C'était bien ma veine. En plus d'avoir croupi ici toute la nuit, voilà que je me coltinais un voisin de cellule. Je m'étonnais que Sue ne soit toujours pas venu me voir. Elle devait sans doute encore être en colère après moi. Je tournais en rond dans ma cage, et je devais en plus supporter les questions d'un ivrogne dont l'odeur empestait tout l'espace, réduit, dans lequel je "vivais".

Pour lui rabattre son caquet, et continuer à me morfondre de colère, je sortis ce qui me vient le plus naturellement.

Nan, paraît que j'ai tué quelqu'un.

Je préférerai avoir trop bu, carrément. Ce serait plus simple à expliquer à Sue, que pourquoi mes chaussures sont pleines de sang. Bonnes à jeter.

Vous reste pas un peu d'votre alcool ?

Il fallait admettre que l'ivrogne ne s'attendait pas à une telle réponse après avoir demander une question qui se voulait plutôt familière. L'homme dans la cellule à côté de lui était donc soupçonné d'un meurtre. Mais au vu de la tournure de sa phrase, il était aisé d'en déduire qu'il ne se pensait pas coupable. Peut-être était-ce vrai, peut-être pas. Russel n'avait pas vraiment les éléments nécessaires de l'enquête pour en juger.

Dans tout les cas, quand ce compagnon lui demanda s'il lui restait de l'alcool, le trentenaire s'exaspéra, haussant les épaules. S'il l'avait mit dans une cellule de dégrisement sans même lui retirer sa mignonnette, l'ivrogne serait déjà entrain de boire.

"Non, désolé." Répondit-il tout simplement.

Enfin bon, il y avait un mystère intriguant autour de cet homme, peut-être qu'en profiter pour en apprendre davantage serait intéressant pour passer la nuit ?

"Je m'appelle Russel, et toi ?" Se présenta-t-il dans un premier temps.

"Si ça ne te dérange pas, j'aimerai savoir comment tu t'es retrouvé suspectés d'un meurtre."

Bien qu'il avait noté les chaussures en sang, plus de détail serait le bienvenue.

Dommage. J'aurais sérieusement préféré se retrouver dans la cellule de son voisin, et au moins savoir pourquoi j'étais enfermé, en ayant pu m'accorder un plaisir solitaire loin de Sue et de sa mine rageuse, boudeuse, antipathique, ou fermée. Au choix selon son humeur.

Niel.

Quoi ! Encore un qui voulait que je lui raconte par le détail mon histoire ! J'en avais par-dessus la tête et répondit brusquement, en faisant un geste par dessus ma tête de ras-le-bol.

Non.

Je relevai la tête pour fixer les yeux de l'homme saoul, avant de me redresser et de parcourir la cellule dans sa longueur jusqu'aux barreaux qui me séparait de la liberté.

Même ivre, j'suis pas sur que vous me croyez.

Même moi, j'avais du mal à me croire en réalité. J'étais sonné. Je n'avais qu'une envie, oublier cette histoire très très loin et reprendre ma petite vie misérable.
Je réalisai alors que ce n'était pas tout à fait la question qui m'avait été posé. Autant résumer brièvement mon aspect de meutrier ambulant.

J'avais les pieds dans le sang de la victime, j'ai été le dernier avec l'arme du crime entre les mains, et avant que je n'arrive dans la rue, le corps n'y était pas. Donc voilà, ça ne peut qu'être moi.

Tiens il posait des autres questions celui-là. Pourquoi donc ? Cela m'intriguait.

J'sais pas c'était un drôle de truc. Quelque chose qu'on verrait plutôt dans un film que dans la rue de tous les jours.

C'était vrai ça quand même. Est-ce que je délirais ? Qu'est-ce que j'avais vu, vraiment ?

Pour regarder ce que c'était.

J'haussai les épaules, me rasseyant dans un coin de ma cellule.

Quoi, vous êtes détective aussi ?

Les propos que tenaient l'homme était très étrange. Pour tout avouer, c'était normal qu'il soit soupçonné au vu du récit qu'il comptait. Récit qui au final manquait cruellement de précision. Russel avait demandé quel était cet arme, et il n'avait obtenu comme information qu'une drôle d'arme. Etait-ce une arme à feu ? Blanche ? Contondante ? Il n'en savait rien, la seule chose qu'il savait, était que l'arme du crime était "drôle". Le Nephil laissa un sourire amère s'afficher sur son visage, se disant qu'il ne pouvait pas vraiment retracer quoique ce soit avec si peu de détail.

