Miss Shirogane, pardon de vous déranger si tôt, mais David s'est surmené. Et il est au cabinet du Doc'.

"- Comment va t'il? "

Il ne se réveille pas.

Je retiens une exclamation de frayeur. Non, dites-moi que ce n'est pas possible. Il faut que je respire, que je tienne le coup. Surtout, ne pas flancher. Pourtant, j'ai lâché le combiné de mon portable et il me faut quelques secondes avant de le réaliser, plus de longues autres afin de me baisser pour le récupérer et entendre Anthony au bout du fil, s'inquiéter de mon absence de réponse. Je parviens à articuler difficilement quelques mots, la voix malgré tout fébrile.

"- Je m'habille et j'arrive. "

Et à peine ais-je terminée ma phrase que je raccroche. Je ne cherche pas à faire dans le compliqué, j'enfile des vêtements chauds et confortables avant de descendre presque en courant l'escalier avant de me faire arrêter par un des hommes de main présent dans le Hall. Je lui demande aussitôt de me conduire auprès du Doc' et, persuadé que c'est moi ait un souci, il s'exécute aussitôt.

A peine la voiture arrêtée, je n'attends même pas que son moteur soit coupé pour en sortir et déboulée aussi vite que me le permet mon ventre digne d'une baleine dans le Cabinet du Doc'. Et c'est sur Anthony que je tombe en premier. Je ne l'agresse pas mais ma panique est lisible sur mon visage et à travers chaque fibre de mon corps.

"- Ou est-il? Je veux le voir."

Le Doc' s'en occupe, il ne...

Ce con fait un burn out ! Il est hors service mais ça ne va pas s'empirer. Il faut juste attendre qu'il se repose maintenant. 

Il est donc dans un état stable. Ce n'est qu'un burn out. Dans un sens, je me sens soulagée. Mais je sais aussi que malgré tout, cela est loin d'être bon pour lui. Je suis tellement inquiète que je ne me suis même pas rendue compte que Anthony fumait. Il suffit qu'il se repose. Oui, ce n'était donc pas si grave que cela.

Allez! Il fait froid dehors. Et Petite, reste pas près de Tony, ce crétin fume comme un pompier, c'est pas bon pour toi.

Je suis le Doc' sans rien dire, tachant de reprendre un rythme respiratoire plus normal. Les jumeaux doivent sentir que quelque chose ne va pas, ils s'agitent mais sans se montrer aussi véhéments que d'habitude. Je me retrouve dans la cuisine ou j'observe chaque geste du Doc', comme dans l'espoir d'y deviner un remède miracle. Et je l'écoute aussi avide de ses paroles qu'une assoiffée d'une oasis dans le désert.

Il a fait une brusque chute de tension. Ça n'irait pas plus loin si en plus il n'avait rien mangé et pas dormi depuis longtemps. Alors forcément, son corps est HS. Il est sous perfusion et dort, mais il faut veiller à ce qu'il n'ait pas trop froid, et forcément qu'il se réveille... 
Y'a le bonhomme, Steven, qui est là-haut. Il en mène pas large mais il m'a bien aidé. Tiens, prends ça et on va monter. 

Steven est là aussi? Pourquoi? Je me souviens de ce que m'a dit David à son sujet, qu'il ne tenait pas à ce que nous discutions trop de peur des réactions qu'il pourrait avoir à mon égard. mais aujourd'hui, je m'en moque. Il a aidé David, alors qu'il le déteste, c'est aussi évident que le nez au milieu de la figure. Alors je ne ferais rien. De toute façon, ici, je ne suis personne. C'est le domaine du Doc' voir un repère de Shark, deux communautés dont je ne fais pas partie.

Je me contente donc de le suivre à l'étage en silence, tâchant de ne pas trop le ralentir, la bouillotte serrées très fort contre ma poitrine pour être certaine de ne pas la perdre en chemin. Je salue Steven en pénétrant dans la pièce mais déjà, je n'ai plus d'yeux que pour David. Non, il n’est pas aussi pâle que ça, ce doit être la lumière qui donne cette impression. Respire, tout va bien, Naoto.

Mets-lui donc la bouillotte sur le cœur, en dessous des couettes. 

Je m'exécute en silence, avec des gestes un brin fébriles. Une fois la bouillotte en place, je ne peux empêcher mes doigts de dessiner le contour de son visage, chassant une mèche de son front. Il me semble froid, même à moi qui ne ressens pourtant plus vraiment ces sensations. Est-ce vraiment normal? Je finis par rapprocher la chaise pour m'installer à son chevet avant que le Doc' ne me serve une tasse de thé qui ne fait nullement envie mais que j'accepte malgré tout.

On l'avait pourtant prévenu, hein?!

"- Oui.... "

Bien sûr qu'il le savait. Il en était le premier conscient. Et pourtant, il a voulu malgré tout en faire trop. Et voilà le résultat. Il y a des tonnes de choses que je voudrais dire mais rien ne sors, l'angoisse me nouant la gorge. Je ne l'ai jamais vu dans cet état et je j'ai peur pour lui. Nous avons tant à craindre, que même eux ne peuvent seulement deviner. Et tout cela, je ne peux que le garder pour moi.

"- Maintenant, c'est fait. Il n'y a plus qu'à espérer qu'il se réveille rapidement. En tout cas, merci de vous occuper de lui. A toi aussi, Steven"

Ma voix se veut sure, sereine, mais c'est faux. J'ai même du mal à respirer calmement. Mais je ne peux pas me permettre de céder maintenant. Je dois me montrer forte, toujours. Et la présence de Steven me rappelle autre chose.

"- Qui va gérer les affaires des Klee, le temps que David sera dans cet état?"

Il ne devrait pas en avoir pour plus de trois jours.Tony et... un autre collaborateur de David peuvent prendre le relais d'ici là. 

Je me contente d'acquiescer d'un signe de tête. Tant mieux, je ne me serais pas senti capable de devoir m'occuper de quoi que ce soit concernant tout cela. Au final, je ne fais pas vraiment partie de cette famille. Et Steven est trop jeune pour faire face à ce genre des responsabilités bien que ce soit à cela qu'il soit préparé si durement.

