Ce SMS, je ne m'y étais pas attendue. J'avoue que sur le coup, j'avais un peu hésité à accepter. Surtout en raison des dernières révélations qui venaient de me tomber dessus. Mais au final, je n'avais rien à craindre de lui. S'il y avait bien une personne chez les Seraph à qui je pouvais me confier, cela ne pouvait être que lui.

Et puis, j'avais encore des vêtement à lui rendre. Ceux que sa mère m'avait prêté après son sauvetage, il y avait environ un mois. Si j'avais fini par trouver le pull presque sympathique, le pantalon ne m'irait de toute façon bientôt plus alors autant qu'il les récupère, pour une future véritable petite amie. D'ailleurs, il avait évoqué ce sujet. Cette fois, j'aurais le temps de le questionner dessus, ou de m'en servir pour détourner son attention au besoin.

Le jour J, je me suis rendue à pied depuis l'agence jusqu'au lieu de notre rendez-vous. Le jardin des Demoiselles. Je n'y suis guère venue souvent, je crois même que cela sera une première pour moi. Enfin arrivée, je termine la sucette que je mâchouille depuis que je suis partie, jetant le bâton dans la poubelle de l'entrée avant de me mettre à la recherche d'Aleister, que je ne tarde pas à repérer. Les cheveux roux sur le vert du gazon, ça se voit de loin.

"- Bonjour Aleister. Tu as bonne mine, je trouve. Pas de nouvelle catastrophe depuis la dernière fois? "

-« Aussi étonnant que cela puisse paraitre, rien de grave. En revanche pour la mine tu dois bien être la première à me le dire, il parait que je ne vais pas assez souvent au soleil. Enfin tu connais ma mère. »

"- Je commence, un peu. Tiens d'ailleurs, tout ça est à elle. Je n'ai pas trouvé le temps avant de te les rendre alors comme ça, ce sera fait. "

J'imite Aleister qui s’assoit sur l'herbe, à côté d'un panier qui a l'air de contenir assez de victuailles pour soutenir un siège. Sans doute encore un coup de maman Chase, ça. Cela me fait doucement sourire. Je n'imagine vraiment pas mes parents agir de la sorte et je crois que si cela leur arrivait, j'en aurais plus peur qu'autre chose.

-« Et toi comment ça va ? Pas trop de soucis depuis la dernière fois ? »

"- J'ai eu pas mal de boulot et peu de temps pour souffler mais sinon, je pense pouvoir dire que ça va. "

Voilà, pas la peine de commencer à tout déballer non plus. Après tout, je ne suis pas venue ici pour ça non plus. Avant tout, je suis présente pour prendre de ses nouvelles, de lui et de sa famille. Ensuite, pour partager un pique-nique, un des rares de mon existence. Et puis, c'est l'occasion pour moi de prendre un peu l'air, cela ne pourra pas me faire de mal.

"- Comment se portent tes parents? Ils se sont bien remis depuis la dernière fois ou je les ai vus? "

-« Je rendrai ça à ma mère pas de soucis, mais tu es sur qu’elle voulait les récupérer ? »

"- Absolument. Ils sont pour ta future petite amie. Enfin, pour une vraie fille, pas pour moi, voyons. "

Non, je ne me moque pas vraiment. Mais je lui montre bien que sa confidence de la dernière fois n'est pas tombée dans l'oreille d'un sourd. Un très léger sourire s'esquisse sur mes lèvres tandis que j'observe Aleister qui même s'il a plutôt l’air calme, me parait un brin soucieux. oui, on ne perds pas les bonnes vieilles habitudes. Et j'ai toujours la sale manie de tout observer et analyser. Ce qui ne risque pas de s'améliorer dans les mois à venir.

-« Ça va ils vont bien. Ma mère ai mis quelques jours à bien se remettre de sa blessure et du reste, mais elle est vite redevenue… comme elle est.
D’ailleurs en parlant d’aller bien… elle a insisté pour que je prenne ça, je pense que c’est sa façon à elle de te remercier une fois de plus… en nous rendant obèse, hum… »

"- Ça alors, où a t'elle trouvé le temps de préparer tout ça? C'est impressionnant! "

-« Bon, on commence par quoi ? »

Pour le coup, je suis incapable de répondre. J'ai tellement perdue l'habitude de manger depuis que je suis devenue une Seraph que de voir tout cela me laisse sans voix. Même si tout est extrêmement appétissant, au fond, je n'ai absolument pas faim aussi je crains que toute ce travail qu'elle s'est donné ne finisse à la poubelle. Mais en même temps, comme il faut que je mange, autant que cela soit des choses aussi agréables aux yeux qu'ils le seront aux papilles.

"- Eh bien, je sais la complexité de la cuisine japonaise alors si elle a prit le temps de confectionné tout cela pour nous, je m'en voudrais de ne pas faire honneur à sa cuisine."

Et puis, je suis curieuse. Personnellement, je n'ai jamais été très douée en cuisine, un domaine où Minato excellait par contre. En plus, il y a une éternité que je n'ai pas dégusté de nourriture de mon pays natal alors son attention me touche, sincèrement. Je viens donc saisir un des sushis les plus à ma portée avant de croquer dedans et de prendre le temps de l'apprécier. Hum, il est vraiment délicieux. Ça ne vaut peut-être pas les plus grands restaurants nippons mais ceux-la, ils sont faits pour moi. Et ce simple détail change tout.

"- Tu devrais lui conseiller d'ouvrir un restaurant. C'est une excellente cuisinière, je suis persuadée que les clients feraient la queue depuis le bout de la rue au moins rien que pour avoir la chance de goûter à ses plats. "

-« Hum, bien essayé mais je ne la vois pas trop porter ça. »

Il ne nie pas. Et le rouges qui est monté en flèche me fait échapper un clin d'oeil à son attention. C'est ça tiens. Ce sourire, je le connais maintenant alors tu ne me la fera pas à moi. Mais pour le moment, je ne lui en demanderais pas plus. Après tout, le simple fait qu'il est change de couleur en utilisant ce simple mot me prouve tout ce que je voulais savoir. Et comme nous sommes venus pour discuter, j'attendrais un peu pour ramener ce sujet sur le tapis.

-« C’est ma mère, quand elle veut le temps, elle le trouve.
Elle nous gâte en tout cas, c’est pas tous les jours qu’elle fait ça. »

Est-ce que, moi aussi, je finirais par me mettre à la cuisine et préparer des piques-niques de ce genre? C'est étrange mais je ne parviens pas à m'imaginer ainsi. Oui, je le sais à présent, je vais avoir une famille. Une vraie, à moi. Mais je ne me vois vraiment pas mère, encore moins comme Annabel. Mais en tout cas, c'est aussi beau pour les yeux que bon pour les papilles.

-« Crois-moi, c’est pas faute de lui avoir déjà dit, mais apparemment elle aime trop malmener ses élèves que pour passer à autre chose, va savoir pourquoi. »

"- Quand on aime réellement ce que l'on fait, il est difficile de se voir faire autre chose. Là-dessus, je la comprends tout à fait. "

N'était-ce pas d'ailleurs justement un de mes problèmes actuels? Je ne pourrais pas rester Privé, c'était une évidence. Et même après ma grossesse. J'aurais des jumeaux à m'occuper, je ne pourrais plus passer ma vie, nuits et jours, à courir après des bandits et des voyous divers et variés, sous les coups de feux et les possibles coup de couteaux que j'ai toujours affronté. Je picore une nouveau sushi, un peu pensive à présent. Que de questions, si peu de réponses encore pour un avenir qui ne m'attendra pas.

"- Tu crois que je pourrais passer voir ta mère un de ces jours? Après ce qu'elle a vécu, je comprendrais qu'elle ne veuille plus trop me croiser. La première fois qu'on s'est vu, c'est toi qui était à l’hôpital et la dernière fois, c'était elle qui se faisait enlevée alors je préfère demander. "

Oui, voilà. Autant commencer doucement. Il comprendrait sans doute que je m'inquiétais quand même un peu pour sa mère. Après ce qu'il lui était arrivé, les victimes de ce genre de kidnapping avaient toujours des séquelles alors peut-être qu'en parler lui ferait un peu de bien. Et puis, moi aussi, j'avais des questions à lui poser. Auxquelles elle seule pourrait répondre. Des histoires de filles. Ou de femmes mêmes....

