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J'avais trouvé l'annonce dans le canard local il y a quelques jours. Depuis que je m'étais installé dans la planque des potes du Bey, je me faisais livrer le journal tous les matins. C'est pas parce qu'on vit un peu à l'écart des gens normaux qu'on peut pas se tenir informé des nouvelles, que diable ! Et puis, moi, si j'ai pas ma feuille de chou à parcourir en buvant mon café du matin, je sens que je vais pas passer une bonne journée. Du coup, j'ai demandé si c'était possible de me faire apporter ça chez les Néphils. Bref !

C'est donc en lisant les pages des petites annonces que je suis tombé sur quelque chose qui a attiré mon attention. Ca causait de parler avec les morts. Bon, moi, tout ça, j'y crois pas vraiment, à première vue. Mais depuis que j'ai rencontré le Bey, j'ai compris qu'il existait dans ce sacré monde plein de choses que j'aurais jamais imaginées. Des pouvoirs surnaturels hors du commun, des chats qui parlent et qui réalisent des voeux, des ombres tueuses... Alors pouvoir bavarder un peu avec l'esprit d'un disparu, pourquoi pas, après tout. Depuis le temps que je pense à la belle Milda, dieu ait son âme. Je l'avais rencontrée dans le quartier, ya quelques années. On avait à peu près le même âge, on avait bien rigolé. On s'était revus régulièrement, après. Mais un jour, ses enfants ont décidé de l'envoyer à l'hospice. Paraît qu'elle pouvait plus vivre seule, soi-disant. Foutaises ! Ils voulaient se débarrasser d'elle, oui ! Enfin, du coup on s'est plus revus. Quelques mois plus tard, j'ai appris qu'elle était morte, la pauvre. Pas étonnant. Qui voudrait vivre longtemps dans un endroit pareil, où on enferme les vieux jusqu'à ce qu'ils deviennent fous ? Enfin, tout ça pour dire que j'aimerais bien savoir comment elle va maintenant, ma Milda. Et peut-être qu'elle me dirait comment c'est, là-haut. Et si cette donzelle qui a mis l'annonce est vraiment capable de parler aux décédés, ce serait une bonne occasion. Au pire, si jamais je sens que c'est une arnaque, je m'en irai, c'est tout. J'ai l'oeil pour ces choses-là, moi.

Après quelques jours d'hésitation, j'ai décidé de franchir le pas. Faut dire, j'ai pas grand chose à perdre. J'ai emprunté un téléphone, je me suis installé dans un endroit tranquille de la planque, et j'ai fait le numéro inscrit sur l'annonce. La donzelle m'a répondu et je lui ai expliqué mon cas en quelques mots, en lui précisant bien que, attention, fallait pas me la faire à moi. Elle m'a donné rendez-vous à une adresse qu'elle m'a indiquée, dans le quartier est.

Une fois sur place, un peu en avance, je me suis arrêté un moment devant l'immeuble pour étudier un peu les lieux. Rien de bien notable, à première vue. J'ai fini par sonner à l'interphone, et elle m'a fait entrer. Et à présent, me voilà dans un couloir, devant la porte indiquée, à laquelle je frappe trois petits coups.

Un nouveau client avait trouvé son annonce. Un vieil homme il semblerait au vu de la voix chevrotante qu’elle avait eu au téléphone. Le type semblait septique, en la mettant en garde plusieurs fois comme le radote les personnes âgées qu’il ne fallait pas lui faire à lui. Il ne serait pas déçu… Son pouvoir s’était suffisamment développé pour qu’elle n’ait plus besoin de se trouver à l’endroit de la mort d’un esprit pour le contacter, sans pour autant qu’ils se manifestent d’eux-mêmes. La paix mortelle en soi.

Bientôt l’interphone sonna, annonçant sa nouvelle vache à lait. Elle estimait que ses services valaient bien son prix, surtout qu’elle était loin d’arnaquer son monde. Trois petits coups annoncèrent l’arrivée du client devant sa porte, porte qu’elle ne tarda pas à ouvrir pour saluer… un vieil homme. Espérons qu’il n’était pas sourd !

Bonjour monsieur. Entrez.

Son salon avait été tamisé de la lumière du jour, éclairé par quelques bougies. Elle portait son masque vénitien, indispensable pour dissimuler sa marque à d’éventuels ennemis, et surtout pour préserver le secret de leur monde. Elle l’invita à s’installer à la table du salon et s’assit en face de lui.

Avez-vous apporté un objet de la personne défunte comme je vous ai demandé au téléphone ?

Ses petites séances étaient reposantes par rapport à ce qu’elle vivait au quotidien en chassant les ombres.

La porte s'ouvre sur une silhouette bien mystérieuse que je scrute de haut en bas. J'ai du mal à lui donner un âge, sa frimousse est recouverte d'un masque, un peu comme ceux qu'on trouvait dans les théâtres antiques. Mais à la couleur de ses cheveux et à sa voix, j'imagine que c'est encore une jeunette. J'aime pas bien ça, les gens qui se cachent comme ça. Ca éveille ma méfiance. Déjà que j'ai rien de sûr sur l'honnêteté de la donzelle, ce masque n'arrange rien. Enfin bon, pour le moment, mon vieil Archy, reste courtois comme tu sais si bien l'être et attends la suite. Je fais donc une petite révérence en ôtant mon chapeau, et je dis en rigolant :

"Bien le bonjour m'dame. Je ne pensais pas que c'était une soirée déguisée ! Si j'avais su, je me serais habillé autrement."

