Hmmm... j'entends Inuki aboyer en grattant à la porte. Ouvrant un oeil, j'émerge peu à peu du sommeil qui m'a pris subitement alors que je révisais quelques cours. Je suppose que je ne peux que m'en prendre à moi-même : cela fait bien trois nuits que je n'ai pas dormi. Entre les cours, les examens, les Ombres et les Seraphs, sans compter le cas de Chase, je n'ai pas vraiment eu le temps de me reposer. Heureusement que je suis plus endurante qu'avant...

Inuki continue d'aboyer.

- Oui, oui, j'arrive...

Je me redresse du canapé où je m'étais endormie et arrange un peu mes cheveux qui partent dans tous les sens. Puis je me lève et m'approche de la porte alors qu'une petite lumière m'indique qu'on a sonné à mon interphone. Je n'attends personne... ah si, c'est sûrement Nelytsa. Il faut que je lui donne un double des clés, ce serait bête qu'elle reste coincée dehors si je ne suis pas là.

J'appuie sur la touche qui déverrouille l'entrée et celle qui me permet de communiquer avec elle.

- C'est ouvert, tu peux monter.

Sans attendre de réponse, j'enlève la sécurité de ma porte et retourne sur le canapé. La petite n'a plus qu'à monter les trois étages pour rentrer. J'arrange un peu ma robe noire et rouge et m'assois en tailleur, les pieds nus, pour remettre mon laptop sur mes jambes. Où en étais-je déjà...

Je tapote sur mon clavier, passant d'un document à une autre, parcourant mes notes. Ce n'est pas le plus passionnant, mais il faut bien y passer pour obtenir mon diplome. Je ne suis pas certaine que ce soit très utile, mais, allez savoir pourquoi, je continue à être sérieuse à ce niveau-là sans en avoir besoin. Peut-être pour me donner l'illusion d'avoir une vie relativement normale. Ou pour faire plaisir à Ashlan et lui faire croire que, de temps en temps, je vis comme n'importe qui. Ca m'étonnerait qu'il y croit plus que moi, mais bon... ça me fait quelques coupures appréciables parfois.

Nelytsa toque à la porte, ce qui m'étonne. Elle n'a pas besoin de ça, puisque c'est ouvert. D'ailleurs sous les coups la porte glisse doucement. Je reste les yeux sur mon écran un instant avant de les relever en entendant ce qui se passe : Inuki s'est mis à gronder et à aboyer vivement. Le poil hérissé, il est déjà prêt à bondir. Je suis son regard pour voir à travers l'ouverture de la porte une sorte de... colosse impressionnant qui emprisonne Nelytsa dans un bras.

Ni une ni deux, j'envoie valser le laptop qui se ferme en tombant à terre et, sans me poser de questions, invoque mes deux chakrams. Un dans chaque main, je bondis à ma porte et lève mon bras pour placer les lames d'une de mes armes au niveau de la gorge de ce type. Inuki lui passe entre ses jambes pour se placer derrière lui en aboyant de plus belle, prêt à le mordre et à lui couper toute retraite.

- Posez-la immédiatement.

J'ai beau avoir sûrement l'air un peu ridicule, en petite robe, pieds nus, le bras quasiment tendu pour atteindre la gorge de ce géant, mais ma voix reste fidèle à elle-même : froide, lourde de menaces, pas impressionnée par ce mastodonte. D'abord sauver la petite. Ensuite... j'aviserai.

Nelytsa semble surprise, mais j'avoue que je fais davantage attention à l'homme imposant qu'elle. Je note tout de même qu'elle le définit comme... le gardien de sa mère ? Je ne comprends pas l'allusion, mais peu importe, j'ai plus urgent. Ce type, qui qu'il soit, ne bronche pas face à mon chakram et, pire encore pour lui, me provoque ouvertement. Je lui renvoie son regard sans une once d'émotion, pas perturbée par sa voix de vieillard à la gorge pleine de cailloux.