-« Oui pas de soucis, je ne pense pas qu’elle serait contre de te revoir, au contraire. En fait j’ai l’impression qu’elle aussi s’inquiète un peu pour toi, et je ne crois pas qu’elle serait du genre à t’en vouloir de quoi que ce soit tu sais. Tu veux que je la prévienne que tu reviens avec moi, ou je te donne son numéro de portable et vous vous arrangez ? »

"- Ce soir, j'ai déjà des choses de prévues alors il sera plus pratique que je l'appelle. Mais préviens-là juste que tu m'as donné son numéro, qu'elle ne se fasse pas de soucis pour rien."

-« Au fait tu t’es trompé sur un point : la première fois qu’elle t’as vu, tu étais encore à ces yeux ce charmant Naoto, mon camarade de cours d’économie. »

"- C'est vrai, tu as raison. C'était toi qui ne m'appréciais pas vraiment à l'époque d'ailleurs. Apparemment, cela a bien changé depuis le temps..."

Et ce n'était pas la seule chose qui avait changé. En tout cas, dans mon cas. Oui, j'avais un mal de chien depuis quelques jours à penser à autre chose qu'à ce que j'avais appris avec l'enquête sur Stanley Klee. Heureusement que j'étais déjà Seraph car je crois que j'en aurais perdu le sommeil, bien que je somnole régulièrement. Je continue de piocher dans le panier pique-nique, venant attraper un mini sandwich que je dégustais avec appétit.

"- Sinon, comment ça va, toi? Je veux dire, tes études avancent bien malgré ton double job?"

Je ne fais pas clairement allusion à Brook mais après ce qu'il s'était passé à ce moment-là, je me doutais que lui aussi ne devait pas le vivre très bien. Cependant, je ne voulais pas gâcher non plus cette simple discussion par ma maladresse habituelle, bien que je sois persuadée que tôt ou tard, c'est ce que je ferais, que je le veuille ou non.  

-« D’accord, je ferai passer le message.
Je ne te voyais pas comme je te voyais maintenant on va dire. »

Il était vrai qu'à l'époque, notre relation n'était absolument pas dans les mêmes tons. J'avais des soupçons plus que poussés sur lui, voulant des précisions sur les chats et ces étranges pouvoirs que j'avais vu se manifester et à propos de ces Ombres qu'il fallait combattre. Ce temps me semble venir d'une éternité alors qu'en fait, il n'est pas si lointain que cela. Comme le temps passe vite, cela en presque effrayant quelque part.

-« Avec l’insomnie naturelle ça va, c’est assez tranquille, je trouve du temps pour tout. Enfin tranquille on se comprend, il y a toujours les ombres et la prudence à avoir, mais je survis. Et toi, tu arrives à composer. Tu arrives à… rencontrer des gens ? »

"- Disons que je ne sors pas vraiment pour le plaisir mais j'arrive encore à rencontrer des gens. Heureusement car dans mon milieu, sans contacts extérieurs ni un bon carnet d'adresse, tu ne peux pas faire grand chose."

Je termine mon sandwich avant de prendre cette fois-ci un morceau de cake. Je n'ai pas forcément envie de manger mais je trouve cela très agréable au final et mon estomac semble m'en réclamer davantage. Sans doute les deux petits monstres qui découvrent les joies de la nourriture et qui essaient d'en profiter un maximum. Pour une fois que je me nourris convenablement.

"- Je suis les entrées et les départs au QG, les nouvelles annonces et tout ce qu'il semble étrange au sujet des Ombres ou des Nephils mais je ne suis pas la plus active ds chasseuses. J'ai eu pas mal de boulot ces derniers temps. Et quelques soucis à régler également."

-« Là tu triches Naoto, je t’ai parlé d’Alexis de mon côté.
Désolé, oublie ce que j’ai dit, je n’aurais pas dû demander, ce ne sont pas mes affaires. »

Ainsi donc, elle s'appelle Alexis. Voilà une donnée que je n'avais pas encore. Mais rassure-toi, je ne ferais pas de recherche à ce sujet-là. Par contre, je tique un peu malgré tout sur la première remarque qu'il a formulé. Je triche? Mais à quel sujet? Je lui aurais bien posé la question mais il à déjà détourné le regard, visiblement gêné par ce qu'il vient de dire. J'aurais donc dû lui parler de quelque chose au moment de la disparition de sa mère? Non, je ne vois vraiment pas.

-« Je doute que quelqu’un te reproche ton manque d’activité, après les révélations de l’autre bestiole, y en quelques-uns qui doivent passer plus de temps à réfléchir qu’à chasser, que ce soit les ombres ou les nephils… »

"- Sans doute. Et puis, j'ai eu mon quota de morts, personnellement, pour un certain temps alors, j'en profite pour lever un peu le pied. "

-« Pour les soucis, je présume que je ne peux pas vraiment t’aider… »

"- Non, pas vraiment..."

Je reste un instant le regard perdu dans le vague, un morceau de cake entre le dents, grignotant sans même m'en rendre compte. Je ne pourrais pas le lui cacher indéfiniment. Il faut que ce soit moi qui le lui dise. Mais comment? Cela me semble encore tellement énorme, même à moi. Je viens entouré mes genoux de mes bras, les ayant remontés devant ma poitrine, comme une protection de plus offerte à ce ventre que j'ai peur de porter.

"- Si je te confie un secret, tu me promets de le garder? Et tu accepterais de ne pas m'en vouloir?"

-« Tu ne devrais même pas avoir à poser la question Naoto. Tu sais que je ne révélerai jamais tes secrets, et je ne m’imagine pas pouvoir t’en vouloir pour quoi que ce soit. »

Je sens sa main se poser sur mon épaule et une seconde je voudrais sourire. Mais mon expression est plus un mélange entre une grimace et une gêne réelle. Je sais, je te crois. Mais tu ne réalises pas encore la portée de ce que je vais t'apprendre. Moi-même, je crois que j'en ai pas encore toute la conscience qu'il me faudrait. Je reprends un morceau du premier truc qui me passe sous la main du panier de pique-nique, me remettant à mâchouiller discrètement mais un peu nerveusement. Allez, c'est maintenant ou jamais.

"- Je suis... enceinte..."

Je reste complètement recroquevillée sur moi-même, aussi inquiète de sa réaction qu'en manque de souffle d'avoir réussi à articuler ces mots. Il est le premier au courant. La seule personne au courant mise à part David, le Doc' et moi-même. C'est dire la confiance que je lui porte. Mais au fond, je le fais aussi un peu pour moi. Pour m'assurer de son amitié et espérer qu'il demeure mon allié malgré ce qui va suivre. Car ceci n'est que le début de mes révélations. Je relève le regard vers lui, les yeux un brin brillants, attendant sa réaction avec une certaine appréhension.

Le silence qui tombe après ma déclaration me fait un instant douter de ma décision. Et si finalement, ce n'était pas le bon choix, de le lui dire? Après tout, nous nous connaissions en tant que Seraphs, comme amis aussi mais ce n'était pas vraiment quelque chose de longue date. Sauf que j'avais beau tourner les choses dans mon esprit, il était la seule personne à mes yeux sur qui je pouvais réellement compter, autant dans le monde des Seraphs que du côté des humains. Et j'aurais fort besoin de son soutien, malheureusement, je n'en doutais pas.

Son visage semble comme son esprit, complètement bloqué durant un temps. Sans doute ais-je dû avoir une réaction similaire lorsque je l'ai moi-même appris mais cela ne me fais nullement rire. Je sens l'angoisse grimper, encore plus lorsqu'il déplace le panier. Il veut partir? Non, il ne sourirait pas ainsi. Ah, il a changé d'expression, ça y est. je le fixe, encore inquiète tandis que ses mots résonnent enfin, brisant le silence devenu lourd entre nous même s'il n'avait duré en réalité que quelques instants.