Après quoi, j'accepte son invitation et je pénètre dans l'appartement en m'appuyant sur ma canne, pour m'arrêter dans le salon qu'elle m'indique, en regardant autour de moi.

"C'est coquet chez vous dites donc."

Coquet oui, mais un peu sombre pour mes vieilles mirettes. Je tâtonne un peu pour m'installer là où elle me montre, et j'appuie mon bâton contre le siège pour libérer mes deux mains, mon chapeau posé sur mes genoux. Elle se met en face de moi. A sa demande, je fouille dans la poche intérieure de mon veston pour en sortir un petit collier argenté. Milda me l'avait donné juste avant de partir dans sa maison pour vieillards. Pour ne pas que je l'oublie, qu'elle m'a dit. Comme si j'avais besoin de ça. Je tends le bijou à la donzelle.

"Voilà, m'dame. Prenez-en soin, j'y tiens beaucoup."

Au pire, si elle fait mine d'essayer de me l'embarquer, je lui fais perdre toutes ses dents et je le récupère, non mais ! Je me recule un peu et me renfonce dans le siège que j'occupe.

"Vous pouvez vraiment la faire parler juste avec ça ?"

Je l'examine attentivement, à la lueur des bougies. Décidément, je ne suis pas à mon avantage ici. La pénombre et ce masque m'empêchent de tirer tout le profit de ma légendaire capacité d'observation. Bah, je sens que je ne vais pas rester longtemps, de toute façon. Cela dit, quelque chose m'empêche encore de me lever et de partir tout de suite. La curiosité ? Peut-être... Quelquepart, ça m'embêterait d'être venu jusqu'ici pour rien. J'ai envie de lui laisser une chance, à cette dame qui parle aux morts.

Un rigolo. Elle était tombée sur un petit rigolo. Enfin, il fallait plutôt dire un vieux rigolo. Ce n’est pas au vieux singe qu’on… bref. Lenna ne releva pas ses petites remarques que n’étaient capable de faire que les personnes âgées.
Les convenances ne les préoccupaient en général plus guère, et sous prétexte de sénilité ou de surdité, ces gentilles personnes soi-disant inoffensive en profitaient pour critiquer tout ce qu’elles avaient envie.
Le vieux ne faisait pas exception.

Oui. Il n’y a que les charlatans qui ont besoin d’artifice.

Elle prit le bijou délicatement dans ses mains, fermant les yeux le temps d’établir le contact avec Milda. L’objet lui permettait de tracer un fil ténu jusqu’à son existence, et la méditation aidant elle finit par trouver sa trace et s’y aggriper quelques instants plus tard.
Elle rouvrit les yeux, son masque protégeant la vision de sa marque de Seraph au regard du vieux.

- Elle est là.
- Archi ? Oh c’est bien mon Archi ? Mais pourquoi cette sale garce tient-elle mon bijou ?
- Bonjour Milda. Il me l’a juste prêté pour vous contacter. Je vais lui rendre.
- Ah j’espère bien ! Vous n’avez pas intérêt à abuser de lui, hein !
- Elle est contente de vous voir. Vous pouvez lui parler, je vous donnerai ses réponses.

Elle espérait que ces deux-là n’allait pas se mettre à parler du sujet favori des personnes agées : la jeunesse qui divague, et le temps. Pitié pas le temps.
Lenna regarda le vieillard, attendant sa question, l’esprit bien connecté au sien.

[Précision: Archi n'entend pas la voix de Milda]

Je fronce un peu les sourcils à la remarque de la jeunette, puis j'éclate de rire en pointant son masque du doigt.

"Ah ! Alors j'espère que ce que vous avez sur la figure n'en est pas un, d'artifice !"

Bah, une petite pique n'a jamais fait de mal à personne. Bref, je reprends mon sérieux et attends. Puis j'entends la donzelle commencer à parler, comme si elle s'adressait à Milda. Je lui ai prêté quoi ? Ah, le collier, bien sûr. Je laisse échapper un petit sourire attendri. C'est bien ma Milda, ça. Elle y tenait beaucoup, à ses bijoux, et elle n'aimait pas du tout que des inconnus touchent à ses affaires. Mais je ne dois pas me laisser abuser aussi vite. Je reprend un air plus neutre. Si ça se trouve, la gamine essaie de me mener en bateau, et, par hasard, elle a touché juste, pour cette fois. Mais voyons la suite.

Maintenant, elle m'invite à parler à ma vieille amie. Bien, essayons. J'hésite un peu, je me sens un brin ridicule. Mais je me lance.

"Hum, salut ma belle. J'espère que tu es bien là-haut et que tes gamins te manquent pas trop..."

