East Park:

La situation était critique. Les monstres de la planète Proxima du bœuf venaient la Terre, et leur puissance était bien supérieure à celle combinée de toutes les nations du mondes – des Etats-Unis à Belin, en passant par la Chisp. Un seul espoir demeurait, celui de compter sur les véritables héros du monde : les Power Rangers.

Seul rescapé de son équipe, l’extraordinaire et magnifique chef des Rangers, Tommy Brun, se tenait debout face aux envahisseurs. Fidèle à ses habitudes, il tenait fermement son épée et ne reculait jamais, même couvert de blessures. Devant lui, s’étendaient des marées d’aliens tous aussi laids les uns que les autres, armés jusqu’au dent et plus baraqués qu’un grand ; mais une clameur de terreur commençait à s’installer au sein de cette armée du mal. Le type qui les défiait était d’une renommée intemporelle et illimitée, et d’aucun ne pouvait se targuer de ne jamais en avoir entendu parler – telle était la puissance du Ranger Noir : Galactus lui-même avait témoigné à son sujet « Il est trop fort. ».

Hurlant de rage et courage, le Guerrier s’élança contre les remparts tentaculeux et les pourfendit plus facilement que du beurre ; les têtes hideuses tombaient les unes après les autres tandis que les commandants hurlaient la retraire. Malheureusement pour eux, se tenaient sur leur tableau de chasse la belle Ranger Rose, fiancée du Héros… Un crime tellement odieux que la grande miséricorde de celui-ci ne pouvait en faire fi.
Enfin, s’étant frayé un chemin absolu à travers les rangs ennemis, Tommy arriva face à Zgloorb le Globuleux, dictateur suprême des Proxima-du-boeufiens, et le toisa du regard.

« - Tu as voulu jouer à un jeu, et tu y as perdu. »

En même temps que la punchline volait virilement en direction des ignobles oreilles du monstre, les bâtiments autour d’eux explosèrent. L’épée décrivit une course parfaite, se rapprochait à chaque instant de l’ultime châtiment, puis … Tommy reprit brutalement conscience de la réalité. La musique s’était arrêtée.

L’air hébété, le gamin fit un état des lieux d’un simple regard. Il était au milieu d’un parc, dans sa tenue – rapiécée – du Ranger Noir, et quelques personnes le regardaient, amusées. Derrière lui se tenait une jeune femme aux cheveux bleus, une guitare à la main. Le garçon se gratta vivement la tête, puis le cours des événements lui revint en mémoire : il était venu ici pour jouer, et le morceau épique de la jeune guitariste l’avait littéralement transporté dans un autre univers. Celui où il était un héros, un véritable Ranger.

Ôtant son masque, il se dirigea vers la musicienne, et l’interpella.

« - Eh ! Madame ! Est-ce que tu peux jouer une musique des Power Rangers s’teuplé ? Tu fais trop bien de la guitare ! »

La frustration de s’être arrêté à l’instant fatidique était grandissante, mais il lui fallait la meilleure des musiques pour faire honneur à son rôle.

Et voilà t-y pas quand mes doigts endoloris demande grâce à cause de l'exercice, le môme se pointe pour interrompre le semblant de pause. J'avoue, je sourie à la demande originale qu'on vient de me faire. Celle ci est formulée avec un peu trop d'enthousiasme par le gosse en power rangers version sdf. LCe môme en question qui tue tous les méchants dans le parc à grand renfort de bruitage de bouche et de mouvement brusque. M'enfin, qui suis je pour juger ? Forcément, il en profite. Après tout, l'enfance, c'est le seul moment de ta vie ou tu peux te comporter comme un parfait junky et tout le monde trouve ca chou. Et aussi étrange que ça puisse être, je ne fais pas exception à la règle.
Et le pire c'est que si je connaissais la mélodie, je crois que je le ferais vraiment. Les gosse et moi, y'a pas a dire. Je crois qu'ils m'asservissent encore plus vite que les chatons mignons où les bébés chèvres.

