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Ce jour tant redouté était arrivé. Une lutte certaine qui ne pouvait être évitée et qui avait pendant trop longtemps été repoussée. Hadence devait refaire sa garde-robe et par conséquent affronter les nombreuses furies qu'abritaient le centre commercial du quartier Est.
Cela ne l'enchantait guère, mais ses vêtements commençaient à se faire vieux et étaient abîmés suite à de trop nombreux affrontements. De plus, la saison hivernale se faisait de plus en plus ressentir.

L'étudiant choisit sa pause déjeuner pour aller affronter ce terrible événement. Il poussa les grandes portes vitrées du bâtiment et pénétra dans l'enceinte du magasin. Un chaos sans nom accompagné d'une cacophonie infernale se dessinait sous ses yeux. La sécurité ne savait où donner de la tête tant la foule était oppressante et les gérants de magasin se frottaient les mains à la pensée qu'ils allaient amasser une petite fortune.

Le jeune homme aux cheveux azurés se précipita à l'étage prévu pour les boutiques de vêtements sans demander son reste. Des dizaines de commerces proliféraient le long de l'allée et Hadence choisit celui qui accueillait le moins de monde. La boutique se voulait mixte et offrait un thème orienté sur le Japon. Ce n'était pas vraiment la marque de fabrique du jeune homme, mais l'endroit pouvait lui réserver de belles surprises, sans compter qu'il n'avait pas la moindre envie d'aller réaffronter la horde de clients au-dehors.

La gamme de choix était plus orientée féminine et les quelques éléments masculins n'étaient pas particulièrement attirants. Hadence voulait être à l'aise pour pouvoir se battre, et les tuniques ne le permettait aucunement. De nombreux tee-shirts remplis de mots Japonais incompréhensibles se tenaient devant lui, ainsi que des ... jeans. Décidément, la mondialisation sévissait dans les moindres recoins.

Qu'est-ce qu'il ne donnerait pas pour être au milieu d'une bonne bagarre endiablée ! Au lieu de ça, il était là, perdu au milieu de ces centaines de vêtements. Son choix par défaut se tourna vers un débardeur classique et un pantalon assez moulant. Hadence se rendit dans une cabine d'essayage et se scruta dans la glace pendant de longues minutes en faisant autant de gestes qu'il était possible d'en faire pour un homme pour tester l'élasticité de sa tenue.

Mais ce qu'il n'avait pas prévu, c'est que son pied se prendrait dans le rideau et que ce dernier n'était pas bien solide ...

L'heure du lever de rideau était arrivée ! Mais elle ne fut pas sans conséquences. Hadence avait malencontreusement cogné une demoiselle enceinte qui s'échoua au sol. C'était bien sa veine ! Foutu centre commercial, foutue clientèle et surtout foutu rideau !

Un coup d’œil rapide permit au jeune homme de la détailler. La jeune femme était là, par terre, ses cheveux bleus légèrement éparpillés sur son visage, et un ventre assez rond qui rentrait en inadéquation avec sa frêle silhouette. Elle était plutôt jolie. L'étudiant entreprit de la soulever pour la remettre sur pied.

- D'habitude quand je renverse une femme, ce n'est jamais au sens littéral ! Lui lança-t-il en guise d'excuse.

Il afficha son plus beau sourire, sourire qui s'estompa peu à peu quand son regard vint se planter dans celui de sa compagne. On pouvait noter que ce duel de yeux azurés était plus déstabilisant pour l'un que pour l'autre. Car oui, déstabilisant était le mot parfait pour décrire l'état dans lequel se trouvait Hadence actuellement. Cette femme lui faisait un drôle d'effet, et cette sensation ne cessait de se renforcer.

Mais le vrai drame eut lieu quand le jeune homme aperçu son dos dans le miroir. En se baissant pour soulever sa victime, il avait déchiré son débardeur ! Il allait devoir se retaper le même cinéma une fois encore, parcourir les allées à la recherche de vêtements potables ...

- Non !! laissa-t-il échapper à haute voix.

Hadence se calma. Bon ce n'était pas bien grave après tout, il fallait relativiser ! Et puis cette tenue ne lui plaisait pas énormément, il la trouvait un peu trop commune. Que faire de ce tee-shirt désormais ?

"- Il semblerait que votre haut ait un souci. Enfin, si vous le retirez maintenant et allez en chercher un autre, personne ne saura que c'est vous qui l'avez abîmé."

Le jeune homme se tourna vers la jeune femme qu'il avait presque oublié. Il soupira doucement.