Je ne pose pas cette question au hasard. Je sais que Milda avait des rapports assez tendus avec ses enfants. Des petits profiteurs, qui n'en voulaient qu'à son argent, qu'elle me disait. Ca n'a pas dû s'arranger quand ils l'ont mise dans cet hospice. Elle a dû se dire qu'ils avaient réussi à se débarrasser d'elle. Et maintenant, elle doit être sacrément remontée contre eux là où elle est. Mais si la donzelle en face de moi me dit tout autre chose, ça prouvera qu'elle me raconte n'importe quoi et je serai fixé sur sa compétence. Attentif à sa réaction, j'attends la réponse.

Lenna haussa les sourcils vers le ciel en entendant la remarque du vieux. Son masque est loin d’être un artifice puisqu’il lui permet de dissimuler sa marque aux inconnus, et surtout à l’ennemi. Sait-on jamais qui on a en face… Elle ne répliqua pas, gardant un air neutre et professionnel. Il fallait bien se nourrir. Ce petit singe était moins pire que certains qu’elle avait déjà eu. Parfois les vérités des morts étaient difficile à entendre, et certains la traitaient de charlatans alors qu’elle n’avait fait que répéter tout haut ce que l’esprit pensait dans l’au-delà.

"Hum, salut ma belle. J'espère que tu es bien là-haut et que tes gamins te manquent pas trop..."

La réaction de la morte ne se fit pas attendre, arrachant un sourire amusé à Lenna.

- Quoi ! Ces petits profiteurs ! Ah, ils doivent bien profiter de mon argent maintenant que j’suis morte !
- Elle dit que…
- Mon Archi ne peut pas m’entendre ?
- Non, il ne vous entend pas.
- Bien, alors dites-lui qu’il arrête son petit jeu, ce bougre, qu’j’suis bien là et qu’j’préfèrerais faire la causette sur les dernières courses de chevaux. Où en est mon favori ?

Son petit jeu ? De quoi parlait-elle ? Cette dame commençait à lui ficher la migraine.

- Bon, vous lui dites ou pas ?
- Oui, oui je lui dit. Elle préférerait parler de son favori aux courses de chevaux, plutôt que de jouer à votre jeu et qu’elle est bien là.

Elle était un peu perplexe. Cet esprit avait un sacré caractère, jamais encore on ne l’avait fait dire des choses ainsi, surtout qu’une obéissance naturelle se dégageait d’elle, et que Lenna avait fait tout ce qu’elle lui avait dit sans réfléchir. Elle se sentait comme un réceptacle, une lettre de courrier pour le coup.

Oh, et ses enfants n’ont pas l’air de trop lui manquer…

Elle grimaça en l’entendant crier dans sa tête à propos des profiteurs, suivis de quelques jurons.

Allons bon, la voilà qui recommence son manège de répondre à quelqu'un que je ne vois pas. En tout cas, si elle me ment, c'est une très bonne actrice, faut reconnaître. Elle s'interromp comme si on la coupait, elle fait mine de transmettre ce qu'on lui dit... Mais avec ce fichu masque, pas moyen de voir son expression.

Cela dit, ce qu'elle prononce ensuite m'arrache un sourire. Ah, les chevaux. Ca, elle n'a pas pu l'inventer, à moins d'avoir une sacrée chance. Et cette façon qu'elle a de m'accuser de jouer. Pas de doute, c'est bien ma Milda qui est en contact avec la donzelle. Et la réponse sur les enfants ne fait que confirmer cette certitude. Ya pas à dire, je suis agréablement surpris. Visiblement, cette gamine a vraiment un don. Du coup, je me sens tout chose. Ma chère Milda est là, tout près. Je m'exclame, toute méfiance disparue :

"Ah, ma belle ! Ca fait rudement plaisir de te parler ! Après tous ces mois ! Désolé pour le jeu, mais fallait bien que je vérifie que c'était bien toi ! Et pis, tu me connais ! J'aime jouer, moi."

Je rigole un moment, puis je me calme et je réfléchis un peu. Depuis la mort de Milda, j'ai regardé quelques fois les courses, en souvenir d'elle. Mais est-ce que son cheval fétiche a gagné dans la dernière ? Je ne sais plus trop, maintenant. Ah, sacrée mémoire qui me joue des tours.

"Hmm, Joli-Coeur a dû en gagner quelques-unes ces derniers temps, ouais... Mais tu sais bien que ma vieille caboche n'est plus ce qu'elle était. Alors pour te dire exactement..."

Je hausse les épaules, avant de rajouter avec un clin d'oeil :

"En tout cas, ton étalon préféré a toujours bon pied, bon oeil , lui, ça j'en suis sûr ! Même s'il fait plus de courses depuis un bout de temps. J'espère que de ton côté, tu t'amuses avec plein de beaux bonhommes là-haut ! Mignonne comme tu es, tu dois avoir un sacré succès !"

