La journée était déjà plus que sérieusement entamée mais pour une fois, j'avais réussi à me libérer un vrai créneau horaire. Techniquement, j'étais en effet libre jusqu'au lendemain matin. Pas de rendez-vous, de planque ni de dossier en cours. J'avais mis à jour tout ce sur quoi j'avais pris du retard ces derniers temps et aujourd'hui, je me retrouvais devant un cas de figure rarissime. Je n'avais tout simplement rien à faire et cela me surprenais.

Quelques courses histoires de remplir le frigo, prendre le temps de m'occuper d'Arsen, me poser un peu mais déjà, je ne tiens pas en place. C'est trop calme. Et si les Ombres en profitaient? Je secoue la tête et décide d'aller me changer les idées en allant prendre l'air. Je ferme donc mon cabinet en demandant à Betsy de faire suivre les appels à mon intention sur mon portable et déjà, je suis happée dans la rue. J'erre un moment sans me soucier du chemin que je prends avant de passer devant l'East Park.

La dernière fois qui j'y suis venue, c'était avec Minato. Il y a combien de temps? Au moins 2 ans maintenant. C'est vrai que je ne viens pas souvent par ici. Alors, puisque cette journée semble différente, autant continuer sur la même lancée. Je pénètre donc dans une allée peu fréquentée et commence à me promener tranquillement, un peu étonnée d'arriver à trouver tant d calme en pleine ville, au milieu de cette menace invisible omniprésente.

Et puis, cette silhouette qui se dessine et qui me semble familière. Oui, ces cheveux rouges, je ne peux pas me tromper. Il ne peut s'agir que d'Aleister. Mais je n'ai pas besoin de m'approcher beaucoup pour remarquer qu'il semble complètement ailleurs. Perdu dans ses pensées, parti dans des réflexions inaccessibles, je m'approche avant de saisir un toute petite pierre que je lui envoie en pleine tête d'une simple pichenette. Histoire de le sortir de sa rêverie as trop brusquement.

"- Ça faisait un moment, Aleister. Je te demanderais volontiers si tout va bien mais ce n'est pas vraiment ce que tu me laisses penser. Tu as des ennuis?"

Je me suis rapprochée de façon à ne pas avoir à parler plus fort que nécessaire mais attend un peu avant de m'asseoir. Peut-être a t'il simplement besoin de réfléchir et que ma présence ne sera pas utile.

-"Des ennuis non, du moins pas dans l'immédiat. Plutôt des questions que je me pose... que j'ai peur de me poser en fait."

Son regard est fuyant, son sourire lointain. Un peu forcé même. Il est évident qu'il ne dit pas la moitié de ce qu'il pense. Mais je ne lui jetterais pas la première pierre. Avec tout ce que nous vivons de différent du commun ds mortels, il est devenu presque normal de ne presque rien dire. pour ne pas commettre d'impair, pour protéger ses proches, pour simplement croire que nous pouvons encore faire comme tout le monde alors que nous savons parfaitement que c'est faux. Un léger soupir m'échappe.

"- Tu permets?"

Je me laisse tomber sur le sol meuble, appréciant bien plus que je ne l'aurais cru le contact de l'herbe fraîche contre ma peau. Le temps est frais, les couleurs commenceront bientôt à se dégrader en même temps que le soleil se couchera mais il fait encore jour. Les genoux remontés devant moi, enserrés par mes bras tandis que mon regard observe les passants et autres habitués des lieux, je reprends la parole, le ton discret mais bien audible.

"- Je suppose que cela concerne les Ombres ainsi que tout ce qui gravite autour, n'est-ce pas? "

-"Tu a bien deviné... Enfin c'est plus compliqué que ça d'une certaine manière."

Un instant, j'eu une moue un peu amusée. Plus compliqué que ça. C'était quoi, le ça? Parce qu'entre tout ce qui leur était tombé dessus récemment, je me demande encore ce que je eux considérer comme simple de mon côté. Si on prend en compte le fait que j'ai passé mon existence à vivre au milieu d'énigmes et de faux semblants, je suis déjà bien mieux armée que lui et pourtant, moi aussi je galère alors je ne peux qu'attendre qu'il m'en dise plus pour être fixée.

