Je regarde à nouveau les deux billets dans ma main, hésitante. Cette inauguration, je devais y aller avec Minato mais ce dernier est parti en urgence à l'étranger pour deux semaines, à cause d'un complément d'enquête falsifié par un service quelconque mais sur une affaire importante à laquelle il avait participé. Du coup, je ne savais plus trop quoi faire. Seule, cela ne m'intéressait pas vraiment. Mais mon regard s'était posé sur la peluche Stitch, qu'Arsen avait élevé au rang de nouveau panier.

Et forcément, je repense à lui dans la foulée. A cette soirée qui s'était finalement, bien moins mal passée que je ne l'aurais cru. Oui bon, je ne suis pas très objective, c'est vrai. Elle s'était très bien passé mais malgré tout, je n'étais pas certaine de moi. Après tout, je n'avais pas de réelle raison de lui proposer de venir. Et puis, il avait du travail, sans aucun doute. Pourtant, j'ai déjà saisi le stylo et je griffonne un mot rapide.

Monsieur le Voleur,

En raison du mauvais comportement dont mes collègues ont fait preuve à votre égard, il est de mon devoir de réparer cette injustice. Ne pouvant guère faire plus que ce que je n'ai déjà fait auprès de ces derniers, veuillez accepter cette invitation comme gage de ma bonne foi et en guise d'excuse pour ces imbéciles.

Libre à vous de refuser. Dans tous les cas, vous serez libre de faire ce que vous souhaitez de cette invitation dès l'instant où vous l'aurez reçu.

En vous souhaitant bonne réception de ce courrier.
Votre "soit-disant" Princesse

Dans une enveloppe, je glisse le mot dont je ne suis que moyennement satisfaite en compagnie d'un billet privilégié pour assister à l'inauguration du nouveau bassin à requins de l'Aquarium. Oui, requins, Sharks, c'est un heureux hasard. Sauf que je ne crois plus à ce dernier depuis longtemps. Mais bon, comme de toute façon j'avais réservé ma journée du mercredi pour cela, autant ne pas la gâcher. L'enveloppe cachetée, je la descends à Melle Betsy qui se chargera de l'envoyer dès que le bureau de poste sera ouvert.

Maintenant, je n'ai plus qu'à me remettre sérieusement au travail. Et à attendre sa réponse.

A peine ais-je vu le colis dans les mains de la secrétaire qu'un sourire débile est venu se coller sur mon visage, que je peine à dissimuler. Avant même d'avoir ouvert le paquet, je me doute de ce qu'il contient et je'ai deviné la réponse de mon interlocuteur. Je laisse Melle Betsy retourner à ses devoirs tandis que je découvre ma nouvelle tenue. Beaucoup plus voyante que celle de la dernière fois. Mais toujours longue et légère, accompagnée avec goûts des accessoires nécessaires. Décidément, il ne laisse rien au hasard.

Le jour J enfin arrivé, je prends le temps de m'habiller. Comme la dernière fois, j'ai besoin de plusieurs instants pour réussir à me reconnaître dans cette tenu mais cela me parait malgré tout moins compliqué que la dernière fois. Et puis, il n'y a pas de collier à attacher, cela me facilite les choses. Je termine de mettre mon porte feuille, mon portable et mes clefs dans un petit sac en bandoulière avant de confier la maison à Arsen après un dernier câlin. Et non, ne me fais pas ses yeux-là, je ne compte pas te fournir en peluche à chacune de mes sorties.

Je verrouille mon appartement avant de descendre au rez de chaussée ou je croise Melle Betsy. oups, j'avais oublié ce détail. Et à en croire son regard, elle a du mal à en croire ses yeux. Et la voilà qui commence à me complimenter comme une folle sur ma tenue, mon bon goût et toutes ses choses là. Je la remercie, plus gênée qu'autre chose avant de réaliser qu'elle me parle comme à une parfaite inconnue. Pire, la voilà qui me sous-entend que je suis... la petite amie de jeune détective Shirogane. Pour le coup, je manque un battement de cœur avant d'entendre frapper à la porte.

Ouf, sauvée par le gong. Oui, j'avais fait exprès de descendre un peu plus tôt, pour ne pas être en retard, comme la dernière fois. Aussi, je salue la secrétaire avant de lui annoncer que cette visite est pour moi et que je comptais pas la déranger plus longtemps. J'ouvre la porte et sur le seuil je peux l'entendre me lancer joyeusement.

Passez une journée, Mademoiselle. Revenez quand vous vous voulez. Je serais ravie de vous revoir. A très bientôt j'espère.

Je referme rapidement derrière moi après l'avoir remerciée en vitesse. Evidemment, David qui est juste devant moi à tout entendu. Et comme je me suis dépêchée de sortir, je suis quasiment collée à lui du coup. Je recule donc de deux pas, prenant une grande respiration pour me calmer. J'ai les joues un peu rouges mais, alors que je vais pour le saluer, je commence à me mettre à rire un peu bêtement. Non, sa remarque, je ne m'en remets pas.

Elle ne m'a... même pas reconnue... Elle croit que... je suis... la copine de... Moi-même...  

Et là, j'éclate de rire, purement et simplement. Celle-là,on me l'aurais raconté, je n'y aurais jamais crue. J'espère juste que David ne m'en voudra pas car pour le coup, j'ai un peu laissé la politesse au vestiaire, je ne l'ai même pas encore salué.

Tu ne t'habilles vraiment jamais comme ça ? C'est dommage ! Tu es ravissante ! Ou je suis jaloux du détective Shirogane! Affreusement jaloux! 

"- La seule robe que j'avais porté avant de te connaitre était un yukata et vu comment la soirée avait tourné cette fois-ci aussi, je n'avais clairement pas envie de recommencer." 

