Description du lieu:

Après une autre affaire sans goût résolu, Russel avait décidé de mettre un peu de goût en buvant de la boisson qui avait une qualité supérieure à celle du Quartier Sud. Mais pas seulement. Sa cible avait acquis un nouveau nom et il devait s'en débarrasser. Il le pouvait à présent. Il avait vaincu sa peur... Oui, tuer quelqu'un... n'était plus un obstacle.

C'est en pondérant à ces choses diverses et sans saveur que l'ivrogne entamait, non pas du whisky, mais sa troisième bière. Mélancolie, nostalgie envers son lui passé. Tellement de sentiment qui venait le prendre à présent. Mais il y avait une chose qui ne changerait pas. C'était son regret. Un regret qui le hantait à chaque réveil, alors que l'alcool venait à se dissiper de son sang. Heureusement, il dormait peu donc le breuvage empoissonné restait dans son corps. En conséquence, il était toujours dans un état d'ébriété plus ou moins important. Et le plus comique dans tout ça était que son ancien lui était parvenu à avoir une petite réputation. Ainsi, il travaillait dés qu'il n'avait plus l'argent nécessaire. En somme... Son agence survivait... En même temps, Il n'avait malheureusement pas le choix. Quand bien même son but primaire était sombre... Son second but ne l'était pas. Même s'il avait dit qu'il ne la recroiserait plus. Ce conflit entre les deux corps la mettaient en danger. Il la protégerait. Quitte à se faire tuer pour ça.

*Un jour... Je devrais aller dans ce QG...* Songeait Russel en finissant sa bière.

Le problème était qu'il avait ignoré l'adresse donné par le chat. Sans doute qu'il devrait voir pour réapprendre l’adresse d'ici peu. Mais ce n'était pas forcément le sujet qui le motivait. Retrouver sa sœur... La tuer... Et non pas entendre son explication... Non...Tout simplement la tuer. Cette peste avait tué Liz la première fois et sans aucun doute que c'était elle qui l'avait tué cette seconde fois aussi. Jamais il ne lui pardonnerait. Non... Jamais...

"Barman... Une autre bière." Demanda-t-il alors qu'il était assit au comptoir, dos tourné à l'entrée.

Une soirée désœuvrée. Tout plutôt que de rester dans son appartement à tourner en rond. Repasser devant ce sol, où Julien était mort. Repasser devant cette baignoire où… Sa chair en appelait une autre, elle devait oublier, s’oublier. Elle prit donc tout naturellement le chemin de son bar habituel, situé au bout du quartier Est pour ne pas croiser de voisin, même s’ils savaient tous très bien ce qu’elle faisait au vu des allées et venues qui se faisaient chez elle.

Lenna poussa donc la porte du bar Sunk’n Norvegian qui accueillait sa débauche et sa dépravation quand elle en ressentait le besoin. Assez régulièrement. Plusieurs fois par semaine. Elle contourna le bar, préférant se diriger au bout de celui-ci, n’aimant pas être dos à l’entrée. Elle préférait voir arriver ses proies, les choisir, et les laisser venir à elle. Le barman s’approcha d’elle, reconnaissant une habituée.

La même chose que d’habitude ?

Elle hocha la tête en posant son billet. Il l’empocha sans commentaire, ne tardant pas à lui amener son verre de Martini à l’olive toujours justement plantée. L’homme ne se préoccupait pas de ses actions, ayant bien remarqué son petit manège, mais préférant se taire et continuer à lui servir son verre presque chaque soir.
La couleur n’était pas revenue dans son armoire, même depuis la mort de Julien. Malgré la brise fraîche, elle avait revêtu un simple débardeur ajusté, cachant ses marques sur ses bras par des mitaines montantes. Un pantalon moulant, des bottines, un collier pendant, et le tour était joué. Sa future proie ne pourrait manquer de craquer sous ses yeux maquillés impeccablement. Autant ne pas perdre de temps en mondanités. Elle voulait juste un homme, une chair, l’amener chez elle, et le mettre dehors avant le petit-déjeuner, pour un oubli éphémère. Un simple petit oubli qui ne lui coûtait rien entre adulte consentants.

Un homme inconnu finit par attirer son attention. Celui-ci ne tarda pas à succomber à ses regards persistants et s’avança vers elle.

Charmante ! Je vous offre un verre ?

Gagné. Un mince sourire qu’elle savait faux au fond d’elle étira ses lèvres pour l’accueillir. Elle lui montra son verre à moitié plein.

Et si nous passions tout de suite à la partie dessert ?

Un large sourire de l’inconnu répondit à sa remarque sans équivoque. Il ne devait certainement pas penser que ce serait aussi facile. Il ne savait pas qu’il était tombé dans le piège qu’elle lui avait justement tendu.

L’inconnu s’était suffisamment approché d’elle pour qu’elle sente son parfum tout masculin lui enivrer les narines. Il était à portée. Qu’attendait-il pour agir ? Il lui demandait son prénom, il se présentait, il parlait… Quel bavard. Elle répondit à quelques questions bateau, puis s’approcha résolument pour le faire taire. Celui-ci ne put résister à la tentation plus longtemps et se pencha pour l’embrasser. Elle engrangea le plus de chaleur qu’elle pouvait, mais ce n’était pas suffisant. Ce n’était jamais suffisant. Elle reposa son verre désormais vide sur le bar, en le repoussant légèrement, juste assez pour lui donner envie de plus, le tenter encore plus.

Dis au-revoir à tes amis.

Il était certainement venu accompagner. Il hésita, comme si elle pourrait fuir et le laisser en plan. Non mon mignon, je t’ai attrapé, je te garde. Il n’avait pas vraiment le choix, puisqu’elle rompit son indécision en s’écartant du bar et de lui. Il n’avait plus qu’à la suivre s’il voulait la conserver pour la soirée. Il n’hésita plus et la quitta un instant, sans pour autant la quitter du regard.

Lenna s’avança vers la porte d’entrée, juste à côté d’une silhouette familière.

Russel ?

Merde. Elle avait pensé tout haut. Elle ne voulait pas le voir. Elle ne devait pas lui parler. Elle le tuerait quand elle le pourrait, si elle le pouvait un jour. Ses yeux la faisaient toujours craquer. Faible idiote stupide et naïve. Nephil. Abomination. Voilà tout ce que tu dois penser.
Elle recula d’un pas vers la sortie, croisant les bras dans un réflexe de défense, pour mettre le plus d’écart possible. En public ici, l’un comme l’autre ne pouvait rien faire. A part parler.
Mais déjà sa proie revenait, le sourire aux lèvres.