Et j'éclate de rire, encore une fois. Avec Milda, on pouvait vraiment parler de tout, franchement, sans chichis. C'était pas le genre de sainte ni touche à s'émouvoir pour une phrase un peu osée. Et on s'en donnait vraiment à coeur joie. Ca y allait, les petites allusions un peu frivoles. Juste de quoi scandaliser quelques jeunots qui pouvaient nous entendre. Qu'est-ce qu'on se bidonnait ! Sans blague, ya pas que les jeunes qui ont le droit de s'amuser !

Le vieux se détendit enfin, et commença à discuter sans gêne avec Milda qui lui répondait bien agréablement. Le rouge monta aux joues de Lenna. Non qu’elle était prude, mais entendre deux personnes âgées discuter de la chose avait quelque chose de bizarre et d’un peu gênant. Dire qu’elle égorgeait des ombres, et qu’elle était mal à l’aise dans cette discussion.

Milda pouffa dans son esprit, et Lenna aurait presque pu voir sa main réagir à la flatterie de son interlocuteur.

- Oh, petit coquin. Je n’ai pas le droit de dire ce que j’y fais, mais je me plais à voir de beaux étalons, si tu vois ce que je veux dire !
- Elle apprécie toujours les étalons… heu… humains, mais ne peut pas en dire plus
- Ils sont même très fougueux !
- Elle les trouve… fougueux.
- Très fougueux !
- Pardon, très fougueux, elle tient à la précision.

Elle se pinça les lèvres pour éviter de maudire tout haut Milda. Pourquoi lui obéissait-elle ainsi donc ? Franchement, elle ne savait pas qui était pire entre elle et Madame Alden. Pouvait-on se faire rencontrer des esprits ? Ce serait quelque chose à explorer.

- Et, toi Archi tu fais toujours tourner le cœur de ses dames ?
- Elle veut savoir comment ça va de votre côté en amour.
- Mais non pas en amour ! Je parle de la chair, petite ingénue.
- Heu... enfin, tout ce qui va avec quoi.

Espérons qu’ils n’allaient pas repartir sur des idées plus osées. Lenna avait déjà en tête des images pas très catholiques, et s’imaginait leur peau fripée qui… Brr. Milda semblait s'amuser de la situation et devait surement exagérer pour en jouer. Elle avait hâte que cette conversation se termine.

Je me remets à rigoler de plus belle. Apparemment, ma petite chérie n'a pas changé. Toujours le sens de la précision dans ses propos.

"Ah, je vois ! Z'avez vos p'tits secrets là-haut ! C'est bien ça ! Tu dois pas t'ennuyer ! Bah, je suis content pour toi, t'as bien mérité de prendre un peu de bon temps ! Tant que t'oublie pas ton bon vieil Archy..."

Puis je me calme un peu. J'en avais presque oublié que je ne parle pas directement à ma Milda, mais à la jeunette en face de moi. Et connaissant ma bonne amie, la donzelle doit s'en prendre plein les oreilles. Qui sait la tête qu'elle doit faire, derrière son masque. J'espère au moins qu'elle n'est pas trop prude, même si l'idée de faire entendre ce genre de chose à une personne comme ça ne m'est pas désagréable. Faut les décoincer un peu ces jeunots, que diable. Mais bon, je ne veux pas non plus trop incommoder notre intermédiaire. Je suis pas là pour ça, surtout au prix que je vais la payer. Je décide donc de calmer un peu le jeu.

"Vas-y doucement, ma belle, quand même. N'oublie pas qu'on est pas tout seuls. Si tu veux pas qu'on nous coupe la chique, vaudrait mieux pas traumatiser notre dame téléphone."

Puis je réponds à sa question, trouvant là un excellent moyen pour changer un peu de sujet.

Bah, j'ai toujours mon petit succès, disons. Mais tu sais, je croise pas vraiment de femmes mûres ces derniers temps. Je suis surtout entouré de gamines, vois-tu. Du coup, j'ai pas vraiment l'occasion de faire jouer mon charme ravageur ! Et puis, j'ai d'autres chats à fouetter. Mes nouvelles affaires me laissent pas beaucoup le temps de compter fleurettes."

C'est vrai ça, ya pas beaucoup de gens de mon âge chez les Néphils, mine de rien. Je m'étais déjà fait la réflexion dans les premiers temps, mais elle me revient maintenant. Tant de jeunesse parmi ces gens...

Dame téléphone ? Lenna tiqua sur le mot employé par le vieux, se sentant tout de même plus importante qu’un vulgaire objet où il suffit de taper des chiffres. Elle garda sa rancœur pour elle, n’oubliant pas que les pépettes à la fin valaient le coup de toute cette mise en scène.

- Oh, Archy, je ne risque pas de t’oublier, voyons ! Et excusez-moi, dame téléphone.

Lenna grimaça légèrement en entendant encore ce terme. Elle aurait bien aimé savoir ce qu’il y avait eu entre ses deux là. Est-ce qu’ils avaient juste compter fleurette comme disait l’ancêtre, ou alors étaient ils aller plus loin dans la dépravation des corps. Rien que d’y penser… Brr.