Certes cela avait été bien moins pire que cette nuit au Jackal mais si physiquement je m'en étais sorti indemne, je crois que j'en avais ris un sérieux coup mentalement malgré tout. Je peinais toujours à réaliser le sale coup que ma Famille avait essayé de me jouer à ce moment. Enfin, je parviens à retrouver mon calme, amusée par les paroles de David. Lui, être jaloux? De moi en lus? Oui, je trouva la situation assez cocasse. En tout cas, ça lui va bien, de rire.

Nous y allons?

"- Oui, bien sur. Désolée pour arrivée un peu brusque mais sinon, je crois que la secrétaire ne m'aurais jamais lâché." 

Je le suis tranquillement tandis que nous nous dirigeons vers sa voiture. Nous ne sommes pas en retard, l'inauguration officielle n'est prévue qu'à midi mais autant y être avant pour éviter la foule et profiter des lieux en même temps. Et puis, 10h, c’est visiblement une heure qui lui réussit. Même si la dernière fois, c'était de nuit.

"- J'ai appris que tu avais rencontré le 'petit nouveau' du service. Je ne sais pas ce que tu lui as fait mais visiblement, il ne porte pas dans son cœur. Même 3 jours après, il ne parlait que de toi. Le Monsieur gueule d'ange, qu'il te surnomme. " 

Oui, j'aurais eu du trouver des tas de sujets de conversation autre que celui-là mais quelque part, je le trouvais important. Peut-être parce que, au fond, je m'inquiétais aussi un peu. L'autre type semblait avoir la main leste et le coup puissant alors, même si David ne semblait pas blessé, je préférais m'en assurer malgré tout. Même si j'aurais dû le faire avant, on dit bien mieux vaut tard que jamais.

 Je suis flatté de tant d'attention de sa part. Il ira loin, celui-là.

Il est évident que sa remarque est un peu acide. Oui, j'aurais franchement pu trouver autre chose pour lancer la conversation mais j'avoue que je ne suis pas douée. Enfin, tant pis. Au moins j'aurais essayé. Même si je me sens un peu idiote de ne pas arriver à simplement tenir une conversation normale.

Ce n'est que pour ça que tu m'a invité? Moi qui pensais que je te manquais...

Son regard m'arrache un sourire et même léger rire. Oui, il a tellement exagéré les traits qu'il n'est absolument pas convainquant du tout. Mais au moins, il ne semble pas m'en vouloir de ma maladresse préliminaire.

"- Non, il n'y a pas que ça. Je voulais... te remercier aussi. Pour la soirée à Little River. Mais je n'avais pas vraiment d'idées sur comment te rendre la pareille alors.... Quand je suis tombée sur cette histoire de requins, je me suis dit que, peut-être.... Ça pourrait être sympa." 

Au loin, les immenses volumes de l'Aquarium se dessinent en se détachant sur le fond clair et lumineux du ciel. Cela promet une belle journée. En attendant, je garde le regard fixé sur la route, pour ne pas que David ne remarque de trop le rose qui est légèrement monté à mes joues.

"- Et je ne voulais pas... risquer de t'attirer des ennuis... En venant directement à l'armurerie ou autre chose du même genre. " 

 Ce n'est donc pas que pour la garde à vue. J'en suis très heureux! Tant que tu ne décides pas de me mettre dans le bassin des requins pour "faire connaissance"!

"- Ça, tu te débrouilles avec tes congénères. "

Moi, je suis assez régulièrement comparée à une fouine comme ça, je ne tiens pas spécialement à rencontrer ce genre de mammifères pour autant. Même s'il est évident qu'ente un requin et une fouine, il y a une certaine disproportion. Enfin, tout ça pour dire que nos, je ne comptais l'envoyer servir de pâture aux différentes espèces aquatiques que nous croiserons là-bas.

Allons, toi? M'attirer des ennuis? Je ne vois pas de quoi tu parles. Tu es pourtant sur sage et mesurée!

"- C'est ça, moque-toi, va. Tu sais très bien de quoi je parle." 

Et je suis même certaine que tu es sans doute encore plus conscient que moi de tous les ennuis que tout cela pourraient nous attirer, aussi bien à l'un qu'à l'autre. Pourtant, cette fois, c'est bien moi qui ai lancée l'invitation. Et il l'a accepté, ce qui m'a fait réellement plaisir.

"- Je suis comme toutes les princesses: superficielle et complètement inconsciente de la réalités des choses. Et toi, tu es le voleur : celui qui doit se cacher, rester dans l'ombre pour survivre. Avoue qu'il y a mieux comme cou... duo à former. " 

Bon alors déjà, espérer qu'il n'aura pas relever le début de mot qui a manqué de m'échapper. Je crispe un peu les mains sur les pans de ma robe, tandis que je fixe un instant mes pieds. En plus de raconter des âneries, je plombe l'ambiance avec une facilité déconcertante. Je suis définitivement bonne à jeter, c'est officiel. Je me contente de soupirer légèrement, hésitant un peu à m'excuser pour ce que je viens de dire. J'espère que je ne l'aurais pas blessé avec mes paroles.

Joli lapsus. Il ne me dérange pas, cela dit. 

Alors là, je passe carrément à la couleur tomate. En même temps, je sens bien que mon sourire s'installe doucement sur mon visage. C'est idiot, complètement même, mais bon, je crois qu'on ne me refera plus à présent. Et puis, il va bien falloir que je me fasse à cette idée. Oui, nous sommes un peu plus qu'un duo, même si je ne pense pas que le mot 'couple' puisse vraiment être utilisé dans notre cas.

Tu n'as pas à te sentir gênée, Princesse. Après tout tu es... "superficielle et complètement inconsciente de la réalité des choses". N'est-ce pas? Tant que caché dans mon ombre, je peux te voir, ça me convient.