-« Félicitations Naoto, je crois que c’est de rigueur. Bravo pour ce petit bout qui pousse.  »

"- En fait... il n'y en a pas qu'un.... Ils sont deux pour être exacte..."

Je le laisse me faire la bise bien que ce geste me surprenne. Je sais que c'est une démonstration souvent d'affection pour les gens mais du coup, je n'y suis pas habituée et ce n'est pas vraiment dans mon éducation. Je souris légèrement, un peu gênée et rougissant légèrement en lui annonçant la suite. Oui, il semblerait que je ne fasse pas les choses à moitié mais ça aussi, ce n'était pas du tout prévu.

Je laisse échapper une larme, soulagée de le savoir heureux pour moi et pas en train de me faire des reproches. J'avais tellement craint de me trouver dans ce genre de situation. Car si lui n'avait pas accepté cette nouvelle, je me serais réellement retrouvée toute seule. Et en ce moment, cette simple idée me terrifiait.

"- Tu es le premier... à le savoir... La seule personne... à qui je peux me confier... sans risques.... Même ma famille.... ne le sait pas"

Je veux qu'il le sache. Que je lui fais confiance mais aussi que ce que je lui dis est extrêmement important pour moi. Il comprendra sans doute mieux ma demande vis à vis de sa mère à présent. Mais aussi, en réalisant le fait que je suis réellement isolée de part mon éducation et la vie que je mène, peut-être acceptera t'il mieux la suite. Car au fond, je ne lui ai dit que le plus facile à entendre pour lui, je le sais pertinemment.

-« Hé ben, on peut dire que tu as l’art de faire les choses à fond toi, 2 du premier coup, carrément ? »

"- Ça n'a.. rien de drôle...."

Pourtant, je souris avec lui et en viendrais même à rigoler doucement. Je me détends légèrement, desserrant l'étreinte de mes bras sur mes jambes mais sans les lâcher pour autant. Et je remarque son regard en direction de mon ventre. oui, on n'y voit que du feu. Mais pour combien de temps encore? Visiblement, c'est une question de semaines, voir de jours.

-« Je suppose qu’il est trop tôt pour savoir si ça va être des petites demoiselles ou des petits monsieur ? »

"- D'ici 3 mois, ça devrait être possible.... Ce sera... mon cadeau de Noël..."

-« Je n’ai pas la moindre idée de ce que j’ai pu faire pour mériter une telle confiance mais… merci, vraiment merci. Ta confiance me touche… »

Je le laisse m'enlacer, un peu surprise malgré tout de son geste mais appréciant son contact. Ce n’est pas comme avec David mais lui aussi, sa présence me rassure. Parce que je sais qu'il me dit la vérité, qu'il ne me trahira pas. Et que j'ai besoin de savoir que quelque part, je possède un véritable allié. Il ne se rends pas compte qu'au final, je suis aussi touchée que lui. Mais peu importe, je sais qu'il me reste encore le plus dur à lui avouer.

"- Mais si je t'ai demandé de ne pas m'en vouloir.... Ce n'est pas pour ça... C'est à cause... du père...
Tu le connais et... Je sais que vous ne vous aimez pas.... Surtout qu'il est... Nephil... "

Le simple fait que le jeune homme relâche son étreinte avant de se reculer, même de quelques centimètres doucement, suffit à me faire comprendre qu'il savait. Il avait deviné. Et son visage qui fixa le vague fit renaître l'angoisse qui couvait déjà, créant une boule dans ma gorge et un poids dans ma poitrine. Et maintenant, qu'allait-il dire? Comment allait-il réagir? Est-ce que finalement, il reviendrait sur ses mots d'un peu plus tôt? Il en aurait le droit après tout.

-« Le papa, ce ne serait pas un certain David Desanges par hasard ? »

"- Si.... "

Son sourire est forcé, je le sais, je le sens. Mais malgré tout, il est resté là. Il n'a pas encore fui. Pourtant, j'ai l'impression qu'il n'attend que ça. Que cela n'est qu'une question de temps. Alors, avant qu'il ne recule davantage et ne s'en aille pour de bon, je reprends la parole, ma voix tremblotant légèrement alors que je me mords la lèvre inférieure, mon regard fixé sur mes pieds.

"- Il n'était pas vraiment partant... Pour que je vienne... Encore moins pour.... que je te le dise...
Mais c'était important pour moi... Alors me voilà... "

Mais le fait de lui faire partager ce secret le mettait lui aussi en danger. Car si je faisais partie de ses amis, quasiment de sa famille humaine et que j'étais belle et bien une camarade de la même faction que lui, en lui faisant cet aveu, il en venait à partager le danger qui planait à présent sur moi. Et qui ne ferait qu'empirer avec les mois à venir.

"- Je suis désolée.... "

-« Au moins il ne t’a pas empêché de venir, il te respecte assez que pour ça. »

Si tu savais comme il a pris sur lui pour me laisser venir. Mais oui, Aleister à raison sur ce point-là. C'est aussi ce qui me fait réaliser à quel point David tient à moi. Il accepte que je révèle ce secret à une personne qu'il déteste purement et simplement. Au fond, j'en viendrais presque à me demander ce que j'ai fait pour mériter autant d'attention et de gentillesse de leur part à tous les deux. Je n'ai pas l'impression d'en être digne, pas en ce moment en tout cas.

-« Désolée de quoi Naoto ? D’avoir pensé à moi ? De me dire que tu me fais confiance ? D’être mon amie ? Je t’ai déjà promis plusieurs fois que je serais là pour toi le jour où tu aurais besoin d’aide, et ce n’était pas des mots en l’air. Ce ne sera jamais des mots en l’air, crois-moi au moins là-dessus. »

Je me blottit contre mon camarade, écoutant ses paroles avec attention, avec comme un poids que je sens m'être ôter des épaules lorsqu'il répond. Même si la réalité ne lui plait pas, il l'accepte. Pour moi. Et son soutien m'est précieux, plus qu'il ne peut l'imaginer. Je souris légèrement, réalisant à quel point j'ai de la chance de posséder un ami comme lui. Pourtant, nous sommes partis de loin. Quand je repense à la première fois où je l'ai croisé, nous en avons fait du chemin, chacun de notre côté comme ensemble.

-« Alors sèche tes larmes ma vieille et souris un peu, sinon tes deux petits choux vont s’inquiéter. »

"- Je suis persuadée que... je leur cause déjà... pas mal de soucis... Si tu veux mon avis.... "

Je parviens à rigoler un peu, mes yeux restant brillants alors que je passe mon bras rapidement dessus pour en chasser un potentiel excédent d'eau salé. Non, je ne vais pleurer, je suis forte. Je dois le devenir encore davantage alors je dois commencer dès aujourd'hui. Alors, je tente de suivre son exemple aussi et de dédramatiser ma situation, reprenant un ton plus léger pour la suite.

"- Et puis, qu'est-ce qui te dis que... ce seront des garçons d'abord?... Prémonition ou simple pari de ta part?..."

Je me doute qu'il ne doit s'agir que d'une simple expression mais je n'ai rien trouvé de mieux pour essayer de relativiser les choses. Mon sourire est un peu bancal encore mais je me sens moins inquiète malgré tout. Il ne m'abandonnera pas. Je pourrais encore compter sur lui. Toujours. Je ne peux pas dire que je suis sereine mais c'est toujours rassurant de savoir qu'on ne sera pas seul pour affronter l'avenir.

"- Remarque, je crois que je préférerais ça... Des filles... Je ne saurais vraiment pas m'en occuper..."

-« Je suis sûr que tu sauras te faire pardonner quand ils seront dans tes bras, et même avant. »

Ça, j'en doute quand même sérieusement. Même le Docteur Tompson à l'air défaitiste à mon sujet. Anémie, ne tiendra pas debout, trop frêle, pas de stress, lui qui me contactera et toute la suite de ses remarques me reviennent en mémoire et me font esquisser une grimace. Non, ce n'est certainement pas comme ça que je pourrais me faire pardonner. Déjà que je ne vais pas leur offrir une vie facile. Oui, même pas encore mère et déjà tant de torts à leur égards, ça promet pour la suite.

