé des arts martiaux contre l’ex-détective allait être stimulant, et peut-être pourrait-il prendre son tour après ?