« Bah, j'ai toujours mon petit succès, disons. Mais tu sais, je croise pas vraiment de femmes mûres ces derniers temps. Je suis surtout entouré de gamines, vois-tu. Du coup, j'ai pas vraiment l'occasion de faire jouer mon charme ravageur ! Et puis, j'ai d'autres chats à fouetter. Mes nouvelles affaires me laissent pas beaucoup le temps de compter fleurettes."

Plus il parlait, plus ce personnage haut en couleur l’intriguait. Il ne ressemblait vraiment pas à la moyenne des petits vieux qui venaient la voir. Lui était particulier. Entouré de gamines… de nouvelles affaires…

- Quel dommage pour toi mon petit Archy. Et les jeunes de nos jours…

Lenna soupira. Elle en prenait vraiment pour son grade dans cette conversation.

- Je préfèrerai te savoir avec des femmes mûres et expérimentées plutôt que de savoir que tu te lances dans des affaires au côté de personnes inconscientes !

Comment traduire cela ? La jeune femme se passa la main derrière la nuque pour se donner une contenance et raporta les paroles de Milda, non sans difficulté.

Elle dit qu’elle ne risque pas de vous oublier. Elle trouve dommage que vous ne voyez pas de femmes mûres et expérimentées surtout en se lançant dans des affaires. Elle trouve les jeunes inconscients, surtout ceux de nos jours, et n’est pas rassurée à l’idée que vous côtoyez ce genre de personne.

C’était un peu près ça. Il devrait s’en contenter après tout.

La gamine reste un moment silencieuse. J'imagine qu'elle doit écouter la réponse de ma vieille amie. C'est extraordinaire, quand même, ce don qu'elle a. Si j'avais su plus tôt que c'était pas du chiquet, ce genre de chose, j'aurais vu le monde tout autrement. Ya tellement de trucs dont on se doute même pas sur cette bonne vieille Terre... Heureusement que ma rencontre avec le Bey m'a ouvert les yeux, même si ça n'est que pour mes vieux jours. Ah, enfin, la jeunette prend à nouveau la parole pour me transmettre le message de ma Milda, tout en se massant la nuque. Au ton de sa voix, je devine qu'elle est pas très à l'aise. Rooo, bah pourtant on a quitté les sujets scabreux il me semble. Est-ce que Milda s'amuse à lui dire des cochonneries plein les oreilles ? Je ne peux m'empêcher de pouffer à cette idée. La pauvre chérie, elle est pas tombée sur des tristes, avec nous. Mais bref. Apparemment ma compagne adorée s'en fait pour moi. Je m'empresse de la rassurer :

"Oh, te fait pas de bile, va. Ils sont bien braves, les jeunots que je rencontre. Et bien courageux aussi. Remarque, ils sont obligés, vu ce qu'ils doivent se coltiner tous les jours. Les guerres modernes, c'est pas évident mine de rien. Et puis, tu sais bien que j'ai toujours été curieux de la jeunesse, vu que j'ai jamais eu de mouflets. Maintenant au moins, je commence à avoir des réponses à mes questions. C'est très intéressant de les cotoyer de plus près tu sais. Et faut pas croire, mais on s'y attache, à ces bêtes-là !"

Et j'éclate de rire, une fois encore. C'est vrai que je commence à bien les aimer, pour certains, mes compagnons Néphils.

"Alala, comme quoi, un minet, ça peut bien vous changer la vie !"

Je reprends mon sérieux. Faut pas que j'en dise trop non plus sur mes nouvelles activités. C'est secret, le Bey me l'a bien expliqué. Faudrait pas que ça tombe dans l'oreille d'humains ordinaires. Les paroles d'une certaine petite fée m'ont bien fait comprendre que si quelqu'un de normal s'intéressait de trop près à notre cas, il pourrait avoir de gros ennuis. Après, je pense pas que Milda risque grand chose, là où elle est. Mais la gamine qui sert d'intermédiaire, par contre...

Des guerres modernes ? Quelle guerre ? Palema n’était pas en guerre. Du moins pas pour le public. Serait-il un contractant ? Elle loua la présence de son masque, car sinon sa réaction aurait été bien visible. Son sang ne fit qu’un tour quand elle entendit la présence du minet. Pas de doute. Il était soit Seraph, soit Nephil. Ses mains se crispèrent un instant avant qu’elle ne s’astreigne au calme. Il n’était pas un réel danger pour elle, au contraire de Juliet et ses questions. Il ne savait pas ce qu’elle était, elle pouvait simplement le laisser repartir. Laisser repartir un potentiel ennemi ? Voyons… Elle devrait pousser son enquête, savoir s’il était dangereux ou non. Ce n’était qu’un vieillard après tout. S’il posait problème, elle n’aurait qu’à l’éliminer. Non, tu ne connais pas ses pouvoirs. Elle rompit prestement le contact avec Milda, sentant que cette discussion devait cesser.

Ah, elle est partie. Surement des étalons à voir.