C'est quand même étonnant! Il a tenu un bon moment et Tony m'a dit qu'il n'a montré aucun signe de faiblesse ou de fatigue. On se doutait qu'il ne menait pas une vie saine, mais il s'en sort bien. relativement parlant. 

Ils ne se doutent de rien. Comment pourraient-ils savoir en même temps? Heureusement d'ailleurs que je ne suis pas surveiller par eux comme l'est David sinon, ils se poseraient encore plus de questions liées à mon état. Je prend une gorgée de thé sans me soucier de savoir s'il trop ou pas assez infusé. Mon regard ne le quitte pas, inquiet malgré tout.

Mais je ne vois pas où il a pu se blesser le bras. Pas de quoi paniquer, mais pour une coupure comme ça,il aurait dû venir me voir. 

Ça, je sais de quoi il s'agit. Une Ombre, sans aucun doute. Il parle de coupure, donc ce n'est pas une blessure venant d'un autre contractant. Non, il n’est pas sérieux. Il passe son temps à me seriner de me ménager, de faire attention à moi mais en se mettant dans cet état, c'est moi aussi qu'il blesse indirectement. S'en rend t'il seulement compte? Pourra t'il simplement le savoir?

Il va te causer du souci, Petite. Il ne donne pas beaucoup de valeur à sa vie, il l'investit. Pour ton bien, pour celui des Sharks, ou pour ses frères et soeurs mais....

Demi-frères et soeurs.

Je relève le regard et fixe Steven un instant. Mon regard est marqué par l'angoisse que je ressens pour David mais il y brille autre chose aussi. Une forme de déception qui lui est toute destinée. Je n'ai jamais eu la chance de pouvoir vraiment le rencontrer et lui parler, c'est peut-être l'occasion d'en profiter.  

"- Ils ne représentent peut-être que cela pour toi, mais ce n'est pas son cas. Au fond, que sais-tu réellement de lui?"

J'ai lâché cela d'un ton très calme, posé, presque trop. Et je n'attends même pas de réponse de sa part. Je reviens à David, posant mon thé sur une surface proche pour laisser mes doigts revenir caresser sa joue. Je doute que ce soit le bon moment pour lancer un tel débat mais je n'aurais peut-être pas de sitôt l'opportunité de le recroiser. Alors, je rajoute, toujours aussi calmement, sans le regarder pour autant.

"- Tu as le droit de le détester. De le haïr même. Je ne ferais rien contre cela. Mais le fais-tu au moins pour les bonnes raisons? As-tu la moindre idée de ce que lui, ressens pour toi? De la façon dont il te considère?"

Qu'est-ce que ça peut faire? Si on ne lui obéit pas ou s'il pense qu'on le trahit, il nous tuera, comme il a tué Abigaïl, ou ma mère. Si je ne deviens pas ce qu'il veut que je sois, c'est sûrement ce qu'il va me faire subir.
Alors ce qu'il ressent pour moi, ça me fait une belle jambe.

Je comprends en partie sa réflexion mais en même temps, je ne peux m'empêcher d'être triste pour lui. Il ne voit que la partie superficiel de l'iceberg, celle qui représente si peu mais qu'il offre à tous. Et je n'ai pas le droit de tout révéler de sa vie pour le détromper. Mais je voudrais arriver à lui faire comprendre qu'il n'est pas le monstre qu'il voit en face de lui.

Mais ça ne veut pas dire que je suis prêt à lui faire subir la même chose. Je ne suis pas un assassin, et je ne veux pas le devenir, je ne veux pas lui ressembler. J'aime pas les armes, et je ne veux pas m'en servir. 

"- David... Est tellement plus que cela. Tu as eu une chance qu'il n'a jamais eu, celle de grandir avec une famille qui t'a aimé et soutenu. Et tu es encore si jeune. Il y a tant de choses que tu ne peux pas entendre..."

Mais ça, il ne m'en laisse pas vraiment le choix. Alors même si je m'en plains, je finirais par tirer sur quelqu'un. Alors je me rassure en me disant que si ça arrive, ce sera sur lui. Histoire de venger Maman. J'espère aussi ne pas le faire devant vous ou vos enfants. Je sais ce que ça fait.

"- Tu es conscient que si tu ouvrais le feu sur lui, tu ne ferais que faire repartir la roue de la vengeance? Car je ne pourrais pas laisser cet acte impuni, moi non plus. Tout comme ta mère lui a pris la sienne..."

Qu'il le sache ou pas, je m'en moque, je vais le lui dire, moi. Je ne suis pas une Klee après tout. Tous ces secrets et ces intrigues, elles ne font pas partie de mon histoire. Et puis, s'il veut qu'il grandisse et qu'il comprenne, autant qu'il sache tout. Je me suis légèrement redressée, ma main posée sur celle de David avant de le fixer de nouveau.

"- C'est aussi pour toi et ton avenir qu'il s'est retrouvé dans cet état. Sache-le."

C'est vrai, il vaut mieux que je ne me venge pas. Qu'il puisse vivre heureux et que je sois le seul à vivre dans le deuil et le déshonneur. Il n'a peut-être pas grandi avec sa mère, mais il doit payer les erreurs de cette femme. C'est peut-être ma mère qui a tué la sienne, mais elle lui avait volé son mari, et s'apprêtait à lui prendre sa place d'épouse. Et il reste celui de notre père a déclaré héritier, il lui a tout légué, et m'aurait laissé seul dans la villa toute ma vie, simplement parce que David est né le premier, qu'il était "mieux que moi". C'est juste un vendeur d'armes qui aime les utiliser à tort et à travers.

Non, tu ne comprends vraiment pas. Tu regardes les choses sous l'angle que l'on t'a toujours forcé à voir. A ta façon, toi aussi tu as été dressé, sans même t'en rendre compte. Tu es déjà un animal docile et apprivoisé mais qui veux encore se croire sauvage et capable de se libérer de sa laisse. Il est déjà trop tard pour toi, mais tu n'es pas encore prêt à t'en rendre compte. Il a donc bien été bercé par les phrases de sa mère, pas étonnant que David lise la même haine dans ses yeux. Mais je le laisse continuer, sans plus le regarder.