"Je voudrais bien mon petit, mais... Bah je connais pas la musique. Tu peux me la chanter s'il te plait pour m'aider ?"

Je sais pas, mais cette discutions éveille mon intérêt. C'est assez rare pour être perçu comme un défi : Improviser en fonction de l'oreille musicale douteuse d'un môme. Alors qu'en plus les gosse c'est hyper violent quand il s’agit de faire des trucs constructifs de l'ordre de : c'est bien/c'est nul. J'ai l'impression de m'être lancer dans une entreprise un peu maso.
D'un autre, j'ai hâte de voir le spectacle son et lumière que je viens de déclencher...

Plissant son regard, Tommy prit un instant pour établir la peine de la malheureuse. Contre elle, l’ignorance du générique de la meilleure série de tous les temps – allons, avec une dizaine de saisons, il y aurait bien dû en avoir un qu’elle connaissait ! Mais non, apparemment, ce n’était pas assez -, et le fait d’avoir insulter le garçon de « petit ». Pour sûr qu’il n’était pas un géant, mais d’aucun ne pouvait se permettre de remettre en question sa taille, surtout quand la tenue qu’il arborait le grandissait à un point inimaginable. Un héros ne se qualifie pas avec des défauts.
D’un autre côté, elle était volontaire, apparemment gentille et, bon sang, sa musique était assez entraînante pour faire littéralement voyager le garnement.
Il fallait donc trancher, en toute impartialité évidemment.

Grommelant tout discrètement, il leva soudain le doigt, prit une inspiration et parla d’un ton remarquablement assuré pour son âge.

« - Retiens-bien, c’est la meilleure musique du monde ! »

Ceci acté, l’enfant balada ses yeux pour se remémorer tout à fait les paroles, puis entonna l’air avec un talent tout à fait approximatif. A vrai dire, d’un niveau qui frise celui des vocalises d’une chanteuse à l'arrogante virilité.

« - Ils sont les plus forts et les plus courageux de tous les temps … »

Continuant ainsi tout au long des nombreux – pas tout à fait en réalité – couplets, la voix du pas-petit résonna et gravit soudainement l’échelle des décibels quand vint le fameux refrain.

« - GO GO POWER RANGERS ! »

Ça y est, Tommy était lancé. C’était une des premières fois qu’il chantait le générique de ses héros, mais cela commençait déjà à le faire rêver. Alors, si la musicienne parvenait à reproduire fidèlement le beau son, il serait au nirvana.

Musique ♪

Quand il entonne le refrain je l'écoute, me souvenant d'une mélodie similaire. Qui sais, peut être un jour regardé cette série étant petite ? Peut être même ais je tenté de jouer la dite mélodie. C'est ce que suppose ces fragments de souvenirs un peu flou. Mentalement, je me fais un récapitulatif de tous les accords à jouer. Le rythme, la vitesse. Pendant ce temps, le gamin me faisait une authentique chorégraphie chanté. Bon c'était faux et même assez moche a voir comme a regarder. Mais oubliez pas le facteur bébé chèvre. Donc forcément je me retrouve a sourire un peu niaisement. S'pas de ma faute, c'est a force de le voir s’agiter comme ça. forcément je trouve son air gamin hyper cute... Mais je préférais qu'on m'arrache les cordes vocales plutôt que le dire à voix haute.

Mais bon, j’arrête. Parce que le môme va me lancer son regard noir de la mort qui tue si je continue de le mater en étant un peu béat. De là à lui tirer les joue, il n'y a qu'un pas que je ne franchirais pas. C'est que ca s'imagine déjà grand et mature ces bestioles là.
Alors apres cette chorégraphie, je m'active en silence. Au début, j'hésite beaucoup. Les accords sont un peu foireux, quelques notes ne sonnent pas exactement sur le ton qu'il faut. Mais l'air entrainant qui se grave dans la tête est là. Comme ca, à défaut de faire une prestation parfaite, je suis sûr que la musique va se taper l'incruste dans les cerveaux de tout ceux qui nous écoute distraitement dans le parc.

