Alors qu'il était tranquillement allongé sur son canapé, à bouquiner dans son coin tandis que d'autres étudiants devaient faire la fête, il reçut l'appel de quelqu'un qu'il connaissait plutôt bien maintenant. Il avait juste entendu son portable sonné depuis sa table basse et sans même regardé de qui il s'agissait, il répondit au téléphone. Après les mots prononcés à travers cette boîte, il recula un peu son portable pour regarder l'écran et voir qui l'appelait à une heure tardive, une heure à laquelle Leeroy aurait déjà dû être couché.

Après qu'il ait donné son lieu de rendez-vous, il raccrocha net en disant qu'il arrivait et prit une veste rapide. En sortant, il fit attention à mettre sa capuche puisque la pluie commençait à tomber. Leeroy allait sans doute mettre du temps puisqu'il habitait au quartier est et qu'il devait l'amener chez lui après l'avoir cherché au quartier nord.

Une fois arrivé en face du cadavre, il resta d'abord debout sans vraiment réagir. Il était vraiment dans un sale état, et il fronça les sourcils. Il sortit les mains de ses poches et s'accroupit alors en se mettant de dos à lui. C'était un simplement signe pour qu'il grimpe sur son dos. Leeroy restait silencieux, il comptait l'aider, mais il avait intérêt à tout lui dire sur ce qu'il venait de se passer. En le retrouvant dans cet état, c'était comme s'il se voyait dans un miroir après un combat sérieux. John devenir un contractant ? Il ne préféra même pas y penser, même, si en voyant ses blessures, c'étaient presque certain. Après, il essayait quand même de se dire que cela pouvait être un accident de voiture, ou alors qu'il s'était fait vraiment tabasser après avoir essayé de voler quelqu'un, mais il ne pouvait pas s'empêcher de penser à la première solution.

John commençait à reprendre conscience. Il était dans quelque chose d’agréable, loin du sol crasseux et dur sur lequel il avait passé les quelques dernières nuits. Il ouvra peu à peu à ouvrir les yeux, un peu ébloui par la lumière de la pièce. Puis il tourna la tête et aperçu un visage familier, celui de Leeroy. Son esprit se remettait en route, et il se remémora progressivement la suite des événements ; mais il se résigna très vite à comprendre que ce n’était pas un rêve, car il n’aurait aucune raison de se réveiller dans une maison inconnue sinon. Probablement chez Leeroy, John ne voyait pas d’autres individus. Par quoi devrait-il commencer ? Son père ? Le chat ? Des remerciements peut-être. La nuit s’annonçait longue, son ami aurait sûrement du mal à accepter ce qu’aller lui annoncer John.

« - Merci, Lee’. J’imagine que tu veux des explications, et je vais tout te dire. De toute façon j’te dois la vie, donc à quoi bon te cacher des choses ? »

John se releva difficilement, grimaçant de douleur. Mais il ne voulait pas rester allongé plus longtemps, il voulait être à la même hauteur que son ami. Il fut d’ailleurs étonné que la douleur qu’il ressentait soit déjà plus faible que celle d’avant son étrange rencontre. Comme s’il était un peu plus résistant.

« - Je suis allé rendre une petite visite à mon père. Je voulais avoir une discussion avec lui, et aussi récupérer de quoi l’inculper de toutes les choses horribles qu’il a faites. Et au passage, récupérer mon identité. Sauf que t’imagines bien, ça a mal fini ; il m’a chopé, m’a jeté dans sa cave et m’a torturé après une charmante petite discussion. Super retrouvailles quoi, j’aime toujours autant mon père. »

Il se demandait si Leeroy allait le féliciter ou lui hurler dessus à cause de son initiative. Enfin, là n’était pas l’important, ce qui primait c’était le but de la manœuvre : instaurer la justice et récupérer la vie qu’on lui avait volé. Cette entrevue devait le libérer, et désormais il ne savait pas trop quoi en penser ; à la fois il pouvait désormais aller voir la police, avec des preuves sur son père, et de l’autre, cette histoire de contrat le travaillait. Il était encore perdu avec cette histoire, et même s’il avait accepté la vérité quant aux côté surnaturelle de la chose, tout ne s’imbriquait pas correctement dans son esprit.

« - Et puis y a eu une sorte de chat poilu chelou de l’espace, passionné de contrat et de tripotage de cœur. Voilà, ça résume un peu le truc. »

Il avait peur que Leeroy le prenne pour fou s’il lui expliquait correctement ce passage, alors il préféra rester évasif sur le sujet.

Lorsqu'il fut arrivé dans son appartement, il lâcha doucement le corps de John sur le canapé pour l'allonger dessus. Il s'était probablement évanoui sur le chemin, avec les blessures qu'ils avaient ce n'étaient pas étonnant. Leeroy soupira, il aimerait savoir les raisons qui avait pu le mettre dans cet état. En attendant qu'il se réveille, il alla dans la cuisine se préparer deux chocolats chauds. L'étudiant ne se savait pas trop ce qu'il prenait, mais il lui préparait au moins cela et apporta les deux tasses sur la table basse. À son tour, il se mit sur le canapé, sur l'espace libre du canapé et le regarda dormir, tout en buvant un peu de son chocolat.

Le regardant fixement depuis tout ce temps, il le voyait se réveiller peu à peu. John avait l'air d'analyser l'endroit où il se situait à présent, alors il le laissa voir un peu près où se trouvait son corps et à côté de qui.

John se redressa doucement pour s'asseoir sur le canapé. Leeroy aurait voulu lui dire de rester allongé pour qu'il puisse soigner ses blessures, mais il commença à expliquer ce qui lui était arrivé. Au début de son histoire, Leeroy fut soulager qu'il n'ait pas eu de contact avec des certains chats, néanmoins en écoutant sa dernière phrase ses sourcils se froncèrent, visiblement bien impliqué dans ce genre d'histoire.

- Raconte-moi tout, sur ce chat poilu.

Son ton paraissait froid, mais pourtant tout aussi inquiet de ce que John venait de faire. C'était sûrement la plus grosse erreur de sa vie, mais au vu des circonstances, c'était peut-être le seul choix qu'il avait pu faire pour s'en sortir s'il était vraiment dans une telle mouise. Leeroy soupira un peu.

- La tasse de chocolat chaud sur la table est pour toi.

John était étonné de la réponse calme de Leeroy. L’histoire avec son père ne semblait pas l’avoir atteint plus que cela, et plus surprenant encore, l’affaire du chat sembla l’intéressé. Il s’attendait à passer pour un fou, et voilà que son ami lui en redemandait sur cet étrange passage de sa soirée. Il hésita quelques secondes avant d’en dire plus, puis décida de tout raconter. Peut-être qu’il savait des choses sur ce chat, et qu’il pourrait répondre à bon nombre de ses questions.

« - C’était un chat noir. Peut-être croisé portugais, il avait des poils super longs qui sortaient de ses oreilles… Enfin, commençons par le début. C’était y a quelques heures, j’étais par terre dans la cellule, à moitié agonisant, quand ce truc s’est pointé et a commencé à me parler de vœu, et de truc bizarres… J’ai cru que c’était une mauvaise blague et j’ai dit un truc comme que je voulais être meilleur dans vol ou une connerie du genre, pour faire rire mes geôliers. Sauf que la bestiole m’a planté ses poils bizarres dans le cœur, m’a parlé d’ombres et je sais plus trop quoi, et m’a laissé là. Après j’me suis appuyé à nouveau contre le mur, et j’me suis perdu dans mes pensées… »

John reprit sa respiration, conscient que la phrase suivante serait difficile à admettre. Il souffla, puis de décida.

« … Et je me suis retrouvé dehors, toujours assis. Me demande pas comment, je sais pas ce qu’il c’est passé, c’était comme si je m’étais téléporté. Enfin après ce chat, j’sais pas trop quoi en penser finalement… Enfin bref, après j’suis parti en courant et tu connais la suite. Et merci pour le chocolat. »

Voilà, il avait tout dit. Maintenant restait à savoir ce que Leeroy en tirerait, s’il allait éclater de rire, ou si il allait justement lui expliquer des choses sur cette drôle d’histoire.
Quoiqu’il en soit, John se pencha, non sans douleur, pour attraper la tasse, et commença à boire le chocolat chaud. Des jours qu’il n’avait pas eu de la nourriture de qualité, et c’était un instant de plaisir.