La petite semble vouloir repousser mon arme mais il la recule pour lui éviter de se couper. Etrange comportement pour une menace potentielle, mais s'il s'agit d'un Seraph rien ne m'étonne. Les tentatives de manipulation, je connais. D'ailleurs... je jette un léger coup d'oeil rapide à Inuki qui tourne autour de l'homme en grondant et en aboyant fortement. Même le type le plus débile ou inflexible du monde lui jetterait un coup d'oeil, surtout au moment où il ouvre ses crocs pour lui mordre le mollet. Mais non, rien. Il ne le voit pas. Ce n'est donc pas un Seraph et il n'a jamais vu Kyu ou Bey. Ce qui ne signifie pas pour autant qu'il n'a pas été envoyé ou manipulé par l'autre faction...

Voilà qu'il m'impose de récupérer Nelytsa sur son cadavre tout en appuyant sa gorge sur ma lame. Ma foi... je ne bouge pas davantage, le laissant se couper joyeusement.

- S'il faut en arriver là...

Ma voix est très calme et froide, ne laissant aucun doute sur le fait que je n'hésiterais pas à le transformer effectivement en cadavre pour sauver la petite. Je ne tue pas les innocents, mais à partir du moment où une personne détient quelqu'un de ma famille - oui, même si elle n'est pas une Nephil je pense qu'on peut la considérer comme telle maintenant - je me moque bien de sa Nature. J'agis.

Le sang continue de couler et je n'y accorde pas d'attention particulière. Ma main tient fermement mon chakram, l'autre le long de mon corps, prête à rejoindre la première s'il le faut. L'homme me raconte comment il a trouvé Nelytsa. Le cimetière de Sad Hill Street, je vois où c'est. En même temps, le quartier Sud... je ne dirais pas que j'en connais tous les recoins, mais il m'est tout de même très familier. Sa mère... sa tombe donc, je comprends mieux. Il doit travailler là-bas. Il a la tête de l'emploi.

Mais il ne sait rien de Nelytsa. Elle n'est pas aussi faible et facile à attaquer, même si pour le coup je suis un peu d'accord avec le mastodonte : qu'est-ce qu'elle a été traîner dans ce quartier seule ? Mais je l'enguirlanderai plus tard.

- Je n'ai aucun compte à vous rendre.

Froide, glaciale, je crois que ma voix aurait pu congeler tout l'immeuble en quelques secondes. De quoi se mêle-t-il ce type, après tout ? Je ne peux pas m'empêcher de sourire très légèrement, du coin des lèvres. Un étirement des muscles sans aucune joie, presque imperceptible. Des comme moi hein... qu'il est loin de la vérité. Mais j'apprécie qu'on me sous-estime : cela rend toujours ma tâche plus facile. Sa seule famille ? Nelytsa ? Elle n'a personne, à part les Nephils. Et il me menace maintenant... j'aurai tout vu. Cela dit, je dois bien reconnaître que cet homme a du cran, à sortir les griffes alors qu'il commence sérieusement à se faire égorger par mon chakram.

- Vous ne savez rien de moi, ni de Nelytsa. Vous n'êtes pas de sa famille. Et s'il n'y a que ça pour vous faire plaisir, je peux vous saigner à mort en quelques minutes.

Regard contre regard, jeunesse contre vieillesse. Inuki gronde toujours et a bien envie de lui mordre les pieds, mais ce n'est pas une bonne idée. Il se met à tourner sous la petite et à couiner vers elle, inquiet. Les secondes passent, puis l'homme propose une sorte de marché : je range mes armes et il pose la gamine. Hum...

- Je ne les rangerai complètement qu'une fois Nelytsa dans l'appartement.

Pour preuve de mon début de bonne foi, je baisse mon chakram, lui libérant la gorge assez bien entaillée mine de rien. Du pouce, je retire un peu du sang du géant qui tâche la lame, sans me blesser. Je connais bien ces armes maintenant... et je suis prête à les utiliser rapidement si le mastodonte fait mine de s'enfuir ou de faire du mal à Nelytsa.

Je ne lâcherai pas l'affaire. S'il faut que je le tue ou le blesse jusqu'à ce qu'il perde conscience, ça ne me dérange pas. Sur le qui vive, je me tiens prête quand une voix familière me parvient. Enfin, voix... je n'en ai jamais été sûre. On dirait toujours que Bey s'adresse à nos esprits. Et voilà que, sortant de nulle part, il s'intéresse à ce mastodonte. Cela change considérablement la donne. S'il était une réelle menace pour la petite, je pense que Bey ne réagirait pas ainsi, ou au moins me le dirait. Et s'il veut le faire entrer dans ma famille... les rôles seraient considérablement changés.