Il les entendait conversé, elle se présentait à l'homme qui venait certainement pour la séduire. Il s'en était douté... Mais entendre ce nom sortir de cette voix familière fit bouillir son sang. Il manqua de briser son verre de bière avec sa poigne. Fort heureusement, ce dernier ne céda pas. Laissant à Russel toute la discrétion dont il avait besoin. C'était quoi ça ? C'était quoi ce sentiment de désespoir ? Lenna était en vie... Pourtant c'était comme s'il avait perdu cette femme. C'est insupportable. C'est intenable. Même maintenant, l'ivrogne veut se lever et la proclamé sienne... Mais quel droit avait-il pour faire ça ? N'était-il pas la cause de ce changement ? Et surtout... proclamer 'sienne' ? Ce n'était pas son genre...

Un individu est libre de naissance. Il n'appartient jamais à personne. L'ivrogne n'était pas assez stupide pour penser qu'un individu pouvait lui appartenir. Après tout... Dans tel cas, il donnait raison à Liz qui avait toujours proclamé leurs fiançailles. Liz... Encore un mauvais souvenir qui ressurgissait. Depuis ce contrat avec Bey... Les choses n'avaient cessé de tourner au vinaigre. A ce moment là. Il aurait du souhaiter bien autre chose. Retourner dans le passé pour corriger ses erreurs ? Bon sang, il n'avait fait qu'empirer la chose !! Liz était morte, il avait tué, il avait vi*lé une femme. C'était bien pire depuis ce retour. Au moins... dans cet état de légume dans lequel il était, il ne faisait de mal à personne.

*Liz...Origan...Lenna... Je suis tellement...désolé.* Se morfondait-il en buvant une autre gorgée de sa bière.

Soudain la voix trop familière de son regret l'interpella. Son cœur s'arrêta. Il ne la voyait pas. Il était toujours dos à elle. Il pondéra, pourtant, rien ne lui venait à l'esprit. Il regarda vers la direction de l'homme qui s'approchait de Lenna. Il le foudroya du regard comme pour dire ne t'approche pas d'elle. Il ignore si le message est passé. Dans tout les cas, il refusait de croiser les yeux de Lenna, il s'attachait à sa bière, espérant que ce simple regard eut raison de l'envie de l'homme.

Grosso-modo, ne t'approche pas d'elle où je te tue. C'était ce qu'il voulait dire.

Ouf, il ne réagit pas. Peut-être n’avait-il pas entendu. Si, elle avait parlé suffisamment fort. Il l’évitait. Trouillard. Tu as peur de moi c’est ça ?! Elle aurait voulu lui cracher de mots à la figure, lui cracher tout court, quand elle se rendit compte que le regard de Russel venait de croiser celui de sa proie. Celui-ci perdit toute couleur, son sourire totalement évanoui comme neige fondue au soleil. Beaucoup moins assuré qu’il y a quelques instants il s’avança vers elle, mais à distance respectueuse.

- Euh… tu le connais ?

Qui ça ? Ah, Russel. Non elle ne le connaissait pas. Elle l’avait connu. Mais c’était révolu. La personne qui leur faisait face, enfin plutôt dos, était un inconnu. Elle le connaissait presque moins que ce type nouvellement rencontré.

Pourquoi, y’a un souci ?

Comment ? Elle évitait la question ? Non, à peine. Le type hésitait maintenant. Un soupir agacé échappa à Lenna. Elle voulait quitter cet endroit. Quitter sa présence qui l’horripilait. Aurait-elle pu repartir avec Russel plutôt qu’avec lui, la situation en aurait été différente. Mais c’était bien au-dessus de ses forces. Jamais. Elle se détourna du bar, pour ne plus avoir à le regarder, et décrocher son regard de son dos qui allait finir par lui brûler les pupilles des sentiments qui faisaient rage. Elle repoussa l’équilibriste de son côté haine, et enjoignit le type à la suivre.

Bon, tu viens ?

Dit-elle en remarquant qu’il n’avait pas l’air décidé. Il pondéra, s’agitant sur ses deux pieds.

- Une autre fois, je préfèrerais en fait. T’auras qu’à m’appeler.

Et il la planta là, retournant vers son groupe d’amis. Elle n’avait même pas son numéro. Elle plissa les sourcils quelques secondes, interloquée de se faire lâcher de cette façon, le suivant du regard jusqu'à sa place. Elle soupira en se passant la main sur son front.

Elle était furieuse. Furieuse. Il ne pouvait pas choisir un autre bar ? Non, il avait fallu qu’il se trouve là, et qu’il prenne un malin plaisir à gâcher sa soirée. Vraiment. Sa main tomba sur un verre vide, et la tentation fut très forte de lui balancer à la tête. Non. C’était son bar. Elle voulait pouvoir y revenir et recommencer son manège. Même si pour ce soir c’était foutu.
Il fallait qu’elle s’assure que cela ne se reproduise plus. Elle s’avança donc, se glissant à ses côtés, poussant le voisin du détective qui n’eut d’autre choix que de se décaler pour la laisser passer. Elle claqua le verre sur le bar, se tournant vers le chieur de service, les yeux pétillants de colère.

Choisis un autre bar la prochaine fois.

Sa main la démangeait. Qu’il dise un mot de travers, et il s’en prenait une.

Le verre ne résista pas à l’afflux de rage qui la traversa. Il se brisa net avec un tintement entre ses doigts. Elle ne s’en soucia pas, au contraire du barman qui accourait déjà avec de quoi nettoyer les dégâts. Après tout elle ne saignait que très peu de coupures de la sorte, voire pas du tout. Son visage était livide, au bord de l’implosion. Le seul contrôle qu’elle éprouvait sur elle venait à son besoin de pouvoir retourner dans ce bar, et donc d’éviter de trop se faire remarquer. Le barman devait se régaler en potins à cet instant.

Et le fait qu’il évite son regard l’agaçait au plus haut point. Elle finit par faire cesser son petit jeu dont il devait s’amuser au plus haut point en l’empoignant par le col et en l’attirant près d’elle. Là, il serait obligé de la remarquer.

Qui - je - suis ?