Alors sa fausse gentillesse de vouloir me faire chef, c'est bien sympa, mais tout ce que je vois, c'est qu'à côté de lui, j'ai vécu reclus de tout pour éviter d'être tué, que malgré tous mes efforts pour lui plaire mon père m'a abandonné avant de mourir, que ma mère, qui a toujours protégé ses enfants, est morte de la main de David, et que parce que j'ai voulu intervenir, il m'a mis aux premières loges pour voir ma mère mourir une balle dans la tête. Sans même avoir eu le temps de m'adresser la moindre parole. Et maintenant, il faut que je vive et obéisse à David, parce qu'il a pris le pouvoir sur le sang de mes parents. Non content de m'avoir fait subir tout ça, il prévoit aussi de me faire vivre ce que notre père m'avait finalement épargné : le gang. Et franchement, qui me respectera, moi qui ai laissé l'assassin de ma mère vivre sans inquiétudes?

Alors j'ai du mal à le plaindre. Il le mérite bien, cet état. Au fond, c'est de sa faute à lui. Pas de la mienne.  

Je laisse une seconde le silence s'appesantir avant de finir par laisser venir le rire qui me gagne. Non, ce n'est pas un éclat bruyant et tonitruant mais c'est bel et bien un rire, aucun doute dessus. Je ne le cache pas et le laisse se calmer de lui-même après quelques secondes avant de me tourner de nouveau vers Steven.

"- Si tu t'entendais, tu parles déjà comme lui..."

Je lui laisse le temps de bien enregistrer mes paroles et de réaliser leur portée. Je reprends une gorgée de thé avant de me lever et de me rapprocher de lui. Je viens me placer à mi distance entre eux. Ils se ressemblent tellement mais ni l'un ni l'autre n'en ont conscience. Ils sont comme des miroirs, incapables de se parler car se renvoyant mutuellement les discours et les éléments qui les ont conditionnés.

"- Ta mère pourra être fier de toi, elle t'a bien dressée en tout cas. Mais tu as raison sur un point, cependant. Il ne doit qu'à lui-même de se retrouver dans cet état, c'est un fait."

Tu y aurais été pour quelque chose, je n'aurais pas été aussi clémente à ton égard. En fait, je crois que j'ai un peu pitié de cet enfant. Mais qui est le plus à plaindre dans cette famille? Je n'en ai aucune idée car chacun à sa croix à porter. Ils la voient juste chacun à leur manière.

"- Quand tu dis que tu ne veux pas reprendre les affaires de la famille, c'est pourtant ton héritage. Et si tu y dis non aujourd'hui, rien ne prouve qu'arrivé à ta majorité, ton avis n'ait pas changé.
Alors dis-moi franchement: que souhaites-tu, pour ton avenir? Si tu pouvais ne plus avoir à te soucier que de toi-même, qu'est-ce que tu voudrais? Fuir les Klee, prendre leur tête, devenir quelqu'un d'autre, mourir pour régler tes comptes? "

Je me contente de l'observer, curieuse et calme. J'ai plus d'un avantage sur ce garçon et quitte à le rencontrer, autant être fixée. Je ne l'ai pas découragé à vouloir s'en prendre à David, c'est légitime dans sa situation. Mais avant qu'il ne fasse une bêtise, autant qu'il réfléchisse bien à toutes les conséquences que cette dernière pourrait engendrer. Pour lui, ceux qu'il aime, aujourd'hui et pour demain.

Je n'ai pas à devenir quelqu'un d'autre, c'est David qui est devenu Klee, alors que ce n'est pas son nom de naissance! Moi, je suis né Klee! Mais je n'ai pas envie d'être homme d'affaires! Mon père a choisi son métier et sa voie, et j'ai le droit de choisir les miens! J'ai toujours voulu être médecin, mais David ne m'a même pas posé la question! Pour lui je suis destiné à être à sa place quand lui se libérera de ce fardeau qu'est le Clan et la Compagnie! Alors oui, je règlerai mes comptes, et j'en sortirai indemne! Prêt à vivre ma vie!

Médecin, hein? Sauveur de vies mais aussi donneur de mort. Finalement, est-ce un job si éloigné que cela de celui de gangster? Quand je vois le Doc', je me le demande. Mais je ne ferais pas cette remarque. Je suis là pour l'écouter et je le ferais jusqu'au bout. Mais je note d'aborder ce sujet avec David malgré tout un jour. Après tout, c'est bien lui qui a été chargé de prendre la succession, pas Steven. Et s'il veut vraiment le protéger, alors le laisser complètement hors de son clan reste la meilleure solution. Et il n'est pas trop tard pour cela.

Et vous? Vous allez devenir quoi, si vous obéissez à David? Femme au foyer? Alors que vous étiez un grand détective? Et que vous auriez pu l'empêcher de tuer ma mère? Ou pire! Vous allez devenir quoi si vous lui désobéissez? Il vous tuera sans doute. Il tient moins à sa famille qu'au pouvoir. Pour le moment, vous avoir n'est pas incompatible avec son ambition, mais il vous laisse déjà de côté, alors que vous êtes enceinte de lui, pour Jouer au petit chef avec les Sharks et au patron avec la Klee's Company! 

"- Ce que je deviendrais ne regardera que moi. Je n'ai jamais été que ce que les gens ont bien voulu voir de moi et pour ta mère, ce n'était pas mon rôle. Un enquêteur n'est pas un juge.
Sache, pour ton information, qu'il n'a pas hésité à achever son ex dans mes propres bras. Donc je sais parfaitement à quoi m'attendre de sa part.
Et même s'il me délaisse comme tu as si bien pu le remarquer, je l'accepte. Tout comme tu t'es plié gentiment toute ta vie à cette réclusion qu'on t'a imposé. Parce que j'aime la personne qui me le demande.... "

Alors quoi? Vous allez devenir gangster? Au moins, ça prouvera à tout le monde que ma mère était bien meilleure femme de Chef et mon père meilleur Chef que vous deux!