Sourit-elle d’un petit sourire tout professionnel tandis que son esprit calculait les risques et les enjeux pour prendre une décision. Tu peux le tuer si c’est un Nephil ! Tue le ! criait une voix sourde à l’intérieur d’elle. Lenna ôta son masque, pour mieux voir le vieillard. C’est peut-être un allié, tu ne risques rien. Au pire, un petit vieux… que veux-tu qu’un petit vieux te fasse. Oh une idée parfaite. Se faire passer pour un Nephil le cas échéant ? Non, non… et s’il demandait une preuve après, hein.

J’espère que vous êtes malgré tout satisfait de votre consultation.

Elle lui annonça le prix à débourser ensuite, se levant de la table pour mettre un peu de distance entre eux. Elle n’arrivait pas à se décider. S’il payait par chèque, elle aurait son nom. Elle pourrait en apprendre plus. S’il payait en liquide, hé bien… il faudrait qu’elle contienne sa curiosité et le démon en elle qui réclamait sa dose de sang.

J'ai un sursaut de surprise quand la gamine me fait savoir que Milda n'est plus là.

"Partie ? Mais..."

C'est tellement soudain. Des étalons à voir hein ? Mouais. C'est pas le genre de ma vieille amie de se carapater comme ça sans prévenir. Et puis, on venait juste de se retrouver, et elle avait l'air content de me revoir. Moi, je crois plutôt que la gamine en a eu marre de s'en prendre plein les esgourdes et qu'elle a fini par couper la communication pour ne plus entendre ma compagne lui souffler des choses pas très catholiques. Je fais la moue, déçu.

"Ah, dommage..."

Enfin bon, quelque part, j'ai eu ce que je voulais, c'est déjà bien. Même si j'aurais bien voulu que ça dure un peu plus longtemps. Mais voilà que celle qui me fait face me montre enfin son minois. Une jeunette, c'est bien ce que je pensais. Je retrouve ma bonne humeur quand elle me demande si j'ai apprécié la prestation.

"Pour sûr, m'dame, z'êtes douée. C'était court, mais j'ai encore jamais vu ça. Pouvoir parler avec les morts, ma foi, c'est quelque chose ! Dans mon jeune temps, j'ai connu des donzelles qui disaient qu'elles pouvaient faire ça aussi, et lire dans les lignes de la main, et tous ces machins. Mais souvent, c'était de la blague."

Puis je me mets à rigoler en me remémorant la conversation précédente.

"Elle a un sacré caractère ma Milda hein ? Une sacrée bonne femme, j'vous le dis ! Et avec tout ce qu'il faut où il faut ! Vous l'auriez vue..." Ah et d'ailleurs, vous oublierez pas de me rendre le collier hein ! Sinon, je vous dis pas ce qu'elle va vous faire ! Vous avez bien vu comment elle est !"

Je reprends mon sérieux, des questions me venant en tête.

"Mais au fait, vous pouvez aussi les voir les morts, vous, ou juste leur parler ? Et ils viennent que quand vous les appelez ? Ils vous dérangent jamais tout seuls ? Et ça fait longtemps que vous faites ça ? Paraît que ça vient tout petit, ce genre de don. Ca doit être drôlement pas rassurant les premières fois."

Tout en parlant, je me lève, rassemble canne et chapeau, et sors mon porte-monnaie. La somme est assez rondelette, mais heureusement, j'ai une bonne retraite. Et depuis que j'habite chez les Néphils, j'ai quand même moins de dépenses. Après avoir farfouillé un peu, je lui tends quelques billets.

"Voilà, m'dame. Pouvez vérifier, le compte y est."

J'aime bien donner la somme juste. Un reste de mon métier de commerçant, je suppose

Le vieux semblait légèrement déçu que Milda soit partie. Tu n'avais qu'à pas commencer à parler de ta vie de contractant, vieux sénile, et j'aurai poursuivi la conversation. Elle posa le masque sur le comptoir de la cuisine, ne voulant pas être gênée dans ses mouvements si l'occasion d'un combat devait se présenter. Elle ne préférait pas. C'était gênant de devoir s'en prendre à un vieillard ou un enfant.

Le collier, bien sûr.

Elle s'approcha à nouveau pour récupérer le bijou délicatement et lui tendit tout en empochant les billets. Shit. Il n'aurait pas pu payer en chèque comme tout le monde pour qu'elle ait le moyen de le tracer ? Un vieux chieur. Il avait peut-être même un matelas de billets, ce serait bien son genre.

Le compte y était bien évidemment, mais elle hésitait sur la démarche à suivre désormais. Mentir semblait la solution la plus simple et la plus facile. Toutes ses questions... enfin, répondons le mieux possible, peut-être pourrait-il finir par lâcher la couleur de son chat. Les vieux finissaient toujours par tout raconter.

Je le fais depuis l'adolescence. je l'ai découvert à la puberté. C'est un don qu'on se transmet de mère en fille. Je peux parler aux morts, ils viennent en général, sauf s'ils ont mieux à faire. Certains esprits sont plus difficile que d'autre, mais un objet leur ayant appartenu les obligent à venir voir. Ma mère était encore là pour m'apprendre quand je l'ai découvert. Il n'y a rien d'effrayant là dedans. Je contrôle ce pouvoir.


Sa langue avait fourchée. Quelle idiote. Espérons que le vieux n'aurait pas tilté. Il était peut-être sourd pour ce qu'elle en savait.