Elle parlait entre ses dents pour s’empêcher de hurler. De lui hurler à la face à quel point elle le haïssait. Et à quel point elle aurait voulu qu’il en soit autrement. Qui elle était à vrai dire ? Elle ne savait plus vraiment. Si elle avait su un jour. Une fille faible. Elle le relâcha en le repoussant, laissant sa chemise tenter de reprendre une forme normale après la pression qu’elle lui avait fait subir. Elle poussa les débris de verre restant vers le barman, demandant son verre habituel. Si elle ne pouvait combler son vide de chaleur humaine, alors ce serait d’une autre chaleur ce soir. Il finirait bien par comprendre qu’il n’était pas le bienvenu.

Qu’est-ce t’attends pour partir ? Le déluge ?

Lui lança-t-elle pour le décider à s’en aller avant qu’elle ne perde son sang-froid et ne doive changer de bar.

L’ombre née d’une ombre. Voilà tout ce qu’elle était. Russel avait raison, et cela la tuait de l’admettre. Elle n’était plus la même. Mais à qui la faute ?! Il recommandait une bière. Il comptait passer la soirée ici. C’était son bar, il devait partir en premier. Tourner les talons maintenant serait avoué une défaite. Impensable. Puisqu’elle ne pouvait pas le piquer de sa faux en public, au moins pouvait-elle lui imposer un mur de défense solide. Gamine.

Elle repoussa cette idée, et s’inséra résolument devant le bar, giclant la personne à sa gauche de son tabouret pour le récupérer et s’installer plus confortablement. Très bien, il voulait jouer à ça. Il allait en avoir pour ses frais. Elle se tourna sur le côté, lui offrant son dos et surement quelques cheveux chatouilleux dans le mouvement. Une gorgée, et elle ralluma une flamme dans ses yeux pour attirer un nouveau papillon. Sa présence ne changerait rien, elle aurait sa proie. Il comprendrait qu’il ne pouvait pas l’arrêter par son indifférence qui pourtant la brûlait.

Son voisin de gauche, surement échaudé par son contact ne fut pas long avant d’engager la conversation. Elle se tourna complètement, offrant l’arrière de son corps à Russel. Tu ne veux pas partir ? Hé bien souffre. Son coude heurta la main qui tenait le verre à bière. Oups. J’avais déjà oublié que tu te trouvais là. Son corps faisait un barrage suffisant pour qu’il ne puisse pas tenir en silence sa nouvelle proie d’un simple regard.

A vrai dire, elle se moquait un peu d’attirer cet homme dans son lit. Tout ce qui l’intéressait c’était de le rendre suffisamment jaloux pour qu’il cesse de l’ignorer, ou au moins déguerpisse de sa vie. Elle jouait l’indifférence face à lui, mais elle ne rêvait que de le torturer pour mieux le contrôler. Paradoxe de la haine qui l’habitait et enflait en sa présence. Elle repoussa à nouveau l’équilibriste au fond de son trou, ignorant les sentiments positifs qu’il aurait pu exister. Pas avec un Nephil.

Soudain, alors qu’elle était en pleine discussion de base sur sa vie de base qu’elle s’inventait, elle sentit comme un vide derrière elle. Son regard se posa sur le tabouret abandonné par Russel. Il était parti, enfin. Ses épaules eurent à peine le temps de se détendre, avec une pointe de déception, que ses yeux tombèrent sur une étrange vision.

Russel en train de draguer deux autres femmes. Mais, mais… il leur payait un verre, et avec le sourire en plus ! Elle ne se rappelait pas s’être vue offrir quelque chose de la sorte lors de leurs précédentes rencontres. Si peut-être avant d’avoir rencontré le chat… Elle ne savait plus. Tout cela vivait dans un souvenir brumeux à l’intérieur d’elle. Tellement éloigné.

La frustration commençait à l’échauffait. Elle bouillonnait à nouveau. Elle ne pouvait pas s'empêcher de regarder vers eux de temps à autre. C'était plus fort qu'elle.
Ce détective avait vraiment le chic pour l’énerver. C’était lui qui aurait dû être jaloux, pas elle. Elle devait le haïr. Ce qu’elle fit avec plaisir, rajoutant ce moment dans l’armoire Russel. Gamin. Espèce d’abruti. Enflure. Salaud !

Comme pour se convaincre qu’elle n’en avait rien à faire, ou pour mettre une couche supplémentaire au petit jeu auxquels ils se prêtaient, mais encore plus pour se consacrer à autre chose qu’à son visage qui riait avec des autres, elle se rapprocha de sa proie masculine, pour le provoquer un peu plus.

Il réagit avec hésitation, tentant de l’embrasser, comme si elle était en porcelaine et qu’elle allait se briser. Elle était déjà brisée. Tout ce qu’il ferait n’y changerait rien. C’était bien sa plus grande peur sur elle-même. Elle n’avait plus rien à perdre. Elle l’encouragea et prolongea le baiser plus que nécessaire, l’attirant à elle pour qu’il n’ait d’autre choix que de passer ses mains autour d’elle. Et toc.

Elle se recula adressant un sourire à l’homme, alors qu’elle souriait plutôt à l’idée de pouvoir en faire ce qu’elle voulait. Après tout, elle n’avait pas besoin de Russel. Celui-ci ferait l’affaire.
Faudrait-il partir du bar maintenant ? Juste quelques secondes, juste un instant pour s’assurer qu’il était bien conquis. Qui ça il ?

Le type fut violemment reculé par quelqu’un. Il s’arracha à elle. Qui osait s’en mêler ? Russel ? Une incompréhension totale se dessina sur ses traits quand elle vit ce qu’il était en train de faire. Violent. Une bête. Un Nephil. Mais, mais… il le massacrait ? Pourquoi avoir autant joué l’indifférence juste avant s’il ne le supportait pas ? Elle voulait le rendre jaloux pas furieux. Pas enragé.

Il lui faisait presque peur, c’est pourquoi elle se tint à distance respectueuse jusqu’à ce qu’il ait fini de démolir le pauvre gars. Ce dernier resta au sol en se tenant le nez, alors que Lenna l’abandonnait lâchement pour suivre Russel. Elle n’en avait rien à faire depuis le début à vrai dire.
Ce n’était qu’un jouet parmi un autre. En quelque sorte, elle devait s’estimer heureuse, puisqu’elle avait gagné. Russel était parti du bar en premier. Alors pourquoi ce nœud l’estomac et ce besoin de le suivre, de le poursuivre à l’extérieur. Cela ne cesserait donc jamais.

RUSSEL !

