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C'était une journée calme et ordinaire comme Lysandre en avait de plus en plus ces derniers temps. Il errait dans les rues du quartier Sud, toujours aussi inconscient des dangers que cela présentait pour lui, du fait de ses antécédents avec une bonne partie des malfrats du coin.
Mais si ses escarmouches fréquentes lui valaient une attention non désirée, elles laissaient également souvent une amère saveur de défaite dans la bouche de ses adversaire. Si bien que les groupes isolés de malandrin étaient toujours réticents à affronter le jeune homme dont le visage était bien connu.

Il pouvait donc se balader assez librement dans le quartier sans être trop ennuyé, même si planait toujours au dessus de sa tête l'épée de Damoclès des ses actions grégaires récurrentes.  

Mais ce jour-là Lysandre se baladait sans le moindre soucis en tête, une chose rare. son visage n'exprimait pourtant pas de la joie ou une quelconque émotion de ce type là. Il était simplement un peu moins blasé que d'ordinaire. Il était presque d'humeur à nouer un nouveau contact humain !

Cette pensée errant quelque part dans sa tête, Lysandre tourna alors au coin de la rue, trébuchant presque sur les pieds d'un sans abri qui se tenait là sur le trottoir... L'homme (Lysandre supposait que c'en était un) n'avait pas le visage discernable, si bien que Lysandre ne pouvait que ressentir un sentiment d'étrangeté en provenance de l'individu.
Le bon sens aurait voulu que comme à l'accoutumé, il passa son chemin, laissant dans la misère qui était la sienne, le SDF, mais les relans d'une curiosité disparue poussait le garçon a rester là, suspendu entre l'envie de continuer son chemin et... et quoi d'ailleurs ?
Qu'est ce qui le dérangeait tant chez cet individu ? De visu, il ne semblait avoir rien de si spécial sinon que son accoutrement différait un brin des citoyens de la rue habituels. Peut-être son statut était-il simplement récent ? Rien d'étrange à l'oreille non plus.
Non ce qui gênait le garçon était l'odeur, ou l'absence d'odeur ? En tout cas, ce n'était pas celle d'un sans abri classique...

Si bien que Lysandre resta planté là plusieurs longues secondes au dessus de l'individu, sans même s'en rendre compte...

Assis par terre, regard perdu, masque à côté. Vous saviez que 90 % des clochards souffrent de dégénérescence de l'esprit ? Oui, enfin moi, je ne suis pas n'importe quel clodo. Déjà, je connais peu de sans-abri qui sentent aussi mauvais, au point d'avoir besoin d'un objet enchanté pour contenir celle-ci. Ensuite, encore une fois, bien peu d'entre eux sont à ce point défiguré.
Du coup...
Assis par terre, regard perdu, masque à côté. Je rumine un peu, sur le plancher des vaches.
Et je vois un type arriver. Je pense qu'il vas passer son chemin... Ha tiens, non. Je lève le regard, sous mon chapeau, et en un instant, je remet mon masque. J'ai de bonnes raisons de le cacher, mon gars. T'inquiète. C'est bizarre, quand même, qu'il s'arrête sur un clochard, comme ça, dans la rue. En même temps, je suis un peu bizarre : avec mon long manteau, mon chapeau, mon col relevé et mon masque de corbeau - que je viens de remettre - j'effraye souvent les passants. Qui c'est, lui ? Mieux vaut garder ses distances. C'est ce que se disent les passants.
Mais je l'ai pas déjà vue, ce type ? Si, je crois bien. Il est pas déjà passé dans le quartier sud ? Il a du se friter à un groupe de gros bras... Et, au vue de son état, il a l'air de s'en être bien tiré. J'en déduis donc que c'est quelqu'un qui n'a pas froid aux yeux.
Je rajuste mes gants et me lève. Si je souhaite savoir qui c'est ce type, y'a pas trente milles solutions.

- Vous cherchez quelque chose ? Ou quelqu'un ?