"- Tu as l'art de retourner mes propres paroles contre moi, je vais devoir me méfier davantage. Quand aux Ombres, il vaut mieux y prendre garde. Et puis, pour le moment, tu n'as pas à te cacher et moi non plus. Alors, autant en profiter." 

Oui, j'étais sincère. Nous ne nous étions pas cachée à Little River, pourquoi le ferions-nous cette fois? Certes, il s'agissait du plein jour, il y aurait du monde mais personne ne risquait de me reconnaître. Et puis, je crois qu'au fond, les autres, je m'en fichais un peu. Depuis cette fameuse nuit et ce contrat signé, j'avais de plus en plus de mal à supporter de ne devoir faire que me cacher moi aussi, à ma façon.

Une fois arrivés et garés, nous sortons de la voiture avant de jeter un œil sur le bâtiment devant nous. Un bord du mur est est complètement caché sous un épais drap alors qu'une queue immense s'est déjà formée devant les guichets. Pour le coup, j'avoue être surprise, je ne m'attendais à voir tant de monde présent.

"- Eh bien, heureusement que nous avons ds tickets prioritaires. Je ne souviens pas avoir jamais vus autant de monde massé en un seul endroit." 

Et l'effervescence est palpable, le brouhaha nous parvenant jusqu'ici, encore léger cependant. Eh bien, il y aurait du monde pour cette inauguration. A croire que les requins fascinent autant qu'ils inquiètent, pensais-je en fixant un instant mon compagnon de sortie.

J'ai cru comprendre qu'ils avaient un spécimen particulièrement impressionnant de requin baleine. J'espère que nous pourrons le voir aussi.

J’espère aussi, ce spécimen est très rare et j’avoue que pour en avoir vu quelques vidéos sur le net, j’ai toujours trouvé sa façon de nager étonnement gracieuse pour un animal de cette caractère. Ce sont là les mystères de la nature, rendre un requin de plus de 12 m plus agile que certains poissons de quelques centimètres seulement.

'Mademoiselle'.

"- Monsieur."

Je lui réponds dans un français quasi parfait, sans accent, avec un joli sourire. Oui, je suis assez fière de moi sur ce coup-là. Bon, il ne faudrait pas qu’il me demande des conversations entières dans cette langue mais je me débrouille correctement. Mon bras venu prendre le sien, une révérence en remerciement à la sienne et nous terminons le chemin qui nous conduit jusqu’à l’entrée de l’Aquarium.

Arrivés au guichet, nous prenons une file un peu excentrée et quasiment vide tandis que la foule se tasse aux entrées traditionnelles. Déjà, nous pénétrons dans un hall immense dont le fond est recouvert d’une gigantesque tenture rouge pour le moment, séparé du chemin par des barrières de sécurité. Pas besoin d’être un génie pour savoir ce qui se passera là-bas.

"- Il nous reste une bonne heure et demi avant que l’inauguration officielle ne commence. Tu veux commencer par faire un petit tour en attendant? Tu as le choix : les petits poissons tropicaux sur la droite ou les habitants des eaux douces de l’autre côté. Les plus gros, ce sera pour la fin.
A moins que tu n'ais une autre idée."

Commençons par les poissons d'eau douce. J'apprendrai sans doute beaucoup de choses.

"- C’est parti dans ce cas."

Je vais sans doute moi aussi en apprendre énormément car je dois bien avouer que les poissons sont loin d’être mon sujet de prédilection. Personnellement, j’ai toujours préférés les oiseaux. Je les ai si souvent enviés pour cette liberté dont ils jouissaient une fois perdus dans les airs, leurs ailes déployés. Mais finalement, les poissons sont un peu pareils. Une fois dans leur milieu naturel, rien ne les arrête. Il n’y a que moi qui suis réellement bloqué dans ce monde, perdus entre des origines et une situation ma foi de plus en plus bancales avec le temps.

Les premiers bassins sont déjà devant nous, remplis de spécimens de tailles corrects, de couleurs diverses et variées mais restant encore assez discrets. Les panneaux d’informations sont de vraies mines d’or pour les novices que nous sommes et je m’amuse à repérer certains poissons un peu plus cachés, moins présents que d’autres. Par instants, je m’imagine ce qu’ils pourraient bien nous raconter si leurs bouches ouvertes laissaient échapper des sons audibles à nos oreilles.

"- Et dire que pour eux, ce doit être nous qui sommes en cage derrière ses vitres immenses. Dans un sens, je me demande s’ils n’ont pas le meilleur rôle. Après tout, ils ne réalisent pas qu’ils sont enfermés, ils ont tout ce dont ils ont besoin et même plus. "

Pourtant, même avec le nez quasiment collé sur une vitre pour rechercher un étrange poisson clown habillé du même costume que les frères Dalton, je n’arrive pas à les envier réellement. Non, je ne pourrais jamais me satisfaire de ne pas savoir.

"- Avec tes amis d’internat, tu n’as jamais fait ça? Pêcher, quand tu étais plus jeune ? Il parait que c’est très relaxant mais personnellement, je ne pense pas que j’aurais la patience nécessaire."

Ils ont sans doute tout ce qu'il leur faut. Mais on n'est pas sûr de leur ignorance. Ils doivent bien se douter que ces vitres ne sont pas une limite naturelle.

Je ne peux m’empêcher de me demander si, malgré ce silence qui est tellement caractéristique de ses animaux, ils ne seraient pas conscients de la présence des Ombres et même de certaines choses nous dépassant, nous simples êtres humains. Après tout, ce n’est pas parce que l’on se tait que l’on ne sait rien. Mais ce ne sera pas aujourd’hui que je percerais ce secret-là.