Hurla-t-elle au dos qui s’éloignait – encore – d’elle. Elle était furieuse qu’il se mêle ainsi de sa vie, mais après tout c’était elle qui l’avait provoqué. Jamais contente, en réalité. Mais il ne pouvait pas s’énerver ainsi, se conduire ainsi, dans SON domaine. Non, elle ne le permettrait pas. Cela devait cesser. Tout de suite.
Qui sait si elle ne le recroisait pas encore, et qu’il ne ruine pas à nouveau sa soirée ? Le monde était si petit. Elle devait crever l’abcès, maintenant.
Mais l’ombre de son ombre continuait d’avancer, comme si elle n’avait pas crié suffisamment fort son cri du cœur.

RUSSEL !

Elle ne l’appelait pas pour les raisons que s’inventaient son esprit. C’était son moi profond qui l’appelait, au-dessus de la haine et du besoin de le maitriser. Se maitriser. Oh et puis zut. Un regard à droite, un regard à gauche. Personne. Elle déploya son kekkai pour le bloquer dans sa course. Arrête toi espèce de salaud séduisant. Elle croisa les bras, et stoppa sa propre marche, attendant la réaction qui ne tarderait pas à suivre.

A présent, il n'avait plus sa place dans ce bar Mais avant ça, c'était surtout l'incompréhension par rapport à ce qu'il avait fait qui le poussait à avancer. Il ne voulait plus la voir, s'il la voyait, il devrait s'expliquer. Alors quand bien même si elle criait son nom, il ne ferait pas demi-tour. C'était quoi ça ? Une énorme boule dans l'estomac. Quelque chose qu'il n'a jamais connu. Était-ce ce qu'on appelle le regret ? L'ivrogne l'ignore. Mais la voix de Lenna retentissait dans son esprit comme un écho.

Il ne s'arrêta pas. Son dernier acte était la preuve qu'il était devenu un monstre incontrôlable. Certainement que son ancienne amie n'était pas tombé aussi bas. Il refusait de la contaminer davantage. Il refusait de la voir devenir autre chose par sa faute. Cette altruiste qui l'avait aidé lors de ses enquêtes... Elle semblait à ce moment là si pure et innocente. Et par la faute de Russel... Elle était dorénavant la cible d'autres hommes.

En soi, cela n'était pas un problème, elle voulait refaire sa vie. Mais il l'en empêchait. Incontestablement, c'était lui qui était mauvais dans l'histoire. Alors qu'il avançait, il heurta un mur. Il fut tout d'abord prit d'incompréhension puis se retourna afin de voir celle dont il avait détruit la vie. Quelle ironie du sort... Il avait voulu la sauver mais au final, il avait détruit sa vie. Dans tout les cas, le fait que ses actions soient entravées ne l'enchantaient guère. Il ne mâcha pas ses mots.

"Quoi ? Tu as gagné, va profiter de tout les hommes que tu souhaites. Simplement... Hors de ma vue." Dit-il avec un certain mépris.

Oui, il avait beau dire, ce qu'il avait montré n'était nulle autre que de la jalousie. Il ne voulait pas la voir avec d'autre... Mais en même temps, il ne se sentait pas confiant dans le fait de l'accaparer. Après tout, il n'en avait pas le droit.

Dans un premier temps, il n'avait aucun droit d'exister et d'être simplement là. Il aurait du mourir dans ce tas de neige. Le fait qu'il ait passé son contrat n'avait au final rien accompli. Il n'avait pas sauvé Liz, ni Origan. Au final, il n'avait apprit, ni même compris quoique ce soit. Il était perdu, et Lenna s'était trouvée être la seule bouée de sauvetage qu'il avait. Quel homme pitoyable il faisait. Il n'aurait jamais du aller chez elle. Il avait juste tué un homme là-bas et bon sang, ce qu'il regrettait.

Enfin, il se retourna. Elle put jauger l’homme, voir à quel point il se laissait contrôler par ses faiblesses pour se rétracter aussitôt. Etait-elle une de ses faiblesses ? Elle laissa ses bras croisés pour s’empêcher de matérialiser sa faux et lui trancher la tête. Ce n’était pas vraiment l’envie qui lui manquait. Seulement une petite voix au fond d’elle qui l’empêchait de sombrer totalement dans sa rage et sa folie.

Gagné ? Gagné quoi ? Je ne joue pas.

Menteuse. Tu ne jouais pas avec les sentiments peut-être dans ce bar ? Tu ne jouais pas avec ton passé ? Tu ne jouais pas enflammer l’homme ?

Quoi ? Maintenant que t’as gâché ma soirée, tu m’autorises à prendre l’homme que je souhaite ? Tu te fous de MOI ?

Trop tard, la tension était trop puissante. Cela devait sortir. Elle fit un pas pour être plus proche de lui, suffisamment proche pour sentir son parfum de démon. Pourriture. La gifle partit avant même qu’elle n’y pensa. Electrique. Une idée folle, soudain. Tais-toi, ne laisse pas tes pensées s’exprimer tout haut.

Et si c’est toi que je souhaite, t’autorises aussi ?

Faible. Elle souffla d’agacement, en plissant le front. Merde mais pourquoi se retenait-elle pour défigurer cette face qui lui faisait face ? Que cette vague de haine cède une bonne fois pour toute qu’on en finisse. Il méritait de subir. Il méritait de souffrir. Alors résigne-toi à le faire.

Je n’ai pas besoin de ton autorisation.

Acheva-t-elle entre ses dents serrées en faisant mine de le pousser, mains à plat vers son torse, bras tendus, tout en détournant la tête pour cesser de voir ses yeux dans lesquels elle s'était déjà perdue suffisamment. Dégage. Va-t-en ! Paradoxal quand on sait que c’est son kekkai qui les retenait tout deux enfermés dans un même lieu exigu.

La réponse de Lenna était une affirmation. Elle ne jouait pas. Sur le coup, Russel se sentit ridicule. Il était le seul à croire qu'elle jouait avec lui. Non, elle voulait juste trouver un homme et passer une bonne soirée. Alors que lui ? Il avait fait quoi ? Il était allé voir deux femmes pour la rendre jalouse... Bon sang, c'était d'un ridicule. Cela l'irritait. Un tel ridicule... Pourquoi ? Pourquoi faisait-il ça ?

