Quand la connaissance est un danger...

M

algré tout les événements de ces dernières semaines, je ne peux me permettre de rester enfermer.
Je dois les fuir, me cacher d'elles mais je ne peux le faire éternellement…
Depuis hier soir, je suis resté enfermé dans ma chambre.
Assis contre un mur, mes genoux ramenés contre moi tandis que ma tête est posée sur mes bras.
La vision de ces choses me traverse l'esprit sans arrêt et je n'ose pas faire le moindre mouvement.
Ma tante doit s'inquiéter pour moi puisqu'elle a tapé régulièrement contre la porte pour me demander comment j’allais depuis que je me suis enfermé…

《 Comment je vais ?

Comment je vais…

Ces trucs m'attaquent dès qu'ils me voient et je ne peux rien faire contre eux…

Si au moins je pouvais faire quelque chose pour me défendre… 》

En y réfléchissant un autre souvenir me traverse et je revoie l’étrange créature noire et Kyu dans ma tête.

《 Hors de question !  》

Secouant cette dernière avec un air un peu excédé, je me relève pour me rapprocher de la baie vitrée et l’ouvre doucement pour observer discrètement la rue depuis le balcon et rien.
La rue devant la maison semble vide mais je referme aussitôt la vitre, m'appuyant contre elle tout en soupirant.

《 Je suis en retard… 》

Me dis-je en apercevant l'heure sur ma montre.
Je dois aller travailler… oui je dois y aller mais… j'ai peur de recroiser une de ces créatures…

Respirant un bon coup, je tape mes joues pour me reprendre et me persuader que tout ira bien.
Après tout, je n'ai pas vu de ces créatures là où je travaille et hier… c'était… c'était dans une ruelle, j'éviterais donc de passer par là, quitte à faire un détour…

Je ramasse ma veste et mon sac en bandoulière, pensif.
Un dernier soupir et j'ouvre la porte avec appréhension, descendant les escaliers : je ne vois pas ma tante.
Au vu de l'heure, elle devait être partie depuis longtemps mais je ne m'inquiète pas pour elle… Après tout, ces choses ne se sont attaqués directement qu'à moi…

《 Serait-ce dû au fait que je puisse les voir ?

Qui sait… 》

Mettant ma veste et ma mitaine à la main droite, je m'assois quelques secondes au sol pour mettre mes bottines et me relève en passant la lanière du sac sur mon épaule avant d'approcher la paume de ma main près de la poignée de porte, celle qui me fera sortir de la maison.

《 J’ignore beaucoup de choses sur ces machins et je ne veux pas en savoir plus : je veux juste vivre normalement mais… depuis ce jour-là… 》

Je tremblote un peu avant de saisir l'embout fermement et tourne délicatement ce dernier.
Poussant l'ouverture avec anxiété et une fois dehors, la rue est toujours vide.
Je soupire légèrement de soulagement et commence à marcher avec prudence à travers le chemin habituel pour arriver à la boutique.
Et bien sûr, le patron m'a passé un savon pour ma “ponctualité”... Du coup, il m'a donné plus de corvée que d'habitude…
Les heures passent lentement mais faire autre chose m'empêche de penser au reste donc je ne m'en plains pas, au contraire.

- Aoba-san, on a une autre livraison, ça ne te dérange pas d'y aller ? Me demande-t-il sans faire vraiment attention à moi, le nez fourré dans les papiers de livraison tandis que je m’éloigne de l'ordinateur, me relevant de la chaise à la caisse.

- Oui, pas de problème, lui dis-je en souriant même si je sais qu'au fond : que je le veuilles ou non, il m'y aurait quand même envoyé.