Leeroy écouta toute son histoire, assis sur le canapé. Il passa une main dans ses cheveux, et se mordit un peu la lèvre, de plus en plus fort. Pour ajouter quelque chose à tout cela, il lâcha un petit soupir qui voulait tout dire. C'était peut-être une erreur de sa part, la question tournait autour de comment il préférait mourir. Des mains de son père ? Ou mourir dans une guerre complètement stupide en risquant que cela soit pire qu'avec son père ? Il ne savait pas vraiment ce qu'il avait subi tout à l'heure dans cette cave.

- Je vois.

Il avait employé un ton plutôt froid, il ne le prenait ni pour un fou et n'essaya pas d'en savoir plus. Leeroy essayait juste de digérer cette information, devait-il lui expliquer ou faire comme s'il n'y connaissait rien ? De toute manière, avec le ton qu'il avait employé, il ne pouvait pas faire comme si de rien n'était.

- Enlève tes vêtements, je vais m'occuper de tes blessures.

En attendant que John s’exécute, Leeroy alla chercher une caisse à pharmacie qu'il rangea dans l'autre pièce, la salle de bains. Il la déposa sur la table et commença à ouvrir le tout pour pouvoir le soigner correctement. L'étudiant fouilla tout de même un peu à l'intérieur pour vérifier qu'il avait tout ce dont il avait besoin pour s'occuper du jeune voleur à côté de lui. Évidemment, il avait aussi formulé un vœu qui ne lui plaisait pas vraiment, mais pour le moment, il allait passer outre. Puis, il n'était pas son père après tout, même si dans ce genre de situation, il aura bien aimé l'être.

- Je suppose que tu dois avoir plein de questions. Je peux y répondre si tu veux.

C'était ce à quoi il s'était résigné de faire : répondre aux questions de son jeune ami. Il allait faire cela, lui donner le moins d'information possible et il aviserait directement après ce qu'il allait faire de lui.

Il n’y avait plus l’ombre d’un doute, Leeroy était lui aussi mêlé à ça. C’était peut-être une explication de son endurance de l’autre jour, quoiqu’il puisse tout à fait être aussi un athlète émérite. John allait devoir faire un tri dans ses questions pour en venir à l’essentiel, son camarade n’avait pas l’air très enjoué face à cette situation.
John retira son lambeau de chemise, en grimaçant quand il devait l’arracher de ses plaies, puis tourna le dos à l’apprenti soigneur pour le laisser faire. C’était là qu’était la majorité des coups qu’il avait reçu, juste au-dessus des belles balafres du soir de la colline.

« - C’est quoi les ombres ? Les Néphils ? Et tu es quoi là-dedans, toi ? »

C’était déjà l’essentiel des questions dont John voulait la réponse ; le reste serait plus personnel et moins important, en somme des choses qui pouvaient attendre. Il aimerait aussi demander à son ami de lui apprendre à maîtriser ses nouvelles capacités, de lui apprendre à repérer ses ennemis de ses alliés… Tout simplement de lui apprendre à se battre. Cela faisait beaucoup de demandes, après l’orphelinat, la fac et désormais cette histoire de chat, Leeroy faisait beaucoup pour John. Et il aimerait tellement lui payer ses dettes, l’aider à son tour… Mais il ne voyait pas comment faire. Peut-être devrait-il lui proposer de lui donner une partie de l’argent qu’il vole, pour lui assurer un train de vie plus paisible ? Il ne pouvait même pas tenter de le protéger des mauvaises personnes, l’étudiant semblait beaucoup plus puissant que ce que John avait imaginé.
Et surtout, John priait pour que dans cette histoire, Leeroy soit un allié. Si jamais ils se retrouvaient ennemis, le jeune Néphil se retrouverait incapable d’agir ; même s’il avait maîtrisé Ash, il n’avait pas envie de réellement se battre contre son nouvel ami. L’autre problème, c’était que s’il était amené à se battre souvent, sa façon de penser allait devoir changer. Celui qui méprisait la force allait devoir s’entraîner à la maîtriser, à l’apprécier. En somme, un changement total de caractère.

Leeroy allait vraiment regretter de devoir tout lui expliquer, mais il avait déjà été chanceux qu'il l'ai appelé pour venir le chercher. S'il était tombé sur un autre contractant, cela aurait été beaucoup plus délicat, que serait-il devenu dans ce cas-là ? Leeroy devait en profiter pour lui expliquer, de sa vision, ce qu'il voyait, mais il ne s'agissait que de son avis, quelque chose de très subjectif.

- Les ombres sont des bestioles qui naissent des émotions négatives des humains. Ce chat, en échange de ton vœu, te donne la mission de les exterminé. Elles manipulent les humains et les pousse à tuer ou à se suicider.

Il avait un peu près expliquer les grandes lignes, et il trouvait cela normal de tuer des ombres. Même si cela donnait de l'énergie à Kyu, il ne pouvait pas s'empêcher de s'occuper des ombres puisqu'elles étaient capables de faire du mal à des humains. Sa haine envers le chat n'était pas encore assez grande pour qu'il en arrive à ce stade où il laisserai des humains mourir pour ne pas donner d'énergie à Kyu.

- Les Nephils ce sont les gens comme toi, qui ont passé un contrat avec le chat noir, nommé Bey. Ce sont tes alliés, on va dire. Ne donne pas ta nature de contractant, si tu veux rester en vie.

Leeroy ne savait pas vraiment encore comment cela se passait à l'intérieur du QG Nephil. En revanche, il savait très bien comme cela se passait dans le QG Seraph, et il n'aurait pas aimé voir John là-bas et il l'aurait sans doute essayer de l'enrôler parmi les Solitaire Seraph. Enfin, il était Nephil, c'était le principale, au moins il avait fait le vœu à Bey et non à Kyu.

- Et je suis aussi un contractant.

Attrapant le désinfectant, il commença à l'appliquer sur les plaies de son jeune ami. Il les nettoyait pour éviter qu'elle ne puisse s'infecter plus. Les blessures n'étaient déjà pas dans un très bel état. Il se disait que le désinfectant devait lui piquer les plaies comme jamais.

C’était douloureux, et John grimaça à chaque fois que John tamponnait ses blessures. Entre deux sensations, il tentait d’assimiler tout ce que venait de lui expliquer Leeroy. Son rôle était d’anéantir des ombres, et il s’y plierait volontiers ; aider son prochain était dans ses cordes. Mais il comprit que quelque chose n’allait pas quand son ami a commencé à le prévenir sur nature, sur le fait qu’elle devait rester secrète. Pourquoi cacher son identité quand on faisait tout pour sauver les gens ? Ou alors les Néphils avaient des ennemis ? Cela n’avait pas de sens, les ombres avaient-elles une sorte de coalition parmi les humains ? Non, vraiment, John ne comprenait pas ce point.

« - C’est quoi le souci avec ma nature ? J’ai des ennemis ? »

Et Leeroy, de quel camp était-il ? Décidemment, les réponses de son camarade avaient soulevés plus de questions qu’elles n’en avaient répondues. Et puis il fallait aussi que John apprenne à maîtriser ses capacités, connaisse les possibilités qu’il avait désormais.
Puis d’un coup il réalisa. Son vœu. Il aurait pu souhaiter de sauver le monde, rétablir l’équilibre pour lequel il se battait, ou encore des tas d’autres options salvatrices… Et lui avait demandé d’être simplement un meilleur voleur. Cette réalité fit naître en lui une colère noire contre lui-même, contre cet homme qui avait décidé de faire un vœu égoïste et mauvais. Il était à deux doigts de se lever et d’envoyer tout valser, sous les coups de sa fureur ; mais il se contenu. Il n’était pas chez lui, et il devait faire preuve de respect face à l’homme qui l’avait sauvé. Néanmoins son corps se raidit, ses muscles se contractèrent, et il ne put se retenir de râler.

« - Mais quel salopard je suis. J’aurai pu aider les gens, et voilà que je demande de devenir un meilleur connard. Putain ! »

Et, il se demanda le vœu de son ami. Si lui avait fait un vœu, alors ils devaient tous en avoir fait ; et Leeroy aussi donc. Il lui poserait sûrement la question plus tard.