A mesure que la mélodie se reboucle et que les mêmes enchainements d'accords s'enchainent, se lient, je gagne en régularité. Puis en vitesse, puis en assurance. Je m'autorise même à chanter sur le mythique refrain.

« - GO GO POWER RANGERS ! »

A mesure que la mélodie se cristallise sur les cordes, Tommy ferme les yeux. Ce n’est pas franchement une étape obligatoire du jeu, mais maintenant qu’il s’est dévoilé aux yeux de tous, il lui faut s’imaginer qu’il est seul, sans regard extérieur. Pas qu’il soit sensible aux moqueries des grands, mais dans son monde, personne n’observait le Ranger vaincre le grand méchant.

A l’instant où la jeune femme entonnait le célèbre refrain, le petit garçon rouvrit les yeux. Zgloorb le Globuleux se tenait à nouveau devant lui, toujours aussi laid. Le héros fit doucement craquer sa nuque, et dégaina son épée, la pointant vers son ennemi.

« - Fais tes prières. »

Oui, il fallait forcément une punchline avant d’achever quelqu’un – sinon, l’effet de surhumain n’était pas là. Resserrant son emprise sur son arme, Tommy désarma d’un simple revers de sa lame le tentaculeux, puis le tranchant contre le cou vert et hideux qui s’offrait à lui.

« - Rentre sur ta planète, et dis à tous ceux qui voudraient envahir la Terre que je serai là pour les vaincre. »

Ne laissant qu’une petite entaille sur la peau sale, le Ranger fit demi-tour et parti la tête haute, la marche fière. Encore une fois il avait sauvé le monde, et il était définitivement le plus fort de tous ; une fin heureuse en somme.

L’affaire réglée, le retour au monde réel fut plus en douceur et apprécié. Reprenant tranquillement conscience de ce qui l’entourait, l’enfant réalisa qu’il n’avait finalement pas tant marché que cela – il s’était simplement retrouvé derrière la demoiselle. Bah, ça lui donnait une raison de retourner lui parler.
Contournant la musicienne, il réalisa soudain qu’il venait de commettre un terrible oubli : il avait totalement omis le fait qu’à cause de ses crimes, le vilain ne devait obtenir aucune grâce. Tant pis, la vengeance sera un prochain scénario.

« - Eh, c’était trop génial ! »

Je sourie face à l'engouement de ce public. Même s'il n'est composé qu'une demie portion avec une belle part de folie douce. Mais bon, c'est propre a son age j'imagine Ou rien n'est vraiment impossible ou couru d'avance. Ou on est pas soumis au regard des gens qui nous entoure. Je l'envierai presque ce môme.
J'admets, sa chorégraphie me faisait vaguement penser a une crise d'épilepsie mélangé avec des comprimés 1200 mg de caféine et du sucre. Pire que Mabel, s'te petit. Il s'enfuie deriere moi et je peux plus vraiment me permettre de l'avoir dans mon champs de vision sans casser son délire. De toute maniere, les notes finales ne tardent pas à vibrer dans l'air et il revient vers moi avec un air ravi.

« - Eh, c’était trop génial ! »

Au moins, j'ai réussit mon défis mentale. Celui de faire la journée d'un gosse, aussi demeuré puisse il être. Et puis il a dit que c'était génial. Typiquement le genre de compliment que j'aime : dénués de calcul. Pas comme cette garce de la dernière fois. Alors je sourie, presque béatement. Encore ce syndrome du bébé chèvre qui m’empêche d'être cynique et méchante. A moins que mes amis déteignent sur moi avec le temps ?

"Contente que tu aimes. Tu ferais de la musique ? Je suis sur que tu serais capable de le faire tout seul ce générique et de manière aussi géniale nan ?