Lysandre eut un mouvement de recul au moment ou l'illustre inconnu s'adressa à lui. Il ne s'attendait pas vraiment à ce qu'on lui adressa la parole. D'autant qu'il ne pensait pas être resté si longtemps que cela commanditât une quelconque interpellation.
Mais la curiosité prenant le pas sur la raison, Lysandre répondit avec une grande répartie et une vivacité à faire pâlir un paresseux :

Non, pas vraiment...

Pourtant, il ne fit pas mine de s'en aller, le masque de corbeau maintenant parfaitement visible ne faisait qu'attiser la flamme curieuse qui le motivait. Au contraire, il resta là à regarder le sans-abri, puis après un moment d'hésitation finit par tendre la main à l'homme, aussi blasé qu'à l'habituelle.

Caelus, dit-il simplement

Le garçon n'avait plus vraiment l'habitude des conversations aussi lui faudrait-il un temps de réadaptation avant de pouvoir entretenir une conversation plus poussée...

Je serre la pince qu'il me tend. Huhu. Visiblement un blasé : et comme tout les blasés, il doit cacher ses sentiments trop abondants derrière un masque d'indifférence, encore qu'un tel comportement est aussi celui de certaines jeunes personnes qui agissent de tels manières pour se démarquer socialement. Mais... Je doute que ça soit son cas.
Je peux pas blairer les hipsters.
Visiblement, il a été surpris par mon apparence, et je dois avouer que son comportement me pousse à essayer de faire connaissance.

- Vous habitez ici ? Je suis quasiment sûr de vous avoir déjà vus dans le coin.

Si il répond aussi vite que tout à l'heure, on discutera encore à minuit...

Lysandre était de plus en plus en plus intrigué. L'une des caractéristiques principales des gens de la rue résidait dans leur incapacité à s'exprimer clairement, souvent du fait de leur dégénérescence cognitive. Mais l'individu en face de lui ne semblait présenter aucune déficience langagière.
Même si il était curieux, il répondit, rapidement cette fois à l'interrogation :

J'habite effectivement ans le coin.

Le garçon aurait aimé pouvoir affirmer qu'il avait également remarqué l'homme aux vêtements singuliers, mais de part la nature de ses contacts avec les autres, ça voudrait dire qu'ils s'étaient déjà battus. Mais Lysandre était d'humeur à remédier à cette faute de caractère. Il demanda alors

Seriez vous d'humeur à partager un verre avec moi, Monsieur ... ?

L'invitation pouvait sembler un brin hors-propos, mais ce qui motivait le jeune homme n'était rien de plus que sa curiosité et la volonté de prolonger la conversation, une occurrence qui n'était devenue que trop rare aucour des 13 dernières années.

- Pourquoi pas ! A vrai dire, je bois peu : et au vue de mon état, j'imagine que vous devinez que je ne me payerai pas un verre moi même.

Même du temps où j'étais aisé, je buvais peu, voir pas : mais à vrai dire, ça ne peut pas me faire de mal. Au vue de la manière dont le jeune homme -puisque c'en est un - m'a abordé, je confirme qu'il a un petit problème. Ça doit faire longtemps qu'il a pas eut de conversation amicale avec un autre être humain.

- Je sais qu'il y a un pub pas trop mal famé, un peu plus loin : si vous voulez, nous pouvons nous y rendre : il sera plus simple une fois là bas de discuter.

J'ai envie d'en apprendre un peu plus à son sujet : ça promet d'être intéressant...

Lysandre soupira. Il se doutait bien que l'homme n'allait pas payer mais, en repensant à ses maigres économies, et malgré les efforts qu'il avait fait récemment pour reprendre son style de vie en main, il ne gagnait toujours pas suffisamment en cumulant les petits boulots pour avoir le train de vie qu'il souhaiterait. Néanmoins il acquiesça à la proposition de l'homme avec un simili de sourire, ce qui était en soi le plus bel essai qu'il aurait pu faire...

Je vous l'offre, bien entendu.