J'incline légèrement la tête pour saluer le Contracteur Nephil, puis reviens au géant. Celui-ci semble avoir perdu quelques neurones en l'espace de ces dernières secondes. Contrairement à la petite qui est toute joyeuse d'un coup. Nialcen, c'est le nom de cet homme apparemment, un... vrai Père Noël... ? D'accord... elle a beau être plus vieille qu'il n'y paraît, Nelytsa reste une enfant, à sa façon. Inuki continue de couiner un peu, mais moins maintenant que Bey est présent.

Tandis que le mastodonte rentre dans mon appartement sans un mot - je ne crois pas l'y avoir invité, mais je suppose qu'avec Bey présent c'est tout comme - et va déposer la petite dans mon canapé. Inuki se précipite à toute allure et bondit à côté pour se frotter contre elle, réclamant ses câlins du jour. Et gardant un oeil sur l'homme en même temps. S'il fait mine de lui faire le moindre mal, il le mordra sans aucun scrupule. Mais pour le moment, il ne semble pas agressif, alors mon compagnon ne gronde pas.

Je rentre à mon tour et referme la porte avant de révoquer mes chakrams. Pour le moment, je n'en ai clairement pas besoin, et si l'urgence revient je peux les rappeler instantanément. Ce Nialcen n'a pas l'air de se rappeler de mon existence ni de celle de Bey, concentré sur Nelytsa. Tant qu'il ne lui fait rien de mal, cela m'est égal. Puisqu'il veut que ce soit elle qui lui réponde, tant mieux, ça m'évite d'avoir à me charger de ça. Ce n'est pas mon rôle et je n'ai jamais été douée pour ça.

Bey prenant la suite, je récupère mon ordinateur que le mastodonte a remis sur ma table basse. Il n'a pas l'air d'avoir beaucoup souffert. Je m'installe dans un fauteuil, jambes en tailleur, et me remets à consulter mes cours en gardant un oeil sur le géant et la petite. Inuki reste près d'elle, avide de câlins.

Je garde un oeil sur la petite par sécurité. Même si Bey est en plein recrutement, je ne fais pas confiance à ce géant sorti de nulle part. Nelytsa a pris Inuki sur ses genoux, ce qui lui convient parfaitement. Il lui lèche les mains et, si c'était un chat, je suis certaine qu'il ronronnerait à en faire s'écrouler les murs tandis qu'elle lui gratte les oreilles.

J'écoute les explications de la gamine qui répond petit à petit aux questions du mastodonte. Elle résume bien et ça m'évite d'avoir à le faire, c'est parfait. A voir la tête du géant, il réfléchit sérieusement à tout ce qu'il apprend. C'est parfois amusant de voir les réactions des gens devant l'afflux de toutes ces informations. Certains nient, d'autres croient devenir fous. Quelques-uns le prennent de manière très pragmatique, pèsent le pour, le contre. D'autres jouent le jeu en pensant rêver, et quand la réalité les rattrape...

Finalement le mastodonte fait son choix. A croire que la situation ne l'étonne pas plus que cela. Je ne comprends pas la moitié de ses mots - calencher ? tocarder ? - mais ça ne m'intéresse pas spécialement. Tant que Bey arrive à ses fins, je n'ai ni à juger ni à m'opposer à ce qui se passe. Il faut juste que, si tout se passe bien, je passe cet homme du statut d'étranger dangereux à membre de ma famille. Un peu... bizarre.

Ca y est, le mastodonte fait partie des nôtres. Cela ne me le rend pas plus antipathique, mais par contre il n'est plus autant une menace qu'avant, surtout pour la petite. Celle-ci semble contente, je ne sais pas trop pourquoi, mais peu importe. Lui n'a pas l'air vraiment... expressif. Il grogne un peu, puis dépose Neltysa et s'éloigne avant de sortir de mon appartement sans rajouter un mot. Je ne le connais pas alors j'ignore si c'est normal, mais peu importe.