-"Tu te souviens ce bar étrange, qui est là sans être là, du moins aux yeux des humains? J'y ai fait une étrange rencontre, le genre de personnalité qu'on ne s'attend pas à croiser un jour."

"- Du genre... Importante?"

Cette fois, mon regard a quitté le ciel et les passants pour se poser clairement sur lui. Est-ce qu'il serait en train de me dire qu'il y a croisé des Nephils? Et visiblement, pas n'importe qui. Celle à qui je pense? Non, cela me parait tellement énorme que j'ai du mal à y croire. Mais je sens qu'il n'en a pas fini avec ses révélations alors je me tais et attends la suite.

-"Bien qu'elle m'ai limite menacé à plusieurs reprises, je n'ai pas eu peur d'elle sur le coup... mais à posteriori, je ne suis plus si sûr de ne pas avoir eu peur, ni de ce qui m'a fait peur chez elle."

"- Tu as déjà de la chance de t'en être sorti indemne. Elle n'a pas pour réputation d'être très ouverte face à l'ennemi."

Simple observation. Après tout, personnellement, je ne la connais pas. Mais il y a de nombreux seraphs plus expérimentés qui l'ont déjà rencontrés et régulièrement des morts chez les tous jeunes choisis portant les marques forts reconnaissables de ses chakrams. Enfin, au moins, il est indemne. Ou presque. Car ces paroles sonnent étrangement. Pas sur de ce qui lui a fait peur, ni même d'avoir eu peur. Oui, cela m'intrigue.

"- Tu m'en dire plus? Car je pense pouvoir avancer sans trop me tromper que ces questions viennent en partie de cette rencontre, non?"

-"Oui ne t'en fait pas, elle n'a pas cherché me massacrer... même si je ne suis pas sur que j'aurais survécu si j'avais un mouvement de trop."

"- Très rassurant...."

Remarque comme ça, je saurais à quoi m'en tenir si je viens à la croiser. Il est toujours bon d'avoir des informations sur autrui qu'eux ne possèdent pas sur nous. Et puis, la vision d'Aleister n'est pas la même que celle de notre cher commandement alors elle m'intéresse.

-"Oui, ça vient de là. Comme vétéran, les principales références que j'avais jusqu'à présent étaient nos 2 commandants préférés, et quelques autres seraph à peine mieux. Elle est différente d'eux, clairement. Plus posée, capable de discuter sans ouvrir les hostilités instantanément. Mais paranoïaque au possible, même si elle appelle ça de la prudence, et... prête à tout. J'en suis venu à la m'énerver, ça n'a même pas sembler la déranger, elle semblait s'y attendre, ou en avoir trop vu que pour s'en émouvoir."

Pour le coup d la paranoïa, cela ne m'étonne pas vraiment. Je n'ai aucune idée de c qui l'a poussée devenir Nephil, encore moins comment elle est arrivée à en devenir l'Elue mais visiblement, elle aussi prend son combat très au sérieux. Pas comme notre propre chef mais à sa manière. Ce que j'en déduis surtout, c'est qu'elle semble être déjà presque blasée de toute cette guerre malgré le fait qu'elle soit à peine plus âgée que nous.

-"Elle m'a surtout rappelé que dans un conflit sans règle définie, frapper la famille de son adversaire était une tactique comme une autre... Et ça m'a terrifié. Parce que même si elle semblait ne pas approuver ces méthodes, je n'ai aucun mal à voir plusieurs personnes qui seraient capable de ce genre d'horreurs."

"- Et elle a malheureusement raison."

Cette guerre me rappelle le métier que j'ai choisi. Enfin, la voie que l'on a de tout temps tracée pour moi et qu'aujourd'hui je ne me vois pas abandonner pour une autre. La famille, les amis, les proches sont autant de cibles faciles à atteindre et qui font tellement mal. Moi-même ne suis-je as en train de me battre de toutes mes forces en priant chaque soir pour que Minato ne croise jamais ces drôles de bestioles?