Le singulier dans cette phrase était bien entendu totalement involontaire et n'avait rien à voir avec le fait que Lysandre espérait pouvoir garder un peu de son argent durement gagné... Mais il n'en laissa rien paraître.
L'homme proposa ensuite un bar qu'il connaissait. Lysandre avait beaucoup de qualités, mais la prudence n'en faisait pas partie. Il était plutôt du genre "inconscient du danger" si vous voyez ce que je veux dire. Et suivre un inconnu dans un bar qu'il ne connaissait pas ne lui posait aucun problème. Il était confiant qu'il pourrait se démener quoi qu'il arrive. Trop confiant.

Il ne fallut pas longtemps aux deux compères pour arriver au dit bar, devant lequel Lysandre finit tout de même par s'enquérir :

Au fait, je ne vous ai pas encore demander votre nom...

- Je m'appelle William, enchanté. Et vous même ?

Le bar est plutôt miteux, sans surprise, après tout, on est quand le quartier sud.
Ce type est décidément assez spécial.

- Alors... Que faîtes vous de particulier, dans le coin ?

Tiens, je paris 5 dollars que c'est un bagarreur, ce type. Enfin, on va voir.

Il ne fallut pas longtemps aux deux compères pour trouver une table et pour se mettre au travail, et par cela, j'entends bien sûr, commander chacun leur poison favori. Pour Lys, reflétant ses maigres moyens, il s'agissait d'une bière en bouteille bas de gamme. Il n'avait pas l'intention d'imposer de restriction budgétaire à son invité, mais il espérait que ce dernier reste raisonnable...

Mon nom est Lysandre, j'habite ici, faute de revenu, vous comprendrez.
Ce que je fais ici ? Pas grand chose, j'étudie dans le quartier Est en tentant de na pas trop me faire remarquer...

Cette dernière affirmation était bien sûr un mensonge éhonté. La tendance du garçon à se placer dans des situations pour le moins compliquées ne pouvait en aucun cas être qualifiée de discrète... Mais le garçon n'avait ce jour là pas l'intention de s'attirer les regards inquisiteurs du reste des gens du bar parmi lesquels pouvaient très bien se trouver quelques malandrins avec qui il aurait pu avoir quelques déboires passés. Il s'empressa donc d'enchaîner.

Mais et vous donc, comment en êtes vous arrivé là ? Si ce n'est pas indiscret...

Lysandre était de plus en plus curieux, l'éloquence de son interlocuteur ne laissait en rien paraître une quelconque déficience qui lui aurait valu un renvoie ou une difficulté à trouver un emploie. Peut-être ce masque cachait-il la réponse ?

- Ca l'est. Mais disons que ça ne l'est pas. Je vais vous le dire.

Il est rare de rencontrer ce type de personne : très replié sur eux même en apparence, mais toujours en quête de contact humain en réalité. La vie de ces gens est toujours difficile, et en fait, je m'amuse assez bien à jouer sur les critères du savoir vivre avec ce jeune homme.

- Disons que j'ai été très gravement malade... Maladie qui m'a laissé des séquelles physiques... Et que comme un malheur n'arrive jamais seul, ma famille s'est mise à rétrécir jusqu'à ce que je n'ai plus aucun proche.... Vous comprendrez que dans de tels circonstances, je me sois laissé... Abattre.

Je le regarde un instant et ajoute :

- Je pense que vous aussi, vous avez connu ça. N'est ce pas ?

Je continue à discuter un peu avec Lysandre, tout ça autour d'un bon verre, et un petit moment passe, comme ça. Je ne me suis pas trompé : c'est bien un être assez... Particulier. Tout à fait atypique. En tout cas, c'était un bon moment.
Je l'ai finalement laissé seul, et je suis reparti - pour faire quoi ? Ho, chasser de l'ombre. C'est quand même mon travail - sans payer ma note, puisqu'il avait insisté pour me payer ce verre. Bien. Cet argent me servira pour me payer mon dîner de ce soir.
Alors, quel pourra bien être ma prochaine rencontre ?

[Fin du RP, merci d'avance pour l'archivage ]