Cela t'étonne? J'ai beau être un requin, je ne suis pas pêcheur, non. J'avoue que pêcher n'est pas un sport qui nous attirait, à l'internat. Mettre une ligne et attendre qu'un poisson s'y piège, ça manque un peu d'intérêt, même si ça dois être reposant. Nous avions déjà pas mal d'heures de sports, mais nous préférions nous amuser hors de l'école, dans Paris.

Tu as déjà eu l'occasion de te rendre à Paris? Ou en France?

"- Oui, une fois.
Nous étions partis avec mon frère et ma mère, pour se mettre en sécurité suite à une affaire qui tournait mal. J’y suis restée 7 mois, à Paris même. J’avais 7 ou 8 ans à l’époque. C’est là que j’ai appris un peu à parlé la langue. J’aime bien ces sonorités mais c’est assez compliqué à apprendre, surtout toute seule."

Je ne me souvenais pas énormément de ce que j’avais fait là-bas par contre. Et puis, nous étions surveillés, nous ne pouvions pas nous promener comme nous le voulions. Dans un sens, je crois que je m’étais sentie encore plus en cage dans ce pays que n’importe où ailleurs. Pourtant, j’en gardais de superbes souvenirs. Des couleurs et des sons variés et divers qui quelque part, me faisaient penser à la fête de Little River.

"- Je crois que j’aimerais bien y retourner un jour, juste pour moi. Pas pour une enquête ni pour fuir quoi que ce soit. Cela me changerais un peu. Et puis, je pourrais voir si reconnais encore certaines choses ou pas du tout. "

Les petits aquariums commençaient à céder la place à d’autres, un peu plus imposant, tandis que la foule commençait aussi à se faire un peu plus présente. Mais ce n’était pas encore l’affluence, de nombreux curieux devaient encore faire la queue pour pouvoir venir eux aussi profiter de l’inauguration à venir.

"- Mais avant de retourner en France, j’aimerais au moins une fois pouvoir me rendre au Japon. Car même si je suis née sur le sol américain, je reste originaire de là-bas. Et je crois qu’avec le temps, cela me manque, de ne rien connaitre de mes origines.

Qui sait, peut-être que ce voyage m’aiderait également à faire un point définitif sur mon identité. Même si depuis la signature de mon contrat, les choses avaient clairement évoluées, je sentais bien qu’il me manquait encore quelques billes pour être réellement moi-même, pleine et entière.

Le Japon va donc un jour récupérer l'un de ses joyaux? Tu iras avec ton frère?

Je reste silencieuse un moment, mon regard perdu sur deux poissons semblables et pourtant si différents en même temps. En voilà une question que je me posais. Je m'arrête une seconde de marcher, mes doigts glissants sur une surface vitrée, attirant les poissons par la même occasion auprès des reflets de mes mains.

"- Père a déjà prévu de l'y emmener prochainement. Après tout, il est l'Homme de la Famille, l'Héritier de notre nom. Alors, je doute qu'il soit tenté d'y retourner par la suite, même en ma compagnie. Cela lui ferait prendre trop de temps sur son travail. "

Un brin d'amertume au fond de la gorge. Oui, j'avais l'impression que sur ce coup-là, encore une fois, ils se débrouillaient pour me faire clairement ressentir ma différence. Comme si je l'avais choisie. Ma naissance ne leur a jamais convenu, je le sais bien, mais malgré tout, je crois que j'espérais toujours être reconnue comme une des leurs. Officiellement.

"- Je lui souhaite seulement de ne pas avoir à subir le même genre de surprise que l'on m'avait réservé lors de la dernière réception organisée au domicile familial.... "

Je quitte le bassin, abandonnant les poissons qui m'observe avec une certaine curiosité, avant de me remettre en marche. Je me force à sourire légèrement en direction de David, pas très convaincue, mais je n'ai pas envie de gâcher l'ambiance. Je suis déjà bien assez douée pour ça sans avoir besoin d'en rajouter.

"- Désolée, je ne devrais pas m'attarder là-dessus; Nos histoires de famille n'ont rien d'intéressant."

Mh, je dirais que sans savoir de quoi il s'agit, je ne peux pas vraiment juger. Néanmoins, je suis attentif, si tu souhaites en parler. Et pour l'avoir à maintes reprises prouvé au poste de police, je serais muet comme une carpe!
J'ai même des témoins, regarde!

Sur le coup, je ne retiens pas le léger rire qui monte dans ma gorge. Est-ce lui qui imite les poissons ou les carpes qui le singent depuis leur bassin juste derrière son dos ? Je crois que je ne le saurais jamais. En tout cas, on sourire est tout de suite plus vrai après ce petit spectacle improvisé. Pour ce qui est du silence, je lui fais confiance. Disons plutôt que je crois que j’ai un peu honte de ce qu’il s’est passé ce soir-là, même si au fond, je n’y suis absolument pour rien.

"- Disons que j’ai quitté les lieux de façon… relativement peu discrète. Pour ne pas dire que j’ai manqué de faire un scandale devant plus de 300 invités."

Je fixe les carpes de l’autre côté de la vitre, qui finissent par reprendre leurs ondulations alors que de mon côté, je parcours rapidement le panneau informatif avant de reprendre la parole. Je tente de prendre un air détaché et serein mais il est évident que ce n’est pas vraiment très réussi. A croire que devant lui, je ne peux faire semblant de rien.

"- Tu ne vas sans doute pas me croire de toute façon mais… Mes parents ont eu la brillante idée de me présenter… Mon futur Epoux… Enfin, celui qu’ils avaient choisis comme correspondant le plus aux besoins de la Famille, pour être plus précis."

Je ne peux masquer une moue de dégoût mais j’espère que la douleur, elle, ne s’est pas vue. La sensation d’avoir été trahie, la vérité affrontée de n’être considérée par les siens que comme une chose, une vulgaire monnaie d’échange m’avait fait voir rouge, moi qui suis pourtant si fière de mon sang-froid. Peinée et déçue, je ne parvenais toujours pas réellement à digérer ces évènements et c’est en lui en parlant que j’en prenais douloureusement conscience. Je n’étais pas prête à leur pardonner cet affront-là.