Ce qui suivit fut bien entendu les reproches de la Seraph sur le fait d'avoir gâché la soirée de cette dernière. Quoi ? Elle voulait que l'ivrogne s'excuse ? Cela n'arrivera pas. Autant, il regrettait d'avoir tué, autant le fait d'avoir frapper cet homme qui embrassait une femme dans un lieu publique, il ne le regrettait pas. Bon sang ! Un peu de retenu ! Enfin tout ceci n'était au final qu'une excuse. Mais simplement l'admettre... Ce n'était juste pas possible.

Lorsqu'elle se rapprocha de lui, il pouvait sentir son cœur battre plus fort et les paroles de cette dernière ne furent que de l'huile sur du feu. Ses battements furent amplifiés de plus belle. Au point où il pensait atteindre l'apogée de ces derniers. Avait-il mal entendu ? Était-ce une invitation de cette dernière ? Son corps semblait se remémorer des moments passés avec Lenna. Il secoua la tête et une nouvelle fois les paroles de son ancienne amie retentirent dans son esprit. Elle n'a pas besoin de son autorisation ? Peut-être était-ce vrai... Après tout, il ne pouvait rien lui faire. Résister ? Il n'en avait pas le droit.

Néanmoins, lorsqu'elle le poussa, il grimaça. Que dire ? Il se voyait mal être passive dans cette action. De plus, que voulait dire les actions de Lenna ? Avait-elle été affecté par le fait qu'il ai tué son Julien ou bien par ce que avait suivit ? L'ivrogne l'ignorait, mais mécaniquement, il ne pouvait s’empêcher de froncer les sourcils.

"Qu’insinues tu ? Laisse moi partir ou abat moi. Il n'y a jamais rien eut entre nous de toute façon."

Il serrait les dents tandis qu'il prononçait cette phrase. Aucun acte physique ne venait de sa part. En réalité, il était totalement à la merci de Lenna. Il ne pouvait pas aller à l'encontre de celle pour qui il avait sacrifié sa peur de tuer. Ce n'était sans doute pas exagérer de dire qu'elle était devenu son monde. La dernière chose qu'il souhaitait était de lui faire du mal.

"Lenna... Laisse moi partir. Cet incident ne se reproduira plus."

Tandis que son regret parlait, il serra une seconde fois les dents, comme pour les briser. Il ne voulait pas qu'elle voit quelqu'un d'autre. Quelque part... Même si ce n'était qu'un bref instant, n'avait-il pas tuer Julien à cause de ce sentiment ? C'était totalement ridicule selon lui. Pourtant, ses sentiments, même si sa raison pouvait les ignorer, peut-être que son corps, lui, ne pouvait pas.

"S'il te plait." Conclut-il en détournant le regard.

Il n’y a jamais rien eu entre nous de toute façon. Jamais rien ? Vraiment ? Comment pouvait-il tout renier ainsi ? Certes, ils n’avaient jamais posés des mots sur ce qui les animait. Ils avaient agi sur un fil décousu qui les reliait pourtant. Mais de là à tout résumer à un seul mot. Rien.
Elle croisa les bras à nouveau comme pour se défaire de lui.

Il la suppliait de la laisser partir.

Non.

Lâcha-t-elle. C’était trop facile. Il avait tué Julien, l’avait prise contre son gré, massacrait son type d’un soir et elle devait le laisser en paix ? Le laisser retourner à sa vie ? Comme ça ?
Elle ne pouvait se résoudre à l’abattre. Tuer un être humain, tout Nephil soit-il était encore au-dessus de ses forces. Elle ne pouvait pas commencer par Russel, ce n’était pas possible. Elle se maudissait de la faiblesse qu’il procurait en elle. Il fallait qu’elle détruise ce reliquat. Mais comment ?

Pour quelle raison le ferais-je ?

Si tu m’embrassais… Ferme la, conscience démoniaque.

Tu me proposes quoi en échange ?

Ah, Lenna tu transformes cela en un marché ? Alors qu’il ne s’agit que de rien d’autre que deux personnes ayant fait le mauvais choix ou la mauvaise rencontre. C’était réducteur.
Elle fixa ses yeux de ses prunelles ardentes.

Il osait à peine la regarder. Contempler ton œuvre te dérange, hein ? Pourtant à chaque contact de ses yeux sur elle, elle sentait plus qu’une simple culpabilité. Une tension palpable dans l’air. Arrête de te faire des films. T’es pitoyable. Après tout ce qu’il t’a fait. C’est un monstre. Tue-le. Tue-le. Tue-le.

Peur ?

Un rictus lui échappa, à demi entre le sourire et le rire. Il se moquait d’elle. Il jouait avec elle. Il voulait savoir jusqu’où il pouvait aller avant qu’elle ne le transperce. Sa faux se matérialisa dans sa main, menaçante, brillante sous l’éclat des étoiles.

Je suis trop en rage pour ça.

Elle avait fui la première fois. Le meurtre. La police. Elle n’avait pas vraiment le choix. Non, elle l’avait laissé filé. Parce qu’elle était faible, si faible. Moins maintenant, peut-être.

J’aimerais te… Tu mériterais… Un Nephil… Je devrai…

Merde. Pourquoi les mots ne voulaient s’ordonner en un phrase construite et menaçante ? Sans doute ce regard. Il était facile de haïr à distance et d’alimenter cette haine. Il était plus difficile de résister vis-à-vis de sa cible quand il fallait passer à l’acte. Elle se maudit intérieurement et lança sa faux en arrière. Celle-ci se dématérialisa avant de toucher le sol.

Trouve un moyen de te rendre utile.

Ou je devrais te dénoncer à d’autres Seraphs pour qu’ils t’exécutent à ma place. Un témoin finirait par savoir. Il fallait se laver de tout soupçon de traitrise. C’était son cœur le traître. Ou du moins ce qui en restait. Elle croisa les bras à nouveau, incapable de rester immobile. Il n’y avait pas d’ombres à éliminer. Juste un reste de miette de sentiment. Une idée. Une idée tordue.

Comme des infos sur… ta race misérable.

Elle serra le poing pour s’empêcher de trembler. Une abomination. Voilà ce qu’ils étaient. Mais s’il pouvait lui être utile,… elle pourrait cesser de se torturer avec sa mort.

"Qu'est-ce que tu comptes faire avec ces informations de toute façon ?"

Rien.

Rétorqua-t-elle. Abruti, tu n’es vraiment d’aucune utilité. D’un soupir las, Lenna se laissa accueillir par le sol, pliant ses jambes à demi pour rendre la position plus confortable en s’appuyant sur ses mains à l’arrière. Elle ferma les yeux et soupira à nouveau.