Je récupère le collier et le range précieusement dans la poche intérieure de mon veston, tout en écoutant les réponses de la gamine, que je commente ici et là.

"Marrant ça, de découvrir qu'on peut causer aux macabés en même temps que les boutons et les choses de la vie. Ah, votre maman fait la même chose alors. Ca doit être quelque chose les réunions de famille chez vous. Et alors, elle était difficile comme esprit ma Milda ?"

Rien d'effrayant, c'est vite dit, à mon avis. Entendre d'un coup un disparu vous chuchotter à l'oreille, ça doit au moins faire bizarre la première fois. Mais c'est ce qu'elle dit ensuite qui me fait tiquer un peu. Comment ça, un pouvoir ? C'est pas vraiment comme ça qu'on nomme ce genre de don, d'habitude. Ca me rappelle un peu le langage d'un pote du Bey, tiens, les pouvoirs, leur contrôle, et tous ces machins-là. Bizarre... Est-ce qu'elle serait des nôtres, cette donzelle ? Après tout, son pouvoir, comme elle dit, n'est pas banal du tout, pour un humain ordinaire. Cela dit, les pouvoirs du Bey se transmettent pas de mère en fille, si je me souviens bien. Mais sur ce point-là, elle pourrait tout simplement m'avoir menti pour se cacher. Ah, ma parole, ya quelque chose de louche ici. Mon vieil Archy, vaudrait peut-être mieux tirer les choses au clair. Parce que, si elle a vu l'une des deux bestioles et fait un voeu, ça veut dire que c'est soit une alliée, soit, plus inquiétant, une copine de l'autre minet, une rivale. Bon, normalement elle ne sait pas ce que je suis, c'est déjà ça. Je suis d'autant plus content de m'être arrêté avant de dévoiler mon petit secret. Ah, moi et ma grande bouche. Milda me le disait souvent, ça finira par me perdre.

Ou encore, c'est juste une expression de jeunot et je me fais des films longs comme le bras pour rien. Mais de toute façon, vaut mieux en avoir le coeur net. Reste à trouver comment aborder le sujet sans trop me découvrir. McGaloway, il est temps de faire un peu fumer ta caboche. Je réfléchis quelques instants, en faisant mine d'observer encore une fois la pièce, puis je lâche, l'air dégagé :

"Z'avez de la chance. C'est un voeu assez répandu de pouvoir parler directement aux disparus qu'on a aimés. Tout le monde n'a pas la chance de voir son voeu réalisé. C'est pas comme s'il suffisait de signer un genre de contrat avec une bestiole magique et pouf, on obtient ce qu'on veut, hein ?"

Et je poursuit d'un grand éclat de rire, tout en guettant sa réaction du coin de l'oeil.

"Marrant ça, de découvrir qu'on peut causer aux macabés en même temps que les boutons et les choses de la vie. Ah, votre maman fait la même chose alors. Ca doit être quelque chose les réunions de famille chez vous. Et alors, elle était difficile comme esprit ma Milda ?"

Sa main se porta inconsciemment à son pendentif au mot maman. Petite étoile partie rejoindre les cieux trop vite, trop brusquement. Elle ne releva pas pour ce qui était des réunions de famille, puisqu’elle avait participé à la mort de la dernière qu’il lui restait en se laissant corrompre par un Nephil de la pire engeance. Une ombre voila ses traits un bref instant, si bref.

Milda est particulière, disons. Comme de son vivant, je suppose.

"Z'avez de la chance. C'est un voeu assez répandu de pouvoir parler directement aux disparus qu'on a aimés. Tout le monde n'a pas la chance de voir son voeu réalisé. C'est pas comme s'il suffisait de signer un genre de contrat avec une bestiole magique et pouf, on obtient ce qu'on veut, hein ?"

Il était sérieux là ? Il pensait vraiment qu’elle allait mordre à un hameçon si évident ? Le mot pouvoir avait donc éveillé son attention. Perspicace le papi. Qui sait ce qu’il pouvait cacher d’autre… Autant ne pas se le mettre à dos tout de suite, et enquêter sur lui par la suite. Il y aurait bien un Seraph qui aurait entendu parler d’un vieux parmi eux. Et si non,… c’était un Nephil.

Chance ou malédiction… Parfois les morts nous réservent de sacrés surprises.

Elle n’avait pas encore osé contacter Julien. Il faudrait bien le faire un jour. Un jour.

Je ne l’ai pas voulu. Je suis née ainsi. J'ai choisi d'en faire quelque chose de bien.Pourquoi parlez-vous d’animal magique ? Une licorne ? Un dragon ?

Aussi niais et ingénue on ne pouvait pas faire pire. Cela devrait brouiller les pistes. Le faire sortir maintenant avant qu’il ne fasse encore jouer sa perspicacité.

Je frappe dans mes mains quand elle me répond sur ma Milda.

"Ah, ça oui, vous pouvez le dire mam'zelle ! Y'en avait pas deux comme elle ! J'me rappelle, une fois, on était tous les deux, et elle me dit comme ça..."