- Puisqu'il est parti...

Je jette un regard à la petite.

- ... maintenant tu peux m'expliquer ce qui s'est passé.

Parce que revenir comme ça chez moi avec un type sorti de nulle part, qui parle de cimetière et de cadavres... ce n'est pas totalement anodin. Même pour moi.

J'écoute le récit rapide de Nelytsa et dois réfléchir sérieusement à ses paroles pour en comprendre le sens. J'ai presque l'impression d'être en cours. Voir sa mère... qui est morte. Et l'homme parlait de cimetière. Donc sur sa tombe, ça paraît logique. Lui le gardien ? Le responsable des lieux sûrement. Le reste me semble assez clair, mais ne change rien à l'affaire.

Inuki vient se frotter contre la petite, quémandant des caresses, et me fait ses gros yeux mignons, demandant limite grâce pour elle. Mais c'est hors de question.

- Tu n'as pas l'impression que tu aurais pu être en grand danger ? Que des hommes louches dont ce quartier est rempli auraient pu te faire du mal, bien plus que celui de la fac ? Ou même que ce Nialcen aurait très bien pu être un malade mental ?

Ma voix est froide, enfin un peu plus que d'habitude. Inuki couine un peu, il sent mon agacement bien sûr, et sait que ça peut potentiellement devenir mauvais. Pour tout le monde.

Je hausse un sourcil, surprise par les paroles de Nelytsa. Elle ramène le problème au point de vue des Nephils, pas du sien. Bien sûr que c'est elle le danger, mais pas pour elle-même, seulement pour nous. Là n'est pas la question, pas plus que celle de ma présence ou non. Je ne suis pas sa mère non plus, et je n'ai pas envie de surveiller le moindre de ses faits et gestes. Je l'ai clairement dit au départ il me semble : elle est libre de se déplacer tant qu'elle fait attention.

- Je parle de danger vis-à-vis de toi, pas des autres.

Ce point me semble être important à clarifier. Le reste, moins. Inuki lui fait une grosse léchouille sur la joue quand elle l'attrape, et couine quand elle le relâche, pas content de se faire à nouveau abandonner. Chut, ce n'est pas le moment de faire ton intéressant toi. La petite m'agace fortement, je ne sais pas exactement pourquoi, mais c'est un fait. D'ailleurs je ne réfléchis pas plus et m'avance vers elle avant de lever une main et de lui coller une bonne gifle, faisant voleter les larmes qui commençaient à couler sur son visage.

- Je râle parce que, quoi que tu dises, à partir du moment où tu entres chez les Nephils, tu fais partie de la famille.

Elle pouvait venir dans le QG, je lui en avais donné l'autorisation et pris les mesures pour que la sécurité ne s'active plus à sa venue. C'est vrai que la tuer aurait été plus simple, je le pense encore, mais... même là j'ai l'impression que quelque chose me bloque. Qu'elle me renvoie à trop de choses de ma propre enfance. Le contexte était différent bien sûr, mais... le principe est trop proche. Être le vilain petit canard, celui que personne ne veut, et que tout le monde aimerait voir disparaître... je connais. Et je n'ai pas envie d'infliger ça à une autre enfant, même si celle-ci est théoriquement bien plus vieille qu'elle ne le paraît.

Inuki tourne autour de Nelytsa, couinant et lui tapotant l'épaule d'une patte pour attirer son attention. Je ne bouge pas, me contentant de la regarder, toujours agacée mais moins colérique.

- Si quelqu'un t'avait tuée, je l'aurais traqué jusqu'à le retrouver et lui faire comprendre que ça aurait été la plus grosse et dernière erreur de sa vie.

Je pense que la froideur de ma voix est amplement suffisante pour comprendre que je suis on ne peut plus sérieuse. Et qu'elle n'a pas à en douter une seule seconde.

Elle ne comprend pas. Faire partie d'une famille n'est pas forcément en avoir la Nature ou les compétences. Au contraire, il vaut mieux pour elle qu'elle reste humaine, enfin autant que possible. Le choix final lui reviendra toujours car, quoi qu'il arrive, peu importe nos promesses, au final seuls nos actes comptent et tout peut changer avec le temps. Surtout que, de ce que j'ai compris... elle en a.