"- Je sais que dans ce genre de cas, ce sont des paroles de réconfort que l'on voudrait. Etre rassuré en sachant que cela n'arrivera pas. Mais ce serait mentir. Tu n'en avais peut-être pas conscience avant mais comme tu as sauvé des vies grâce à ton vœu, tu en as entraîné d'autres dans ta possible chute. "

Ce n’est pas ça qu'il attend, j'en suis convaincue. Mais autant qu'il sache clairement à quoi s'attendre. Je fixe l'horizon, le regard désolé et une expression un peu lointaine. Il y a des choses auxquelles on ne s'habitue jamais, comme annoncé à une famille la mort d'un de leur proche pour une raison diverse. Dans ce combat, c'est encore pire car combien y a t'il de dégâts collatéraux?

"- Il est difficile de ne pas penser au pire mais pour le moment, les choses se passent plutôt bien pour toi. Peut-être que cela continuera ainsi. "

-"J'ai sauvé 2 personnes que je ne connaissais pas, et qui ne me connaîtront jamais dans cette réalité, tout ça pour mettre en danger des gens que je connais et que j'aimes. Et je suis en train de me demander si je ne devrais pas les exposer encore plus, toujours pour les même raisons... Je ne suis qu'un idiot trop optimiste en fait."

"- Nous sommes Humain malgré tout et nous espérons toujours que le meilleur surpassera le pire. Je suis bien placée pour en parler...."

Combien d'affaires ais-je résolues? Je ne les compte plus depuis des années et pourtant, malgré le nombre de personnes que j'ai mis derrière les barreaux, les trafics stoppés et la justice rendue, le constat est toujours le même. Le nombre de victimes innocentes est éternellement supérieur et de loin. Je sais bien que j'ai les nerfs plus solides que la plupart des hommes même adultes mais j'ai été un peu conditionnée pour. Alors je ne peux pas lui en vouloir de penser ainsi. Même si quelque part cela me fait mal.

-"Au final c'est BlackBird qui a raison en fait, elle ne se pose pas de question quand au sang qu'elle fait couler et au nombre de cadavres qu'elle laisse dans son sillage. Elle ne risque jamais d'avoir ce genre de soucis."

Un instant, je ne dis rien, trop stupéfaite par ses propos. Il n'est pas sérieux, j'espère? Heureusement que j'ai un très bon self contrôle sinon je lui aurait collé mon point dans la figure pour avoir seulement oser dire de telles atrocités. Je respire un grand coup avant de le fixer, le regard dur et froid. Clairement désapprobateur. Et mon ton est tellement tranchant que même Blackbird n'aurait rien à lui envier.

"- Ne t'avise plus jamais de raconter ce genre d'horreur devant moi. Est-ce clair?"

Je serre les poings jusqu'à en avoir les jointures blanches. Lui, devenir un criminel? Et puis quoi encore. Un vulgaire meurtrier? Non, il n'en a pas la carrure, jamais il ne le pourra. La preuve, il doute même de son état de justicier du moment. Mais vu qu'il semble perdu, autant lui remettre tout de suite les idées en place. Je ne sais pas ce que lui a raconté cette fille mais il est hors de question qu'elle le fasse sombrer dans ce genre de réflexions aussi morbides que sordides.

"- Blackbird est une machine de guerre, programmée pour tuer et ce ne sera jamais ton cas. Alors, laisse-la où elle se trouve. Tu vaux bien mieux que cet oiseau de malheur. "

Mon regard est toujours aussi sombre mais je me décrispe un peu. Les visages défilent devant mes yeux, ces gens morts parfois pour une raison stupide, souvent pour pas grand chose voir carrément pour rien. Et leurs bourreaux qui s'en tirent avec simplement de la prison. Et la possibilité d'une second chance pour certains. Oui, la vie est injuste et cruelle mais elle n'est pas que ça. Heureusement, sinon il y aurait longtemps que je me serais moi-même tirée une balle dans la tête. Un soupire profond alors que je termine de reprendre mon calme habituel et une expression neutre.