Bon j'admets, c'est un peu bateau d'utiliser la passion d'un enfant pour quelque chose et d'essayer de le manipuler avec. Mais pour ma défense, toutes les entreprises de jouets le font. Et je suis sûr que apprendre à jouer ce serait quelque chose de vraiment plus productif que d'acheter le prochain ken en mode power rangers.

Face à la proposition de la jolie dame, Tommy écarquilla grands les yeux. Elle lui proposait d’essayer sa guitare, non ? Peut-être pas en fait, mais il le comprenait ainsi, et cela le faisait trépigner.
Dans les séries, les garçons qui faisaient de la musique c’était à chaque fois les plus classes, et même le petit ne s’intéressait pas vraiment aux filles, une partie de lui le pousser à savoir jouer de cet instrument ; la même qui lui donnait envie de passer pour un plus grand héros que Curse aux yeux de Nelytsa.

« - Tu penses ? Dis, j’peux essayer ta guitare, hein ? Dis oui, s’i-t’o-plaît ! »

Prenant presque pour acquis ce qui ne l’était pas, le garnement accrocha son masque dans le dos de sa tête et vint s’assoir aux côtés de sa nouvelle amie, tremblant d’excitation. Ça allait être super de faire de la guitare ! Il allait frotter les cordes, et puis plein de musiques géniales seraient jouées, comme le générique des Rangers saison 1, saison 2, saison 3, saison 4, saison … Il avait perdu le fil, en fait.

Dodelinant la tête et la collant contre l’épaule de l’inconnue, il espérait ainsi augmenter ses chances – après tout, cela fonctionnait avec maman, alors pourquoi pas avec elle ? C’était une fille.

« - Comment on joue ? C’est compliqué ? C’est trop classe de faire de la guitare ! »

Les questions et phrases fusées, comme si la demoiselle venait d’ouvrir une boîte de Pandore plus collante que désagréable, bien que les ressources du garçon dans ce domaine soient loin d’être à sous-estimer. A partir du moment où une mère préfère rendre accro son gosse à une série pour avoir la paix une heure, c’est que le potentiel énervant de celui-ci doit être d’un certain cap.

Je regrette instantanément d'avoir dit ca quand le gamin essaie de s'accaparer MA Guitare. J'veux pas être possessive. Mais les instruments, la musique c'est mon truc. Ma passion, mes bébés. Certains ont le tunnings, moi j'ai mes instruments. Pas touche. Bébé chèvre ou pas jm'en fout. S'il touche. je mords. Genre violemment.
Sans ménagement aucun, je lui dis d'un ton autoritaire :

"Nan. D'jà Jimi, tu ranges ta têtes sur les épaules. De plus tu peux pas jouer dessus. C'est une guitare avec des cordes montées à l'envers parce que je suis gauchère. Secundo, j'ai pas de médiator et je doute que tu ais assez d'ongle pour tirer une note de la guitare. Et puis, tertio jouer ce trucs. Ca met des mois à se faire. S'pas en me demandant de faire une démo technique que tu finiras en Jimi..."

Petit bug dans mon monologue presque ficelé par des arguments valables.

" Au fait tu t'appelles comment en vrai Jimi ? "

Sur ce je range la guitare dans son étui. Histoire que l'enfant cede pas a la tentation de jouer les bébés chevres. Sans transition, mes doigts pressent ce qu'ils faut de tabac dans dun roulées et s'active a faire la clope. J'suis pas un bon exemple pour la jeunesse. Mais je crois qu'au vu de ce que j'ai récolté aujourd'hui je peux m'autoriser une petite douceur.

Surpris par le ton beaucoup moins mielleux de sa nouvelle amie, Tommy leva les mains en l’air et recula son dos aussi loin que le banc lui permettait. Il était hors de question pour lui de se faire disputer davantage, et si la technique du bébé chèvre ne fonctionnait pas, il passerait au plan B : être gentil et docile. Pas que ce soit son tempérament habituel, mais dans l’optique d’obtenir un jukebox humaine il était prêt à tout.
Et même si ce qualificatif pouvait sembler insultant aux premiers abords, il n’en était rien – c’était comme donner le titre de Muse de son imagination à cette demoiselle. Rien que ça.