"- Ta mère était ce qu'elle était, ton père pareil. Je serais moi et rien d'autre, ni plus ni moins. La femme de David et la mère de ses enfants. Votre nom, votre company et votre gang, je n'en ai cure, note le bien. "

Et ma mère ne m'a pas dressé! Elle m'a élevé et aimé plus qu'aucune mère ne le ferait! Plus que tu n'aimeras jamais tes propres enfants!

"- Il n'y aucun doute là-dessus. Je ne les désiraient pas, je les ais mêmes délibérément ignorés, surement dans l'espoir inconscient qu'ils s'en aillent d'eux-mêmes. Et malgré la peur profonde qu'ils m'inspirent encore, je les garde. Car je n'ai pas le cran de tuer ces vies-là. Donc oui, je suis une mauvaise mère et je le resterais. Mais j'assume pleinement ce que je suis."

C'est sans doute aujourd'hui ma seule qualité. Je n'ai pas cillé, pas reculé d'un iota alors qu'il se levait pour me défier du regard. Je l'affronte directement, restant d'un calme olympien face à lui. Qu'il déverse sa colère sur moi. En attendant, il ne s'en prend pas à David. Mais sachant à présent comment il réagit, je me méfierais de lui. Bien qu'au fond, je n'ai rien à craindre d'un sale gosse qui à la folie des grandeurs à force d'avoir été bercé d'illusions et de rêves de démesure hors de sa portée.

"- Si tu lui en veux tellement, pourquoi ne pas alors profiter de sa faiblesse pour en finir avec lui, là, tout de suite et maintenant? Il est à ta merci après tout. Et tu ferais une bonne oeuvre, puisque, si je suis ta réflexion, tu me libérerais même de son emprise néfaste. "

Je suis venue croiser mes bras sur ma poitrine. La gentille épouse a disparu, laissant place au retour du Petit Prince. Je veux savoir. La vérité, à n'importe quel prix. Aller jusqu'à prêcher le faux pour dénicher le plus petit vers que je pourrais lui tirer du nez. J'en ai parfaitement oublié la présence du Doc' et d'Anthony. C'est Steven ma proie du moment. Et tant qu'il n'aura pas cracher tout son venin, je le lui arracherais goutte à goutte, jusqu'à être parfaitement fixée.  

Tuer reste une mauvaise action! Je ne tuerai que si j'y suis forcé! De toute façon vous parlerez toujours pour lui, parce qu'il est vivant, fort et chef. Vous pensez qu'il a raison mais moi, je suis sur que ce n'est pas parce que ma mère avait tort qu'elle est morte! Elle s'est sacrifiée pour son idéal, qu'elle a transmis à Judy, à Abigaïl, à Samantha et à moi. Mais pas à David! Il est tout l'inverse d'un idéal! C'est une brute et un imbécile, qui s'en sort avec ses poings, ses armes, et ses faux sourires!  

Un sacrifice pour un idéal? C'est donc vraiment ce qu'il croit? Je crains que le mal ne soit encore plus profond que ce que je craignais. Moi qui espérais, peut-être, pouvoir lui faire entendre raison, je réalise à quel point je me suis montrer naïve. Pourtant, je ne veux pas croire que toute chance est perdue. Même si je le provoque, je veux le faire réagir pour savoir ce qu'il a réellement dans le ventre. Ce qu'il pense véritablement. Pour savoir à quoi m'en tenir avec lui.

Et pour vous marier avec lui, vous devez être aveugle. Ou ne pas valoir mieux ! Quoi que vous disiez, même si vous me menacer, un jour, je finirai par me venger! Même s'il faudra que je le tue pour ça!  

Non, je ne vaux pas mieux. Je suis même sans doute pire que lui. Mais ta haine lui est toute offerte, tu ne me vois même pas en réalité. Il n'y a que lui sur qui ton regard est fixé, que tes œillères te forcent à ne pas quitter. Se venger de lui. Alors, il devra passer par moi pour l'atteindre. Car je suis sa plus grande faiblesse.

La suite, j'ai même du mal à la comprendre. Du bruit dans mon dos me fait me retourner, juste le temps d'apercevoir David se ruer hors de son lit, le regard fou et exorbité. Il me pousse sur le côté, manquant de me faire trébucher, pour se jeter littéralement sur Steven. Non, ne fait pas ça!!!

David! 

Le Doc' et Anthony ont réagit avec une surprenante rapidité et une belle unité mais déjà, il se dégage et reviens faire face à son demi-frère, criant avec une voix si grave et profonde qu'elle m'inquiéterait presque. J'ai du mal à le reconnaître à cet instant.

Ne...! Ne t'approche... ! Même pas d'elle! Tu m'entends!?

"- Oui, il t'entend. Moi aussi. Et je suis là, je vais bien. Regarde..."

Je viens d'abord déposer simplement mes doigts sur sa main avant de me déplacer doucement pour venir me placer devant lui, lui cachant Steven. Je t'en prie, calme-toi. Ecoute ma voix, comprend-moi. J'ai peur quand tu es dans cet état. Je ne veux pas que tu lui donne plus raison qu'il ne l'a déjà. Je sais que je suis aveugle à propos de tout ce qui te concerne, parce que je t'aime. Alors ne me force pas à devoir ouvrir les yeux de ce rêve éveillé, le seul que j'ai jamais fait et auquel je tiens tant.

"- Tu es encore tellement pâle. Tu es devrais te rasseoir. On dirait que tu viens de voir un fantôme, tu es sûr que ça va? Comme te sens-tu?"

Moi aussi, je le voudrais. M'asseoir, pour souffler un peu. Je fais signe du regard à Anthony et au Doc' de s'occuper de Steven, qu'il ne reste pas ici. Je ne veux pas d'une nouvelle guerre fratricide sous mes yeux. J'ai déjà participé à la mort d'une mère et d'une sœur, je ne veux pas y ajouter Steven. Pas tant qu'il n'y aura pas de réelle raison à cela.

Où suis-je? Qu'est-ce qui s'est passé? 