Heureusement que Leeroy avait pensé à racheter de la bande tout à l'heure puisqu'il avait utilisé la dernière, actuellement sur le mollet de l'étudiant. Il prit alors dans la caisse la bande qu'il venait d'acheter et commença par faire le tour du dos et torse avec la bande. En même temps, il écoutait ce que John disait, et sur ce coup-là, il le comprenait bien. Lui-même regrettait déjà le vœu qu'il avait fait et depuis qu'il avait compris l'enjeu de ce nouveau monde dans lequel John avait mis les pieds. Ne plus avoir peur des serpents était un vœu bien nul se disait-il à chaque fois. Surtout que s'il avait su ce qui lui arriverait par la suite, il n'aurait peut-être jamais fait tout cela.

- Exact, tu as des ennemis, enfin tout dépend si tu considères d'autres humains comme toi, comme des ennemis.

Leeroy ne pensait pas aux Seraph comme des ennemis, du moins pas tous. Même si les contractants n'existaient pas, les psychopathes méritaient quand même une peine. Pour ceux ne voulant pas se battre, il ne les considérait pas comme tels. Évidemment, dans le contexte actuel de la guerre, cette pensée n'était pas acceptée et de toute façon, il n'oubliait pas non son principal objectif. Très vite, ses idées devenaient contradictoires, puisque finalement, il essayait d'utiliser certains Seraph pour faire du mal à Kyu.

- Ils sont appelés Seraph. J'en suis un.

Sur cette parole qui venait d'annoncer que Leeroy était un ennemi de sa faction, il comptait bien observer sa réaction avant de lui avouer qu'il était Solitaire. Il avait aussi vu sa marque de Nephil au bas du dos, donc John ne pouvait pas lui mentir sur sa nature. Il espérait tout de même que John n'allait pas se prêter au jeu de la petite guerre et surtout qu'il n'allait pas essayer de l'attaquer au bout d'un certain temps. Et si Manori donnait l'ordre de le tuer ? Qu'est-ce que John fera dans ce cas ? Il était curieux de la réponse, mais il ne voulait pas en arriver à là avec lui, puisque s'il ne le tuait pas, John pourrait avoir des problèmes par la suite. C'était comme cela que ça marchait.

John relâcha ses muscles quand il entendit que Leeroy était son ennemi. Forcément, il fallait que son premier ami depuis bien longtemps se retourne contre lui. Si cette guerre fratricide était mortelle, alors il préférerait mourir des mains de son camarade que de celles de son père ; il s’était résigné à mourir moins d’une heure auparavant, alors cela tenait toujours.
Néanmoins, pour montrer ses pensées à son ami, il ria. Douloureusement d’ailleurs, car il rouvrait les plaies que Leeroy venait de bander. En pensant à ces bandes, il s’arrêta dans son élan : pourquoi ce Séraph le soignait, s’il était son ennemi ? C’était étrange, à  quoi bon perdre des bandes et de l’alcool, si on comptait tuer la personne quelques instants plus tard ? A moins que ce soit une guerre bonne enfant, mais après l’histoire des ombres, le Néphil ne s’attendait pas à ce que ses semblables soient des enfants de cœur.

« - Donc, tu vas me tuer, c’est ça ? Fais toi plais’, j’suis plus à ça près. »

Pourtant, il avait du mal à imaginer que Leeroy se mette à se battre avec lui. Il l’avait sauvé, soigné, et maintenant lui expliquait ce qu’il venait de se passer ; la suite ne pouvait pas être la mort de John. Non, Leeroy n’avait rien contre John, il n’y avait pas d’hostilité dans ses propos. Une blague ? Ce n’était pas vraiment le genre de l’étudiant. Peut-être de la clémence alors, ou de la pitié. Enfin, quoiqu’il en soit, la mort de John était peu probable. Allant au-devant de la réponse du Séraph, il se décida à la questionner encore.

« - Enfin, une fois ces formalités finies, est-ce que tu pourras me montrer ce que je peux faire maintenant ? Merci ! »

Il était vrai que, hormis une téléportation hasardeuse et chanceuse, John ne savait pas vraiment ce que lui avait apporté ce contrat. Enfin, à part une guerre et des ennuis.

Après ce que le Nephil venait de dire, le solitaire l'aurait peut-être frappé s'il n'était pas blessé. Comment pouvait-il demander à Leeroy de le tuer aussi facilement ? Sur le coup, cette phrase l'énervait un peu. Pour Leeroy qui tenait plus que tout au monde à sa vie, voir ce genre de comportement l'irritait un peu. C'était comme avec Samantha lorsqu'elle voulait se sacrifier pour protéger les autres.

En tout cas, grâce à cette question, il avait très bien vu que John n'était pas près de s'attaquer à lui, et qu'il préférait d'ailleurs mourir. C'était une bonne chose, car contrairement à John, si Leeroy se devait tuer son ami, il le ferait probablement. C'était sa règle d'or. L'étudiant avait tendance de toute façon à tout mettre sur le dos de ces petits félins, surtout Kyu.

- Redis quelque chose comme ça et je jure de te frapper.

Maintenant, il devait peut-être le mettre en garde sur la hiérarchie, car bien évidemment, tous les Nephils n'étaient pas égaux.

- Tu dois aussi respecter tes supérieurs. Tu fais partie des personnes les moins gradées actuellement. Il y a des accomplis, plus hauts les commandant et le bras droit, et ensuite, il y a l'élu.

Il n'avait pas encore dit à John sa nature de Solitaire. John finirait tout de même par l'apprendre puisque Leeroy n'était pas inconnu ni des Nephil, ni des Seraph. Finalement, il allait lui dire, valait mieux pour lui qu'il le sache, au moins il le rassurera sur le fait que John n'ait pas l'obligation de le tuer.

- Et il y a les personnes à part, comme moi. Nous ne sommes pas comptés les rangs normaux, des exclus en gros. Ils sont appelés Solitaires, ou alors traître. Mais je n'aime pas ce mot. C'est surtout pour te dire qu'on n'aura pas à se battre. En général, les Solitaires sont tués par une des deux factions s'ils leur deviennent nuisibles.

Même s’il semblait connaître beaucoup de choses que John ignorait, Leeroy ignorait ce qu’un passé difficile signifiait. A chaque fois que des sujets tels que la résignation, l’abandon, la disparition étaient abordés le Séraph était tout à fait fermé, inflexible sur son avis. Et ce soir encore, il montrait qu’il détestait le tempérament parfois suicidaire du jeune Néphil ; quoique John comprenait cette réserve. Il était difficile pour un individu qui avait eu une vie à peu près normale, d’imaginer que quelqu’un puisse se laisser mourir sans résister.

« - Je te rappelle qu’il y a même pas deux heures j’étais en train de crever dans une cave, et ce chat bizarre m’a sauvé la vie. Alors si j’avais dû mourir par sa faute maintenant, finalement ce n’aurait été que repousser l’échéance. J’ai pas spécialement envie de clamser ce soir, mais je sais reconnaître mon impuissance quand il le faut. »

Il avait écouté Leeroy lui expliquer le système de hiérarchie, et il sentait déjà qu’il allait avoir du mal à s’insérer dans cette micro société ; si des riches pourris étaient ses supérieurs, il n’allait pas rester gentiment à les écouter et à leur obéir comme un gentil chien. S’il devait hausser la voix, et se faire battre en guise de punition, il n’hésiterait pas. S’il arrivait déjà à produire un semblant d’égalité dans ce monde dont il ne connaissait rien, ce serait le début de la réalisation de son véritable vœu.
Pour autant, devenir un Solitaire comme le disait Leeroy ne l’intéressait pas. Enfin, pas avant qu’il soit devenu capable de maîtriser ses nouvelles capacités. Une fois qu’il aurait découvert ces fameux Néphils, il aviserait sur son futur et ses ambitions.

« - Une vraie armée ce bazar. Le respect on verra, si c’est un connard je lui dirai, même si j’me fais déglinguer après. Si j’ai bien compris, t’es une sorte de sans faction, c’est ça ? C’est-à-dire que tu pourras continuer à me fréquenter sans être inquiété par les Séraphs ? »

John avait peur que son amitié avec Leeroy soit écourtée à cause de contrat, et il voulait s’assurer que le jeune homme ne court aucun risque en sa présence. Il aimerait beaucoup faire ses premières armes aux côtés du Séraph, si celui-ci l’y acceptait.

Ce chat venait de lui donner un nouvel espoir pour rester en vie, et il lui disait quand même que Leeroy pouvait le tuer. Ce genre de pensée était énervante pour lui, qui tenait tant à sa propre vie et avait du mal à concevoir les autres pensées dans ce sujet-là. C'était pourquoi Leeroy et Samantha n'était jamais d'accord. Enfin, il essaya de faire passer son envie de le frapper pour se lever du canapé et commencer à ranger les outillages qui lui avaient permis de soigner son jeune ami.