« - D’accord j’suis désolé madame j’voulais pas vous fâcher je suis désolé. »

Néanmoins, il avait quand même sacrément envie d’essayer. Une guitare c’était classe, et puis médiator ça sonnait bien. En plus, il savait pas qui c’était Jimi … Plein de mystères donc, et lui, il adorait percer les mystères !  Peut-être qu’un jour elle le laisserait toucher à son précieux ? En tout cas, pour ça, il devait continuer dans le même rôle.

« - Je m’appelle Tommy … Tommy Brun madame. Et toi ? »

Ça y est, ses bras commençaient à s’engourdir à force de rester levés. Le garnement reposa ses mimines sur ses jambes et tenta d’offrir à la musicienne un grand sourire à pleines dents – ou presque, si l’on exclue les deux molaires qu’il avait perdues la semaine dernière.

Tommy Brun. Tommy Brun. Brun. BRUN !

Y'a un genre d'alarme mentale qui sonne dans ma tête. Un Tinling ling du genre. "ALERTE DEMI FRERE... ALERTE DEMI FRERE". Parce que brun, c'est pas courant du tout ce genre de chose. Alors je sais pas, j'ai le cerveau qui frise, un blue screen of death. Un plantage monumentale et je reste un instant a contempler le vide.

Alors Maman et George ont eu un autre enfant ? Je veux dire, il a moins de 10 ans. Forcément il date d’après mon expulsion forcée du logis familiale. Mais je comprends pas. Dans quel univers, maman aurait pardonné à George les soupsons d'infanticide qui pèsent sur la disparition de Théodore ?
Ils nous auraient même remplacés par... lui ? Ce gosse ? Mais... Mais c'est horrible ! J'ai un instant où j'enrage que ce môme existe. Mais il y est pour rien. Et puis il a l'air pas mal d'être dans la lignée des rejetons honteux de la famille : La preuve, ils semblait curieux et amical.

Je sais pas faire grand chose. Si je dis la vérité ? Y'a de fortes chances que ça remonte aux oreilles de la famille. Au pire je crois que je m'en fiche, techniquement je doute que George tente grand chose sur moi. Et comme j'ai aucune adresse connu a Palema, je doute qu'il arrive à me dégotter ou même me reconnaitre. Merde j'ai les cheveux bleus et une silhouette uber maigrelette.
Et pourtant, la silhouette floue de George tient mon honnêtée en respect et m'oblige plus ou moins a lui mentir.

"Moi je m'appelle Luna Nightingale. ." Petit silence d'hésitation avant que je ne lance doucement :"Mais je crois que je connais ton papa. Il s'appelle pas George Brun ?"

Histoire d'être sûr que je ne me fasse pas d'illusion

Eh bien, en voilà une surprise. Tommy changea complétement d’expression quand Luna Nigh…Tin…Nitgal… Luna prononça le mot « papa ». Il n’entendait pas beaucoup ce dernier à la maison, comme si le sujet était tabou – et il l’était. Alors entendre une inconnue en parler lui semblait tout à fait invraisemblable, et génial à la fois.

« - J’le connais pas mon papa, mais il s’appelle pas Georges. I’s’appelle Connard Brun. »

C’était le petit nom dont l’avait affublé la maman du garçon, et le narrateur que je suis doit avouer qu’il lui sied à ravir. Enfin, cette petite correction ne suffisant pas au garnement, il tenta à nouveau sa tentative d’approche en collant sa tête près de celle de la jeune femme.