Je voudrais parler mais je me tais. Anthony récupère Steven et sort de la pièce à présent que David l'a lâché mais moi, je reste auprès de David, fac à lui, pour capter au maximum son attention. Tout va bien, tu es en sécurité ici. Le Doc' le ramène jusqu'au lit ou je le suis avant de me laisser tomber sur ma chaise, juste à côté. Il était temps, je sens que j'ai les jambes qui flageolent un peu. Pourquoi sa voix, son ton et son teint m'inquiètent-ils autant? Je devrais être rassurée, il est réveillé. Pourtant, ça ne me suffit pas.

Calme-toi d'abord, gamin! C'est pas des manières de parler! La Petite, elle veut t'aider, et bibi aussi, donc arrête de gueuler. Tu nous cause déjà assez de frayeurs pour aujourd'hui. 

"- Anthony t'a trouvé inanimé dans ton bureau ce matin aux aurores. Il t'a aussitôt emmené ici avec Steven et je les ai rejoint juste après. Tu es à bout de forces, David. Tu as fait un Burn-out. "

Ma voix reste calme, mon ton doux et tendre mais je ne parviens pas à sourire. Il m'a fait peur oui, très peur. Et au fond de moi, je ne suis pas encore rassurée. Cette façon qu'il a eu de se jeter sur Steven, je ne la comprends pas. Aurait-il fait un cauchemar? J'étais dos à lui, a t'il cru en s'éveillant que j'étais en danger? Je récupère la bouillotte comme je peux avant de la donner à David. Il doit encore avoir froid, il ne faut pas qu'il s'énerve. Il faut absolument qu'il se ménage. Encore plus que moi.

"- Maintenant, ce dont tu as besoin, c'est de repos. Et je ne bougerais pas d'ici tant que tu ne seras pas remis correctement sur pieds."

Je préfère ne pas soulever de nouveau le sujet de Steven maintenant que David semble malgré tout s'être un peu calmé. Ma main est venue se poser sur son épaule, pour lui prouver que je serais là, en soutien indéfectible à ses côtés. J'en ai totalement oublié la tasse de thé qui trône encore près de moi et qui, à présent, ne dois plus être très chaude.  

"- Anthony va se charger de la Compagny et du reste. Steven va retourner au Manoir, tu n'auras pas à t'en soucier. Et Doc' et moi, on va veiller sur toi. Alors, s'il te plait, pour une fois... Prend un peu soin de toi, tu veux bien?"

Non, je ne veux pas me montrer suppliante. Mais j'espère malgré tout que, quelque part, mes mots trouveront un réel échos chez lui. Il est épuisé, exténué, littéralement vidé, et je ne peux rien faire pour l'aider. Je crois que c'est cela qui me ronge le plus. Il aurait pu y rester, je n'aurais même pas été au courant, je n'aurais rien pu faire. Je me force à respirer profondément pour ne pas risquer de laisser mon angoisse revenir au grand galop. Il n'a pas besoin de mes larmes, juste de ma présence et de mon soutien. Alors c'est ce que je lui offrirais. Sans compter.

Cela pourra sembler idiot mais le simple fait qu'il vienne déposer sa tête sur mon épaule me rassure. C'est un geste qu'il a déjà eu à mon égard, que j'ai aussi souvent alors, ainsi, je me sens plus rassérénée. Même si la panique ne m'a pas encore tout à fait quitté. Il n’est pas hors de danger. Pas encore. Pas tant qu'il n'aura pas pris un vrai repos, dûment mérité. Mes doigts restent amoureusement entremêlés dans les siens, bien décidés à ne plus le laisser partir mais déjà, le voilà qui revient à la charge.

Pourquoi Steven te criait dessus ?

Oh! Mais bon Dieu! On te dit de te reposer, pas de jouer les flics! Tiens ouvre la bouche!

Le Doc' lui colle de force une sucette entre les dents, qu'il n'a même pas la force de refuser. Il doit être en encore plus mauvais état que je ne le pensais alors. Il m'en tend une également, que je me contente de poser sur le côté pour le moment. Pour le moment, je veux être là pour David. Et je préfère garder les mains libres ainsi que la bouche vide, car je le connais assez pour savoir que la réponse de Doc' ne lui aura pas suffit.

Naoto. Dis-moi...

"- Nous avons un peu discuté et il semblerait que sa mère soit un sujet plus que tabou chez lui. Et comme je ne serais jamais à son image, me rangeant de ton côté, nous n'avons pas été capable de nous entendre, c'est tout."

Je suis restée très calme. Je ne veux pas provoquer la colère de David contre Steven. Après tout, ce gamin n'y est pour rien s'il est né et à grandi dans de telles conditions. Il a eu de la chance mais il ne s'en rend pas compte. Il en a encore mais sera incapable de la voir car il ne veut pas la réaliser. Alors forcément, nous ne sommes pas en mesure de nous comprendre. Et je doute que nous y arrivions un jour. Mais j'aurais eu le mérite d'essayer et cela ne m'empêchera pas de recommencer.

"- C'est moi qui ai entamé la discussion avec lui. Il t'a aidé et surveillé sans rien dire, il s'est montré très correct. Mais comme tous les enfants, il s'emporte vite. D'autant plus lorsque l'on touche à un sujet sensible.
C'est ma faute. Je n'aurais pas du finir par le provoquer. Mais je voulais... savoir... A quoi m'en tenir avec lui... Pour plus tard..."

Ma main libre passe sur mon ventre ou les enfants remuent un peu. Ils me tirent même une grimace. Ce coup de pied là, dans le diaphragme, je l'ai senti. Je ne sais pas à qui je le dois, mais ce n'est vraiment pas sympa de leur part. Comme si je n'avais déjà pas assez à faire à m'occuper de leur irresponsable de père. Mais il est réveillé, il est avec moi. Donc tout va bien à présent.

"- Maintenant que tu sais tout, tu vas gentiment ranger cette histoire aux oubliettes, t'allonger et te reposer. Tu as plus que grand besoin, tu es pâle comme un linge et atrocement froid.
Je resterais là, promis."

Ne le laisse pas t'approcher, Naoto. S'il te plait. Il me déteste mais il ne doit pas rester près de toi.