-« Des choux ou de petites roses, je ne sais pas en fait. Un de chaque peut-être ?
Enfin si tu contacte ma mère pour ça, elle te souhaitera surtout d’avoir au moins un garçon, histoire de pouvoir te refiler tous mes vêtements de bébé qui trainent encore au grenier. »

Je rigole un peu, imaginant bien Annabel me sortir tout un tas de vêtements en m'expliquant quels moments de la vie de son fils ils représentaient. Mais je ne les accepterais pas même si elle me les offrait. Ils font partis de son passé, de leurs souvenirs communs et ce n'était pas à moi de les avoir en ma possession mais à Aleister de pouvoir les récupérer le jour ou il en aura besoin. Qui sait, cela arrivera surement tôt ou tard.

-« Fille ou garçon, tu seras une excellente mère, n’essaye pas d’imaginer le contraire. »

"- Je n'ai même pas besoin d'essayer..."

Je laisse ma tête tomber un peu contre son épaule. Lui qui sait se montrer tellement noir, négatif et défaitiste à son égard ne semble voir en moi que des qualités. Pourtant, je sais qu'il se trompe. Je ne suis pas faite pour devenir mère. j'en suis même encore morte de trouille et cette pensée fait légèrement remontée les larmes à mes yeux. Je veux, non je dois être forte, mais tout ceci est tellement soudain, imprévu, complètement surréaliste que je n'arrive pas à apprécier cette nouvelle à sa juste valeur.

"- David m'a dit... qu'il était heureux.... Tu as l'air de l'être presque autant que lui... Mais moi... Au fond... J'ai surtout peur... Tout le temps..."

Oui, il fallait que cela sorte aussi. Je ne reviendrais pas sur ma décision même si cette grossesse ne tombait pas au bon moment, même si rien n'était prévu. Mais le résultat me laissait désemparée. Et quelque part, j'avais honte d'avouer cette faiblesse. Car normalement, selon la logique des choses et ce que j'ai déjà pu voir, les femmes enceintes sont censées être heureuses, non? Je le suis quand même, un peu au moins. Mais ce sentiment ne parvient pas à prédominer chez moi.

"- Peur... Pour eux... Pour David qui va vouloir me protéger davantage.... Pour toi car sachant cela, c'est moi qui te mets en danger... Pour moi aussi, un peu... "

-« Aie un peu confiance en toi Naoto. C’est moi qui suis censé être le dépressif de la  bande, pas toi. Et si tu me fait confiance, crois un peu en ce que je te dis, sur ce point-là aussi. »

Je souris légèrement derrière mes larmes. Je ne peux pas nier la justesse de son raisonnement et même si je n'apprécie pas qu'il se qualifie lui-même de dépressif, il est vrai que depuis le temps que nous nous côtoyons, d'habitude, les rôles sont inversés. Et oui, je lui fais confiance. Mais malgré ça, j'ai tellement de mal à croire en moi dès que ça ne concerne plus ce rôle que je me suis toujours donnée.

-« Nous savons, toi encore mieux que moi, que notre monde est un endroit dangereux, sombre, alors je ne te dirai pas de ne pas avoir peur, pas alors que moi aussi j’ai peur pour toi… pas alors que David aussi a sans doute peur pour toi. Mais ne t’en fait pas, on en a déjà vu d’autres, on a toujours réussi. »

Oui, c'est vrai. Malgré le sang, les larmes, la peur et la douleur, nous avons toujours tout surmonté. Que cela soit Aleister, David ou moi, nous n'avons jamais abandonné. C'est peut-être d'ailleurs un des seuls points réellement commun que partagent les deux garçons. Il a raison en parlant de ce monde sombre et dangereux et je suis presque surprise de le voir aussi réaliste. Finalement, ce qui serait vraiment le plus dangereux serait que je n'ai aucune peur. En avoir est logique, même lui le dit, et cette révélation me soulage étrangement.

-« Pense surtout à toi, et à eux. Ce qu’ils voudront c’est voir leur mère sourire, positiver, croire que l’avenir sera beau. Et il le sera, tu fais déjà le maximum pour. » 

"- Je doute que mon maximum suffise mais au moins, j'aurais essayer..."

Bon, je n'en suis pas à sauter de joie au plafond mais au moins, je ne suis plus que dans le négatif. J’essuie les quelques larmes qui perlaient de mes yeux tandis que je me calme un peu. La vague d'angoisse est arrivée, s'est manifestée mais à présent, elle reflue de nouveau. Pour combien de temps, je ne le sais pas mais au moins, pour le moment, je suis un peu plus calme.

"- Merci... d'être mon ami... "

Je souris doucement, presque sereine. Avec des gens comme lui et David pour m'entourer, je n'ai rien à craindre. Ou sans doute bien moins que ce que je pourrais croire. Après, ce sera aussi à moi de me tenir tranquille, de faire attention et d'apprendre à lever le pied. Voilà qui promet d'être compliqué mais je n'ai pas vraiment le choix. J'ai mon choix et je l'assumerais jusqu'au bout. Je me recule légèrement de lui pour le fixer en souriant, un peu maladroitement mais de façon joyeuse.

"- Bon, maintenant que j'ai fait ma crise de "femme enceinte", si on passait à autre chose, qu'en dis-tu?"

-« On essayera tous ma vieille, ne t’en fait pas, et il faudra bien que ça suffise. »

Oui, il faudra bien. Mais cela restait tellement dans le domaine de l'hypothétique, et je ne savais que trop bien ce que cela représentait de penser, d'espérer, de croire, sans jamais ne rien voir se réaliser au final. C'était un peu ça, le drame de ma vie. m'être battue toute mon existence pour au final n'avoir réussi à glané que des miettes que l'on daignait bien me laisser, par dépit. Mais aujourd'hui, la donne avait changé et je ne comptais la laissé virer de nouveau au drame. Pas pour eux.

-« Et c’est toi qui me remercie ? Après tout ce que tu m’as aidé ? C’est moi qui devrait te remercier de ta confiance, de me laisser la possibilité de te renvoyer l’ascenseur non ? »

Je ne crois pas, non. Je t'embarque là dans des problèmes qui ne sont pas les tiens et tu les acceptes avec un sourire tel que j'en crains de ne pas avoir pris la bonne décision. Car je ne veux pas l'entendre me dire la même chose que David. Que s'il l'avait fallu, s'il le fallait un jour, il se sacrifierait pour moi sans la moindre hésitation.

-« T’aurais pas une autre bonne nouvelle en stock à annoncer par hasard, on ne sait jamais ? »

"- Je ne sais pas si c'est vraiment une bonne nouvelle mais... J'ai un peu réfléchis à la situation et... J'en ai conclu que je devrais changer de boulot, au moins pour quelques mois...
Cela devrait te faire plaisir, de savoir que je ne vais plus courir derrière les méchants, non? "

En tout cas, j'en connaissais un qui serait ravie d'apprendre cette décision de ma part. J'avais encore quelques dossiers en cours sur lesquels je planchais ardemment afin de les terminer au plus vite mais depuis cette annonce, je ne prenais plus de nouveau contrats et préparait, lentement mais surement, ma reconversion professionnelle. Après, je ne promettais pas de tenir sage une fois la naissance des bébés passée mais au moins d'ici-là, je ferais des efforts.

"- Tu crois que je peux abuser de la gentillesse de ta mère et revenir piquer dans le panier. Même si moi, je n'ai pas faim, je crois que les deux autres ne sont pas du tout du même avis. "

Je rigole doucement, profitant un peu de ce moment ou la pression semble avoir complètement disparue de mes épaules. Je sais bien que les mois à venir ne seront pas les plus faciles mais malgré toutes mes inquiétudes et mes angoisses, je suis prête à les affronter. Au fond, il n'y a que deux choses que je craigne réellement, profondément, assez pour m'en faire avoir des cauchemars. Perdre les bébés et... La réaction de ma famille. Surtout celle de Minato, que j'évite au mieux depuis quelques temps.

"- Et toi, des nouvelles de ton côté? Tu as fini par te décider sur la voie que tu voulais emprunter?"