Je le savais déjà. Un petit effort.

Elle rouvrit les yeux pour le contempler de sa vue basse. Il aurait pu être tout autre chose s’il n’avait pas changé au point de devenir le monstre de Nephil qu’il était. Pouvait-elle le convertir ? Le séparer de ce clan néfaste ? Le vœu serait pour la vie.

Des noms d’autres Nephils. L’entrée de ton QG. Quelque chose que je ne sais pas.

Elle se redressa légèrement, lâchant le sol de ses mains pour les passer autour de ses genoux.

Si tu sais te rendre utile, je saurai être généreuse.

Et elle avait déjà une petite idée comme moyen de paiement, mais ne l’énonça pas tout haut, se contentant de le suggérer en le dévisageant. Elle s’était déjà changée en soubrette pour des informations. Plus ou moins maintenant… Elle n'était plus à ça près. Son corps ne valait rien, en témoignait les marques qu'elle s'infligeait elle-même. Quelque chose de plus profond se cachait derrière cette perversion, mais elle ne pouvait pas se l'admettre. Elle ne le voulait pas.

Elle voulait connaître un peu plus sur les Nephils mais en même affirmait qu'elle ne voulait rien en faire. Elle soupira comme relativement blasé. Blasé par quoi ? Russel avait une petite idée. Les informations de l'ivrogne n’intéressait visiblement pas Lenna. Elle était déjà au courant de cette particularité. Dans ce cas, qu'est-ce qu'elle veut ? Ce n'est pas comme si le fait qu'elle s'accroupissait et soupirait l'aidait à comprendre.

Néanmoins, cela marchait relativement bien. Le Nephil se sentait quelque peu irrité par l'attitude de son ancienne amie. Il penchait sa tête vers le bas pour distinguer la jeune femme, ce qui lui offrit une vision qu'il esquiva rapidement en détournant le regard. Il pouvait sentir son sang commencer à bouillir une nouvelle fois. Pourquoi ses pulsions étaient elles devenues aussi difficile à maîtriser... Non dans un premier temps, il n'avait jamais eut ce genre de pulsion.

C'est alors qu'elle expliqua les informations qu'elle souhaitait. L'entrée du QG ? Il n'en avait aucune idée. Des Nephils ? A part David dont il était sûre... Personne d'autre. Et certainement que Lenna savait que le français était un Nephil. Il allait secouer négativement lorsque soudain, elle ajouta des mots qui firent sursauter Russel. Elle saurait être généreuse ? Que voulait-elle dire par ça. Il dirigea son regard vers elle, intimant une meilleure explication qu'elle donna en l'observant très intensément.

*A...h ? Qu...que...QUOI !?*

Sa surprise s’agrandissait tandis qu'une idée de récompense se dessinait dans sa tête. Ce n'était pas possible ? N'était-elle pas dégoûtée de lui ? Comment pourrait-elle supporter de se faire 'toucher' encore ? L'ivrogne ne comprenait pas... Il détourna le regard. La tentation était grande mais il décida de rejeter cette offre.

"Tu devrais... respecter ton corps. Si c'est des informations que tu veux. Je ferais de mon mieux pour t'en fournir. Néanmoins... Je ne veux rien en échange."

Il se pinça la lèvre inférieur, refusant de croiser le regard de Lenna. Il se sentait tellement pitoyable. Mais surtout, il ne voulait plus la toucher. La culpabilité se ranimerait... Non, au diable cette culpabilité. C'était la bête féroce dont il n'avait pas de contrôle dont il avait peur. Cette femme avait révélé chez lui quelque chose dont il avait fait brièvement l'expérience lors de son séjour à l'hôpital. Quelque chose qu'il ne voulait pas voir permanent. Il ajouta après quelques secondes.

"Dis moi, qu'est-ce que tu comptes faire de ces informations ?"

Au vu de ce que son réconfort était devenu... Nul doute que ça n'allait pas être quelque chose de mignon. Il voulait savoir pour plusieurs raisons. La principale... Si en donnant ces informations, il la mettait en danger et que le pire arrivait... Pourrait-il encore vivre ?

Elle le dégouttait lui aussi. Il s’était jeté sur elle la dernière fois, et avait maintenant peur de croiser son regard, comme si ce simple contact pouvait lui brûler les yeux. Agacée, elle se redressa, incapable de rester immobile au sol plus longtemps. Il ne voulait pas de son marché alors ?

"Tu devrais... respecter ton corps. Si c'est des informations que tu veux. Je ferais de mon mieux pour t'en fournir. Néanmoins... Je ne veux rien en échange."

Oh, voilà une proposition intéressante. Elle y réfléchit un instant, mais n’eut pas le temps d’accepter qu’il s’enquérait déjà de ce qu’elle allait en faire.

Tu ne veux rien en échange, sauf savoir ce que je compte en faire ?

Il était plein de paradoxe. Le jour et la nuit en un seul homme. Elle n’arrivait pas à le cerner. Mais pourquoi s’en préoccupait-elle déjà ?

Tu n’es pas mon père.

Personne ne l’était. Mais ça, elle n’allait pas lui avouer. Son cœur se serra davantage à cette pensée, en songeant que personne ne s’était soucié d’elle ainsi, de cette protection toute masculine. Si Julien, un temps, un moment, elle l’avait cru. Rien que du vent. Rien que des mots. Pourquoi lui jetait-elle cette phrase à la face ainsi ? Il s’en fichait. Elle le dégouttait. Pleine de provocation, elle renchérit, sentant la digue de ses émotions prête à céder.

Mon corps ?

Elle se mordit les lèvres pour retenir la vérité de ce qu’elle pensait, se contentant d’ôter les deux mitaines qui lui couvrait les bras. Elle laissa tomber le tissu, dévoilant les vieilles marques sur son bras gauche et les plus récentes sur le droit. Maintenant que les coupures ne saignaient plus, elle avait eu besoin de doubler la peine de souffrance pour évacuer le mauvais d’elle.

Si tu ne veux pas m’aider…

Va-t-en. Va-t-en ! Elle lui tourna le dos, croisant les bras contre sa poitrine en relevant le kekkai. Se mordre les lèvres ne servait à rien, ses yeux s’embuèrent dans sa contradiction. Elle lui tournait le dos pour échapper à son emprise. Il ne devait pas la voir faible si faible. Pourquoi craquait-elle maintenant ? Maintenant devant lui ? Après la colère, la déprime. Le stade suivant serait l’épuisement, mais quelqu’un qui ne dort quasiment plus… ne régénère pas l’esprit de la même façon.