"- Nous sommes ce que nous sommes, chacun est unique. Alors ne commence pas à chercher à ressembler aux autres. J'ai essayé toute ma vie d'être quelqu'un que je ne suis pas et au final, voilà le résultat. La réalité m'a rattrapé et a gagné haut la main. Et puis, tu n'es pas seul dans ce combat. "

-"je m'excuse, mes paroles ont dépassés ma pensée. Et tu as bien raison, ce n'était pas comme si j'étais capable de devenir comme elle... heureusement d'ailleurs."

"- C'est oublié, ne t'en fait pas."

Menteuse. Je sais parfaitement que je ne suis pas prête d'oublier ses paroles. Simplement parce qu'elles font échos en moi également. S'il y avait bien une chose dont j'étais sure, c'était qu'Aleister n'arriverait jamais à la cheville de l'autre timbrée. Il est trop honnête et intègre pour cela. La preuve, il arrive même à tenir une conversation quasiment banale avec la tête pensante du camps adverse. Pour ça, il mériterait presque des félicitations. Mais au vu de résultat, il aurait mieux fait de se passer de cette discussion. Il était évident qu'elle l'avait ébranlé et sérieusement.

-"Et si je te disais que Manori m’a aussi fait remarqué que si notre contrat implique de combattre les ombres, il ne dit rien concernant l’obligation d’être lié à sa faction ?"

"- Je dirais que cette remarque est toute à son avantage à elle. Diviser pour mieux régner, c'est la plus vieille technique du monde."

Suis-je vraiment objective et impartiale dans ma réponse? Peut-être pas tout à fait. Mais dans le fond, c’est bien ce que je pense. Si elle parviens à fractionner le camp adverse, il n'en sera que plus facile pour ses troupes de nous mettre à genou si un jour une vraie confrontation venait à avoir lieu. Même si je croisais les doigts pour que cela n'arrive que le plus tard possible, soit jamais.

"- Et puis, même si tu t'éloignes, maintenant, elle te connait. Crois-tu vraiment qu'il lui sera difficile de remonter jusqu'à toi ou ta famille? Pas du tout. La seule chose qu'elle gagnera sera de nous rendre plus fragile là où elle aura su rassembler sa propre faction."

J'ai l'impression d'être un général d'armée sur un champs de bataille, en train de créer et de calculer le prix de chaque coup et attaque possible. Mais qui suis-je pour cela? A peine une choisie, rien de plus. Mais par instant, la nuit surtout, lorsque le monde entier semblait dormir en me laissant éveillée, j'avais la sensation d'être devenue toute autre. Et cela n'avait rien à voir avec mon voeu. J'avais une mission mais peut-être que je la prenais trop à cœur, m'oubliant complètement là où Aleister était encore capable de se préoccuper de lui-même.

"- Il n'y a pas de bonne ou de mauvaise solution. Il y aura toujours des avantages et des inconvénients. Au final, ce sera à toi de choisir ce qui te conviendra le mieux. Mais fais bien attention. Car ce que je pourrais comprendre ne sera sans doute pas aussi bien digéré par nos supérieurs."

Oui, si tu veux partir, disparaître même, fais-le. D'ailleurs, c'est maintenant ou jamais. Avant que tu ne sois trop englué dans toute cette histoire pour pouvoir encore être libre de choisir de ton avenir.

-"Tu crois que je ne sais pas de quoi BlackBird ou Tenko sont capables? Je sais pertinemment que la première se ferait une joie de massacrer mes parents, sous mes yeux de préférence, et que la deuxième n’hésiterait pas un instant à faire pareil, simplement pour l’exemple. Mais est-ce que je me crois vraiment capable de rester un bon petit soldat qui obéi aux ordres sans poser de question? Je peux le croire tant qu'on m'envoie combattre des ombres, mais combien de temps avant qu'on me juge assez aguerrit que pour faire couler le sang? Les entraînements à l'arme réelle de BlackBird ne mènent qu'à ça au final, je ne suis pas assez naïf que pour croire le contraire."