« - Parle-moi de mon papa ! Il est comment ? C’est un héros ? Il est gentil ? Pourquoi il est parti ? »

L’histoire de la guitare était déjà oubliée ; il y avait désormais beaucoup plus important à apprendre. La vérité sur son père, des réponses aux questions qu’il se posait depuis quelques mois mais auxquelles pas un ne daignait répondre. Parce qu’il ne savait pas ? Parce qu’il ne voulait pas ? Le petit garçon n’avait pas l’esprit assez fin pour décider, mais en tout cas il était sûr d’une chose : sa curiosité était plus que piquée à vif.

Trépignant sur place, il faisait vibrer ses jambes tout en plongeant son regard écarquillé dans celui de Luna. Cette après-midi était géniale, pas de doutes là-dessus. Et cette musicienne assurément une des meilleures nouvelle amie qu’il s’était faite depuis des mois.

« - J’le connais pas mon papa, mais il s’appelle pas Georges. I’s’appelle Connard Brun. »

Bon, au moins je suis a peu près sûr que je ne me suis pas gouré de personne. Ou si c'est le cas. Je me suis gouré de si peu... Mais a vrai dire, ca lui va si bien ce nouveau prénom

« - Parle-moi de mon papa ! Il est comment ? C’est un héros ? Il est gentil ? Pourquoi il est parti ? »

Hey, attends quels ages sont sensés avoir mes grands frères ? Si ca se trouve c'est mon neveu nan ? Je les vois bien coucher avec une fille et se casser ensuite comme un adolescent qui n'assumerai pas.
Deuxieme hic. Le gosse semble bien idéaliser le bonhomme. Ca va me faire chier de briser ses illusons, mais je n'aime pas tellement mentir.

- Pas vraiment gentil. Lui et connasse brun étaient très... imagines que tu dois marcher sur un chemin en bitume. Il fait chaud, et connard t'interdit de t'arreter de marcher. T'as des vendeurs de glace qui sont tous sur la pelouse a portée de vue. Bah connard brun te laissait de l'argent pour t'acheter une glace. Mais te donnais une baffe si tu fais mine de les rejoindre pour en acheter.

Ouais, ca sonnait toujours mieux dans ma tête. Mais je pense que c'est l'ultime torture qu'on puisse infligé a un gosse nan ?

- J'avais un frère. Lui il allait constamment acheter des glaces en dépit des baffes de connard et connasse. Bah... Un jour, je ne l'ai pas revu. Il a dû s'enfuir dans un meilleur chemin.

Tommy écarquilla grands les yeux en écoutant la réponse de la jeune femme. Il n’en croyait pas ses oreilles – elle lui dépeignait un homme d’une telle cruauté qu’il était difficile pour lui d’y croire. Voilà qu’on demandait à un gosse habitué à une mère aimante et à son écoute, de considérer que son père fut l’exact opposé, un sadisme digne des plus mauvais méchants des Power Rangers en plus.
Serrant sa mâchoire, il sauta du banc et fit face à Luna, collant ses poings contre sa taille.

« - Peuh, tu mens ! Mon papa il peut pas être comme ça, sinon ma maman elle serait jamais tombée amoureuse de lui ! C’est forcément un héros qui a dû quitter la maison pour sauver le monde ! »

Dans le fond, il ne disait cela que pour la forme. A force d’entendre des fragments de discussions, et quelques pleurs de sa mère, il avait saisi depuis longtemps que Connard Brun était un sale type. Mais il essayait de se raccrocher à un faux-souvenir de celui-ci, construisant l’image de quelqu’un qui n’avait jamais été là pour lui.

Le garçon baissa la tête, et perdit sa contenance, reniflant brièvement pour contenir une larme qui avait tenté de s’échapper.

« - Désolé madame d’avoir dit ça. T’as vraiment pas pu acheter des glaces quand t’étais petite ? Et puis, c’est qui Connasse ? Ma maman elle s’appelle pas comme ça. »

Aussi, un autre personnage l’intéressait. Le petit Nephil réfléchit un peu pour formuler sa question, puis osa.