Un reflet verdâtre attira son attention et lui fit tourner la tête vers lui. Non, pas encore… coincée dans le kekkai d’un Nephil. Pourquoi ne partait-il pas ? Elle se retourna et eut un mouvement de recul involontaire. Cela la paniquait d’être claquemurée dans un endroit dont elle ne pouvait s’échapper. Elle ne put s’empêcher de regarder autour d’elle à la recherche d’une sortie. Nerveuse. Sa question remonta à peine à ses oreilles.

Pourquoi quoi ?

Ce qui lui était arrivé… Elle ne savait pas vraiment et haussa les épaules en s’approchant d’une des parois du kekkai. C’était drôlement résistant ce truc sorti de leurs esprits. Son visage observa le plafond, résolument vert. Puis elle reposa ses yeux sur Russel, semblant enfin décidée à lui répondre.

Quel jour ?

Son esprit divaguait, elle peinait à rester concentrée.

Le jour de la première mort de Julien, ou le jour de la deuxième ?

Elle montra respectivement son bras droit, puis son bras gauche. C’était Julien qui lui infligeait cela depuis l’outre-tombe. C’était elle qui souffrait de l’intérieur. Cela devait sortir d’elle. Sortir. La dernière fois, il lui avait fallu une longue année à l’hosto pour s’en remettre. Cette fois-ci, un médecin ne comprendrait pas qu’elle ne saigne pas en cas de piqure. Agitée, elle poursuivit.

Le jour où je t’ai rencontré, ou le jour où tu as abusé de m…

Sa voix se brisa sur le dernier mot, et elle frappa les parois d’un coup de pied pour extérioriser ce démon qui enflait à nouveau en elle. Le jour où je te hais, ou le jour où je t’aime ? Son paradoxe la rongeait de l’intérieur. Elle explosa, sa voix montant en puissance pour lui asséner les mots qui échappaient à sa pensée.

Mais merde, tu veux qu’il m’arrive quoi ?! Je n’ai rien – rien – RIEN !

Rien à perdre. Rien à aimer. Rien à partager. Pas de raison de vivre. Le vide. Sans doute la plus grande souffrance qu’il était possible de ressentir.

Sans doute était-ce la première fois qu'il enfermait Lenna dans son propre kekkaï ? Russel la voyait légèrement tendu. Elle réalisait certainement qu'elle était enfermée contre son gré. Qu'est ce que ça fait d'être prit dans son propre piège ? La Seraph pensait piéger le Nephil mais c'est tout le contraire. L'ivrogne souriait, confiant en la voyant perturbé par cette tournure.

De ce fait, elle ne comprit pas la question de l'ivrogne. Elle semblait réellement perdue. Demandant de quel jour il parlait. Ça semblait évident. Du moins pour lui. Il s'agissait ni plus ni moins du jour où il a tué Julien et où il a abusé d'elle. Ce qu'il avait fait après ça ? Il n'avait certainement rien fait pour elle. Il l'avait abandonné. Il grimaça légèrement, regrettant. Tout ça parce qu'il avait peur des représailles dont il ne connaissait même pas l’existence. Mais, il n'avait pas peur pour lui. Il avait eut peur pour elle.

*Lenna... Si tu savais à quel point...*

Sa pensée fut coupée par cette dernière qui déniait un éventuel problème. Il ne s'était rien passé. Alors après tout, c'était à cause de lui qu'elle avait ces pensées ? C'était sa faute si elle était devenue ainsi... Il se mit à rire, encore une fois, un rire qui n'avait pas sa place mais qui exprimait une certaine forme de folie de sa part.

"Je vois... Il ne s'est rien passé..."

Il s'approcha de Lenna. Le regard vers elle. Il perçait son corps avec ce dernier. Comme prit par une certaine forme de frénésie. Il ignorait ce qu'il comptait faire mais il s'approchait d'elle. Il mit ses mains sur les épaules puis la regarda dans les yeux avant de délivrer.

"Lenna. Regarde moi. Pourquoi te fais tu ça ?"

Il voulait une réponse. Qu'il sache à qui c'était la faute même s'il était conscient que c'était la sienne. Dans tel cas... Même s'il y a menace, il ne pouvait pas la laisser tomber. Il y a quelque chose qu'on appelle responsabilité... Il avait bien l'intention de respecter sa propre responsabilité. Peu importe le prix ou le sacrifice à faire.

Il rit. Il ne riait seulement quand la situation ne prêtait pas à rire. Elle le détestait pour ça. Elle avait horreur de ça. De cette façon de prendre la chose sans sérieux. Non, il ne s’est rien passé. Elle déniait. Elle l’évitait. Soudain il s’avança vers elle.

Etait-il obligé de la regarder avec autant d’intensité ? Son cœur se mit en alerte, manquant exploser sa poitrine. Il le faisait exprès. C’était intentionnel. La paroi du kekkai l’empêchait de fuir, et tel un animal pris au piège, deux mains vinrent se poser sur ses épaules, arrêtant net sa respiration.

Le regarder, elle ne faisait que ça. A cette distance, elle n’avait pas vraiment le choix. Dans son apnée éphémère, elle s’y plongea un moment, cherchant à retrouver la sensation de réconfort qu’elle avait eu un jour en sa présence.

Avant de s’en arracher violemment et brusquement. Son souffle revint dans ses poumons, et elle agrippa les poignets de l’homme pour l’écarter d’elle, que sa chaleur reste à bonne distance. Ne me tente pas, démon. N’essaye pas de me faire traître parmi les miens. Je ne cèderai pas. Pas sans raison. Ses joues étaient cependant échauffées par son contact, un mélange d’attirance et de rage qui se mêlait et rendait encore plus confus son esprit qu’il ne l’était déjà.

Et toi, pourquoi me fais-tu ça ?

Elle décrocha son regard du sien, pour chercher un contrôle qui ne vint pas. Elle perdait pied. Elle ne voulait pas. Merde. Quel horrible personnage ce détective. Elle répondit dans un murmure, incapable de dire plus haut la vérité qui la tourmentait.

Cette douleur me fait oublier l’autre douleur.

Elle ne pouvait pas être plus claire. Lui avouer qu’elle était le mal incarné serait trop violent. Se l’avouer serait trop difficile.