- On peut dire que je suis un sans faction, mais ça veut aussi dire en principe, que les deux factions sont mes ennemis et inversement.

Avec les informations transmises aux Nephil, ils devraient aussi comprendre que Leeroy n'étaient pas un danger pour eux et que c'était bien évidemment plus avantageux de le garder en vie grâce à sa haine pour Kyu et par extension, les Seraphs.

- Tu pourrais avoir des problèmes à traîner avec moi, mais je suppose que tu peux tant que tu ne reçois pas d'avertissement. Pour ce qui ai des Seraph, ils ne peuvent plus rien me dire, je ne fais plus partie de leur groupe. En tout cas, je ne t'attaquerais pas, sauf si tu le fais en premier.

Il fit une courte pause pour ranger à l'endroit initial sa caisse de pharmacie et revint s'asseoir à côté de John sur le canapé. Expliquer ses pouvoirs, l'aider à trouver ses pouvoirs ou lui dire comment ils fonctionnent, Leeroy ne pourra pas le faire puisqu'ils étaient en fonction du vœu que John avait fait. Même s'il le connaissait ou non, il ne pourrait pas déterminer lui-même le genre de pouvoir qu'il aurait. Surtout que « devenir un meilleur voleur » pouvait terminer sur plein de pouvoir différent.

- Quant à ce que tu peux faire, ce que tu m'as demandé tout à l'heure. Je ne sais pas. Tes pouvoirs et tes capacités sont créés en fonction de ton vœu, je ne peux pas t'aider à les trouver.

Victoire mitigée pour John, mais l’important était que Leeroy avait lâché l’affaire de la survie. Un bon point, le Néphil n’avait pas envie de tergiverser toute la nuit là-dessus. Ce qui était important pour le moment, c’était le statut de leur relation. L’étudiant insinuait que ce serait non pas lui qui pourrait se retourner, mais John ; ainsi sa faction pourrait lui ordonner d’assassiner son ami sous seul prétexte la couleur du chat qu’il avait rencontré. C’était barbare comme ordre, et John avait de moins en moins envie de prendre part à ce système. Pourtant, la curiosité de découvrir ses nouvelles possibilités était forte, et il était capable d’aller rejoindre son nouveau camp simplement pour l’assouvir.
Maintenant, que ferait-il si on lui demander d’affronter Leeroy ? Pour le moment, ce serait un refus catégorique. Il lui doit la vie, ce serait ingrat de retourner sa veste maintenant.

« - Donc, tu es mon ennemi, mais je ne suis pas le tien, c’est ça ? Drôle d’idée. On dira que t’es mon allié, ça sera plus facile. »

John fut quelque peu déçu en apprenant que le Séraph ne connaissait pas ses pouvoirs ; et encore plus quand il sut qu’ils étaient en lien avec son vœu. Il avait déjà la téléportation, qu’avait-il d’autre ? Un super crochetage de serrure, un odorat à argent, une furtivité magique ? Autant de perspectives qui le ravissaient et le dégoûtaient à la fois. C’était devenir meilleur, mais un meilleur déchêt.

« - Je vois… Même si nos pouvoirs sont différents, est-ce que tu pourras me montrer comment tu te sers des tiens ? Comme ça, y a p’têtre moyen que j’arrive à réutiliser ce fameux saut. »

C’était une technique comme une autre après tout. Quand il allait encore à l’école, on copiait le cours avant de l’appliquer ; et il comptait user de la même technique avec ses pouvoirs.

Ses pouvoirs, ils les avaient découverts presque instinctivement, alors il ne comprenait pas pourquoi John n'y arrivait pas. Et puis, Leeroy pensait justement avoir un pouvoir différent du sien puisqu'il avait une invocation. Comme il voulait savoir, il invoqua son serpent au pied du canapé. Il était apparu assez soudainement et pouvait peut-être effrayer John. La bête leva la tête avant de la poser sur l'une des jambes de son maître. Ce dernier lui caressa alors un petit peu la tête.

- J'ai une invocation de serpent.

Il espérait tout de même qu'il ne faisait pas d'erreur à lui révéler un de son pouvoir. Avec un vœu comme le sien, c'était presque sûr qu'il n'avait pas une invocation comme pouvoir, quoi qu’avec un peu d'imagination, cela aurait pu peut-être passer.

- Mes pouvoirs, je les ai utilisés instinctivement quand je suis devenu contractant.

Il n'avait d'ailleurs eu pas trop le choix puisqu'une ombre s'était attaquée à lui à peine le contrat passé, et n'avait pas eu la chance de se faire aider par quelqu'un. Ce jour-ci, il s'en souvenait très bien, et c'était à partir de ce moment-là qu'il avait commencé à regretter son vœu. Il ne pensait pas que passer un contrat mettrait tant que cela sa vie en jeu, c'était pourtant contraire à ses principes. Leeroy avait fait un vœu pour pouvoir profiter un peu mieux de la vie et surtout pour conserver son amour envers les animaux, cependant, comment pouvait-il en profiter dans ce contexte-ci ? Rien que de penser à tout cela, il soupira lentement, restant assis et continuant de caresser le crâne de la bête mesurant huit mètres de long.

John se figea à l’instant où le serpent apparu dans la pièce. C’était soudain, et le reptile était gigantesque ; John ne s’attendait pas à un tel pouvoir. Même si d’ordinaire les bêtes en tout genre ne l’effrayaient pas vraiment, il ne put contenir un sursaut à la vision de géant, quoiqu’il reprit assez rapidement ses esprits. Ce serpent appartenait à Leeroy, et il n’aurait donc aucune raison de s’en prendre à lui ; même si cela renforçait l’idée selon laquelle le Séraph aurait pu le tuer sans problème quelques minutes auparavant.

« - Jolie bête, ça doit être efficace pour casser de l’ombre, ha ha ! »

Revenant dans le fil de la discussion, il se demanda pourquoi, lui, ne maîtrisait pas d’instinct ses pouvoirs. Alors il chercha dans sa pensée l’événement qui lui avait permis de se téléporter dans la cave, tentant de le reproduire. Il se leva, ne prêtant plus attention au serpent, puis fixa le mur le plus loin possible, se concentrant au maximum. Il voulait aller là-bas, tout son esprit se focaliser sur un unique point, puis il ferma les yeux. Rien ne se passa, il était toujours sur place. Alors il se tourna vers son camarade, l’air dépité

« - Je comprends pas. Tout à l’heure j’ai fait pareil, je fixais le truc, je me concentrais dessus, je souhaitais à tout prix y aller… Et là ça fait rien. »

Déçu, il se tourna vers le mur, lui adressant un joli doigt d’honneur pour essayer de faire rire son camarade. Enfin, il ne savait pas si celui-ci avait pu voir le geste, car John s’était subitement retrouvé à quelques centimètres du mur, essoufflé. Son corps encore meurtri lui ordonna un repos, et il tomba lourdement sur ses fesses. Il mit sa tête en arrière de façon à voir Leeroy.

« - Ah. ‘faut ouvrir les yeux quand je cible un truc. C’est noté. Mais ça fatigue cette connerie, j’ai l’impression d’avoir fait un footing merde. »

Effectivement, quand il y mettait du sien, l’usage de ses pouvoirs était presque intuitif et simple. Il sourit, se rendant compte finalement de l’utilité de cette capacité. Cela allait beaucoup lui faciliter bien des tâches.

Comme un peu près cent pour-cent des gens qui découvraient d'un seul coup le pouvoir de Leeroy, John fut alors bien surpris de savoir qu'il puisse faire ce genre de chose et peut-être de voir un aussi gros serpent. Évidemment, il était pratique pour casser de l'ombre, et même pour combattre contre un contractant. Il lui servait de cible première pour que Leeroy puisse attaquer de loin ou en furtivité.

Comprenant que Leeroy ne pourrait pas lui expliquer ses pouvoirs, John se leva alors pour tenter de faire quelque chose. L’étudiant au serpent, ne comprenait pas vraiment là où il voulait en venir. Essayait-il de se télé porter ? Oui sûrement, mais comme le montraient sa position et sa réaction, il n'avait pas réussi. C'était à ce moment-là qu'il fit un gros doigt en direction de mur, de quoi amusé Leeroy et lui retirer un autre sourire.