"- Il faut croire que même sur un autre continent, les traditions ancestrales ont la vie dure. "

Est-ce qu'il correspondait le plus à tes propres besoins? à tes envies, aussi? Il aura surtout la responsabilité de te rendre heureuse, après tout.

Me rendre heureuse ? Je hausse ostensiblement les épaules vant de soupirer. Pour un peu, j’en aurais craché par terre si je ne m’étais pas trouvé dans un si bel endroit. Je savais pertinemment que mon propre intérêt n’était jamais entré en ligne de compte dans toute cette histoire et ce n’était pas pour rien que j’avais osé les défier en public, avec pertes et fracas.

Pardon. C'est peut-être déplacé. Je sais que certains parents peuvent faire ou demander des choses... difficiles à leurs enfants. Parfois même des choses cruelles. Mais...
Connaissant ton caractère, t'imposer quelque chose, même si on pense bien faire, c'est clairement impossible! Tu es une femme de volonté. Ou il faut ruser!

"- Disons qu’après leur avoir fausser compagnie, je ne me suis pas gêner à mon retour pour leur exprimer plus calmement mais très clairement ma position sur le sujet. Et le prétendant n’ayant pas apprécié mon ‘insubordination’, je l’ai invité à se chercher quelqu’un d’autre. Ce qu'il s'est empressé de faire."

Bon, la discussion avait été particulièrement houleuse, je savais bien que de grands liens étaient destinés à se nouer par le biais de ce genre d’arrangement mais je les refusais. Et la loi américaine me donnant raison, ils avaient finis par céder. J’étais dans mon bon droit et je ne comptais certainement pas leur faire le moindre cadeau.

"- Enfin, maintenant que cette affaire est réglée, disons que mes relations avec ma Famille ne s’en trouvent guère améliorées. "

Les bassins forment à présent un tunnel dans lequel évoluent gracieusement des mammifères et des poissons de tailles moyennes. Nous quittons les eaux douces pour celles plus variées à présent de l’eau de mer et ce sont les raies que nous pouvons observer voler, les tortues et leur flegme légendaire avancer sans ciller en compagnie d’autres camarades tels que les poissons lions ou encore des murènes et anguilles.

Mais si tu n'as plus de prétendant, c'est à mon avantage ! Mais je dois respecter une minute de silence pour le pauvre diable qui a fui mon joli dragon bleu.

Le joli dragon bleu, hein ? Sachant qu’il m’a offert une robe rouge, j’hésite à lui faire la remarque sur le fait qu’il doit être un brin daltonien mais déjà, le voilà qui se met à rire tout seul. Une seconde, l’observe les alentours mais ne trouve rien qui puisse avoir provoqué ce fou rire. Et ce dernier étant contagieux, je commence moi aussi à rire légèrement. Non mais sérieusement, nous devons ressembler à deux ados perdus au milieu des poissons, ça promet.

"- Je ne sais pas ce que tu as été imaginer et je ne veux pas le savoir. Mais si on ne se calme pas, on va finir par être mis dehors… pour tapage sonore envers les habitants des lieux."

Oui, si même moi je me mets à faire de l’humour, c’est que finalement, l’ambiance reste très légère malgré le sujet qui lui ne l’était nullement. Enfin, je suis plutôt contente, je préfère ça. Nous continuons à parcourir le tunnel qui finit par débouchés sur les bassins les plus imposants. Il y a aussi bien des petits cétacés que de gros poissons et autres reptiles. Alligators et Gavials côtoient comme voisins de bassins des Lamantins ou encore des Éléphants de Mer.

A côté, des otaries et des phoques nous divertissent de petits spectacles éphémères, au gré de leurs envies alors qu’un coin arctique nous présente un peu plus loin sur la droite, pour les plus courageux, une collection de pingouins et autres manchots. Cette dernière zone est assez récente et ouverte au public depuis peu, comme un avant gout du bassin géant réservé aux plus grands prédateurs marins de tous les temps.

"- On tente un tour du côté des Inuits, pour se rafraichir les idées?"

Je suis partant! Les alligators ne m'ont pas l'air très sympathiques.

Est-ce une impression ou quelque chose le gênerait-il dans ce coin ? Il n’a pas tout à fait l’air aussi à l’aise qu’auparavant. Du coup, je ralentis un peu l’allure, l’observant avec plus d’attention. Il ne s’est rien passé de particulier pourtant. Peut-être que ce n’est que moi qui me fait des films. Avec tous ses bassins, les couleurs un peu vertes et bleus ainsi que les reflets aqueux lui donneraient presque un peu l’air malade.

"- Tu es certain que ça va ? N’hésite pas à me le dire, s’il y a un souci. On peut toujours sortir."

Après tout, avec tous ses tunnels et ses mètres cubes d’eau autour de nous, il y aurait de quoi être claustrophobe à la longue. En attendant, je m’avance dans la zone dite polaire. Et même sans avoir fini de passer le sas, je peux sentir que la température est fortement descendue, un grand frisson me parcourant l’échine.

"- J’espère que tu apprécieras les pingouins, je ne pense pas que je m’amuserais à m’aventurer trop souvent en leur compagnie."

Ils me paraissent plus sympathiques, oui. En tout cas, ils ne nous regardent pas comme un menu ambulant.

En effet, c’est une chose que l’on ne peut pas leur enlever. Ces drôles de majordomes sans réelles plumes semblent bien plus contents de partager leur espace avec nous que les reptiles un peu avant. En tout cas, j’apprécie la présence du châle qui parait sortir comme par magie du sac de David pour venir se poser sur mes épaules et me permettre de ne pas avoir trop froid. Je le remercie d’un sourire, m’enroulant un peu dedans, alors qu’il semble aller mieux à présent. Tant mieux.