Je ne peux pas oublier cette idée qu'il avait eu de devenir un solitaire. Alors, autant lui demander ou il en était de sa réflexion. Je n'aurais sans doute pas l'occasion de sitôt d'en reparler aussi calmement avec lui.

-« J’essaye surtout d’imaginer ce que tu vas faire comme boulot en attendant, même si de fait, ça me rassure un peu de me dire que tu seras à l’abri au moins de ce point de vue-là. »

"- J'ai de bons contacts dans la police et je vais tenter de trouver un poste de bureau là-bas. Après tout, j'ai un diplôme d'informaticienne et l'expérience dans la recherche d'informations alors je devrais pouvoir m'en tirer pas trop mal."

Même s'il fallait bien avouer que cette opportunité ne me satisfaisait guère. Restée bloquée derrière un bureau dépendre d'un chef, recommencer en bas de l'échelle. J'avais l'impression de devoir recommencer tout à zéro alors que j'avais déjà plus que fait mes preuves. Cependant, je n'avais pas d'autre choix que celui de faire des concessions alors je devrais faire avec.

-« Mais non va-y, sers-toi. Si je ne connaissais pas l’art de ma mère de toujours en faire trop à manger, je croirais presque qu’elle savait déjà pour tes deux petits bouts, et qu’elle a prévu le coup. »

"- En tout cas, tout est réellement délicieux."

Je picore un peu de salade avant de reprendre un petit sandwich, variant les goûts sans me soucier aucunement des possibles mélanges de parfums qui pourtant ne doivent pas être très commun. Mais j'apprécie cela. Enfin, je reste concentrée sur les réponses d'Aleister tout en me remettant à manger lentement mais surement un peu tout ce que mes doigts attrapent.

-« M’éloigner du QG et de la faction, avec ce que tu viens de m’annoncer ? Tu espères te débarrasser de moi aussi vite ? Bien essayé.
Bon non j’exagère en fait, j’avais déjà fait mon choix avant de t’entendre. J’ai un peu réfléchit à l’ordre de mes priorités, mais vouloir se tenir loin du conflit ne rime pas à grand-chose en fin de compte, c’est juste une façon de se condamner à l’impuissance. Dommage qu’il m’ai fallu tout ce temps pour le comprendre. »

"- L'important est que tu ai pris ta décision et que tu ne la regrettes pas. Ce sont les remords et les regrets qui nous rongent qui nous font perdre espoir alors s'en séparer est la meilleure chose à faire. Même si c'est plus facile à dire qu'à faire."

Je gardais un très léger sourire mais mon ton était redevenu plus profond, un peu plus sérieux aussi. Oh oui, je savais ce que les regrets pouvait peser comme poids sur les épaules de n'importe qui, il n'en avait pas idée. Et déjà, un visage s'affiche devant mon regard un peu dans le vague, fixant mes pieds alors que ma voix reste faible mais bien audible. Comme demandant un pardon que je savais que je ne pourrais pas avoir car incapable de me l'accorder personnellement.

"- Brook.... Elle le savait... Ces derniers mots à David... C'était pour le lui dire...
C'est à cause de moi... qu'elle est morte...."

Je ne pleure pas, je reste simplement comme choquée de nouveau. Cette révélation est sans doute une des pires que j'ai apprise de ma vie. Elle s'était sacrifiée pour moi, pour quelque chose dont je n'étais même pas encore consciente. Et je ne pourrais jamais la remercier, lui rendre la pareille ni rien. Simplement vivre avec sa mort sur la conscience en espérant ne jamais revoir ce cas de figure se présenter de nouveau.

-« J’espère que le travail de bureau ne rendra pas trop vite dingue en tout cas, il parait que c’est mauvais pour la grossesse. »

"- Qu'est-ce que tu en sais d'abord? T'as déjà été enceinte peut-être?"

-« Je lui passerai le compliment. Malgré ma nature, je dois dire qu’avec ma mère, dur de vraiment s’arrêter  de manger. »

Il est vrai que mon côté, je n'avais jamais été très cuisine alors, avec des repas comme celui-ci, j'avais l'impression de redécouvrir la bonne nourriture. Il allait sans doute falloir que je fasse attention dans les mois à venir à ça aussi. Mais ça faisait tellement de choses à penser. Et les miennes étaient reparties vers Brook, avant de révéler à Aleister ce que j'avais appris très récemment et que je peinais toujours autant à digérer.

-« C’est l’ombre qui l’a tué, tout simplement, ne te torture pas pour ça Naoto.
Et si vraiment elle est morte pour toi, la seule chose à faire c’est de continuer à vivre, de garder le sourire en sa mémoire. Sans l’oublier mais sans la laisser te dévorer. »

"- Tu n'imagines pas... Comme cela à été difficile de l'annoncer à sa famille. Ses parents déjà mais ses frères.... Qui l'attendait pour leurs soins... Ils sont entrés dans leur club de basket mais ils n'ont plus vraiment la même énergie... Chez eux aussi, quelque chose s'est éteint...."

Je reste un instant de plus dans ses bras, fermant les yeux quelques secondes. Je suis désolée Aleister. c'est à toi que je confie tout ça, c'est à présent toi qui partagera ce poids avec moi alors que je voudrais tant continuer à pouvoir te protéger. Car je sais que tu es quelqu'un de bien même si parfois, tu es maladroit. Tu es une personne de confiance et un véritable ami pour moi, ce que je ne pourrais jamais oublié.

"- Encore une fois, c'est moi qui repars sur des sujets désagréables. Décidément, je suis irrécupérables. Mais merci, de m'avoir écouté. "

Oui, ce que je venais de lui avouer, je ne me voyais pas le dire à David. Il avait trop à faire de son côté et puis, je ne voulais pas lui rajouter mes jérémiades en plus. Alors, trouver une épaule compatissante, je crois qu'en fait, c'était ce qu'il me manquait. Cruellement. Je me détache de nouveau d'Aleister, essayant de sourire même si ce dernier n'est qu'infime. Allez, cesse de te lamenter un peu. Tu es une grande fille maintenant, Naoto.

"- Je suis désolée. Tu voulais me voir pour discuter et je ne fais que t'embêter avec mes états d'âmes. Il va falloir que j'arrête un peu. Promis, je me débrouille mais je ne dis plus rien de triste ni de négatif à partir de maintenant. "

-« Crois en eux Naoto, fait confiance au temps. La nouvelle les a fait souffrir, mais ils se relèveront, ils comprendront qu’ils doivent bien ça à leur sœur.
Je me demandais si j’oserais parler de ça, te poser la question… il faut croire que tu m’as entendu, désolé. »

Faire au confiance au temps, cela me paraissait tellement aléatoire comme donnée. Trop même en réalité. Car entre les gangs, les accidents, la vie en elle-même, les Ombres et le reste, combien de chances avaient-ils de réellement avoir le temps de s'en remettre? Enfin, je me contentais de pousser un profond soupir, cherchant à arrêter de ma ronger les sangs sur un sujet contre lequel je ne pouvais strictement rien faire.

-« Et ne t’en fait pas, c’est aussi à ça que ça sert un ami, parler quand ça ne va pas.
N’hésite pas quand ça ne va pas, peu importe du lieu ou de la raison pour laquelle on devait se retrouver, tu ne m’embêtera jamais. »

J'aurais seulement préféré ne pas avoir à t'infliger cela. Car je savais que même si cela te faisais mal, tu ne m'en dirais, tu continuerais à me dire que continuer de te parler et de vider mon sac alors que tu n'en menais pas plus large que moi. Je ne voulais pas devenir un poids pour les autres mais je crois que j'avais été tellement secouée ces derniers temps que malgré tout, j'avais besoin d'aide. Et je n'avais trouvé personne de plus sûr que lui à mes yeux.

-« Mais bon, pour cette fois j’avoue que ce serait sympa de parler d’un truc joyeux. Genre comment va ta boule de poil depuis la dernière fois ? Toujours aussi collante ? »

"- Oh oui, si tu savais. Et je suis persuadée que le bougre savait, ou au moins avait deviné quelque chose pour mon état. Cela faisait bien 15 jours qu'il préférait se lover sur mes genoux et contre mon ventre que dans mes bras."