- J'ai malheureusement pour habitude de toujours payer mes dettes. Alors une de plus ou de moins ...

Soudain son regard accrocha un élément situé derrière la futur maman. Il s'en approcha doucement et aperçu un magnifique manteau bleu-nuit brodé de bandes blanches et relié par une attache sur le devant. C'était pile poil ce qu'il recherchait. Comme hypnotisé, il retira son tee-shirt sous les yeux médusés des autres clients et essaya le manteau. Il était chaud, tout en étant suffisamment fin pour ne pas entraver ses mouvements. Sa capuche lui permettrait de passer inaperçu dans diverses situations et la couleur sombre accentuerait sa discrétion la nuit. Il se tourna soudainement vers sa nouvelle compagne :

- Hey, vous en pensez quoi ? lui lança-t-il comme si ils étaient seuls dans la boutique.

Hadence ôta le manteau et se rhabilla normalement. Il le plaça sur son épaule et se tourna vers la future maman :

- Non, j'ai trouvé ce qu'il me fallait, ce sera tout de mon côté. Au fait, moi c'est Hadence.

Le sentiment ressenti un peu avant faisait de nouveau surface. Cette jeune femme l'intriguait au plus haut point, et il voulait en apprendre plus sur elle. La curiosité était un bien vilain défaut, mais celui là il avait appris à s'en accommoder.

- Comme je vous l'ai dit, j'ai pour habitude de toujours payer mes dettes, et je me sens redevable envers vous. D'une part parce que je vous ai fait tomber mais aussi parce que vous m'avez aiguillé sur cette tenue. Et puis sans vous et cet accident, je ne l'aurais jamais vu. Que puis-je faire pour vous être utile ?

Les bases étaient posées. Hadence avait hâte de quitter cet endroit mais il serait frustré si il ne savait qui était l'inconnue. En disant cela, elle ne pourrait se débarrasser facilement de lui.

Bien ... Si il fallait porter les sacs de cette dénommée Naoto pour en apprendre un peu plus, Hadence mettrait sa fierté de côté et le ferait. Et puis, étrangement il éprouvait de la sympathie pour la jeune femme, bien qu'il ne la connaissait que depuis peu.
L'étudiant s'empara des sacs de la jeune femme et nos deux protagonistes se dirigèrent vers une cabine d'essayage.

- Et sinon ... que faites vous dans la vie ? J'ai l'impression de vous avoir déjà croisé, peut être nous connaissons nous ?

Naoto ne donnait pas l'impression d'être quelqu'un qui trainait dans les bars, donc une éventuelle conquête d'un soir était à proscrire. Il n'avait jamais non plus sauvé une femme enceinte des griffes d'une ombre. L'idée qu'elle soit une Seraph ne lui traversait pas l'esprit, ne l'imaginant pas du tout comme cela. De plus, une Seraph enceinte était dur à croire, Hadence voyant la communauté comme de fiers guerriers avant tout.

Hadence s'éloigna légèrement de la cabine quand Naoto ferma le rideau, probablement par peur qu'elle veuille se venger du coup qu'il lui avait porté dans la même situation quelques minutes auparavant.
C'était sans compter sur l'éléctrochoc reçu du à la question de la jeune femme.

- Quelques mois seulement. Comment savez vous ...

Naoto était une Seraph, ce qui expliquait pourquoi elle était aussi intrigante à ses yeux. En revanche, comment pouvait elle connaitre sa nature ?
Hadence se colla un peu plus à la paroi de la cabine et murmura :

- De votre côté, je suppose que cela fait un moment que vous l'êtes. Il faut sûrement pas mal d'expérience pour arriver à déceler un Seraph dans cette foule.

Un sourire se dessina sur les lèvres du jeune homme. Rencontrer un Seraph en ces lieux, assez puissant de surcroit était inespéré. Dommage qu'elle soit enceinte, Hadence lui aurait bien proposé un combat.
Un millier de questions se bousculaient dans sa tête, mais chaque chose en son temps.

Hadence n'avait pas vraiment pensé à la possibilité que des Nephils soient présents dans le coin, et il est vrai que Naoto aurait sûrement quelques difficultés à se battre. Le jeune homme frémit à l'idée d'un face à face en plein centre commercial avec la faction adverse. Il trouvait sa compagne plutôt sympathique (ce qui était rare chez lui), mais un combat l'excitait au plus haut point.
La sortie de Naoto mit fin à sa torpeur. Ce pull lui allait à ravir, la rendant plus féminine qu'avec les fringues d'homme qu'elle se trainait auparavant. De plus, il moulait parfaitement l'heureux événement qu'elle allait connaitre d'ici quelques mois.