- Si, tu y es entrée dès que tu as été créée.

Par sa mère et son voeu, tout simplement. Le fait qu'elle soit une menace n'y change rien, je le comprends maintenant. De toute façon au final nous sommes tous la menace de quelqu'un d'autre. Nous ne pouvons que faire avec. Ou prendre les devants afin d'agir avant que l'ennemi ne s'en prenne le premier à nous, ce que je fais.

Inuki couine et se colle contre Nelytsa avant de lui lécher la joue pour la réconforter. Il ne peut guère faire plus, mais il y met tout son petit coeur de chiot. Il frotte sa tête contre elle alors qu'elle frissonne pour je ne sais quelle raison. Puis elle reprend, énonçant ses souhaits si basiques au final. Ceux que chaque être humain peut avoir. Je secoue un peu la tête en pensant que Bey pourrait lui offrir. La rendre normal, lui donner des amis... il m'a bien offert une famille. Même si son sort a mal terminé, le voeu a été accompli et le contrat respecté.

La petite m'énumère ce que je possède moi-même, mais je ne suis guère convaincue. Ce que j'ai, je l'ai eu grâce à Bey, je n'ai aucun mérite. Et je ne suis pas certaine d'en profiter à sa juste valeur, ce que Ashlan ne contredirait certainement pas.

- J'ai aussi la guerre, les massacres, le poids des morts de ma famille, et la certitude de mourrir jeune. Est-ce si enviable, si juste ?

Cela ne me dérange pas vraiment, mais peut être gênant pour d'autres, je le conçois.

- Tout ce que j'ai, je l'ai obtenu grâce à Bey, parce que j'étais incapable de l'avoir par moi-même. Mais toi, tu as la possibilité d'éviter cela et de gagner ton propre futur. C'est peut-être long et difficile, mais ça reste réalisable. Et quoi que tu en dises tu n'es pas seule, tu as également Ashlan, Inuki, les Nephils. Libre à toi d'aller vers Bey ou non et de te trouver une voie qui te plaise. Tu as le temps pour cela après tout.

En fin de compte, si le temps n'a pas de prise sur elle, Nelytsa possède un grand avantage sur tous les autres êtres vivants. Elle dispose de toutes les années possibles et imaginables pour mener tous les projets qu'elle souhaite à terme. Je ne sais pas si je devrais en être jalouse ou pas. Je ne crois pas. Je n'ai pas de plans d'avenir ni de désirs comme elle.

Finalement dans notre étrange trio il n'y a qu'Inuki qui est bien placé. Il ne tarit pas de coups de langue et de câlins dans les bras de la petite, ravi de tant d'attention et déterminé à la lui rendre. C'est le seul à ne pas se torturer l'esprit et à profiter de ce qu'il a. Petit veinard.

Nelytsa ne semble pas apprécier la chance qu'elle a et le temps dont elle dispose à l'infini. Certes, elle sera toujours une enfant en apparence, ce qui lui ferme certaines portes, mais n'est pas pour autant si dérangeant, surtout au sein des Nephils.

- Dans le monde normal, peut-être que tu seras toujours une enfant, mais chez les Nephils ce n'est pas le cas. Tu peux apprendre avec eux les métiers qui t'intéressent, et même les exercer au QG ou dans leurs entreprises pour ceux qui en possèdent.

Après tout, ils peuvent faire des aménagements et lui permettre de travailler soit en la cachant aux autres employés, soit suivant le métier qui l'intéresse en étant simplement freelance. Le temps n'est pas stoppé pour elle contrairement à ce qu'elle dit, au contraire.

- Ton temps n'est pas figé, il est sans limites. Ce n'est pas l'évolution du corps qui compte mais celui de l'esprit, et pour celui-là tu as l'éternité devant toi.

Cela dit, nous nous sommes écartés du sujet principal qui me tenait à coeur. Il est grand temps d'y revenir.

- Dans tous les cas, cela ne change rien aux faits : tu n'as pas à te mettre inutilement en danger en allant seule dans des endroits mal famés. Si tu n'en es pas capable, je serais obligée de t'imposer un protecteur.