S'il avait pu parler, est-ce qu'il me l'aurait dit? N'avais-je tout simplement pas su porter assez d'attention à ses yeux profonds et à son regard perçant? Qui sait. Mais on ne m'ôtera pas de l'idée que lui aussi était au courant avant moi.

"- A croire au final que tout le monde le savait sauf moi. Un comble quand même, quand on pense à mon métier. "

Je souris doucement, revenant piocher dans le panier à pique-nique la première chose qui me tombe sous la main. Oui, ça fait du bien de manger même si au fond, je n'en ressens toujours pas le besoin. Le temps reste calme, pas d'Ombres à l'horizon et peu de monde autour de nous, on pourrait presque croire que le temps s'est arrêté, nous offrant un instant de répit bien mérité dans cette guerre que nous menons chaque jour.

"- Selon le toubib, d'ici un mois au mieux, je ne pourrais plus le cacher. Mais je ne m'imagine vraiment pas faire les magasins pour refaire ma garde-robe, encore moins devoir changé complètement d'attitude et d'habitudes. "

-« Lui aussi il a envie de veiller sur tes deux petits on dirait. Sacré boule de poil n’empêche, à croire qu’ils ont vraiment des pouvoirs eux aussi. »

C'était une possibilité en effet. A moins qu'Arsen soit tout simplement un brin observateur et que son ouïe plus fine que celle des humains ne lui ai permise de capter les premiers sons  comme les battements de cœurs des futurs bébés ou quelque chose comme ça. Après, cela ne me gênerait pas qu'il soit magique mais je pense que j'ai assez à faire avec Kyu et Bey, pas besoin d'un chat magique supplémentaire dans le lot.

-« J’ai l’impression que tu as vraiment été prise par surprise à tous les point. Tu ne la voyais pas venir celle-là hein ? »

"- Absolument pas. C'était même bien la dernière chose à laquelle je me serais attendue."

-« Je n’ose imaginer que tu demandes à ma mère de t’aider pour tes achats, mais bon elle est bien capable de t’en parler, et peut-être même de sortir quelques choses à elle. Tu es sur que tu ne veux pas garder le pull rose au final ? »

"- Non, je préfère le lui rendre. Et normalement, elle ne devrait pas me proposer son aide tant qu'elle ne saura pas pour mon état. Je voulais surtout savoir si cela t'ennuierais ou la gênerait que je finisse par venir, si j'avais vraiment besoin des conseils d'une femme à propos de tout cela. Je ne maîtrise vraiment rien autour de ce sujet. "

-« Tu comptes gérer ça comment ? Et pour la famille ? Mon rapport d’après l’épisode du quartier ouest a identifié David Desanges comme un nephil dangereux, et j’ai pu fournir quelques infos sur lui depuis, désolé. »

Je garde un instant le silence, le regard un peu dans le lointain, toujours en train de grignoter sans même faire vraiment attention à ce que je goûte. Je finis par soupirer un instant, me rendant compte qu'au final, là-dessus, je n'ai absolument pas avancé d'un cheveu.

"- Je ne sais pas. Je vais tâcher de me faire un peu oublier, entre autre en trouvant un boulot plus posé. David ne peux même pas m'aider autant qu'il le voudrait, sa propre situation est encore plus complexe que la mienne actuellement.
Et pour le famille, tu es le premier au courant. Je ne compte dire à personne pour le père mais je ne pourrais pas cacher ma grossesse. Alors, je cherche d'abord à m'assurer des alliés. Et je pense éviter au maximum le QG prochainement. Je ne sais pas si l'entrée serait sans danger pour les bébés. Après tout, ils sont Humains eux.... "

-« Moi ça ne pose aucun soucis, et je doute que ça en pose à ma mère. Elle qui se disait qu’avec un fils elle n’aurait jamais ce genre de soucis, je sens qu’elle va rire.
Par contre je présume que du coup tu lui annoncera toi-même, quand tu en auras besoin ? »

"- Je préférerais, en effet. Surtout parce que tant qu'elle ne le sauras pas, ce sera également un risque en moi pour elle. Elle n'a déjà été que trop mêlée à 'nos' histoires comme ça, je ne veux pas risquer d'en rajouter."

Car oui, ce serait également la mettre en danger que de la côtoyer, encore plus durant cette période ou je me trouverais plus vulnérable que jamais. Alors, si je parvenais à tout mener toute seule, je ne lui dirais rien. Pour la préserver au maximum. Même si une fois que les petits seront nés, je doute de pouvoir les lui cacher longtemps. Aleister vendre forcément la mèche et je serais bien obliger de les lui présenter mais à ce moment-là, je serais déjà plus apte à assurer notre protection à tous.

-« J’espère qu’il va trouver moyen de t’aider sur un point, te protéger, et au moins de se faire discret de son côté. Pour les alliés je ne pourrais pas vraiment t’aider, je ne connais un peu mieux qu’une poignée de seraph en dehors de toi, et je ne leur ferais pas confiance aveuglément. Et pour la barrière tu veux que je cherche à me renseigner ? J’ai du mal à croire qu’ils n’aient jamais rencontré le cas avant, des indications doivent bien exister. »

"- Son père est mort, Aleister. Et vu de qui il s'agissait, pour la discrétion, il faudra repasser, au moins dans le monde Humain...."

J'en ai encore moi-même le cœur serré en y repensant. David, le fils de Stanley Klee. Cela avait sans doute la première de toutes les révélations que j'avais dû encaisser de sa part et pas la moindre, car son statut en changeait radicalement. Mais pas mes sentiments à son égard, ni inversement. Enfin, je soupirais avant de reprendre un peu plus calmement, m'étant un peu énervée malgré moi aux paroles d'Aleister l'accusant.

"- Je veux bien que tu te renseignes mais si tu fais cela, des gens vont forcément s'interroger. Et comme à ma connaissance, je suis la seule Seraph enceinte actuellement, n'as-tu pas peur qu'il y ait rapidement des rumeurs qui naissent à notre sujet? "

Au fond, cette idée ne me gênerait pas. Car dans un sens, cela m'offrirais une meilleure protection du côté des Seraphs. Croyant mes enfants d'un père de la même faction que moi, cela ne pourrait qu'être bénéfique pour moi. Je ne veux pas qu'Aleister soit embarqué dans ce genre d'histoire contre son gré. mais comme Déjà plusieurs membres de la faction savent que nous nous côtoyons, cela ne risque que de favoriser l'expansion de ce genre de cancans.

-« Quand je pense qu’il y a encore 2 mois de ça, je t’aurais conseillé de te rapprocher de Jasmine… »

"- Sans cette mission au Hungry Jackals, je n'aurais jamais approché David et sans doute, suite à tes rapports, me serais-je occupée personnellement de son cas. Mais la vie à un bien étrange sens de l'humour et nous ne pouvons rien contre elle. Seulement faire de notre mieux pour continuer à avancer, encore et toujours. "

-« Tu marques un point, je te laisserai faire du coup, tu seras de toute façon plus prudente que moi. Evite juste d’en faire trop d’accord ? »

"- Je vais essayer promis. Mais j'ai l'impression de n'entendre que cela depuis quelques jours. "

Evidemment, l'annonce suivante ainsi que me réaction ont dû le surprendre. Au fond, personne ne savait pour leur lien de parenté jusqu'à présent mais maintenant qu'il allait reprendre les rennes de la compagnie de son père, il serait forcément sous le feu des projecteurs. Alors autant que je le dise, cela lui évitera peut-être une bourde qui risquerait de lui causer de très gros ennuis. Car avec le poids de la Klee's Compagny, les Nephils gagnaient aussi un certain poids dans le monde Humain, un détail à ne pas négliger.