- Ce pull est fait pour vous. N'hésitez pas.

L'attention des autres clients n'était plus dirigé sur eux, ce qui leur permettrait de discuter librement. Le jeune homme avait quelques questions à poser à Naoto, c'était sûrement la première Seraph expérimentée qu'il rencontrait.

- Est-ce courant que des Seraphs aient une famille à charge ? Qu'en pense le "sommet de la pyramide", surtout au niveau de l'élu ?

L'étudiant se demandait si le devoir de Seraph primait sur le devoir de parents. Si non, quelle pouvait être l'issue ? Rester dans le moule pour assurer une certaine protection à sa famille ou quitter les rangs pour la protéger des Nephils en s'exposant aux autres Seraphs qui considéreront l'individu comme un traitre ... dilemme difficile.

Hadence se passa une main dans les cheveux. Cet élu n'avait pas l'air commode, et il y aurait sûrement divers sujets de désaccord à son propos. Il n'aimait pas suivre les règles, et avait tendance à toujours aller à contre-sens pour énerver les principaux concernés. De plus, la gueguerre entre Seraph et Nephil lui passait bien au-dessus de la tête. Le seul truc qui l'intéressait vraiment était de trouver des adversaires intéressants et puissants pour progresser. Peu importe sa faction.

- J'ai pour habitude de faire cavalier seul. Les autres ne sont qu'une gêne dont je préfère me libérer. Et puis, j'ai toujours vécu de cette façon.

Tiens, pourquoi lui racontait il ça ? Décidément, Naoto exerçait une bien mauvaise influence sur Hadence. Mais à son contact, la discussion semblait si facile que cela en était déroutant. Il préférait changer de sujet.

- Et le père de l'enfant en pense quoi ? Est-ce un Seraph également ?

La question pouvait sembler indiscrète, mais le tact était une qualité qu'Hadence ne possédait pas. Il avait pour habitude de mettre les pieds dans le plat, que cela plaise ou non. Et puis, libre à la jeune femme de lui répondre ou non, il ne faisait que se renseigner sur sa situation.

Le père de l'enfant n'était pas un Seraph ? Voilà qui était intéressant ! Comment un humain pouvait il défendre sa famille du chaos ambiant ? Ou alors étais-ce un Nephil ... voilà qui dépassait l'entendement. Pour le moment, les questions personnelles étaient à mettre de côté. La jeune femme était retournée se changer dans la cabine. Quand elle en ressortit, Hadence s'apprêtait à la complimenter de nouveau, mais sa question le prit de court.

- Non.

Réponse brève qui coupait court à la conversation. Le visage du Seraph se ferma et il afficha une mine grisâtre. Certes, il avait beaucoup de facilité à discuter avec Naoto mais cette question était de trop. C'était là son point faible et il n'était en aucun cas question que le sujet soit abordable. Sa famille était morte et enterrée.

Hadence fixait un point invisible à l'horizon, ne remarquant pas le regard insistant de Naoto. Il tentait de faire taire ses vieux démons revenus le hanter. Il ne pouvait en vouloir à la futur maman d'avoir posé la question, elle ne pouvait pas savoir le passé que se trainait le jeune homme. Il fallait donc faire bonne figure, au risque de la vexer. L'étudiant déglutit et se tourna vers elle, tentant d'afficher un sourire qui respirait le mensonge :

- Avez vous d'autres essais à faire ?

Hadence s'étira, tout en regardant Naoto. Le sujet avait dérivé et c'était tant mieux. Le Seraph n'avait pas envie de s'étendre sur sa vie. Il observa son manteau et jugea que ce serait suffisant pour aujourd'hui. De plus ce dernier était assez cher et Hadence ne roulait pas sur l'or.

- Noël est une fête stupide. Et puis pour faire des cadeaux à ses proches il faut déjà en avoir.

L'étudiant ricana. Quand il y réfléchit, il n'avait jamais reçu de cadeau ce jour là, même quand il vivait encore paisiblement chez ses parents. Et puis les biens matériels n'étaient qu’éphémères, il préférait prouver par ses actions au quotidien son attachement à ses proches.
Tss foutues excuses.

Hadence commença à marcher vers la caisse suivi par Naoto. Une fois devant, il prit la liberté de payer son manteau et le débardeur déchiré mais aussi les articles de la jeune femme.

- Voyez cela comme mon propre cadeau de Noël.