Enfin, au bout d'un autre essai, il finit par y arriver, mais comme il était plutôt blessé et surtout nouveau contractant, son pouvoir devait lui pomper pas mal d'énergie même s'il ne lui en restait pas beaucoup. Leeroy se leva alors pour l'attraper par le bras et le lever.

- Remets-toi sur le canapé. Je ne pense pas que ça soit le bon moment pour s'entraîner. Tu devrais te reposer d'abord, c'est mieux pour ton corps. Je t'offre le canapé pour cette nuit, profite-en.

Leeroy se dirigea ensuite vers la cuisine et ouvrit rapidement son réfrigérateur pour prendre quelques trucs à manger. En pensant à ce qui venait de lui arriver, il n'avait sans doute pas mangé et pour reprendre un meilleure forme, il devait manger. Leeroy n'avait quant à lui pas vraiment besoin de manger. En tant que nouveau contractant, le corps de John était encore un peu près humain comparé à celui de Leeroy, qui en plus d'être un contractant vieux de 2 ans, ses sens se transformaient un peu au fil du temps.

Ayant pris ce qu'il fallait, il commença à faire cuir le tout au feu, cuisinant quand même pour John. Il avait tendance à toujours offrir un repas aux personnes qui venaient chez lui. Faut dire qu'avec les blessés, il était plutôt habitué.

John se releva péniblement de sa position, son pouvoir étant étrangement fatiguant. Pendant que Leeroy s’en allait, il retourna vers le canapé, s’écroulant dessus tel un mort ; puis il se tourna vers le dos, afin de ne pas s’endormir pour le moment. Surtout qu’il entendait du bruit pas loin et qu’il se demandait ce que son ami faisait. Puis une odeur commença à se faire sentir, et le Néphil comprit que son sauveur était en train de faire à manger. Son ventre se mit à faire un concert, et John devait bien avouer qu’il n’avait pas eu de vrai repas depuis la petite visite de la fac.
La fin amère de cette dernière rencontre lui revint en tête, et il se demanda alors si Leeroy lui en voulait encore. Après tout, ils s’étaient quittés en mauvais terme ; et il ne devait pas particulièrement apprécier que John débarque chez lui en pleine nuit, lui apprenant que désormais il appartenait à un groupe qui était son ennemi mortel – enfin, presque, grâce au rang de Solitaire du Séraph.
John ferma les yeux, luttant pour ne pas s’endormir. Il se ressassait les événements des derniers jours, et réfléchissait à ce qu’il devrait faire désormais. Dénoncer son père à la police, au risque de se faire pincer à cause de ses avis de recherche ? C’était risqué, mais cela pouvait être envisageable. Il en parlerait le lendemain à Leeroy ; il préférait y réfléchir plus avant. Et, il n’avait pas la force d’entamer un débat à cette heure-ci.

« - Ça sent bon Lee’, ça fait des années qu’on m’a pas fait à manger, ha ha ! »

En fait, depuis qu’il avait quitté la maison de Mary, il ne mangeait que des choses trouvées dans des poubelles, ou des produits vraiment peu cher.

D'habitude, lorsqu'il cuisinait pour lui, il faisait quelque chose de bien moins compliquer et chiant à faire. Cependant, il connaissait John et savait qu'il ne devait pas forcément se nourrir de la bonne nourriture. Au moins, en vivant comme cela, il ne risquait pas d'être difficile au niveau de la nourriture. Une fois qu'il eut fini de préparer son repas, il le mit directement dans une assez grande assiette pour accueillir la viande comme les légumes. Leeroy ouvrit alors le réfrigérateur pour prendre un yaourt plutôt quelconque comparé au repas et posa le tout sur un plateau pour enfin venir l'apporter sur la table basse en face de John.

- Depuis des années ?

C'était une question à laquelle il n'attendait pas de réponse évidemment. De toute façon, il ne laisserait même pas le temps à John de répondre puisqu'il avait fait une simple pause pour continuer à parler.

- Tu peux venir le soir quand tu veux. Je te ferais à manger. Tu ne manges pas bien ?

Il avait déjà donné à manger à des enfants, alors en donner à un autre ne le dérangeait pas spécialement. À cette pensée, il esquissa quand même un petit sourire. C'était effectivement amusant de prendre John pour un enfant. Leeroy se rassit tranquillement à côté de John.

- Après manger. Si tu veux parler de ton père.

Il tourna seulement son regard vers lui. À vrai dire, il n'était pas sûr que John veuille en parler, mais en voyant son jeune ami dans cet état-là, il se sentit quand même un peu énervé même si sur le coup, il avait surtout eu l'air d'être intéressé par cette histoire de contrat.

John commença à manger, écoutant la proposition de Leeroy. Quand celui-ci finit de parler, il releva la tête, la bouche encore pleine, et il lui adressa un grand sourire. Il était heureux de faire la rencontre de quelqu’un de bien après tant d’années d’errance. Même s’il allait en partie refuser cette invitation, il était content que son ami l’ai faite ; et cela l’en rendait encore plus redevable.

« - Merci, c’est très gentil… Je passerai parfois te tenir compagnie alors ! »

Après une bouchée supplémentaire, il continua.

« - En général, je mange soit des trucs périmés, soit des trucs aliens. Pas de la gastronomie quoi, mais ça donne des forces, ha ha ! »

Continuant de manger ce plat qu’il appréciait grandement, il réfléchit à l’autre question de Leeroy. Était-il temps de continuer de parler à nouveau ? Il savait pertinemment que s’il faisait ce choix, il en viendrait à parler de son idée de dénonciation ; et ce n’était pas le moment d’engager une longue discussion là-dessus. La téléportation, en plus des récents faits, avait considérablement fatigué John, et il avait le plus grand mal à rester éveillé. En fait, si Leeroy avait mis quelques minutes de plus à retourner auprès de John, celui-ci aurait probablement sombré dans les bras de Morphée pour un bon nombre d’heures.

« - Hmm, je préférerai dormir avant si ça te dérange pas, je suis vraiment à bout de forces… »

Et pour le coup, il avait été honnête. C’était bien la première fois qu’il était absolument franc en tentant d’éviter une situation, et cela le confortait dans sa relation amicale avec le Seraph. Enfin quelqu’un à qui il n’avait plus besoin de mentir, enfin quelqu’un de confiance. Et, désormais, son ami lui parlerait peut-être des parties cachées de sa vie, qui était sans doute liées à ses activités de contractants. En somme, le réveil allait être chargé en discussion.

Même avant sa réponse par rapport à son alimentation, Leeroy pouvait clairement deviné que John n'était pas quelqu'un qui mangeait équilibrés, mais de là à penser qu'il mangeait dans des poubelles ou autre. Avec cette réponse, il n'était même pas sûr que John passerait vraiment chez lui pour prendre un repas alors qui lui proposait gratuitement et gentiment. Enfin, après il faisait ce qu'il voulait, Leeroy n'était pas son père.

Comme il voulait dormir, Leeroy ouvrit son armoire pour au moins lui fournir une couverture assez chaude, de toute façon comme il était maintenant contractant, peut-être qu'il n'aura pas froid naturellement, mais au cas où il préférait lui donner la couverture. Il la déposa alors sur son lit. Leeroy retourna près de John et l'aida un peu à se lever et à se déplacer pour qu'il se mette sur le lit.

- Mets-toi là, ça sera mieux.

Pour la nuit, qui était déjà bien entamée, il comptait lui laisser son lit. De toute manière, il avait déjà dormi quelques heures avant que John l'appelle, alors il avait largement assez pour tenir debout toute la journée. C'était aussi ça d'être contractant ; plus besoin de beaucoup dormir. En attendant que John dorme et se réveille, il se posa alors à son bureau pour continuer quelques devoirs et projets rapides qu'il avait pour la fac.

Midi approchait, et Leeroy arrêta alors de travailler, il n'avait jamais fait autant d'heure d'affiler. Il fallait dire qu'il ne pouvait pas faire grand chose puisque John dormait à côté de lui, alors il ne devait pas faire beaucoup de bruit. Même s'il dormait encore, il se leva pour se diriger vers sa salle de bains, où il comptait prendre une douche silencieusement.