Mais nul doute que les agissements n'avaient nullement aidé au cas du type. Pourquoi prendre en main une arme, alors qu'il y a du sang à ses pieds ? Peut-être n'avaient-ils rien vu et s'en était rendu compte qu'au tout dernier moment ? On peut supposer que ce soit le cas, si cela s'est passé la nuit... Une visibilité réduite, peut cacher le sang mais nullement l'odeur... Non honnêtement, difficile de croire l'homme.

"Je vois." Fit le trentenaire, se posant sur le lit en béton.

"Je l'ai été." Répondit-il ensuite à la question rhétorique de Niel.

"Pour tout avouer, ton histoire est vraiment étrange. Pourquoi ramasser quelque chose couvert de sang ? En général, lorsque l'on voit le sang, ou même si l'on sent l'odeur, on fuit, on ne va pas satisfaire sa curiosité."

Du sang ? Pourquoi aurais-je pris une arme pleine de sang?

Il n'y avait pas de sang.

Et ce constat me perturbait sérieusement, d'autant plus que l'ex-détective me semblait vraiment soupçonneux à mon égard, alors que la victime c'était moi ! Et lui pensait que je mentais, ou cherchais à déguiser mon acte, que sais-je encore.

Je sais bien que c'est étrange, il n'y a pas d'explication. C'est pour ça que je suis le premier suspect.

Et merde hein, je n'allais pas me justifier non plus.

Et cessez donc de m'accuser.

Je m'agitai, alors même que les questions que posaient l'homme mettaient en doute mon jugement. Je commençai à comprendre pourquoi je paraissai autant suscpect.

Non. Il n'y avait pas de sang sur l'arme. Mais du sang par terre, celui qui coulait de la victime. Et oui le corps était bien là, puisque j'ai voulu l'aider...

Je soupirai. Je devrai être moins citoyen la prochaine fois et m'enfuir en courant pour éviter de m'attirer les problèmes.

C'était une... un...

Je ne connaissais pas le nom de cette chose que j'avais eu entre les mains. Avant qu'elle ne disparaisse.

Y'avait deux lames. Pas un shuriken. Ni une faux. Un genre d'épée bizarre.

Je m'énervai devant le manque de consistante évidente de réalité tangible.

Un truc pas normal !

Je réfléchissais. Mon cerveau bouillonnait. Finalement, ce n'était pas plus mal cet ancien détective.

Par un témoignage. Ils ne l'ont pas retrouvé. Ils pensent que je l'ai caché.

Je fixai les yeux du type alors que j'assénais ma vérité.

En fait, elle a disparu de mes mains.

Allez, il allait cesser là son interrogatoire, me prendre pour un fou et dire que je devais déjà avoir bu cet alcool que je lui demandai.

Hmm. Il ne me traitait ni de fou ni de menteur, ne cherchait pas plus à comprendre comment c'était possible, et même me rassurait en disant que je n'avais pas à m'inquiéter. J'avais été témoin de quelque chose d'irréel alors si je m'inquiétais pour ma santé mentale. Il ne restait qu'une seule explication pour que l'homme me croie aussi facilement.

Vous avez beaucoup bu pour être enfermé ici ?

Oui, je n'arrivais pas à croire que quelqu'un ait décemment l'idée que ce que je raconte puisse être vrai. Moi même je peinais à le croire. Pourtant je l'avais vu de mes propres yeux.

Parce que vous êtes bien le premier à avoir une réaction aussi calme.

Je me demandais d'ailleurs ce que serait celle de Sue. Et c'était bien ça qui m'inquiétait en réalité.

Si j'y prêtais attention, et gravait son visage et son nom dans ma mémoire. J'avais peut-être intérêt à le faire boire plus que de raison pour savoir ce qu'il me dissimulait avec autant de calme. Un ivrogne aurait rit non? J'avais l'impression d'avoir mis le pied dans une fourmillière, et de n'avoir découvert qu'après coup que c'était pire qu'avoir des bestioles dans ses chaussettes. Il changeait de sujet très facilement, et je préférais laisser de côté mes questions, persuaudée maintenant que j'allais devoir approfondir mes soupçons. A moins que je sombrai déraisonnablement dans la folie en mettant le coup sous un couvert d'énigme à résoudre. Je n'en avais cure à vrai dire. Ma vie ne tenait plus qu'à Sue. Je souris en l'évoquant.

Sue.

Ma belle et magnifique Sue. La femme de ma vie. La seule et l'unique.

Ma femme. Mais elle n'est pas encore venue.

Elle ne viendrait sans doute pas d'ailleurs. Et plus que la captivité, c'était ce constat qui me rongeait idée après idée.

Et vous ? Personne en visite ?