Je prend le paquet et le range dans mon sac, saluant le patron avant de sortir tandis que je regarde l'adresse.
Ce n'est pas très loin d'ici, près des quartiers résidentiels mais je décide de couper par le parc pour aller plus vite, ne pensant plus trop aux créatures à cause du reste que j'ai à faire à la boutique et qui m'occupe l'esprit.
J'ai un peu l'impression d'être revenu à ce temps où j'ignorais tout… oui… même si au fond j’ai toujours cette appréhension, cette angoisse…
Alerte, je marche tout de même prudemment alors que j'arrive devant le parc.
Tout semble aller bien pour l’instant, enfin je l'espère.
La végétation est plus présente qu'en ville, ce qui est normal bien sûr mais j'aime bien l'ambiance qui y règne.
Oui j'appréciais l'environnement jusqu'à ce que j'aperçoive... une autre de ces choses…

La créature se trouve devant moi, à seulement quelques mètres et avec frayeur le seul réflexe qui me vient à l'esprit est de me cacher derrière un tronc d'arbre, respirant avec crainte et priant pour qu'il ne m'ait pas vu.
En quelques secondes je tourne la tête et me déplace discrètement pour voir la créature mais à ma grande surprise elle n'est plus là.
Je commence à paniquer et ferme les yeux avec force avant de me décider à courir mais je n'ai pas le temps d'appliquer cette décision qu'une ombre noire vient griffer le côté droit du tronc d'arbre avant de me frôler, ce qui déchire un peu mon vêtement, des égratignures apparaîssant sur mon épaule qui saigne au passage tandis que je suis propulsé au sol, me crispant pour intérioriser la douleur avant d'apposer ma main gauche sur cette blessure qui à première vue semble superficielle.
Terrifié quelques instants, j'arrive cependant à me reprendre et me relève en repositionnant mon sac pour me mettre à courir afin d'échapper à la chose.
Mes pas résonnent sur le sentier alors que ma respiration se fait de plus en plus saccadée.

Je ne pense qu'à une chose : fuir loin d'ici pour échapper à la créature.

Les autres gens qui traversent le parc semblent ignorer la bête comme d'habitude et me regardent bizarrement en remarquant mon air paniqué et mon épaule en sang mais je n'y fais pas attention : l'instinct de survie est plus fort et je continue de foncer à travers le parc.

《 Je dois m'en aller loin d'ici et vite ! 》

Quand la connaissance est un danger...

J

e cours sans m'arrêter, mon sac se secouant en rythme avec la foulée.

《 Que faire ? Si jamais il me rattrape je suis fini… 》

Je tente de réfléchir à la situation, la peur toujours présente jusqu'à ce qu'une étrange aura vienne entourer l'environnement, faisant disparaître les gens du parc mais je n'ai pas le temps de m'arrêter pour regarder que quelque chose attrape ma veste pour me propulser plus loin tandis qu'un bruit assourdissant semblable à des coups de feu résonnent et je me retrouve au niveau d'un sapin en me crispant légèrement à cause des pins qui ont un peu griffé ma blessure.
Je tiens mon bras par réflexe, la douleur étant un peu plus forte à cause de ce passage éclair alors que ma main est faiblement recouverte du liquide rouge. Je regarde à droite à gauche un peu secoué par l'action qui s'est déroulée quelques secondes avant et je relève les yeux avec stupéfaction.
Un jeune homme aux cheveux noirs qui semble avoir un âge assez proche du mien mais je n'ai pas le temps de souffler que mon comparse entame la conversation :

- Bon. T’es Seraph, nan ? En échange de notre aide, va falloir que tu me files quelques informations sur tes potes.

《 ...Hein...? ...De quoi il parle ? 》

Je met un moment avant de percuter la question plus que déroutante : j'ai l'impression d'avoir loupé un épisode et le regarde avec des yeux tout ronds.

- Que…? Un Seraph…? Demandé-je doucement en inclinant un peu de la tête, surpris.

《 On dirait un de ces noms de monstre dans les rpg ou les mangas… 》

Un autre homme un peu plus âgé arrive au même moment mais aucun autre son ne sort de ma bouche tant la situation m'a abasourdi et j’en oublie presque ma blessure ainsi que la créature qui ne me poursuit plus.

Quand la connaissance est un danger...

J

e maintiens toujours aussi fermement mon épaule droite avec ma main gauche, vraiment surpris lorsque mon comparse dirige une sorte d’arbalète vers moi.

- Je sais que t’es pas Nephil. Donc t’as passé un Contrat avec Kyu, le chat blanc. Et me dis pas que c’est faux. Dit-il fermement avec un ton dur, se faisant imposant alors que je recule instinctivement.