"- Décidément, tu es très prévoyant. A croire que tu prévois toujours tout. Cela t’arrive t’il encore d’être surpris, parfois ? "

Finalement oui, c’est une question que je me pose vraiment. Même la première fois, lors de cette fâcheuse nuit qui a tourné au cauchemar, quand j’y repensais après coup, il me paraissait évident que lui aussi dans son genre, avait déjà tout programmé. Sa vie aussi, l’avait-il déjà écrite d’une certaine façon ? Je sors de mes réflexions lorsqu’un remous un peu proche fait soudain apparaitre la tête d’un manchot juste sous mes yeux.

"- Salut toi. On ne va t’embêter longtemps, rassure-toi. On ne fait que passer."

Disons que j'apprécie bien m'occuper de ce qui m'est confié. Il faut dire que j'ai nettement moi de responsabilités que toi ou ton frère. Le peu que j'ai, autant qu'elles soient bien faites.
Mais tu es l'exemple parfait des surprise qu'il m'arrive parfois de trouver.

Moi, une surprise ? Vraiment ? Plutôt mauvaise dans ce cas. Au moins un peu. Enfin, peut-être pas. Au fond je ne savais pas trop. Disons que son compliment me touchait, je n’étais pas habituée à ce genre de paroles à mon égard mais je ne pouvais m’ôter de l’esprit qu’objectivement, un peu tout était contre nous malgré tout. Nos origines, nos familles, nos métiers, nos nature même également. Mais mon regard et mon attention se reportent rapidement sur le bassin ou l’animal répondit à mas mots par un cri étrange, digne de ceux de son espèce.

Restez poli, jeune homme, vous êtes en élégante compagnie.

Le pingouin semblerait presque comprendre, s’inclinant avec ses nageoires en plongeant un peu d’abord en fixant David puis dans ma direction. Je le trouverais presque sympathique, ce tas de plumes en noir et blanc. Et déjà, il repart rejoindre ses compagnons après avoir barboté joyeusement devant nous encore quelques instants.

"- Je ne savais pas que tu parlais pingouin. Je n’avais pas cette option dans mon cursus. C’est spécifique à la France ?"

Oui, je le taquine un peu. Ce sera pour toutes les fois ou c’est lui qui se joue gentiment de moi. Chacun son tour comme on dit. Nous continuons à nous promener dans la zone arctique qui porte décidément bien son nom. Visiblement, peu de gens se sentent attirer par le froid de l’endroit, nous n’avons croisé encore personne ici. Du coup, j’en profite pour observer davantage et au calme ses drôles de spécimens, très à l’aise dans l’eau et un peu moins gracieux sur la glace.

"- Je sais que je dois rester assimilée aux flics quelque part mais… Tu ne parles vraiment jamais de toi ? A personne ?"

Je ne veux pas le forcer mais forcément, tout cela me trotte un peu dans la tête. Je reste Détective malgré tout, sans doute une forme de déformation professionnelle. Je lui souris, un peu gênée cependant par ma question. Après tout, qui suis-je pour lui demander cela ?

A force de jouer moi-même au pingouin devant mes clients, j'ai appris un peu de vocabulaire, oui.

Encore une fois, je le trouve assez négatif vis-à-vis de lui-même. Mais j’ai l’impression que c’est dans sa nature, de ne chercher à trop prendre les choses au sérieux. Peut-être aussi pour ne pas risquer de trop souffrir dans un sens. Car tant que l’on ne s’intéresse pas en profondeur aux gens ou aux choses, on ne s’y sent pas lié, et ces dernières n’ont que peu de répercussions sur nous. Finalement, je devrais peut-être faire comme lui et me détacher de tout ce qui m’a toujours enchainé.

Ça n'est surtout pas un sujet très intéressant, je dois dire.

Mais ça me fait plaisir que tu t'intéresses à moi. Aussi, et même si tu es "assimilée aux flics", je veux bien répondre à tes questions. Non, je ne parle jamais de moi à personne. Si on me connait, c'est en général pour ma boutique ou mon clan. Souvent ça suffit bien aux gens.

"- Et cela te suffit ? De n’être rien de plus qu’un membre de ce clan ou le gérant de ta boutique ? Tu n’as jamais souhaité plus, même si ce n’était pas forcément possible ?"

Je n’ai pas vraiment réfléchi mais une fois de plus, je mesure l’immensité du fossé qui nous sépare. Il n’y a vraiment pas le moindre point en commun entre nos deux existences, nos modes de vies ou encore nos personnalités. Ou si, il y a un point commun flagrant entre nous : le rapport aux autres. Cette façon que nous avons chacun de rester loin de tous, pas forcément pour les meilleures raisons qui soient.

"- Enfin, ne te sens pas obligé de répondre. Ma question est un peu déplacée, je m’en excuse."

Malgré le châle, je frissonne à nouveau, avançant lentement devant les vitres ou les pingouins laissent place aux manchots qui affectionnent visiblement les mêmes pirouettes aquatiques. Nous approchons du sas de sortie de la zone arctique tandis que l’heure tourne toujours, l’inauguration approchant à grands pas.

Il serait difficile de t'expliquer. Mais... Je ne cherche pas vraiment à me mettre en avant. Ce n'est pas ma place. Je ne crains pas de prendre des risques, forcément, j'en ai déjà pris. Mais je me démène toujours mieux pour les autres que pour moi-même. J'obéis mieux que je ne commande.