L'homme évoqua un seul nom. Sue. La femme de sa vie apparemment. A part cela, il ne semblait pas évoquer d'enfants, de frère ou de sœur, ou bien de ses parents. On pouvait donc imaginer que cette femme, était sa seule famille qui importait à l'heure actuelle. A la question rhétorique de Niel, Russel haussa les épaules tout simplement.

"Voulez vous que j'aille rassurer votre femme sur votre non-culpabilité à propos cette affaire ? Je suis détective, donc j'ai une certaine crédibilité." Proposa alors l'ivrogne, qui se sentait rendre un service en échange de cette petite conversation.

Enfin, ancien détective, mais il avait toujours sa carte de visite qui attestait de son titre de détective. Enfin en soi, cela n'avait rien d'extrêmement officiel, mais c'était toujours mieux que rien.

Il ne m'avait pas répondu sur sa famille. Il n'en avait pas ? Alors pourquoi posait-il la question ? Je sentais qu'il évitait réellement le sujet. Bien décidé à savoir le fin mot de l'histoire, sa proposition tombait à pic.

Pourquoi pas...

Même si je ne suis pas sûr que cela va changer quelque chose dans la confiance déjà brisée de notre couple.

Ce serait gentil à vous.

Et toujours mieux que rien.

La proposition du trentenaire ne semblait pas enthousiasmer le jeune homme plus que ça. A croire que le bougre avait déjà perdu espoir. Espoir en quoi, Russel ne saurait dire.

"Quelque chose ne va pas ?" Demanda alors le Nephil.

Il croyait comprendre que tout n'allait pour le mieux entre Niel et sa femme. Mais en quoi, il l'ignorait. Certes, Niel avait trempé dans une affaire de meurtre, mais à partir du moment où un détective va venir la voir pour lui dire qu'il est innocent, alors il ne devrait pas y avoir de soucis. A priori... A moins qu'il y ait autre chose ?

J'haussai les épaules. Rien n'allait droit. Cette histoire invraisemblable. Sue qui devient incontrôlable, qui perd pied, et me reproche tous les maux du monde.

Elle n'est toujours pas venue me voir.

Et cela m'inquiétait bien plus que d'être accusé de meurtre en réalité. Sue c'était mon oxygène, ma raison de vivre. Il n'y avait rien d'autre qu'elle.
Je m'agitais dans mon coin restreint, désespérant de ne pas pouvoir l'appeler.

Les femmes... je n'y comprendrai jamais rien.

Vous avez sans doute raison.

Je trouvais ce détective bien philosophe. Enfin, ancien détective d'après ce qu'il avait pu me dire. Avait-il enquêté aussi sur ces phénomènes étranges qui m'était arrivé ? Sans doute au vu de sa tranquillité à me savoir libre rapidement.

Comment savez-vous que je n'ai plus de soucis à me faire? J'ai pourtant mis les pieds, littéralement, dans quelque chose de vraiment étrange.

Je n'arrivais pas à laisser cet évènement de côté. J'avais besoin de savoir. Comme si en comprenant ce qui m'était arrivé, j'arriverai à comprendre Sue d'une manière ou d'une autre. A moins que je me sache tellement incapable dans un domaine que je me réfugie dans l'autre.

Hmm, ce type avait diablement raison.

Sans doute.

J'haussai les épaules me renfrognant légèrement. C'était sans doute la fin de leur conversation. Pourtant, je trouvais quelque chose de dérangeant à tout ça. Le meurtre parfait. Tellement parfait qu'on ne pouvait même pas accuser la personne passant par là. C'était étrange. Tellement étrange. Le type qui avait commis ça, ne s'était même pas préoccupé de cacher le corps. Il l'avait simplement laisser là. Comment avait-il pu masquer ses traces aussi facilement ?

J'observais l'heure qui défilait sur ma montre d'un air morne.

L'homme portant le nom de Niel acquiesça, puis plus rien. Seul le son de leur respiration et de leur déplacement empiétait sur la silence quasi-totale de l'endroit où les deux hommes étaient enfermés, simplement séparé par des barreaux en métal. Il n'y avait rien de plus à dire, ni même à souligner.

Au final, le temps s'écoula, poursuivant sa route comme l'eau d'une rivière. Russel sortit de sa cellule, payant une amende avec un joli avertissement qu'il s'empressa de jeter dans une poubelle une fois qu'il fut à l'air libre. Le pauvre homme avec qui il avait conversé n'avait pas eut de chance. Espérons qu'il s'en sortira.

En attendant, est-ce que le trentenaire devait aller voir la femme de ce dernier afin de la rassurer sur l'innocence de son mari ?

Il douta un long moment, parvenant finalement à une réponse qui lui convenu. Ainsi, le Nephil marchait, vers sa prochaine destination.

[Hrp: Terminé pour moi, Merci Niel x)]