-« Désolé, je ne savais pas.
J’ai bien entendu parler d’une pointure de l’industrie qui est mort récemment, mais ce n’était pas un Desanges, et je ne crois pas qu’il avait de fils prénommé David, alors je fais fausse route, ou tu m’explique ? »

"- David Desanges n'est qu'une partie de son véritable nom. Le voici au complet: David Marc Stanley Desanges Klee.... "

Je ne veux pas avoir à me battre contre lui ni à me mettre en colère contre lui lorsqu'il semble accuser David de ne pas être auprès de moi. Mais rien qu'à me souvenir de son regard lorsqu'il a lu le message sur mon téléphone, je sais très bien qu'il préférerait être avec moi, quitte à m'avoir empêchée de le voir. Mais nous avons tous des responsabilités dépassant notre propre volonté et avec lesquelles nous nous devons de composer, bon gré mal gré.

-« Des rumeurs sur le père, il y en aura dès que ta grossesse se saura je présume, alors quitte à ce que ça cible quelqu’un, autant que ce soit moi plutôt qu’un type du camp d’en face. Je ne vais pas te dire que ça me plaira, au contraire, mais je peux bien supporter ça pour toi si il faut. »

"- Merci... Mais ne prends de risques inutiles pour autant, d'accord?"

Je ne tiens pas à ce qu'il s'affiche non plus comme le père de mes enfants. Il n'a pas besoin de faire une cible parfaite pour les Nephils ou les Seraphs mal intentionnés. Par contre, qu'il accepte de laisser courir la rumeur pour me protéger, cela me suffira amplement. Evidemment, cela ne plaira pas à David mais je saurais trouver les arguments si besoin. Et puis, il est loin d'être stupide, lui aussi comprendra.

-« Et tu vas me dire que sans lui, tu t’en serais sorti dans un état encore pire ? Si j’avais su… »

"- Sans lui, je serais morte. Et même pire..."

Je revoie ce sale type s'approcher de moi, me frapper, je ressens encore ces liens trop serrés sur ma peau, ces regards tandis que j'étais mise aux enchères, son poids lorsqu'il tenta de se servir de moi et je ne peux réprimer un frisson si violent qu'il m'en couperait presque le souffle. J'ai vu de quoi ils avaient été capables et je ne le digérais toujours pas. Non, ne pas penser à cela.

-« Je confirme, la vie a un sacré sens de l’humour. Dommage que l’humour en question fasse tant de dégâts.
Enfin comme tu le dis si bien, on est en vie, alors on peut pas se plaindre. »

"- Ce serait cependant sympathique de sa part de nous laisser le temps de souffler un peu, de temps à autre. "

Je me sens passablement fatiguée pour le coup. Je soupire un grand coup, continuant de picorer plus par réflexe que par faim réelle. Je ne sais pas ce que l'avenir me réserve et je crains que malgré tous mes efforts, ce ne soit de nouveaux les drames qui priment. Mais ce qui m'inquiètent davantage, c'est- à qu'à présent, je ne serais plus la seule touchée, j’entraînerais forcément quelqu'un dans ma chute. Et ça, je ne peux pas me le permettre. Jamais.

"- Au fait, pour rester dans le domaine des sentiments, tu m'en parles un peu? De cette fille qui te plait ? "

Changement de sujet radical mais je crois que tous les deux nous en avons bien besoin. Enfin, cela me permettra au moins de ne pas m'occuper que de mon nombril durant quelques instants. Après tout, entres amis, il était normal de se renseigner. Et puis, il connaissait mes histoires de cœur, j'avais bien le droit d'en apprendre un peu plus sur les siennes, nan?

-« D’accord, quand même…
Il y a pas mal de rumeur qui circulent sur l’héritage du père, et sur la personne qui prendrait le contrôle du groupe. Alors, rassure-moi, tu n’essayes pas de me dire qu’un nephil s’apprête à prendre le contrôle du groupe Klee… n’est-ce pas ? »

"- Il semblerait que si... "

Après, je ne pouvais rien lui dire de plus pour la simple et bonne raison que même moi je n'étais guère davantage au courant. Les affaires des Klee et des Sharks me restaient un monde fermé pour le moment. le serait-il toujours, je n'en savais rien. mais j'y serais forcément mêlée un jour ou l'autre, en raison de mes relations avec David. Enfin, ce n’est pas le moment de penser à cela, j'ai déjà la tête bien assez pleine comme cela.

-« Ne t’en fait pas Naoto, je srai prudent, tu me connais. »

"- Oui, et c'est aussi justement pour cela que je m'inquiète. Tu es un peu comme moi, que tu le veuilles ou non. "

-« Je lui dois plus que je ne le pensais en fait… humour humour… »

Je ne peux pas rater le frisson qui se déclenche chez lui alors que le mien finit par passer. C'est ma faute, à nouveau il se fait du souci pour moi. Décidément, je suis vraiment une bien piètre amie. Cependant, je ne peux rien faire d'autre que d'être moi et de le rester. Alors j'espère simplement que tu m'excuseras pour ma maladresse.

Et ce regard noir qu'il me lance lorsque j'aborde le sujet de sa petite amie, couplé au rouge vif venu coloré ses joues, me fait franchement sourire. Cela ne colle pas ensemble et déjà, il semble se résigner à l'inéluctable. Visiblement, il ne voulait pas en parler mais pour le coup, c'est raté.

-« Si tu me disais ce que tu as déjà compris, ce que tu as échangé avec ma mère à son propos, et ce que tu aimerais savoir exactement ? »

"- Je sais juste ce que tu m'as dit, je n'ai fait aucune recherche supplémentaire, rassure-toi. Et ta mère m'a seulement parlé de ton retour de la bibliothèque, où tu aurais eu un sourire que ne peuvent pas donner les livres, rien de plus. "

Je souris doucement, profitant un peu du fait que l'on parle plus de mon cas pendant quelques instants. Et puis, je suis un peu curieuse aussi, je dois bien l'avouer, même si je n'ai vraiment pas eu le temps avant de lui en parler ni rien. En tout cas, je suis contente pour lui, je suis certaine que cette fille doit être quelqu'un de bien.

"- Quand à ce que je veux savoir, je me satisferais amplement de ce que accepteras de me dire. Tu as aussi le droit d'avoir tes propres secrets, je ne t'en voudrais nullement.
Après, étant ton amie, j'espère seulement que tu auras assez confiance en moi pour me parler de ça aussi, même si il est évident que ce sujet n'est pas celui que je maîtrise le mieux."

Oui, je tente de prendre tout ça avec un ton léger et un brin d'humour sans pour autant me voiler la face. Il faut être réaliste, qu'il me demande de l'aide pour sauver sa mère est plus que logique, qu'il me parle de sa petite amie, ça, c'est bien moins naturel, autant pour lui que pour moi.

« De vendeur d’arme à PDG, sacré progression n’empêche… enfin bon, si il peut se servir de sa puissance pour te protéger, je présume que je ne peux que lui souhaiter du succès… »

Merci Aleister. D'arriver à accepter quelque chose qui te déplaît au plus point. De le faire simplement parce que tu veux m'aider, pour me protéger également à ta manière. Finalement, les chansons et autres citations des anciens sont dans le vrai. Sa véritable famille n'est pas celle qui nous fait naître grandir, liée par le sang, mais bien celle que l'on se choisit et qui nous retient par les liens du coeur.

-« Toi et moi, l’un comme l’autre ? je ne vois pas de quoi tu parles. »

"- C'est ça, je te crois, va. Alors, cette demoiselle? "

-« Elle s’appelle Alexis, et je dois dire avec honte que je ne sais même pas son nom de famille. Ma mère a bien compris que je l’avais rencontré à la bibliothèque, mais elle ne risque pas d’apprendre les véritables circonstances de la rencontre.
Aussi absurde que cela puisse paraitre, c’est une ombre qui nous a poussé à nous rencontrer. Elle était accrochée au dos d’Alexis, et elle l’avait plus ou moins conduit à la bibliothèque, elle y faisait des recherches sur les poisons. »

Les poisons, hein? Un instant, je repense à cette enquête que je viens de mener avec David et l'autre détective Nephil, Russel Blake. là aussi, l'arme du crime avait été un poison et la cause de la mort, une Ombre, même si cela ne s'était produit que de façon indirecte. Aussi, j'étais rassurée qu'Aleister ait pu sauver cette fille, peu importe qui elle pouvait être. Personne ne méritait de mourir de la sorte, je n'en avais que trop vu les dégâts et supporté la peine d'une telle horreur.