Et je sais parfaitement qui ferait l'affaire dans ce cas.

Nelytsa a l'air surprise que je lui apprenne les possibilités du QG Nephil. En même temps ce n'est pas si étonnant, elle n'y était jamais allée avant que je ne la convoque avec Ashlan, et elle n'a sûrement pas encore eu l'opportunité d'en découvrir toutes les facettes. Cela lui offre une future occupation en plus de son entraînement.

Ce n'est cependant pas ce qui retient le plus son attention, mais plutôt l'idée que je lui impose un garde du corps. Je ne comprends pas comment elle peut être toute seule : elle a tous les Nephils avec elle... à moins qu'elle ne les fuit volontairement, puisque ne les considérant pas comme sa famille ? Peut-être. Je devrais ressortir mes cours de psychologie plus souvent je crois.

Par contre ça risque d'être délicat niveau communication, encore que celui que j'ai en tête est tout à fait capable de se faire comprendre quand il le veut. Je souris un petit peu alors que Nelytsa me demande qui serait l'heureux élu.

- Tu ne le connais pas, mais il est très efficace et a ma totale confiance. Inuki, tu veux bien... ?

Mon compagnon couine un peu, triste de devoir s'éloigner un peu, mais il comprend parfaitement que c'est pour le bien de la petite. Il fait donc une dernière grosse léchouille à Nelytsa, puis se dégage de son étreinte. Me concentrant, je le laisse disparaître petit à petit de la réalité jusqu'à n'être plus qu'un souvenir. Tout aussi tranquillement, une autre forme apparaît à sa place, plus petite, plus fine, aux oreilles plus pointues et à la queue bien droite, sous une fourrure rayée dotée d'un joli collier de poils clairs.

- Je te présente Teto. Il est le seul capable de s'éloigner de moi sans disparaître. C'est également le plus rapide, si tu es en danger il me rejoindra très facilement et pourra me conduire à toi.

Mon petit ami illustre parfaitement mes propos en filant à toute allure sur moi et, en une seconde, a grimpé de mes pieds jusqu'à mes épaules où il se juge en regardant la petite de loin. Ses yeux verts la scrutent, méfiant, semblant l'analyser pour déterminer si elle est une menace ou pas. Pour ma part, je souffle un peu, changer d'invocation me prend une certaine quantité d'énergie.

Ce qu'est Teto ? Sans doute rien qui s'apparente à un animal du monde normal, mais ce n'est pas comme si c'était dérangeant. Kodama lui n'a vraiment rien de commun avec les créatures classiques que l'on connait.

- C'est une de mes invocations, comme Inuki.

Nelytsa n'a pas l'air très ravie, mais je comprends. Teto n'a jamais été des plus encourageants, au contraire. Il est beaucoup plus méfiant qu'Inuki, ce qui ne l'empêche pas d'être très fidèle. Je secoue un peu la tête.

- Ne t'en fais pas, il n'est pas méchant. Juste un peu moins... disons câlin qu'Inuki. Il ne parle pas mais il comprend tout ce qu'on lui dit. Il t'aidera aussi à savoir si tu as un humain ou un Seraph en face de toi. Teto, voici Nelytsa. Quand elle ne sera pas avec un Nephil ou moi-même, tu devras la protéger comme si c'était moi.

Mon ton est calme mais sans appel. Il observe de plus belle la petite, pas très convaincu, mais il sait très bien que je ne lui demanderais pas ça pour n'importe qui. Il descend rapidement de mon épaule et vient se planter devant elle, le museau tendu en avant pour la renifler, curieux de voir qui peut bien me donner envie de lui donner un ordre pareil.

Nelytsa garde une attitude un peu craintive, pourtant Teto reste une créature plutôt petite et pas réellement agressive. Il n'a même pas le poil hérissé et il ne montre pas les crocs, non, il fait juste son curieux maintenant qu'il a compris qu'elle n'est pas une menace, au contraire.

- Il ne mord que ceux qui me menacent, ne t'inquiète pas.