Je me retiens de rajouter que si l'envie leur en prenait, pour vraiment faire un exemple, ce serait à n'importe lequel des Seraphs qu'elles demanderaient de réaliser cette sale besogne. Et en priorité à ceux qui le connaissent. Comme moi par exemple. Oui, les scénarios catastrophe, j'en ai vu plus que dans tous les mauvais films réuni alors je ne suis même pas émue davantage que cela. Je le laisse vider son sac, déverser sa colère. Une fois qu'elle sera envolée, il sera un peu plus apte à voir les choses de façon lucide.

"- Etre un soldat ne veut pas dire ne pas se poser des questions. Mais être capable de se les poser au bon moment, cela fais toute la différence pour ta possible survie."

Je ne devrais pas être aussi dure. Mais je ne veux pas avoir à mentir. La réalité n'est pas toute blanche, j'en connais toute la laideur et la cruauté. Aujourd'hui je ne fais que me battre contre une autre forme de criminalité. Mais je n'ai moi-même aucune idée du temps que cela me laissera à vivre. Du moment que Minato est en sécurité, au fond, le reste m'est égal pour l'instant.

-"Tu te souviens la fille qui était avec moi la première fois qu’on s’était vu, dans cette ruelle ? Elle avait juste été piégée dans mon kekkai au final, et pris à parti par l’ombre que je chassais. Elle n’avait rien à voir avec mon jeu d’apparition/disparition… Enfin tout ça pour dire, je l’ai revu par la suite… uniquement pour apprendre de Bey qu’elle était devenue une nephil. Je la connais à peine au final, et pourtant j’ai peur d’un jour la retrouver en tant qu’ennemie, ou simplement qu’elle apprenne que j’ai fait couler le sang d’un des siens."

"- Shane Werner. Du moins, c'était son nom. Et je sais, elle me l'a dit. Depuis ce jour, j'espère que l'adieu de cette soirée sera définitif, bien que je n'y crois guère."

-"Je sais ce que tu vas te dire, mais non, je ne suis pas amoureux d’elle, ni rien du genre. Je n’ai simplement pas envie d’avoir à trancher une vie que j’avais préservé plus tôt."

"- Ce n'est pas mon genre, ce style de remarque. Et de toute façon, tu es libre d'aimer, d'apprécier et de rencontrer qui tu veux. Je ne suis pas un chaperon. Mais je comprends très bien ce que tu veux dire. Moi aussi, il y a des gens pour qui je me bats et que je souhaites ne jamais voir mêlés à tout ça."

Je rapproche mes genoux, resserrant mon étreinte sur mes jambes. Le vent fraîchit tandis que le bleu se teinte de couleurs de plus en plus nocturnes. La nuit n'est pas encore tombée mais elle se devine. Et avec elle, les Ombres vont forcément profiter des ténèbres pour sortir de leurs cachettes. Une nouvelle nuit de veille qui s'annonce. Comme tant d'autres depuis quelques temps. Mon regard tombe sur ma marque, invisible en cet instant tandis que je soupire discrètement.

"- Même si nous sommes censés être ennemis, nous restons similaires. Notre volonté première est de protéger les nôtres, à part peut-être quelques exceptions. Et c'est ce qui fait toute la complexité de cette guerre qui ne manquera pas de nous éclabousser."

Résignée. C'est un peu mon état d'esprit actuel, en effet. Pourtant, je sais que je ne cesserais jamais de me battre, simplement parce que je refuse de me laisser mener par le destin. Je ferais mes choix, je les assumerais et un jour, j'ose y croire, je verrais la fin de tout ceci.