Pour les risques, j’avais remarqué en effet. Lors de cette fameuse nuit, il n’avait pas hésité à braver même les Hommes de Nikanor pour me venir en aide. Et finalement, la définition qu’il me donnait collait plutôt bien avec ce que j’avais pu voir. Se démener mieux pour les autres que pour soi. Mais ce n’était pas une vie. Il ne serait pas heureux en se contentant de n’être qu’une Ombre. Quoique, peut-être que si. Après tout, je n’étais personne pour le juger et au fond, moins aussi j’obéissais plus que je ne commandais. Alors, je n’avais rien à dire à ce sujet.

Mais j'ai déjà souhaité plus, si. Et ça n'est pas forcément possible.

Nos regards se croisent avant qu’il ne le détourne pour revenir au bassin. J’attends encore quelques instants avant de faire de même. J’avais l’impression de pouvoir le comprendre sans arriver à saisir réellement la portée de ses paroles. A ce jeu là, nous étions relativement égaux : dire des choses sans en laisser trop deviner. Juste assez pour ne pas avoir besoin d’en dire plus tout en attisant malgré tout une certaine forme de curiosité chez ceux qui savait comprendre ce langage.

"- Et bien, j’espère que tu arriveras quand même à réaliser ton souhait. Mais désolée, je n’ai pas de génie à t’offrir pour t’aider sur cette voie."

Je ne peux m'empêcher de rougir légèrement mais finalement, cette chaleur là serait presque la bienvenue vu le froid ambiant. J’essaye également de prendre les choses plus à la légère tandis que nous terminons de longer les bassins avant d’arriver devant le sas de sortie. Rien que le passage de la première porte nous fait ressentir le changement de température qui s’annonce de l’autre côté. Et le brouhaha perceptible est également un bon indicateur de la foule présente aujourd’hui.

"- Finalement, nous étions bien tranquille avec pingouins. J’espère que tu es prêt pour un bain de foule, je sens que nous ne pourrons pas y échapper."

Le génie ne sera pas utile.

Ma princesse est bien que je souhaite le plus.

Bien que légèrement surprise par son geste, je me laisse faire sans chercher pour autant à mettre fin à cet instant. Là où mes joues étaient déjà assez colorées, cette fois elles ont du revenir à du rouge bien prononcé. Son sourire est contagieux et même si je baisse un peu la tête, ça ne dissimulera nullement l’expression un peu idiote qui s’est peinte sur mon visage. Pour le coup, je n’aurais même plus envie de quitter la zone arctique.

Et déjà la porte passée, nous pouvons nous confronter à la masse qui s’est littéralement agglutinée aux portiques d’entrée menant aux futurs bassins à requins encore recouverts de leur tissu épais.

Je propose un repli stratégique, le temps que la foule passe. On aura tout le loisir d'en profiter une fois les impatients passés.

"- Je vote pour. De toute façon, il reste encore un peu de temps et avec nos billets, nous n’aurons aucun mal pour avoir des places intéressantes."

Du coup, nous prenons le chemin en sens inverse, revenant vers l’entrée de l’Aquarium. Les enfants et les parents, les vieux et les jeunes, tout le monde semble heureux et très excité par cette future inauguration. Pourtant, plus je vois du monde, plus je m’inquiète. Il suffirait de si peu pour que tout tourne mal. Avec tant de monde au même endroit, une étincelle et le feu pourrait aussitôt tout enflammer. Non, je ne dois pas penser ainsi. Arrêter d’être négative et profiter de cette journée.

"- En attendant, que veux-tu faire? Après tout, tu en as peut-être assez des poissons. Remarque, eux aussi respectent la loi du silence."

Ils la respecteront d'autant plus que tout le monde est là, il ne doit plus y avoir un chat dans les galeries des Tropiques. Allons-y!

Visiblement, cette partie de l’Aquarium doit être la plus ancienne car c’est aussi celle qui est la mieux agencée et la plus élaborée. En entrant dans cette partie des lieux, un panneau nous indique les diverses petites activités mise en place durant le parcours proposé au milieu des bassins tropicaux. Et je suis agréablement surprise par leur nombre. Il y a des gens qui ont du bien s’amuser à mettre tout ça en place.

A peine entrés, c’est le labyrinthe qui s’offre à nous en premier, me rappelant vaguement une certaine Maison du Rire durant la foire de Little River. Ici, pas de miroirs déformants, juste des bassins et des vitres aux reflets bleus et verts accompagnés des mouvements fluides et tranquilles des poissons colorés. Je souris simplement, appréciant ce décor avant de me mettre à trottiner, au premier coin de bassin rencontré.

"- Et si je deviens un poisson parmi les autres, sauras-tu me retrouver ?"

Et ni une ni deux, je fausse compagnie à mon Prince charmant du moment avec un léger rire. Les allées sont vides, tout le monde se masse pour ne rien rater de l’inauguration alors autant en profiter. Et puis, parviendrais-je à le semer ne serait-ce qu’un peu ou pas ?

Il suffit de rechercher le plus gracieux.

C’est ça. Parle autant que tu veux. Cette fois, tes paroles ne suffiront à te faire me rattraper. Oui, c’est complètement idiot comme réflexion et c’est pourtant bien celle que je me fais. En j’aurais l’avantage d’être dissimulée lorsque que je rougirais cette fois au moins. En tout cas, hors de question de lui faciliter la tâche. Après, il me suffit de rester à l’écoute de ses pas pour essayer de demeurer le plus à l’opposé possible de ces derniers. Je l’aperçois à plusieurs reprises, sans que lui ne me voit pour autant, au travers des vitres des bassins, déformé légèrement par les reflets aqueux.

"- Alors, te donnerais-je du fil à retordre ? Pourtant, il parait que les requins ne lâchent jamais leur proie…."

Pour le coup, on pourrait presque dire que je fais la sirène de mon côté, m’amusant à le guider ou plutôt à le perdre, au son de ma voix. Non, je ne chanterais pas, je n’en ai pas la prétention mais l’idée me fait sourire. Je continue de me promener dans les allées, allant et venant en cherchant à rester au mieux dans le dos de David. Même si moi aussi, je me fais régulièrement avoir par ce fichu labyrinthe.