Il faisait chaud. John ouvrit lentement les yeux, découvrant un plafond blanc au-dessus de sa tête. Il tourna la tête, apercevant Leeroy assit à son bureau ; alors il recula la tête et ferma les yeux à nouveau.
Il se ressassait les événements de la nuit. Tout paraissait irréaliste, sa téléportation, la fuite de la cave de son père, la téléportation, Leeroy qui faisait apparaître un serpent… L’histoire de contractants, sa résolution à aller voir la police. Pourtant, tout était vrai ; ou alors il revenait d’une soirée arrosée avec son ami. Et étant donné la bête, il n’y avait aucun risque que ce soit l’autre option. Une fois tout en tête, il se tourna pour se lever, sentant subitement ses blessures le lancer à nouveau. Il grimaça, puis s’assit sur le côté du lit, proche du mur.
Le nouveau Néphil avait envie d’essayer à nouveau ses pouvoirs, ses forces étant désormais récupérées – si on omettait celles dues à ses blessures. Il avait toujours la sensation d’être plus résistant qu’auparavant, sûrement due à cette petite rencontre avec l’étrange félin. Toujours sans parler, il se concentra sur le canapé, le fixant, puis se retrouva instantanément assis dessus. Il esquissa un sourire, satisfait de sa réussite, et surtout car il n’avait pratiquement pas ressenti de fatigue ; fait très différent du dernier essai.

« - Salut Lee’. Ton lit est vachement agréable ! »

John avait envie de dire beaucoup plus de choses à Leeroy, mais il avait préféré commencer en sobriété. Trop en dire lui aurait desservi, et avant de se lancer dans des débats, il voulait savoir ce que son ami souhaitait aborder. En attendant que celui-ci daigne à se tourner vers lui, John se laissa baigner par la lumière du Soleil, profitant de cet instant de calme et de bien-être. Il était bien ici, chez Leeroy. Il aimerait bien ce moment dure plus longtemps.

Alors qu'il sortait de la douche, John ne s'était toujours pas réveillé. Leeroy fixait son travail et finalement il se disait qu'il allait quand même continuer, bon travailleur comme il était. C'était enfin, beaucoup plus tard que John se réveilla, en plein milieu de l'après midi. Heureusement, pour Leeroy c'était le week end et il n'avait pas dû s'absenter pour ses cours. A vrai dire, il n'avait pas encore vraiment confiance en John pour le laisser seul dans son appartement le temps que Leeroy ne soit pas là. Enfin, de toute manière, la question ne se posait évidemment pas.

En remarquant que son invité se redressa un peu, il en fit de même pour se lever et le rejoindre. Tranquillement il s'assit sur le rebord du lit. Même si cela pouvait paraître louche, il regardait alors le corps de John fixement, seulement pour pouvoir regarder ses bandages, qu'ils ne se soient pas trop défait pendant la nuit. John n'avait pas beaucoup bouger, alors ils étaient encore en place.

- Ouais, sans doute, j'ai le même matelas depuis un bon bout de temps déjà. Si tu as besoin de quelque chose demande.

Leeroy se leva du lit pour rejoindre son bureau et commença à ranger ses affaires de travail le temps que John lui réponde. Ensuite, il posa encore une fois son regard sur John et soupira un peu. Alors qu'il avait réussi à se faire un ami humain, le voilà devenu aussi vite un contractant. Heureusement, il n'avait pas croisé le camp des Seraph, sinon il l'aurait peut-être utilisé à des mauvaises fins, il l'avouait, mais ce n'était pas le cas : il faisait bien parti des Nephils.

- Tu viens de te réveiller, c'est un peu tôt, mais j'aimerais savoir, ce que tu comptes faire maintenant que tu es contractant.

Il lui demandait cela alors que John venait de se lever, cependant, pour Leeroy il ne pouvait pas être certains que John ne se mettra pas en travers de son chemin et cela le perturbait un peu. Il ne s'était d'ailleurs jamais imaginé qu'il pouvait être perturbé à cause d'une amitié.

John n’avait pas faim, ni froid. Il avait assez dormi, mais il devait avouer qu’il sentait mauvais. Même, il puait ; et c’était mérité, après cinq jours de torture. Cela allait sûrement être une des prochaines choses qu’il ferait, car cela allait peut-être commencer à indisposer Leeroy, qui ne devait pas avoir l’habitude des mauvaises odeurs persistances chez lui.

« - J’veux bien prendre un douche avant de partir, je pue le fennec. »

Enfin, avant cela, le Séraph avait abordé un sujet important. En dehors de ses préoccupations paternelles, John devait faire des choix pour son futur de contractant. Il n’avait pas l’intention pour le moment d’agir seul comme Leeroy, et il comptait même rejoindre le repère des Néphils de la ville. C’était un bon moyen pour lui d’en savoir plus sur ce qu’il était devenu, mais aussi de se renseigner sur la ville. Il n’oubliait pas son véritable objectif, et comptait user de ses pouvoirs y parvenir ; et sa nature pouvait être un tremplin conséquent. Même s’il voulait se frotter à quelques ombres avant d’aller rejoindre ses semblables, afin de ne pas passer pour un total ignare. Il ne voulait pas se sentir inférieur à tous.

« - Rejoindre les Néphils je pense. Pas tout de suite, dans une dizaine de jours peut-être, le temps de m’habituer à toutes ces nouvelles choses… »

Et puis, il était curieux. Si Leeroy était un contractant, peut-être en connaissait-il d’autres. Une idée saugrenue lui vint en tête, et lui arracha un sourire : il se pouvait que l’inexplicable attrait de Fox sur lui provienne de capacités similaires. Enfin, il n’y croyait pas vraiment, ce serait absurde. Mais cette pensée l’amusa, et il se mit à tenter de trouver les vœux que ses différentes connaissances auraient pu faire. D’ailleurs, il ne savait toujours pas celui de son ami ; même s’il avait compris le lien aux reptiles.

Il demanda à emprunter sa salle de bains, car il sentait mauvais, ce n'était pas faut. Alors il lui fit un rapide signe pour lui montrer la pièce dans laquelle il pouvait se laver.

- Là-bas. Dans le meuble, y a des gants des serviettes, et d'autres trucs. Sers-toi de ce que tu veux à part ma brosse à dents.

Leeroy ne se leva pas vraiment de sa chaise de bureau, John n'avait peut-être pas besoin d'aide pour aller jusqu'à la douche ou même se doucher. John n'était pas blessé à ce point-là.

- Rejoindre les Néphils je pense. Pas tout de suite, dans une dizaine de jours peut-être, le temps de m’habituer à toutes ces nouvelles choses…

Après ces paroles, il ne répondit même pas. D'un sens, cela le soulageait puisque c'était mieux pour lui de ne pas avoir de problème avec sa faction puisqu'il était encore un vrai débutant. Leeroy avait quitté le QG des Seraphs peu après son contrat, et ce fut une erreur, il avait dû apprendre par lui-même et était facilement en danger puisqu'au début, il n'était pas spécialement fort. Avec le temps, il avait réussi à s'entraîner, surtout avec du combat d'ombre. Il n'avait affronté des contractants que très rarement.

- Évite quand même d’ébruiter que tu traînes avec un Solitaire, je suis considéré comme traître, n'oublie pas.

L'élue des Nephil ne pourrait peut-être pas supporter que John traîne avec un Solitaire Seraph et cela pouvait se comprendre que l'élue ne veuille pas qu'un de ses « soldats » traîne avec un traître. Elle pourrait parfaitement croire que Leeroy essayait d'entraîner John en dehors de sa petite famille.

Leeroy semblait consentir au choix de John ; ou du moins ne semblait pas s’élever contre. Enfin, cela aurait absurde de pousser John à être considéré comme un traître avant même qu’il puisse s’offusquer de quoi que ce soit. Enfin, ce qui était plus intéressant, c’était ce qu’avait dit ensuite le Séraph : alors John devait taire leur amitié. Soit, même si était heureux d’avoir cette relation avec Leeory, il n’avait pas spécialement l’envie de la crier sur tous les toits. Donc, s’il devait la garder secrète, il le ferait sans hésiter. De plus, ses capacités servent à sa discrétion, alors aller voir dans l’ombre son ami devrait être de l’ordre du possible. En soit, leur amitié ne sera pas affecter par ce système d’ordre étrange et barbare.
John se leva, se dirigeant vers la salle de bain, sur le chemin, il lança à Leeroy :

« - Comme tu veux… Mais si c’est un moyen de te débarrasser de moi, c’est loupé, ha ha ! Je reviendrai ! »

Une fois la porte refermée, il commença à retirer les quelques habits qu’il portait encore sur lui. Chez lui, il n’avait pas d’eau chaude, et il profita de la baignoire pour se faire couler un bain bouillant. Pendant que l’eau coulait, il en profita pour se regarder dans la glace. Il avait l’air d’un cadavre, le visage blessé, du sang séché partout sur son corps ; alors il sourit. Finalement, il était heureux de s’en être sorti.
Il resta longtemps dans le bain, tentant de nettoyer son corps sans rouvrir les plaies. Peut-être trente minutes, peut-être une heure. Il était bien. C’était la meilleure après-midi qu’il ait passée depuis bien longtemps.
Une fois son office terminée, il sorti torse nu de la salle de bain, regardant son ami avec un air désolé.