-"Ne pas pouvoir prévenir ses proches de ce qui les menace, à moins de les impliquer là-dedans, je me demande si c'est pour un mieux ou pour un pire au final. J'aimerais que mes parents sachent qu'ils doivent se méfier, et en même temps je ne leur souhaite pas d'avoir à regarder par dessus leur épaule en permanence, simplement parce que leur fils a fait un choix sans en mesurer les conséquences."

Cette question-là, je ne pouvais que la partager. Sauf que de mon côté, le choix était arrêter depuis bien longtemps. Depuis l'instant même ou j'avais commencé à voir se manifester ces créatures étranges pour être précise. En même temps, ma famille est un peu spéciale et du ôté de leur propre protection, je ne crains pas grand chose. Entre militaires, policiers et autres agents secrets, je ne doutais pas qu'ils seraient capable de se débrouiller un moment. Même si un jour, cela risquerait de ne pas suffire malgré tout.

"- Nous faisons tous des erreurs un jour ou l'autre. Le mieux que nous puissions faire, c'est de l'assumer et d'en porter le poids jusqu'au bout."

Je commence à me sentir lasse de cette conversation. Ou plutôt, de toutes ses questions sans réponse. Aleister n'a pas besoin que je le conforte dans ses doutes pourtant, c'est tout ce que je suis capable de faire. Voir, encore pire, d'en rajouter une couche. N'importe qui de normal aurait tenté de le rassurer, de le réconforter mais il faut croire que je suis définitivement à côté de la plaque. Je garde le regard dans le vague, me balançant légèrement comme à la recherche d'une solution miracle que je sais parfaitement ne pas exister.

-"Au final, chacun fait ses choix en espérant ne pas avoir trop de regrets, et arriver à accomplir ses objectifs, que ce soit protéger les siens ou autre. la question au final, c'est juste de savoir combien de temps nous en serons capable, et si nous aurons l'âme en paix au moment de tomber."

"- Tu es bien sinistre ce soir. Pourtant, ce n'est pas toi l'oiseau de mauvais augure, à ce que je sache."

Piètre tentative d'humour mais il est temps d'essayer de désamorcer cette bombe qui risque à tout instant de nous exploser en pleine tronche. A peine un coin de lèvres qui se retrousse mais malgré tout, je ne suis pas d'humeur à rire pour de bon. Moi qui était parti pour prendre l'air et me changer les idées, je crois que c'est raté pour cette fois. Mais je ne suis prête pour autant à me laisser abattre. Alors, je reprends la parole, suite à un regain d'énergie soudain mais discret.

"- La mort est inéluctable. Alors je ne vais pas chercher à l'appeler à moi. Et peu importe le prix à payer, je me battrais en respectant mes propres convictions. Ma mission, je la tiens de Kyu et ce dernier a été très clair: mon devoir est de chasser les Ombres. Le reste, je m'en arrangerais personnellement avec ma conscience. Et si les autres ne sont pas contents, qu'ils aillent au diable. "

-"Un même objectif, des questions similaires, mais tant de réponses et de chemins possible. j'ignore si nos réponses seront les mêmes, mais si possible, à la fin, j'aimerais que l'on arrive à se retrouver à l'arrivée, pour se dire qu'on a réussi, qu'on a vécu sans regrets ni compromissions. Enfin je suis sans doute naïf et un peu trop sentimental de penser ça."

Rien n'est jamais simple, c'est un fait avéré mais pour nos cas, les choses était bien plus compliquées qu'elles n'y paraissaient. Je ne peux qu'approuver ses paroles même si au fond de moi, je préférerais ne pas en arriver à ce jour ou la mort viendra frapper au coin de ma porte. Du moins, pas durant ce combat-là. Je suis égoïste oui, mais je compte bien vivre enfin ma propre vie, sans laisser les autres en décider pour moi. Qu'il s'agisse de ma famille, d'un chat bizarre ou d'une menace invisible.