- Et si tu pouvais, par ailleurs, nous donner ton vœu. Tu t'éviterais quelques problèmes. Sourit sarcastiquement le deuxième alors que je détourne le regard pour le fixer quelques secondes avant de me rediriger vers l’arme de celui qui joue l'intimidation.

《 C'est quoi ce délire ? Ils cherchent l'autre peluche blanche ? 》

- Si vous parlez de ces deux choses qui ont provoqués cette merde, vous vous trompez de gars, répondé-je froidement, je les connais pas et je ne veux pas les connaître.

Je ne suis étrangement pas intimidé par les menaces de mes interlocuteurs puisque je n'aime pas du tout leur façon de faire et surtout : je ne comprends pratiquement rien de ce qu'ils racontent.
Je réfléchis à ces créatures qui m'attaquent depuis que le félin noir m’a abordé et les mises en garde de Kyu…

《 J'en ai marre de tout ça… 》

- Et qu'est-ce que vous avez tous avec les contrats ?! Je ne veux rien ! Je veux juste être tranquille mais depuis que ce truc m'a contacté je suis constamment en danger alors j'en ai rien à faire de vos affaires, lâché-je, excédé, un air épuisé au visage avant de m’acoller contre le tronc d'arbre derrière moi pour avoir un appui tandis que ma respiration me montre que je suis essoufflé.

Je n'arrive plus trop à réfléchir à cause de la chaleur que je ressens.
J'ai l'impression d'avoir fait un marathon et je vois un peu trouble, un coup d'oeil sur mon épaule en décalant un peu ma main et je remarque que la blessure n'est pas si superficielle que ça.

《 Il y avait déjà ces trucs qui veulent ma mort et maintenant je suis menacé par ces gens… Je suis vraiment dans de beaux draps… 》

Quand la connaissance est un danger...

J

'ai l'impression d'être sur du coton, si je ne m'étais pas appuyé contre cet arbre, je ne sais pas si j'aurais eu la force de rester debout.
Avec une telle réponse, je m'attendais à plus de problèmes mais étrangement, le gars devant moi baisse légèrement son arme et s'approche de moi tandis qu’il jette un regard sur ma blessure que je continue de tenir tant bien que mal.
Sans avoir besoin de le voir, je sais que ma main est recouverte de sang mais je tente de rester impassible devant les deux inconnus.
J’observe mon comparse silencieusement, ne sachant pas à quoi m'attendre et il s'arrête un moment pour me dire qu'ils peuvent la soigner, mais bien sûr il me demande encore des trucs sur ces créatures…

《 Il jouait les brutes et maintenant voilà qu’il fait le bon samaritain… C’est louche… 》

- Pourquoi vous tenez tant à ce que je vous parles de ces trucs ? Demandé-je toujours aussi essoufflé.

Je me méfie un peu de ce brusque changement de comportement, d'ailleurs l'autre homme n'a pas bronché, il est resté là, à observer la discussion sans rien ajouter : je n'aime décidément pas du tout cette manière d'agir mais je suis blessé.
Si je ne la soigne pas j'ai peu de chance de survie même s'ils me relâchent : je serais une proie encore plus facile pour ces monstres.
Je n'aime pas ça du tout mais je n'ai pas le choix…

- bah… yen avait un tout noir avec un sourire étrange qui m'a proposé un contrat…, soupiré-je fatigué, mais j'ai refusé et depuis… ces monstres m'attaquent dès qu'ils me voient.

《 Pourquoi ça tombe sur moi...? 》

- Et… Quelques jours plus tard un autre est allé me voir, tout blanc avec un aspect pelucheux… Kyu… je crois…

Je soupire une nouvelle fois alors que je baisse un peu le regard.

《 je ne veux pas devenir l'une de ces choses qu'ils m'ont décris… Je veux vivre normalement : rester humain… 》

- Je n'avais rien demandé. Murmuré-je faiblement en tombant.
Mes jambes ne tenant plus, je suis retombé au sol, assis et adossé contre le tronc de l'arbre, gémissant un peu à cause de la douleur alors que je m’essouffle et tremblote légèrement à cause de ma température qui passe d’un froid glacial à une chaleur étouffante successivement.