« - Il est devenu quoi ton frère ? Il aimait quoi comme glaces ? »

La réponse était déjà donnée, mais comme tout enfant qui se respectait, il n’avait pas écouté jusqu’au bout les paroles de la musicienne.

L'enfant réagis et je me surprends à avoir un rire sans joie qui orne ma bouche quand il me décrit son papa. Alors comme ca George a eu une aventure avec une femme et ce gosse serait le résultat ? Hum... vu qu'il s'appelle Brun, il a même pousser le vice a le reconnaitre. J'imagine la gueule de connasse brun quand elle a dû l'apprendre.
Merde, pourquoi je sourie quand il me présente son papa comme un héros ? Depuis quand je suis cynique moi ? Tss

« - Désolé madame d’avoir dit ça. T’as vraiment pas pu acheter des glaces quand t’étais petite ? Et puis, c’est qui Connasse ? Ma maman elle s’appelle pas comme ça. »

"J'ai pu acheter des glaces quand j'étais petites. Moins souvent que mon frere, parce que je m'arrangeais pour jamais avoir de baffe. Ou si peu
Mais sinon, c'est de ma maman dont je parle, pas la tienne. Elle s'appelle connasse brun et c'est un peu long a raconter, disons qu'elle m'a abandonné du jour au lendemain. Quand mon frère est parti. "

« - Il est devenu quoi ton frère ? Il aimait quoi comme glaces ? »

"Il aimait les glace à la mangue. Mais sa glace préféré, c'est quand il me la lançait au visage parce qu'on se disputait tous les deux et qu'il avait plus d'arguments."

Je sourie sous la nostalgie que m'évoque ce souvenir. Des disputes de gamins à base de gachi de nourriture. Forcément c'est marrant quand on se le remate de le home cinéma qui est inclue dans notre tête. Le sourire tourne au vinaigre quand je me rappelle de sa première question :

"Je sais pas exactement ce qu'il est advenu de mon frère. Parfois je me dis qu'il est bien mieux là ou il est. Parfois je souhaite vraiment retourner en arrière et de changer ça. Mais ça veut juste dire que je commence a réfléchir comme une vieille"

Tommy hocha la tête, pensif. Luna semblait être plus maline que son frère si elle était parvenue à esquiver les gifles de ses parents ; mais ce dernier avait eu le courage d’affronter la douleur ne s’arrêtait devant rien pour obtenir son si estimé met. Qu’est-ce qui était le mieux entre le cerveau, ou les muscles ? Décidément, le petit garçon n’en savait rien.

« - Ouah, tu dois être drôlement intelligente si tu pouvais prendre des glaces sans que les méchants t’attrapent. »

Pour l’instant, le reste des paroles de la jeune femme ne fit que passer à travers la caboche du gamin, sans que celui-ci ne s’attarde sur celles-ci. Son récit était triste, mais cela ne l’avait pas vraiment choqué d’apprendre que ses parents l’avaient abandonnée – après tout, il avait vécu une chose similaire et tenait ceci pour normale.

« - Mangue ? Peuh, il y a plus mieux ! Mais il avait l’air marrant ton frère, tu devais bien l’aimer. »

Et ça ne manqua pas, l’air de la musicienne trahît son affection pour l’imbécile qui lui servait de frangin. Fronçant les sourcils, le Nephil lutta pour ne pas énoncer une solution à son problème. On n’avait eu de cesse de lui répéter qu’il devait se taire sur les contrats, sur Bey ; alors même si ça pouvait aider sa nouvelle amie, il fallait qu’il ne dise rien. Et tant pis si elle pleurait après, il devait obéir aux grands.
Tommy serra ses petits poings, décidé à se rebeller contre le système esclavagiste auquel il était soumis : c’en était assez d’avoir peur des adultes ! Il allait leur montrer de quel bois il se chauffe !