-« j’ai eu de la chance : l’ombre était faible, et la bibliothèque peu remplie. J’ai pu étendre mon kekkai quand l’ombre m’a repéré, l’éliminer facilement, puis revenir dans notre dimension sans soucis.
Après ça… je sais pas trop, j’ai eu envie de m’assurer que la victime de l’ombre allait bien, j’ai essayé de la retrouver et… on a manqué de se rentrer dedans. »

Pour le coup, je ne peux manquer de sourire légèrement. Cela me rappelle cette fois ou, pas encore seraph, j'avais pourtant vu ma première Ombre, et manquée d'y restée. Aleister aussi était revenu me voir, pour me soigner, s'assurer à tout prix que j'allais bien. Alors son explication ne m'étonnait nullement, c'était tout à fait lui. Après, pour le coup de se rentrer dedans, ça ne pouvait être lié qu'à sa maladresse à lui ou à elle. Voir aux deux.

-« je ne sais pas trop comment mon cerveau a réagi pour la suite mais… elle a de magnifique yeux, d’un rouge grenat, c’est la première chose que j’ai remarqué. De très long cheveux bruns, encore plus que les miens, une taille fine, un peu plus petite que moi et… »

"- Et elle te plait... "

Je me contente d'un sourire amusé et d'une expression presque sereine sur le visage. Il n'y avait pas besoin d'en raconter des kilomètres, il avait eu un coup de foudre et puis voilà. Et puis, avec tout ce qu'il avait traversé comme épreuves ces derniers temps, lui aussi avait bien gagné le droit de souffler un peu. Du moins, c'était tout ce que je lui souhaitais, d'avoir un peu de répit.

"- J'espère que tu me la présenteras un de ces jours. Même si ce n'est pas tout de suite, ne t'en fais pas.
Vous avez pu vous revoir depuis cette rencontre à la bibliothèque?"

-« Touché, une fois de plus… »

Et oui. En même temps, ce n'était pas vraiment étonnant. ni même difficile à comprendre en le voyant mais ce qui était beaucoup plus drôle, c'était sa réaction lorsqu'il finissait par en parler ou qu'on le faisait pour lui. Et le pire, c'est que je pense que j'ai du faire la même il y a peu. Peut-être même encore un peu aujourd'hui.

-« Un jour qui sait, si j’arrive à lui expliquer quelques trucs me concernant, et qu’elle s’y intéresse. Elle connait déjà peine l’étudiant amateur de livres, que penserait-elle du reste ? »

"- Que tu es une jeune homme plein de surprises, rien de plus. "

-« Et depuis on s’est revu à une brocante, dans le quartier est. Très pratique pour trouver des livres pas cher. »

Personnellement, je n'avais jamais eu vraiment le loisir de faire les brocantes. Une perte de temps sur mon emploi du temps plus que rentabilisé pour correspondre au mieux à ce que l'on attendait de moi. Finalement, j'aurais peut-être mieux fait de prendre un peu plus de temps pour moi, moi aussi. Mais aurais-je rencontré David dans d'autres conditions?

"- J'espère que vous avez bien profitez de votre temps ensemble. Ça vous fera des souvenirs sympas et communs comme ça."

J'espère que moi aussi, je pourrais m'en faire d'autres que ceux de Little River, que je garde précieusement, comme un trésor, dans mon esprit. Car si notre sortie à l'Aquarium avait bien commencée, on ne pouvait pas dire qu'il s'agissait d'une réussite. Sa visite suivante l'était plus, elle, mais ça, je le garderais pour moi. Et depuis, ce n'était plus qu'épreuves, difficultés et complications. De quoi ne pas m'aider à relativiser pour la suite.

"- En tout cas, tu devrais en parler à ta mère. Ça lui ferait plaisir pour toi."

-« Je serais poète, je dirais que sa présence suffit à rendre le moment sympa, mais bon, j’espère surtout qu’elle pense un peu pareil… »

C'était drôlement mignon en tout cas, la façon dont il le disait. Cela me faisait un peu penser à la manière dont David venait placer de temps à autre ses phrases françaises au milieu de la conversation, ses gestes de galanterie toujours offerts avec un sourire et beaucoup de gentillesse. Pour le coup, je devait avoir moi aussi un sourire un peu mièvre mais tant pis. Après tout, je n'étais pas là pour me moquer non plus.

-« Parce que tu crois qu’elle ne m’a rien demandé ? A ton avis, je sais comment que tu as laissé échapper ce que j’avais pu te dire concernant Alexis ? Maman sait garder les secrets importants, mais penser qu’elle allait faire indéfiniment semblant de rien, tu la surestime là. »

Oui, c'est vrai que c'est une maman après tout. Seule la mienne doit se moquer comme de l'an 40 de ce qu'il pourrait m'arriver. La seule chose qu'ils craindraient seraient que je ne fasse tomber définitivement le déshonneur sur la famille mais pour eux, avec mon éducation, c'est tout simplement inconcevable. mais c'est bien leur opprobre pourtant qui ne va tarder à me tomber dessus. lorsqu'ils sauront la vérité...

-« Mais et toi ? Ne viens pas me dire que le fait que David t’ai sauvé la vie ai suffi à te mettre dans cette situation. Alors si tu m’expliquais comment ça s’est fait entre vous ? »

Je rentre légèrement ma tête dans mes épaules alors que je sens mes joues se faire plus rouges sur le coup. Non, notre rencontre se serait limitée à cette nuit, il ne se serait jamais rien passé. Mais le hasard, le destin ou que sais-je encore, en avais décidé autrement. Je termine une nouvelle bouchée de cake avant de prendre ma respiration et de répondre, d'une voix un peu hésitante malgré tout.

"- Tout ça me parait tellement lointain, et pourtant...
En fait, après cette nuit d'horreur et ma convalescence, j'ai reçu une invitation de sa part. Ainsi qu'une robe avec un collier et les chaussures allant avec. Il m'invitait à l'accompagner à une fête foraine et en échange, il me rendait les photos et les preuves qu'il avait sur moi.
J'ai longtemps hésité mais, sachant que les autres aux postes l'avaient malmenés alors qu'il m'avait sauvé la vie et qu'il n'était pas un coupable mais une victime, j'ai fini par accepter.  "

Je laisse un moment de silence tandis que je me repasse le film de cette soirée dans mon esprit. L'aller voiture, les stands, mon stress qui lentement se dissipe et cette ambiance qui avait lentement fini par me gagner. Et me plaire.

"- Je n'avais jamais fait de telle sortie. Personne n'avait pris la peine de se soucier de moi à ce point et, bêtement, cela m'a touché. On a discuté un peu, ce gredin m'a même fait participer à un concours de danse, c'est pour dire. Et puis, il y a eu le feu d'artifice..."

Dans ma voix, il est évident que ce moment relève d'une grande signification pour moi. Mais je ne suis pas sure que qui que ce soit puisse le comprendre. Une promesse jamais tenue, en suspens pendant près de 15 ans, un rêve de gosse enfin réalisé par quelqu'un qui, à la base ne cherchait qu'à se venger de vous. Je me permets de rigoler doucement alors que mon regard brille un peu. Ces couleurs et cette musique, je ne les oublierais jamais.

"- David ne voulait que se venger, à sa façon, en me forçant à me montrer telle que j'étais réellement. Une femme. Mais au final, il est tombé dans son propre piège...."

Cette peluche toujours dans ma chambre, la médailles, les tenues, j'ai tout conservé, dissimulé bien à l'abri des regards indiscrets et même possiblement inquisiteurs. Le contact de sa main prenant la mienne, de ses lèvres la première fois qu'il m'a volé un baiser, de son sourire vrai et du léger rouge sur ses joues, toutes ses images si précieuses sont gravées dans ma mémoire, pour ne pas courir le risque que des photos nous trahissent. Nous avons si gros à perdre.

"- A l'époque, nous avions tous les deux des doutes sur la Nature de l'autre mais rien de plus. Quand la réalité s'est imposée, .... Les choses ont commencées à devenir plus compliquées. Mais ça, c'est une autre histoire"