Hadence poussa les portes de sortie de l'enseigne, suivi de près par Naoto. Un café ? Pourquoi pas. Cela pourrait être intéressant, surtout que sa curiosité insatiable n'avait pas encore été rassasiée à 100%. Il fit quelques pas puis se retourna :

- Avec plaisir. Mais un bistrot tranquille de préférence, la foule environnante commence à me taper sur les nerfs.

Le centre commercial s'était pas mal vidé depuis son arrivée. L'étudiant jeta un coup d’œil à sa montre. Waou, il avait trainé, cela faisait plus d'une heure qu'il était là-dedans. Les gens avaient sûrement du regagner leur boulot, la pause déjeuner étant terminée. Lui-même avait cours mais cela l'importait peu, ce ne serait pas la première fois qu'il serait absent. Surtout qu'il avait assez été ennuyé aujourd'hui.

- Je dois vous avouer que je ne connais pas bien les environs, je ne viens pas de cette partie de la ville. Je préfère vous faire confiance.

Confiance ? Voilà un mot bien inhabituel dans sa bouche. Mais c'était la stricte vérité, il s'était pris de sympathie pour Naoto et lui accordait sa confiance.

Hadence acquiesça et nos deux protagonistes se rendirent devant le fameux bistrot. Son allure calme mais toutefois conviviale séduit tout de suite le jeune homme. Il pénétra dans son enceinte suivit par Naoto et s'installa à la table la plus éloignée de la porte d'entrée en commandant au passage deux cafés. Il fixa la future mère et entama la conversation :

- Je vous propose de me tutoyer, toutes ces formules de politesse ne sont pas vraiment habituelles chez moi, tout comme le calme que votre présence instaure en moi.

L'étudiant avait pour habitude de jouer les troubles-fêtes envers les gens et de tout faire pour les agacer un maximum, espérant ainsi gagner un peu de tranquillité. Mais avec Naoto, c'était tout autre. Il n'en ressentait même pas l'envie.

- Je préfère poser les bases : la guerre entre Seraph et Nephil ne m’intéresse que très peu, tout comme notre faction d'ailleurs. Je ne suis devenu Seraph que pour servir mon propre intérêt et affronter des adversaires toujours plus puissants. Si je juge que laisser la vie sauve à un Nephil car il peut représenter un intérêt lors d'un futur combat contre moi, alors je le ferais, même si cela me confère le titre de traitre. Je respecte le courage et la bravoure, peu importe la faction de celui qui portera ces qualités.

Hadence avait choisis de jouer carte sur table avec la jeune femme. Si elle choisissait de le blâmer ou de quitter le café car ses valeurs différaient trop des siennes, alors ainsi soit il. Mais si elle restait assise, alors Hadence partirait sur un terrain fait de franchise et d'honnêteté avec elle.

Le jeune homme réceptionna son café et fit un bref mouvement de tête en guise de remerciement. Il concentra ensuite son attention sur Naoto. Sa vision des choses était bien différente de la sienne. Comment pouvait il considérer que nous étions tous des êtres vivants après avoir vécu dans les quartiers du Sud et avoir été traité comme un déchet toute sa vie ? Non, nous n'étions pas tous égaux. Certains avaient eue de la chance, appartenaient à des catégories bien distinctes et reconnues tandis que les autres ... n'avaient pas eue de chance.

- Ouais quelques uns avec qui j'ai eue l'occasion de partager un combat. Mais je n'ai pas leur sang sur les mains.

Hadence versa une grande quantité de sucre en poudre dans son café, si bien qu'un diabétique aurait rendu l'âme à la moindre gorgée. Il touilla machinalement sa boisson, observant les remous du liquide noirâtre.

- Pour ta seconde question, j'ai en effet pratiqué pas mal de sport de combat. Mais ce n'est pas vraiment ce que j'appelle savoir se battre, ce n'est que du vulgaire combat de rue, noble héritage de mes origines géographiques. Avant, j'aurais sans doute affirmé que ce genre d'affrontement n'avait aucun secret pour moi, mais depuis mon entrée chez les Seraphs c'est différent. J'ai eue l'occasion de rencontrer des guerriers qui me dépassaient en tout point.

Au lieu d'afficher une mine grisâtre, Hadence laissa entrevoir un sourire satisfait pour souligner ses paroles, fixant toujours son café. Il en avala deux petites gorgées avant de reposer sa tasse.

- Et de ton côté qu'en est-il ? Tu ne ressembles pas vraiment à une guerrière, bien que ta grossesse puisse facilement m'enduire en erreur. Des actes chevaleresques à afficher sur ton palmarès ?