"- Ne t'en fais pas. Il ne m'approchera plus. "

Je pense que s'il avait encore le moindre doute à mon sujet, j'ai du finir par le lever. Moi aussi, il va me haïr. Et sans doute tout simplement parce que j'ai pris la défense de David. Parce que j'ai essayé de lui montrer que sa vérité n'était pas celle qu'il croyait car il ne regardait qu'une part infime de la réalité. Il est trop jeune encore, trop remué aussi par ce qu'il s'est passé récemment pour réussir à avoir le recul nécessaire. Et même si je rassure David, je sais que malgré tout, j'irais le revoir au mins une fois. Pour m'excuser, même si au fond, je n'ai rien à me reprocher.

J'ai rêvé qu'il t'attaquait. Que j'étais mort et que je ne pouvais rien faire. Il te poussait dans ma tombe. J'ai cru qu'il te tuait.
Personne n'a le droit de te faire du mal. Personne.

C'est donc la raison de sa si vive réaction? Je peux comprendre qu'en effet, il n'ait pas compris et qu'il ait eu peur. Doc' est sorti, sans doute pour aller rejoindre Steven et s'occuper de lui. Même s'il s'est montré dur dans ses paroles envers moi, j'espère qu'ils ne lui en tiendront pas rigueur. Après tout, c'est aussi une certaine forme de vérité qu'il a révélé alors, il ne mériterait pas d'être puni pour cela. Et si je n'avais pas été là, rien ne serait arrivé.

La tête de David dodeline doucement, comme si elle lui pesait trop lourd. Il est encore épuisé. la preuve, même son bras parvient à peine à venir me saisir la taille. Je voudrais sourire, le rassurer, mais je n'en ai pas encore la force. Son état reste trop préoccupant. Mais vu comment il me tiens, il ne voudra pas me lâcher. Et si ma présence peut suffire à le garder allonger pour qu'il se repose, je resterais là, comme il l'a déjà fait pour moi dans le passé.

"- Personne ne m'en fera. Et je ne laisserais personne ne nous en faire, jamais....."

Je viens déposer mes lèvres sur son front, pour le rassurer. Dans son rêve, était mort. Si tu savais comme j'ai craint que cela ne soit réel. Je me décale un peu pour parvenir à le faire se rallonger, sans jamais faire céder le contact entre nous. Ce n'est pas évident avec les jumeaux et la place qu'ils prenant mais j'y parviens et, au final, viens finir par m'allonger à ses côtés. Moi aussi, j'ai besoin de repos, je le sens. Mais ce n’est pas la même fatigue que David et moi, je ne risque pas d'y laisser ma vie actuellement.

La bouillotte est resté calée contre lui alors que je remonte les couvertures en plus. Il cherche ma présence mais pas que. Ma chaleur aussi. Je la lui offre volontiers mais comme elle ne suffira pas, je préfère assurer le coup. Je respire plus tranquillement une fois installée avec lui et mes doigts caresser de nouveau son visage qui a repris un peu de vie, faute d'avoir retrouvé ses couleurs.

"- Je suis désolée. Encore une fois, je n'ai rien pu faire... Pour t'aider. Je n'étais même pas là. "

Finalement, c’est Steven qui a raison. Je suis une mauvaise épouse. J'aurais du me soucier bien avant de son état, me préoccuper autant de lui que des enfants. Même s'il est toujours aussi silencieux et mystérieux, il reste le père de mes enfants, mon futur mari. Je ne veux pas le perdre pour une bêtise de ce genre. Je ne crois pas que je serais capable de m'en remettre. Car si je devais réellement surplomber sa tombe, je crois que je laisserais volontiers Steven m'y pousser. Pour le rejoindre.
Dans mon ventre, les jumeaux remuent de façon un peu plus vive qu'à l'accoutumée et nous sommes si proche que David doit forcément les sentir aussi.

"- Tu sens? Julian et Hana sont contents de revoir leur Père. Alors, si on les laissait profiter un peu de ta présence, qu'en dis-tu? Je crois que tu leur manque un peu. "

Pour ne pas avouer que c'est à moi que tu manques cruellement et que tu viens de faire une peur bleue. Pour une fois, je déteste cette couleur. Mais mon ton est doux, rassurant, presque berçant. Il n'a pas besoin des mes plaintes, juste de mon soutien et de ma présence. Que je lui offre sans réserve.

Tu n'aurais pas pu.

Je le sais bien malheureusement. Car tu ne m'aurais pas laissé m'approcher de toi. Non pas que tu ne m'aimes plus mais plus que quiconque, tu te bats également pour que je ne sois pas mêlée, que cela soit de près ou de loin, à la moindre des affaires concernant les Sharks. Ce qui ne fait que te donner une charge de travail supplémentaire. Oui, je suis un poids pour lui, dans tous les sens du terme. Et même si fut un temps, pour le sauver, l'aider à mieux s'en sortir, j'avais envisagé l'idée de partir, je n'en serais plus capable aujourd'hui, je le sais très bien. Lui aussi, m'est devenu trop précieux.

Oui. Ils me manque aussi. Et toi surtout.
Je crois bien que j'ai trop forcé sur ma Nature et mes pouvoirs. Je ferai plus attentions à l'avenir. Je ne te referais plus ça. A vous non plus, les enfants.

"- N'en parlons plus. Repose-toi, c'est tout ce qui importe. Quand tu réveilleras, je serais là. Toujours."

Je m'installe un peu plus près de David, l'enveloppant toujours plus de ma présence. Cette fois, c'est à moi de le rassurer, de lui venir en aide, et je ne lui ferais pas défaut. Je ne peux dissimuler mon sourire en le sentant venir pianoter sur mon ventre tandis qu'un murmure lui échappe. Je ne connaissais pas cette chanson mais je la trouve sympathique. Et même plutôt d'actualité. Finalement, les bébés requins seront forcément des petits poissons à leur façon. Sans compter qu'ils nagent joyeusement, ça je peux le sentir. La chanson les a tout éveillé.