Alors qu'elle tend un peu les doigts, mon invocation les lui renifle du bout du museau. La petite a vraiment l'air prête à ramener sa main vite fait au moindre signe suspect. Mais Teto est plus rapide, en une fraction de seconde il a sauté sur ses doigts et s'est faufilé tout le long de son bras jusqu'aux épaules où il passe sous les cheveux avant de réapparaître de l'autre côté et de redescendre jusqu'à l'autre main, puis de sauter à terre. Cela me fait un peu rire.

Le petit numéro de Teto semble l'avoir amusée et un peu détendue, tant mieux. Il se remet à lui courir dessus, passant des doigts aux épaules, et finit par s'arrêter sur sa tête, fièrement dressé.

- Inuki a été le premier et j'ai pris l'habitude de l'avoir toujours à mes côtés, mais non ce n'est pas le seul. Il y a aussi Teto, ici présent, et Kodama, une... créature beaucoup plus petite et étrange.

Je ne l'ai pas souvent invoquée, car sa présence discrète et son utilité particulière en font un compagnon à appeler vraiment dans des circonstances précises. Je secoue un peu la tête et tends une main vers Teto, qui bondit aussitôt des cheveux de Nelytsa et retourne sur mon épaule droite.

- Si tu veux sortir seule, demande-moi avant et Teto t'accompagnera. Ce qui ne t'empêche pas d'avoir à éviter des zones dangereuses, comme n'importe qui.

J'ose croire que c'est bien clair. Avoir mon invocation à ses côtés ne la dispense pas des règles de prudence élémentaire.

Lui faire une liste des zones dangereuses... ? Parce qu'elle n'est pas capable de les définir elle-même ? Remarque... elle a beau être plus âgée qu'il n'y paraît, sur beaucoup de choses elle me semble toujours aussi enfantine.

- Tout le quartier Sud pour commencer. Ensuite tous les endroits sombres, peu fréquentés et, de manière générale, la ville entière quand il fait nuit.

C'est un résumé acceptable je pense. Quant à sa seconde question je ne sais pas trop. Elle ne peut pas débarquer sans prévenir pendant que je suis en cours, ce serait étrange et accessoirement pas autorisé.

- Tu te promènes dans les avenues du quartier Est, sans t'éloigner de la foule. Sinon tu peux venir à la Fac et rester sur le campus en attendant que je sorte. Mais tu ne restes pas devant les grilles.

Je me rappelle très bien son agresseur de l'autre fois.

Je sens bien que ce ne sont pas forcément les zones qui l'intéressent le plus, mais je n'y peux rien. Le quartier Sud est trop dangereux, surtout pour une fillette comme elle. Cela dit, je peux toujours lui proposer un arrangement pour l'avenir.

- Pour le moment, ces endroits sont trop dangereux pour toi, mais quand tu te seras bien entraînée et que tu seras devenue plus forte en combat, alors tu pourras peut-être aller dans certains. Ca ne tient qu'à tes progrés.

Bon évidemment je ne la laisserais pas pour autant disparaître des heures dans le quartier Sud seule, mais peut-être une demi-heure ou une heure quand elle m'aura prouvé qu'elle peut se défendre efficacement. Et ce n'est pas pour tout de suite.

Je hausse un peu les épaules à sa question. Tout est toujours possible au QG, surtout avec la diversité des membres de la famille. Et je ne connais qu'une personne pouvant facilement répondre à toutes les questions de Nelytsa.

- Il y a énormément de métiers différents, presque autant que de Nephils. Demande à Juliet Hopkins, elle a toutes ces informations et pourra t'en dire plus.

Affaire réglée donc. Je secoue un peu la tête alors que Nelytsa commence à être fatiguée et va s'installer sur le canapé, suivie par Teto qui grimpe sur le dossier du meuble pour mieux la surveiller.

- Je dors encore, mais pas beaucoup.

Contrairement à elle, qui s'endort bien vite. Elle devait être épuisée. Je soupire un peu et tends une main. Teto y bondit aussitôt et retourne sur mes épaules. Je passe dans la chambre récupérer une couverture et la lui met pour qu'elle n'attrape pas froid. Puis je récupère mon laptop un peu abandonné depuis tout à l'heure et m'installe dans le fauteuil pour reprendre mes cours.

[Terminé !]