Et je me mets à lui retracer toute une conversation qu'on avait eue, Milda et moi, sur les jeunes et leurs manies. Bon, parfois j'hésite un peu, je me reprends, je recommence. C'est que ma mémoire n'est plus ce qu'elle était. Mais j'arrive quand même à lui redonner le sens de notre bavardage, en gros. Et je ris comme j'avais ri à l'époque. Tellement que j'oublie un moment ce qui m'inquiétait ya quelques instants. Heureusement, la gamine me ramène au principal avec sa réponse sur les animaux magiques. Un dragon, une licorne ? Bah, ouais, après tout. Je me contente de hausser les épaules. J'ai l'air malin moi, maintenant, tiens. Apparemment, j'ai dû me tromper, elle a pas l'air d'avoir compris mon allusion. Ou alors, elle se fiche de moi. Mais ça, j'arrive pas à le savoir. Si ça se trouve, c'est une bonne comédienne. En tout cas, elle a pas l'air de me prendre pour une bille. Je la dévisage quelques secondes, mais je ne vois rien de suspect. Faut dire que je vois pas grand chose, fait tellement sombre ici. Enfin, j'en tirerai rien de plus cette fois on dirait, autant laisser tomber pour le moment. Ma vieille caboche m'a peut-être joué des tours. Je remets mon chapeau dessus, pour la tenir au chaud. Il est grand temps de mettre les voiles, puisque la séance est finie.

"Merci bien mam'zelle, ce fut un grand plaisir !"

Et sans lui demander son avis, je lui attrape la main pour y porter les lèvres, comme à la grande époque. Le vieux McGaloway n'a pas perdu ses bonnes manières !

"Merci bien mam'zelle, ce fut un grand plaisir !"

Et sans crier gare, le vieil homme lui fit un baise-main comme si on vivait encore à l’époque de la Renaissance ! Surprise Lenna n’eut pas le temps de réagir qu’il se redressait déjà, comme s’il avait vingt ans, couvre-chef sur la tête. Elle ne put s’empêcher de laisser apparaître un sourire.

De même ! En espérant vous avoir convaincu, et que cette séance vous a été appréciable.

Elle se dirigea vers la porte, soufflant une des bougies au passage. Il lui fallait maintenant faire remonter cette information aux Seraphs, savoir s’ils avaient un vieux crouton parmi eux qui connaissaient une Milda. Dans le cas contraire… cet homme était un Nephil et tout ce qu’elle avait était des billets de banque. Allons une dernière petite tentative.

Au revoir, Monsieur… Monsieur ?

Enfin, sénile comme il était, il ne risquait peut-être pas de comprendre sa perche, ou alors il serait suffisamment intelligent pour l’éviter. Fichu lapsus.

Je suis la donzelle vers la porte de l'appartement. Là, elle s'arrête et me dit au revoir. Mais à son air, je comprends qu'elle attend encore quelque chose de moi. Je réfléchis quelques secondes avant de comprendre et de farfouiller dans mon veston.

"Ah, d'accord ! Vous êtes dure en affaire, vous ! Bah, allez, vous l'avez bien mérité !"

Je sors quelques piécettes que je lui fourre dans la main.

"Voilà un petit pour-boire ! C'est bien parce que vous êtes bien jolie, hein ! Vous irez boire un verre avec votre amoureux à ma santé !"

Et je lui souris de toutes mes dents... enfin, celles qu'il me reste.

"Au plaisir !"

Je me détourne pour saisir la poignée de la porte que j'ouvre, et je sors dans le couloir. Je tourne une dernière fois la tête pour adresser à la gamine un petit signe de la main, et je me dirige vers la sortie du bâtiment en clopinant, appuyé sur ma canne. Un moment très intéressant, vraiment. Avoir pu reparler un peu à Milda m'a fait bien plaisir. Et puis, les dons de cette petite sont vraiment impressionnants, même si elle n'a pas fait affaire avec l'un des minets, dirait-on. Comme quoi, ya tout un tas de choses dont on a pas idée, quand on se contente de vivre sa petite vie normale. Faut s'ouvrir l'esprit, que diable ! J'ai encore tant de trucs à découvrir sur ce sacré monde !

[Dernier post pour moi, un tout grand merci pour ce petit RP bien sympa. ^^]

La porte se ferma dans un petit claquement. Lenna jeta un air désabusé sur les piécettes que le vieux lui avait donné. Fichu vieillesse ! Elle grommela et les fit tomber dans son pot à clef. Utile le jour où elle prendrait le bus.

Un verre avec son amoureux. Son visage se crispa en songeant que d’amoureux elle n’en avait pas, et n’en aurait plus jamais. Son cœur n’était plus fait pour aimer.

Elle apprendrait plus tard qu’il n’y avait pas de petit vieux chez les Seraphs de cet acabit. Ce bonhomme-là avait beau être sénile, se promener avec une canne, n’empêche qu’il l’avait berné et était parti de chez elle sans la moindre égratignure. Tu ne perd rien pour attendre.

[Merci pour le RP, j'ai bien ris ^^]