Pour une si belle prise, je suis prêt à prendre le temps qu'il faudra.

En parlant de temps, je n’ai plus la moindre idée de celui depuis lequel nous sommes là. Comme si tout s’était arrêté. Au milieu des poissons, le monde me semble différent, simplement bercé par le roulis des vagues, les clapotis de l’eau ainsi que les bruits de nos pas, à David et à moi, sur lesquels je tente de me caler. Je me sens bien par ici. Calme et sereine. A tel point que j’en oublie quelques instants le but premier de mon jeu, relâchant mon attention, ce qui permets à David de venir me surprendre, une fois de plus.

Je crois que le requin a retrouvé sa jolie sirène. A-t-il le droit à sa récompense?[/font]

"- Je ne souviens pas avoir promis quoi que ce soit ? Et puis, quel genre de récompense une simple sirène pourrait offrir à un requin ?"

Je n’ai pas bougé, mon visage ayant seulement tourné pour venir capter le regard de David au dessus de mon épaule. Son souffle chaud est agréable sur ma peau et son sourire même un peu moqueur lui va bien. Je termine de me retourner pour lui faire face, hésitant encore une seconde avant de venir déposer mes lèvres sur les siennes. Furtivement et légèrement d’abord, se faisant un peu plus tendre les quelques secondes qu’il s’éternisa avant de laisser le rouge demeurer sur mes joues une fois le baiser terminé.

C'est une sublime récompense, à la hauteur de ma sirène. Je vois que tu as des talents cachés. Il me tarde de les découvrir, davantage.

Quelque part, moi aussi j’ai ma récompense. Le voir ainsi rougir me fait sourire encore davantage. Pour une fois, je ne suis pas la seule à être légèrement gênée et dans un sens, cela me permets aussi de prendre ma revanche sur ce jeu qui s’est instaurée entre nous. Et qui risque de ne devenir que plus dangereux à mesure que le temps passe. Nos regards se soutiennent, aucun ne voulant céder le premier

On continue?

"- C’est une idée intéressante. "

Pourtant, je ne fais rien tout de suite. Je reste simplement là, perdue entre les allées des poissons tropicaux, aux côtés de David. Et finalement, après une énième hésitation, je finis par me décaler légèrement, faisant un pas en avant de me retourner vers lui.

"- La sortie est par là. Tu viens ?"

Je tends la main dans sa direction, un peu gênée mais malgré tout souriante. Jusqu’à maintenant, c’était toujours lui qui était venu me chercher, si je puis les choses ainsi alors, c’était un peu mon tour. Même si ce n’était pas vraiment naturel pour moi. Mais pour une fois, j’avais envie d’essayer quelque chose. Juste pour moi.

Je ne te quitte pas.

Sa remarque me fait plaisir, vraiment. Pour le coup, je n’ai pas que les joues qui chauffent, mon cœur aussi, je le sens battre un peu plus fort mais je ne dis rien de tout cela, me contentant de garder sa main dans la mienne avec peut-être un tout petit peu plus de pression que nécessaire.

Une fois le labyrinthe quitté, nous atterrissons dans une grande salle circulaire au milieu de laquelle se trouve un immense bassin ouvert et peu profond. Tout autour, des panneaux avec les différentes races de poissons présents. Tous inoffensifs malgré pour certains leurs apparences peu agréables et plutôt mêmes inquiétantes.

"- Ca alors, on est vraiment autorisé à toucher les poissons ? Je me demande s’ils vont se laisser faire. "

Et évidemment, déjà, je m’approche, venant d’abord juste tremper le bout des doigts dans l’eau chaude et salée avant de regarder le défilé des poissons juste dessous. Un instant, je tente de caresser le premier poisson qui s’approche vers mes doigts et de sursauter un peu son contact. Je ne m’attendais pas à ce genre de sensation, à la fois léger, froid, doux et un peu râpeux. Je rigole un peu avant de me tourner vers David.

"- Tu devrais essayer, c’est rigolo. Je serais curieuse de savoir si le requin peut aussi bien dompter les petits poissons que les soi-disant sirènes."

Mh, je vais sans doute les faire fuir.

"- Il n’y a pas de raison. Et puis, tant que tu n’as pas essayé, tu ne peux pas savoir. "

Bon, ce ne sont peut-être pas les meilleurs mots mais c’est ma façon à moi de l’encourager. Et déjà, sa main vient rejoindre la mienne dans le bassin. Au départ, les poissons reculent, le temps de s’habituer à cette présence nouvelle et différente mais ils ne leur faut pas plus de quelques secondes pour revenir vers nous, la curiosité étant sans doute plus grande chez eux que la peur. Ils ont bien raison, dans leur élément, nous serions incapables de leur faire le moindre mal.

Ils doivent me prendre pour une anémone.
Ils ne sont pas sauvages. Tu as raison, c'est rigolo.

"- Je trouve aussi. "

De petits spécimens s’amusent à nager au plus vite contre notre peau, passant d’une main à une autre comme le long d’un terrain de jeu nouveau. Certains s’attardent sur uns phalange ou un ongle, curieux. Il y en a même un qui semble un peu têtu. Il veut à tout prix aller droit devant et mon doigt le gênant, il essaye de le faire bouger en le cognant tel un bélier, ce qui ne produit guère plus que des chatouilles contre ma main.

"- En plus, l’eau est drôlement bonne. Ca donnerait presque envie d’aller les rejoindre."

Et sans lui laisser le temps de réagir, je l’éclabousse légèrement en souriant jusqu’aux oreilles. Je me doute qu’il ne se laissera pas faire mais au moins, je l’aurais eu la première.