Son souffle reprit un rythme plus lent quand enfin il s’éloigna d’elle. Un pas à peine, mais c’était toujours suffisant pour calmer la vile tentatrice qui sommeillait en elle. Elle se passa la main dans les cheveux pour se redonner une constance tout en réfléchissant.

Mais pourquoi lui posait-il toutes ses questions. Pourquoi ne la laissait-il pas en paix avec sa souffrance, sa douleur, l’équilibre instable qu’elle avait trouvé en venant dans son bar ? Pourquoi insistait-il tant ? Elle s’immobilisa et le fixa, une idée saugrenue venant à son esprit. Il s’inquiétait pour elle. C’était ça ? Il l’aimait ?

Tu…

Elle plissa les yeux et se mordit les lèvres pour s’empêcher de prononcer cette pensée. Et si elle le faisait avouer, lui.

Et pourquoi ça t’intéresses ?

Elle avait repris son ton agressif. La seule façon de mettre de la distance. Le seul moyen qu’elle avait de communiquer avec lui en réalité, sans déraper d’un côté ou d’un autre…
La jeune femme croisa les bras sur sa poitrine, cherchant à cerner ce détective qui l’intriguait à nouveau. Tu es vraiment incorrigible.

Tu es importante pour moi. Supposer l’idée était différent de se l’entendre dire. Un frisson la fit frémir et resserrer ses bras contre elle. Son regard revint se poser sur elle, et elle eut du mal de ne pas succomber au démon qui souhaitait la tenter, la voir se dépraver encore un peu plus.

La douleur…

Mettre des mots sur la rage qui flambait en elle était bien plus complexe qu’en apparence. Il fallait l’apaiser, la mettre de côté pour en sortir les braises qui alimentait jour après jour la haine qui la faisait avancer pas après pas.

Julien est mort. Encore.

Ce n’était que la surface de l’iceberg. Continue. La digue céda tout à coup et des larmes embuèrent ses yeux, tout comme le flot de mot emplit sa bouche alors qu’elle se déversait à la face de l’ennemi, de l’ami, elle ne savait plus vraiment dans quelle catégorie le ranger.

A cause de moi. J’ai – gâché un vœu. Tu l’as gâché. Ori… est morte. A cause de ce vœu. A cause de moi. De ma faiblesse. Un vœu… qui ne m’apportait rien.

Elle remit de l’ordre dans ce qu’elle venait de dire, s’approchant de lui, les yeux brillant de colère.

J’ai fait un vœu qui a conduit une Seraph à la mort, une enfant. Un vœu égoïste, inutile qui n’a fait que nous faire souffrir. Moi et Julien. Et toi, toi, tu ne m’as même pas laissé le temps de réparer ! Tu l’as tué. Une deuxième fois. Il est mort. ENCORE ! A cause de moi. Parce que tu as vu les marques… Ma faute. Et au lieu de me consoler, tu as…tu as…

Elle était toute proche de lui maintenant. Son poing le cogna faiblement, n’ayant plus la force d’être violente.

Tu as fait ton… Nephil.

Le dégoût était présent dans ces mots, mais le pire était encore à suivre.

Et je t’ai laissé faire.

C’était elle la cause de tout cela. Elle la responsable. Elle se dégouttait, elle se haïssait sans doute plus qu’elle lui en voulait. Elle détourna le visage, sa main griffant son propre bras comme pour en faire ressaigner la coupure plus récente. La douleur devenait trop forte, elle devait l’extérioriser.

Et il l’abandonnait encore alors qu’elle avait besoin de lui. Elle ne se sentie même pas soulagée d’être délivrée de son emprise, à croire qu’elle aimait être sous son contrôle. Non, c’était plus profond que cela. Il la repoussait. Son cœur se serra au vu de la souffrance qu’il semblait ressentir également. Elle soupira et desserra son poing sur le torse du détective. Sa main n’obéit pas totalement et ses doigts se plièrent légèrement comme une caresse avant qu’elle ne s’écarte de lui.

Pense à m’apporter des informations quand tu en auras.

Sa voix était calme, lassée de son manque de réaction. Quel homme insatisfait. Elle se détourna totalement pour ne plus voir son visage et partit dans la direction opposée à lui. Elle s’arrêta cependant au bout de quelques pas pour énoncer une dernière parole.

Si toi aussi tu ne l’étais pas, tu serais déjà mort.

Elle n’en dirait pas plus. Cela était suffisant pour la soirée. Elle était épuisée. Mentalement et moralement. Epuisée.

Il resta vidé, se contentant d'acquiescer quant à fournir Lenna d'éventuel information. Bien entendu, il ferait en sorte de trier les choses pour que ces informations ne mettent pas la Seraph en danger. Il ne réagissait pas alors qu'elle s'éloignait. Il l'observait partir sans plus de penser lui parcourant la tête. C'est alors qu'elle s'arrêta pour délivrer une dernière phrase. Ce qui provoqua dans un premier temps, de la confusion chez Russel. Il ne comprenait pas. Ou plutôt, il ne voulait pas comprendre ce qu'elle venait de dire.

Il tenta d'articuler un mot mais qui mourra au fond de sa gorge. Ses yeux s'écarquillèrent comme venant à la réalisation de quelque chose. Il avait enfin fait le lien mais c'était trop tard, déjà la silhouette de la jeune femme n'était plus visible devant lui. Il serra des dents, se remémorant les derniers mots de la Seraph.

*Si toi aussi tu ne l'étais pas, tu serais déjà mort...*

Aussi paradoxal que cela soit-il... Ces mots le blessaient plus qu'autre chose. Il ne méritait pas d'être important pour elle. Il devrait être haït, détesté au plus haut point. Elle avait largement acquis la droit de lui ôter la vie. C'est d'un comique... Lui qui avait peur de tuer et qui haïssait ce mot n'avait aujourd'hui plus aucune hésitation à utiliser un tel mot. S'il le devait, il tuerait encore à présent. Pour Elle.

Il s'en alla dans la direction opposé de Lenna, pour se diriger vers chez lui où des bouteilles de whiskys l'attendraient. Néanmoins, une résolution s'était fait. Il allait garder un œil sur la Seraph, du mieux qu'il le pouvait. Il allait faire en sorte, qu'elle n'acquiert aucun malheur supplémentaire. Elle avait déjà, suffisamment souffert.

[Je suppose que c'est la fin du rp. Merci Lenna ^^. C'était génial.]