« - Désolé de te demander encore ça, mais est-ce que tu pourrais refaire mes bandages s’t’eup’ ? J’ai dû les retirer pour me laver… »

Et, simplement pour frimer, il se téléporta à nouveau sur le canapé.

Leeroy ne s’inquiétait pas par rapport à John s'il restait longtemps dans la baignoire. Il avait deviné qu'il prenait un bain et non une douche. Un bain n'était pas vraiment économique, mais il allait quand même faire un peu de bien à John, il ne devait pas en avoir souvent. Il finit par s'étirer de son bureau, après tout, il était en train de finir son projet en une journée alors qu'il devait étaler son travail sur plusieurs jours, disons que John en était un peu le responsable et ce n'était pas plus mal. Leeroy avait réussi à avoir le reste de son week-end de libre.

Lorsque son invité sortit de la salle de bains, il se tourna et alla reprendre la caisse à pharmacie qui se trouvait là d'où il venait. Il piocha les bandages qui étaient dedans et invita le Nephil à s'asseoir sur le canapé, quoiqu'il n'avait pas le faire puisqu'il s'était téléporter dessus directement. Il le rejoint alors là-bas et s'assit à côté de lui. Lentement, il tenta de refaire correctement son bandage et en même temps, il examina ses blessures qui s'étaient quand même pas mal amélioré grâce à sa nature de contractant.

- Tu vas vite guérir. Particularité de ne plus être humain.

À partir du moment où des gens réalisaient un contrat avec une de ces bestioles, il ne le considérait plus vraiment comme humain. Quel homme pourrait ni manger ou boire, ni dormir pour survivre ? Ce n'était pas de l'humanité. De plus, pour son propre cas, les sens de Leeroy se transformaient peu à peu en ceux du serpent, alors autant dire que Kyu lui enleva pas mal d'humanité avec ces pouvoirs. C'était peut-être cool de capter les ondes sonores et les radiations infrarouge, mais quand il y avait trop de monde, ce la avait tendance à lui faire faire des mal de crâne ingérable. C'était pour cela aussi que sur son bureau, il y avait pas mal de boîte anti-douleur qui traînaient.

Leeroy était en train de refaire les bandages de John. Ce dernier commençait à se dire qu’il abusait trop de l’hospitalité de son ami, et qu’il serait plus correct qu’il ne tarde pas trop à quitter la place. Surtout qu’il avait l’impression d’avoir déjà un peu récupéré de ses blessures ; Leeroy disait vrai. Depuis cette nuit, John avait comme la sensation, qui s’était avérée être vérité, que son corps était plus résistant. Il aurait dû mourir de ses blessures après la course qu’il avait menée pour s’enfuir de sa maison… Et pourtant, il était là. Maintenant, ce n’était plus un humain, mais un contractant. Et même, un Néphil. Désormais, il devait rejoindre ses semblables, les découvrir, s’approprier ce nouveau corps qui était sien…
Enfin, il avait décidé de s’habituer déjà quelque peu à ses capacités avant de rejoindre cet ordre. S’il y avait des enfoirés là-bas aussi, il ne voulait pas passer pour faible dès le départ.

« - Ouais, tout ça est pratique finalement… »

Il soupira, et quand son ami eu fini de le barioler de tissu, il se leva, attrapant ses lambeaux de vêtements de la veille.

« - Merci mon ami. Me propose pas de vêtements, j’en changerai vite chez moi ! J’vais rentrer, j’ai déjà beaucoup abusé de toi aujourd’hui. »

Il se dirigea vers la porte, puis s’arrêta devant, se retournant à nouveau vers le Séraph.

« - Et… Est-ce que tu pourrais me montrer à l’occas’ comment se faire une p’tite ombre ? »

Il espérait que son ami consente. Car sinon, il allait devoir apprendre seul, et même s’il imaginait être capable de s’en sortir, il voyait néanmoins un énorme bémol dans son plan : il ne savait pas comment tuer une ombre. Les armes blanches étaient-elles efficaces ? Fallait-il de la poudre magique ? Des incantations ? Il n’avait aucune idée de la réponse, et c’était pourquoi il demandait l’assistance du Solitaire. Et aussi, il n’en avait jamais vu auparavant : serait-il sûr de les reconnaître ?

Leeroy comptait bien lui prêter des vêtements, mais avant qu'il ne puisse dire quoique ce soit, John refusa alors de se faire prêter des fringues par son ami. C'était compréhensible, mais il ne trouvait pas cela dérangeant. Enfin, il ne voulait pas insister non plus si John ne souhaitait pas en avoir. D'ailleurs, il avait l'air bien pressé à partir comme cela. La veille, il lui avait demandé de lui raconter ce qu'il s'était passé en réalité avec son père, mais il ne lui avait toujours pas répondu. Alors l'étudiant se leva pour rejoindre John à la porte d'entrée et le fixa un peu.

- Avant de partir, tu ne veux pas me parler de ton père ?

Il se tourna alors vers son petit espace cuisine pour se servir un verre de jus de fruit. Il bu tranquillement et leva la brique de jus d'orange.

- Je peux te servir un verre si tu veux.

Il aimerait bien en savoir plus sur ce fameux père. À vrai dire, si cela ne tenait qu'à Leeroy et s'il savait déjà tout de lui, il aurait été parti venger John pendant qu'il dormait. Avec une invocation pareille, il était capable de faire père à n'importer quel simple humain, excepté les personnes qui étaient habituées à travailler avec des serpents ou des bêtes dangereuses, mais dans une ville dans Palema, on ne pouvait pas en croiser des tonnes.

Après avoir torturé quelqu'un de la sorte, il suffirait qu'il aille le dénoncer, néanmoins John prenait un risque pour finir lui aussi en prison. En tant que voleur, il était peut-être recherché, Leeroy n'en savait pas plus pour le moment. Il existait tout de même un bon moyen pour se venger de son père, et avec deux pouvoirs, il n'y avait rien de mieux pour lui faire les pires frayeurs et que cela pourrait en devenir presque drôles.

John sourit. Il avait presque oublié son père, tant qu’il avait été à son aise ces dernières heures. Il devait aborder ce sujet avec Leeroy, et ce serait incorrect de partir sans le faire, alors il rejoignit son ami dans son espèce de coin cuisine.

« - Autant pour moi, j’avais… hm, presque oublié, ha ha ! Volontiers le verre, merci ! »

Maintenant, il fallait savoir de quelle manière il allait aborder la question de son père. Le but était simple, le faire payer ; mais pas de n’importe quelle manière. Aussi étrange que cela puisse paraître, celui qui avait lutté dans l’ombre de la justice pendant tant de mois, ne voulait pas user de cette façon avec l’homme qui lui avait servi de père. Non, John souhaitait que Georges Brun soit jugé, mis en prison, et il faut bien l’avouer, se fasse quelques ennemis en prison. Ce dernier point n’était pas tout à fait illégal, et savoir que son père se ferait tabasser de temps à autres le faisait sourire.

« - Je veux que mon père paye. Mais je veux que ça soit par la justice, celle universelle ; cette fois c’est pas à moi de le faire en venant illégalement et tout le bazar. Non, je vais aller le dénoncer à la police. Et comme ça, en plus de l’enfoncer, je récupèrerai mon identité, je n’aurai plus besoin de me cacher… »

Il omettait la partie où il risquait la prison en faisant cela, mais ce qui intéressait surtout John ici, c’était de se venger de son père. Et puis, dans le pire des cas, il serait capable de s’évader.

« - J’pourrai même changer mon nom. Tiens, m’appeler réellement John Fallen, ça le ferait, non ? »

Il n'avait pas envisagé cette possibilité auparavant, mais quitter le nom de Brun lui était une perspective très agréable. Enfin, il ne serait plus souillé par cette mémoire infâme.