En attendant, je laisse David céder au sommeil dont il a tant besoin sans fermer l’œil de mon côté. Je me repose, oui, mais impossible de dormir pour moi. Je craindrais trop de réaliser à mon réveil que sa température a chuté à nouveau ou de trouver Steven trop près de nous et menaçant. Il n'y a pourtant aucun risque que cela n'arrive mais je reste méfiante. Et puis, les jumeaux sont tellement contents d'avoir leur père près d'eux qu'ils dansent la rumba comme jamais. Mais aujourd'hui, je ne me plaindrais pas des coups qu'ils m'envoient car je comprends parfaitement leur état.

Je guette les bruits alentours mais les murs des pièces sont assez épais. Je devine que Doc', Anthony et Steven ne doivent pas être bien loin mais je ne sais pas où exactement. J'espère qu'ils ne réprimanderont pas trop sévèrement Steven. Enfin, ce n'est pas mon souci principal du moment. Actuellement, ma seule préoccupation reste David. Et tandis qu'il s'endort, je reprends la berceuse qu'il a chanté, la murmurant à mon tour doucement.

Je ne sais pas vraiment combien de temps s'est écoulé mais David s'est endormi comme une masse et depuis, sa main n'a pas desserrée son étreinte sur ma manche. Alors, je ne bouge pas, me contentant de l'observer. Mes doigts passent sur son visage, de temps à autre dans ses cheveux mais je ne voudrais pas prendre le risque de le réveiller donc je me limite à cela. Des gestes d'affection simple mais qui m'ont tant manqués. Même les jumeaux ne se sont jamais tenus aussi tranquilles. Se sont de braves gamins, peut-être que eux seront récupérables.

Les bruits de conversation étouffés se taisent avant que le Doc' et Anthony ne repassent la porte. Evidemment, je note l'absence de Steven mais ne dis rien, soupirant devant les simagrées démesurées du Doc'. Je les laisse se rapprocher, restant malgré tout sur la défensive. Si un souci venait à se manifester, je n'aurais qu'à lever un kekkaï et ainsi, nous serions protégés de tout et de tous. Mais ici, normalement, David ne craint rien. Et moi non plus.

Merde! Il s'est déjà rendormi? J'espérais lui faire avaler quelque chose avant. Enfin, s'il arrive déjà à se réveiller, c'est pas perdu.

Steven est reparti au Manoir avec le gars qui vous a emmenée. 
Comment vous sentez-vous? La démonstration de David a été... assez expéditive.

"- Je vais bien, ne vous en faites pas. Quant à Steven, c'est le mieux pour lui. C'est plutôt son état à lui qui m'inquiète."

Sans compter le cadeau qu'il a fait à Steven. Cet enfant ne rêve que de vengeance à son égard et il lui a offert sur un plateau d'argent la façon la plus cruelle de l'atteindre et de lui faire du mal. Moi. Aussi, je ne peux m'empêcher de m'en vouloir. je n'aurais pas dû entamer cette discussion, je savais que je m'avançais sur une pente savonneuse et glissante. David lui-même me l'avait plus que déconseillé et pourtant, une fois de plus, j'avais bravé l'interdit. Maintenant, il ne e restait plus qu'à en payer le prix. moi qui espérais peut-être, un peu naïvement, pouvoir trouver une solution pour les rapprocher.

Avec un bras dans cet état, inutile de refaire une perf'. On le réveillera dans deux heures. J'vais lui refaire une purée de tout, comme quand il était tout gosse. Vous goûterez! ça vous donnera des idées pour les petits.

"- Merci, c'est gentil. A force, je vais avoir un véritable recueil de recettes à tester. Tout le monde dans la maisonnée semble tellement préoccupé par leur arrivée."

Étais-je jalouse des attentions et des gentillesses que les jumeaux recevaient avant même leur naissance? Peut-être bien un peu, oui. Tout comme je me disais que David méritait tout autant ses attentions que je ne pouvait même pas lui offrir à cause de ses multiples responsabilités. Mon regard est tendre en le regardant mais un brin mélancolique aussi. Si déjà avant leur venue au monde, nous ne parvenons plus à nous voir, que nous réservera l'avenir? Je voudrais tellement ne plus avoir à craindre toutes ses questions sans réponses.

"- Et je tenais à m'excuser pour mon comportement de tout à l'heure. C'est en grande partie ma faute si Steven a réagi de la sorte. Mes propos ont été... déplacés. Aussi j'aimerais que David n'en ai pas connaissance. S'il vous plait."

Non, toutes ces horreurs que j'avais dites, même si sous le coup de la colère et pour forcé Steven dans ses derniers retranchements je les avais amplifiées et légèrement déformées, si j'avais été capable de les sortir aussi naturellement, c'était bien que je les avais réellement pensé au fond de moi. Et cette réalité me faisait tellement peur. De me découvrir aussi monstrueuse et cruelle. Était-ce ce que j'étais véritablement au fond de moi? Un de ces dragons prêt à dévorer sa propre progéniture simplement pour sa convenance personnelle? J'ose espérer que non, sans y croire vraiment.

C'est avec beaucoup d'attention que j'écoute les paroles d'Anthony. Je ne le connais pas bien mais c'est une personne que j'apprécie de plus en plus. Dans un sens, cela me rassure de savoir que David aura des gens tels que lui pour l'épauler. Surtout dans le monde dans lequel il évolue. Instaurer un esprit de famille, un esprit de Clan. Tout ce que je n'ai jamais eu. Décidément, mon monde est encore tellement éloigné du sien. Jamais mes parents ne pourront comprendre cela. Jamais ils ne pourront me comprendre.

Evidemment, ce qu'il dit sur moi est très réaliste et je me contente de soupirer un peu. Alimenter ma peur, moi qui me veut et me croyais forte, c'est pourtant bien ce que je fais. Comme j'en suis désolée. Une fois de plus, je ne suis pas à la hauteur de ce que l'on attend de moi. Je regarde David, qui semble enfin calme mais si au fond, il ne me parait pas aussi sereine qu'il pourrait l'être. Moi aussi, je voudrais qu'il apprenne à déléguer. Mais je ne peux pas lui demander de faire des choses que même moi, je ne suis pas capable de faire.

"- Je ne tiens pas à lui cacher ce genre de choses. Il le saura, je pense même que quelque part, il le sait déjà. Mais je ne veux pas que ces propos lui soient rapportés. Si quelqu'un doit le lui dire, c'est moi. Alors, je le ferais."