Naïf, sentimental. Nous le sommes tous. La seule différence c'est qu'il a choisi de le montrer, de laisser cette part de lui-même apparente. Là où moi j'ai tout enfoui pour ne plus être atteinte. Mais en y réfléchissant, n'est-ce pas lui qui a raison, de rester vraiment fidèle à lui-même quoi qu'il arrive? En fait, je crois que je l'envie de pouvoir simplement être celui qu'il souhaite. Avec toutes les difficultés que cela implique.

"- Peu importe la voie que nous choisirons ou les réponses que nous trouverons, elles seront nôtres. Et c'est tout ce qui compte au final. "

C'est ce que je veux croire. C'est ma vision des choses, mon mode de pensée. Des erreurs, j'en ai accumulé un certain nombre mais elles sont aussi ce qui m'a forgée. Sans elles, je ne serais pas la Naoto d'aujourd'hui. Alors, même si cela ne semble pas toujours être le cas, je ne regretterais rien. Rien de ce que j'ai décidé de mon propre chef.

"- Un jour, nous pourrons regarder le passé en face et nous dire que malgré nos égarements, nous avons bien fait. Mais avant ça, il faut écrire le présent et douter de l'avenir. C'est ainsi que va la vie."

Il ne reste plus personne dans le parc alors que le ciel à définitivement perdu ses teintes vives pour aujourd'hui. Demain, le soleil renaîtra, tel un phœnix flamboyant mais pour le moment, ce sont les ténèbres qui tombent, sur mon moral comme sur les lieux. Un jour, peut-être, nous aurons la réponse absolue. Mais pas ce soir. Je me relève tranquillement avant de m'étirer à la manière d'un chat et d'observer le calme apparemment serein des lieux.

"- En attendant que la guerre ne fasse vraiment rage, sachons profiter de ces instants de répit qu'elle nous offre. Tu devrais rentrer chez toi, ta mère risque de s'inquiéter."

-"Si seulement elle pouvait toujours continuer à s’inquiéter pour moi, et continuer à m'attendre... je pense que je serais capable d'oublier à quel point cela m'agace par moment."

Décidément, tu ne connais pas ta chance Aleister. Une mère qui s'inquiète pour toi, guette ton retour et se préoccupe de ton état comme de ton avenir, tu ne peux pas demander. Elle restera ton repère profondément ancré dans la réalité. Et oui, éternellement elle sera derrière toi. Peu importe ce que tu feras, qui tu deviendras et les conséquences de tes choix. Un soupir m'échappe. peut-être que de mon côté, je devrais me décider à faire un effort afin d'enterrer la hache de guerre avec mes propres parents. Après tout, cela fait plus de 2 ans que je ne les ai même pas vu. A peine un courrier, et encore.

-"En tout cas merci d'avoir été là, je pense que j'en avais bien besoin. Et à bientôt j'espère, dans une situation plus joyeuse."

"- A ton service. En cas de soucis, tu sais me trouver ou me joindre. Et n'ai pas de scrupules pour l'horaire, je fais du H24 pour l'agence de toute manière."

Bon, ce n'était pas vrai mais ça, il ne le savait pas. Je lui rend son salut et l'observe s'éloigner. Il est évident qu'il n'est pas aussi soulagé qu'il veut bien le montrer mais je ne peux pas faire plus pour lui. Du moins, pas pour le moment. Chacun à ses secrets et il est évident qu'il a quelque chose sur le cœur. Cependant, face à lui, je ne suis pas donc mon rôle d détective. Plus dans celui d'amie, ou de quelque chose s'en approchant.

Je finis par me mettre en route à mon tour, prenant la sortie sud du parc. De là, je me dirige vers un restaurant japonais qui ne paie pas de mine, blotti entre un fast-food et une grand surface. Mais le gérant me connait bien et déjà, il vient me serrer la main et m'accompagner à une table en fond de la petite salle. Oui Takeshi, ça fait longtemps. Allez, change-moi les idées à ta façon. Parle-moi du japon tiens, ce pays qui m'est étranger tout en étant le mien malgré tout. Fais-moi oublier la réalité le temps d'un repas et après, tout reprendra son cours. Comme d'habitude.

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