《 À ce rythme-là, je ne vais pas faire long feu...

Pourquoi m’ont-ils sauvé ?

Ah… ils ont sûrement cru que je détenais des informations ou que sais-je mais… je ne leur suis d'aucune utilité.
Je crois que ça ne m’étonnerais pas s'ils me laissaient crever là... 》

Quand la connaissance est un danger...

A

ssis, je fixe mon comparse qui baisse complètement son arme avant de me tendre sa main que je regarde un moment avec hésitation :

- On veut juste s’assurer que tu n’es pas un ennemi.

《 Un ennemi ? 》

J'ai du mal à comprendre ce qu'il veut dire par là et je suppose que ça doit être lié aux deux choses…
Je regarde mon épaule toujours retenue par ma main gauche puis j'attrape sa paume avec ma main droite pour tenter de me relever tandis que le deuxième homme fait disparaître son arme comme par enchantement mais je n'y fais pas trop attention : la fatigue sans doute.
Bien sûr, j'ai toujours quelques doutes sur leurs intentions mais leur réaction m'a surpris.
Je ne m'attendais pas à ce qu'ils lâchent l'affaire si rapidement…

Une fois debout, je me colle une nouvelle fois à l'arbre alors que le plus âgé se rapproche pour me tendre une sorte de fiole tout en me fixant droit dans les yeux.
Je regarde un moment le contenant puis observe mon interlocuteur.

- Qu'est-ce que c'est ? Fis-je intrigué.

- Ça, ça te requinquera, mais tu vas être particulièrement crevé après. Du coup on t’emmènera dans un coin tranquille, et je parle pas d'une ruelle sombre façon gangster, parce que si on te voulait vraiment du mal… Répondit-il en haussant les épaules alors que je suit son regard dirigé vers l'arbalète, du coup, cul sec, et après on t'expliquera quelques trucs de plus que les 'peluches' que tu as rencontrés, elles sont parfois avares en informations et en détails. Termine-t-il alors que je reste fixé sur l'objet.


Je suis un peu désappointé à cause de cette proposition qui paraîtrait très louche en temps normal.
J'ai bien du mal à leur faire confiance…
Moi qui ne voulait rien entendre sur ces choses et tout le reste : je me fichais de ces choses qui ont chamboulé ma vie, je ne voulais rien savoir et pourtant… Il va bien falloir que je me renseigne si je veux rester en vie plus longtemps.
Mais… Que faire ? Devrais-je vraiment leur faire confiance après tout ce qui s'est passé ?
Je l'ignore…
Toujours est-il que je ne peux rien faire dans cet état alors même si je continue de douter, autant écouter ce qu'ils ont à dire, je suppose…
Oui, c'est toujours mieux que de rester là à attendre la fin.

J'approche faiblement ma main de la fiole et la saisit en observant attentivement le liquide contenu.
Hésitant, je porte le récipient à mes lèvres et le bois entièrement d'une traite avant de lui rendre.

Et en à peine quelques secondes, une sensation étrange me traverse au niveau de l'épaule. Je regarde cette dernière et ai la stupéfaction de constater que la vilaine blessure se referme aussitôt.

《 incroyable… 》

Ce truc m'a vraiment soigné, je ne sens plus aucune douleur.

《 Comment ? Ce genre de chose n'existe pas pour de vrai si ? 》

Je me sens beaucoup mieux et je ne ressens aucun signe de fatigue donc je pense que ça ira.

- ...Merci… dis-je en détournant le regard, ne sachant pas quoi dire d'autre.

Mes idées sont un peu plus claires et je me rend compte que les deux inconnus sont loin d'être des gens normaux…

《 Et si… 》

Mais je n'ai pas le temps de continuer à penser que je commence à me sentir faible.
Non, en fait, je me sens lourd, comme si je portais une charge conséquente, comme si mon esprit me forçait à tout lâcher.

《 ...Qu'est-ce qu'il… se passe...? 》

Tenant ma tête avec une main, la sensation est si forte que j’ai du mal à garder les yeux ouverts et en un mouvement, je bascule et me laisse tomber maladroitement pour sombrer.

《 Je suis fatigué... 》