Comme il avait décidé de rester un peu pour lui parler de son père et de son futur que John allait lui infligé comme vengeance, il prit un deuxième verre pour mettre un peu de jus dedans. Il tendit le verre de jus de fruit à John pour qu'il puisse boire un peu et s'appuya contre un des meubles de travail prévu pour cuisiner. Leeroy l'écouta attentivement et le fixait, se demandant si John était fou ou bête. S'il faisait ce qu'il voulait faire, il finira presque à coup sûr dans la prison, et peut-être dans la même que celle de son père. Ce n'était pas forcément une bonne idée, et une fois John là-bas Leeroy ne sera clairement pas en mesure de l'aider.

- Tu es bien sûr de toi ? Tu pourrais finir en prison aussi, et je ne pourrai plus t'aider si c'est le cas. Ne sacrifie pas du temps de ta vie pour lui.

S'il voulait absolument l'envoyer en prison, John pouvait très bien piéger son père à faire une énorme bêtise et qui se fera dénoncer par quelqu'un étranger à John ou à Leeroy, quelqu'un au hasard pouvait faire l'affaire, mais son invité n'avait peut-être pas pensé à cela.

- Et je suis sûr que tu n'es pas obligé d'aller aussi en prison pour pouvoir changer de nom. Réfléchis bien, si tu veux vraiment t’appeler John Fallen ou Théodore Brun. Je trouve ça plutôt cool Théodore, ça te va bien.

Pour l'embêter un peu, il esquissa un petit sourire avec le coin de ses lèvres, ce genre de petit sourire moqueur, mais pourtant amical.

- Je suis sûr que tu peux trouver autre chose pour exactement le même résultat, mais dis toi que tu ne pourras peut-être pas changer de nom officiellement tant que tu n'iras pas en prison.

Surtout que John Fallen était maintenant peut-être recherché et avec le physique qui allait avec. Au moins, s'il ne répondait plus à ses messages ou s'il ne le voyait pas rappliquer, c'était qu'il avait fait cette erreur d'aller au commissariat pour porter plainte contre son père.

Leeroy le mettait en garde, y voyant les mêmes problèmes que John. Au moins, ils étaient d’accord là-dessus. En fait, pour être fixé, il faudrait que John aille rendre une petite visite à un avocat ; une visite légale, bien entendu. Il avait de quoi se défendre : Nylian qui retirerait sa plainte, Fox qui pourrait, hypothétiquement, dire qu’il avait collaboré, et surtout jouer la carte du traumatisme. Il pourrait expliquer la raison de ses actes, mettant en avant le tabassage en règle subit neuf années auparavant. Enfin, le souci était qu’il n’avait pas de preuves matérielles de la chose ; seule sa parole existait. Finalement, c’était peut-être très risque de faire cela, et il serait plus prudent de collectionner des informations compromettantes avant d’agir.


« - Ça, ou avoir un dossier bêton contre lui, que je pourrai fournir à une quelconque de ses victimes. Finalement, c’est peut-être le plus simple ; mon père est malin, plus que moi, et je ne veux pas te souiller dans ce genre d’affaire. Si on se fait attraper, t’auras un casier et ça ne vaut pas le coup pour toi. T’as rien à gagner dans l’affaire. J’aimerai récupérer une identité, mais j’ai l’impression que pour ça va falloir que mon père soit déjà tombé. Soit, je serai patient. »


Cela semblait être la solution la plus sage à prendre, celle qui comportait le moins de risque pour John. Cette voie allait prendre du temps, mais s’il parvenait à trouver un moyen d’avoir des informations sur son père ce serait rentabilisé.

Trop plongé dans ses pensées, John n’avait même pas pris le verre que lui tendait son ami, le bras toujours tendu. Il l’attrapa alors, vidant son contenu d’une traite, l’air désolé. C’était bon. Décidemment, il appréciait de plus en plus cet appartement, et s’il se laissait faire il ne le quitterait plus.

Leeroy ne savait pas vraiment quoi lui répondre. Il devait s'avouer qu'il se faisait du souci pour son ami qui allait être dans une situation plutôt dangereuse, mais à partir du moment où John avait pris sa décision, Leeroy ne pourrait rien faire. Tout ce qu'il avait pu être fait, était fait, maintenant, c'était à John de se prendre en main avec ses propres décisions, et le solitaire n'était pas du genre à insister où à se prendre pour son père.

- Très bien fais ce que tu veux.

Il n'était pas fâché même si sa phrase donnait cette impression. De toute façon, avec les blessures qu'il avait retrouvées sur lui, c'était sûr qu'il n'allait pas rester sans rien faire. Leeroy était capable de faire ses propres recherche et de travailler tout seul pour arriver à ses fins. C'était un peu ça la vie de solitaire. Sans doute, qu'une petite nuit, quand il aura du temps libre, il irait faire un tour chez le père de John pour lui faire un petit « coucou » avec son meilleur ami le serpent. Bien sûr, il sera se montrer discret. Avec son allure sombre et facilement jumelée au serpent, cela ne serait même pas compliqué de devenir un meilleur voleur que John.

Enfin, s'il devait faire quelque chose de la sorte, il se dépêcherait avant qu'il ne soit pris par les forces de l'ordre ou quelque chose dans le genre et sinon, tant pis, mais il se sentirait un peu frustré de n'avoir rien fait du tout.

- N'hésite pas à revenir quand tu veux. T'es le bienvenu, sauf quand je suis pas là.

Évidemment, il n'allait pas l'inviter alors que lui-même n'était pas dans son appartement, cela comprenait les jours de cours par exemple.

Cette fois-ci, John était pratiquement certain de n’avoir rien oublié ; et même pas un débat à écourter, étant donné que Leeroy avait l’air d’être d’accord avec lui. C’était plutôt étonnant d’ailleurs, le jeune homme s’était habitué à plus de réticence de la part de son camarade, c’en était presque suspect. John se demandait si son ami n’allait pas faire de bêtises ou de folies – mais ce n’était pas le moment de le réprimander. Après tout, Leeroy venait de sauver la vie du Nephil, il avait une forme d’immunité temporaire que John allait respecter.
Il se dirigea à nouveau vers la porte cette fois bien décidé à la franchir, laissant ainsi un peu de repos à celui qui venait de s’occuper de lui. En fait, si l’on oublie les quelques heures qui ont précédé les retrouvailles avec Leeroy, John venait de passer un des plus belles journées de sa vie. Il avait pu se reposer, se doucher, manger à sa fin, discuter avec une personne qu’il appréciait… Vraiment, il aurait aimé rester là ; mais cela risquait de finir par déranger son ami.

« - Merci. Vraiment. Si un jour t’as besoin d’aide, hésite pas, je serai là. »

Ouvrant la porte et s’enfonçant sur le palier, il s’adressa à nouveau au Seraph.

« - Et on se dit à bientôt pour se faire une petite ombre ? On voit ça par message ! »

Et il referma la porte, quittant cet appartement. Il était vrai qu’il fallait qu’il se mette au travail pour maîtriser ses capacités et toutes les découvrir ; et un petit combat serait une situation idéale. L’adrénaline pourrait l’aider à accélérer son apprentissage.

C'était drôle que John lui propose son aide si Leeroy en avait besoin. John était très certainement la personne qui avait le plus besoin d'aide en ce moment avec tout ce qui lui arrivait entre le contrat avec Bey et son père qui l'avait torturé et qu'il cherchait maintenant à le mettre en prison. À côté, la vie de Leeroy n'était pas encore si mouvementée et il espérait qu'elle reste comme cela encore un petit moment, mais il ne pourrait pas rester lui non plus les bras croisé dans son coin. Et en tant que Solitaire, il avait déjà commencé à agir de manière la plus discrète.

- Bien. Je compte sur toi alors. Et ouais faisons ça, je t'enverrais un message dans ce cas.

Leeroy attendit que John sorte pour fermer la porte derrière lui, après un léger sourire de sa part. Maintenant, John dehors, il allait sans doute faire un petit tour dehors. Il pourrait bien tomber sur quelqu'un d’intéressant, mais il avait surtout besoin de faire quelques courses après que son invité imprévu soit venu. Comme il n'avait pas prévenu qu'il vienne, il avait un peu épuisé ses stocks et avait besoin de racheter quelques aliments pour lui, même si la faim ne le touchait pas spécialement que cela. C'était d'ailleurs assez dérangeant. Il plaça sa main sur son estomac qui n'avait pas grogné de faim depuis bien longtemps, il ne connaissait plus vraiment ce sentiment de faim. Pour quelqu'un comme John, cela devait être génial, mais pas pour Leeroy.