Aussi un peu pour me permettre d'exorciser de mon mieux ces angoisses qui me pèsent. Et pour que Steven ne vienne pas se servir de cela face à lui. Il sera au courant, je le lui dirais. Il comprendra, j'en suis certaine. Je l'espère en tout cas.

Et puis, à vrai dire, je suis un peu content que Steven soit ainsi puni. Il n'a aucun respect pour le Clan, et ça m'énerve, surtout en sachant qu'il est le fils de Stanley Klee. Même si je compte bien coller un pain à David pour m'avoir filé une telle frousse si tôt le matin. Et si peu de temps après... la dernière fois.

"- Ne me l'amochez pas trop, s'il vous plait. "

Qu'il en colle une à Steven ne me fera ni chaud ni froid. Mais je me sens encore tellement misérable en repensant au simple fait que sous le coup de la colère, moi aussi je l'ai frappée, je préfère éviter qu'il ne le blesse de trop. Mais je lui souris malgré tout gentiment, compatissante. Après tout, c'est lui qui a trouvé son père mort. Entre temps, je laisse le Doc' venir prendre ma température  avant qu'il ne cogne légèrement David au front et de dire à son tour.

Bah, moi je verrai si l'occasion se présente, mais il va aussi se prendre un savon, une fois qu'il sera en état de le recevoir et de le sentir passer. Mais je crois que pas mal de vérités ont été dites aujourd'hui, dans un sens, ça défoule.

"- Oui, un peu. Mais il y en a certaines que j'ai sans doute un peu trop forcées. Ce n'était pas très malin de ma part de m'en prendre ainsi à Steven, non plus, surtout à proximité de David. "

Pauvre David, il va regretter d'être Nephil et de se remettre plus vite que la normale. Moi aussi, j'aurais des choses à lui dire mais cela attendra. Et puis, tant pis pour lui, cela sera une surprise. En attendant, es doigts reviennent passer sur les traits de son visage, espérant y lire un vrai repos profond dont il a tant besoin. Il m'a fait une de ces frayeurs, je crois que moi aussi je vais avoir besoin de me reposer un peu. Et je ne peux m'empêcher de grimacer lorsque les jumeaux recommencent à se manifester.

"- Je sais que vous êtes docteur et pas restaurateur mais... Il y en a deux qui n'ont pas nos soucis et qui réclament... mais je ne peux pas... le laisser maintenant... "

David a besoin de ma présence alors je ne lui ôterais pas cela. Je vais rester là, auprès de lui. Avec les petits. Ma main libre passe sur mon ventre, venant chercher autant qu'apaiser les mouvements des deux petits monstres qui s'y cachent. C'est drôle, j'aime bien ce contact, même si parfois c'est douloureux. Je tente de retrouver un peu de calme et reprend la conversation sur un ton plus léger.  

"- En tout cas, je pense qu'il est sonné pour le moment, vous devriez en profiter aussi pour vous reposer un peu, tous les deux. Judy risquerait de me faire la tête si je lui rendais son fiancé dans le même état que ce trouve le mien. Et doc', comme vous me l'avez si bien dit, toutes ces bêtises ne sont plus de votre âge."

Je m'en occupe. C'est aussi soigner que de nourrir les patients!

Je remercie le Doc d'un sourire sincère et me sent aussi un peu soulagée de voir Anthony sembler un peu moins sérieux et sévère à présent. Lui aussi à dû vivre quelques heures très compliquées et il aurait vraiment besoin de repos. Mais la vie du Clan, l'avenir de la Company ne le lui permettra sans doute pas. Pas tout de suite en tout cas.

A qui le dis-tu, Petite! Mais ça mets un peu d'ambiance! La tête de mule qui va te servir de mari nous a laissé trop longtemps tranquille! Il fallait bien qu'il se rattrape! 

Malheureusement, la journée ne fait que commencer. Ne vous en faites pas. J'ai tenu le poste du temps de Stanley Klee, je tiendrai tout autant avec David, et Judy n'aura pas ce souci-là. Je connais mes limites. Je vous laisse, je dois m'occuper de la Company. Je me permettrai d'appeler pour prendre des nouvelles. Reposez-vous bien. Mr Tompson. 

"- Merci. Soyez prudent de votre côté. Et n'hésitez à téléphoner, surtout."

Si il avait au moins cette notion là, Judy avait alors bien de la chance. Pourtant, je n'abandonnerais David pour rien au monde. Il va seulement falloir que je le surveille un peu plus. En tout cas, je pense que pour ce qui est de la cigarette, il n'arrêtera pas aujourd'hui. Le pauvre, ce que son Boss peut lui faire endurer. Il méritera bien de prendre des vacances, j'en toucherais personnellement quelques mots à David. En attendant, le Doc' quitte la salle en grommelant juste assez fort pour que je l'entende.

"Tu aurais pu le faire moins comme toi, Stan."

Stan. Stanley Klee. Je le laisse quitter la salle, fermant la porte derrière lui et de ne plus entendre se spas dans l'escalier avant de revenir à David qui se repose toujours. J'aurais aimé rencontré cet homme. Au moins une fois. Peut-être ainsi, aurais-je été plus en mesure de le comprendre. Et de l'aider. Mais faute de pouvoir compter sur son Père, j'espère que son ancien camarade de France, lui, pourra m'en révéler un peu plus sur David. Je ne demande pas grand chose, juste de pouvoir devenir le soutien dont il a vraiment besoin.

"- Je sais que tu as fait tout ça pour moi. Pour nous. Mais je t'en prie, ne me refais jamais une telle frayeur. J'ai trop besoin de toi maintenant..."

Mes mots sont à peine un murmure tandis que je m'installe au mieux contre lui. Oui, je t'ai offert ma confiance, mon amour, tout ce que je croyais ne jamais avoir le droit de connaitre et de posséder mais maintenant, je ne peux plus m'en passer. Alors ne m'enlève pas ce rêve, ce conte de fée que tu as créé de toutes pièces mais qui est tellement plus beau que la simple réalité qui s'offrait à nous.