« - Peut-être que, pour … »

… Ton frère. Les yeux du sale gosse s’écarquillèrent. Connasse était la maman de Luna, et Connard était son papa. Enfin, peut-être. Plus ou moins. Les prénoms se ressemblaient, alors probablement. Bah, il considéra que oui.
Mais donc, s’ils avaient le même père, c’était qu’ils étaient de la même famille. Logiquement. L’esprit de l’enfant ne put aller jusqu’à définir le terme "demi" qui les liait, mais c’en était déjà assez pour le faire réagir.

« - T’ES MA SŒUR ? »

« - Ouah, tu dois être drôlement intelligente si tu pouvais prendre des glaces sans que les méchants t’attrapent. »

J'ai faillis le reprendre. J'étais pas intelligente. Juste affreusement faux cul. Narcissique et avide d'être aimé. Je me suis juste arrangé pour être la petite fille de la famille. La préférée. La petite mondaine qui jouait du violon et du piano. Celle a qui on pardonne quelques écarts pas trop graves sans violence. Et pourtant a l'époque j'étais au moins aussi avide de faire des conneries que lui.

« - Mangue ? Peuh, il y a plus mieux ! Mais il avait l’air marrant ton frère, tu devais bien l’aimer. »

" Nan, mangue c'est moi. Je confonds. Lui son parfum c'était... C'était... Framboise chocolat. Avec du chocolat fondu dans le bas du cornet."

« - T’ES MA SŒUR ? »

Je me refait l'arbre généalogique dans la tête. Pas vraiment, d'autant plus que connard est pas mon vrai pere. On est deux bâtard de deux couples très différents. C'est assez étrange de le constater de maniere aussi distante. Mais j'ai pas envie de m'enfoncer dans un débat sans fin pour lui expliquer tout en détail.

" Oui, a peu près. Je crois. D’ailleurs tu ressemble beaucoup a Théodore quand il avait ton age."

C'est étrange en effet qu'ils soient si semblable...

Tommy croisa les bras, satisfait après avoir découvert que le frère de la musicienne avait de merveilleux goûts pour les glaces. Décidément, il appréciait de plus en plus ce type-là, et ce serait avec plaisir qu’il lui proposerait de jouer avec lui – et même de porter le costume rouge, second honneur suprême. Enfin, tant est qu’il arrive à mettre la main dessus avant.

Mais la conclusion vint briser cette pensée rapide. Si Luna était sa sœur, alors le chic gaillard était son frère… Et en plus il lui ressemblait ? Le garnement se mit à sautiller sur place, fou de joie. L’absurde de la situation et son improbabilité n’avait pas de poids sur lui, seul l’excitation de se découvrir des grands frères et sœurs comptait à cet instant. Un nouvel univers de jeu s’offrait là à lui, des possibilités infinies de lutter contre l’ennui ! Il pourrait initier la jeune femme aux Power Rangers ! Avoir une Ranger Rose définitivement ! Le sourire haut et large, il dodelina la tête dans le vide, puis trouva les mots.

« - OUAAAAAAAAAAAAAAAIS ! »

D’accord, le pluriel était de trop ; mais le plaisir de l’enfant n’était clairement pas caché face à cette grande annonce. Il sauta du banc et atterrit sur ses petits pieds, fixant à nouveau sa désormais sœur droit dans les yeux.

« - Ça veut dire qu’on va se voir souvent ? Tu pourras me jouer d’autres génériques ? On jouera ensemble ? J’ai plein de costumes ! Et puis on ira cherche ton frère ! Je suis super bon pour les enquêtes ! »

Faux. Mais sur le moment, il l’était, du moins dans sa tête.

« - Ça veut dire qu’on va se voir souvent ? Tu pourras me jouer d’autres génériques ? On jouera ensemble ? J’ai plein de costumes ! Et puis on ira cherche ton frère ! Je suis super bon pour les enquêtes ! »

- Comme tu veux. Je l'ai pas retrouvé en plusieurs années. Il doit être bien caché. Faut chercher partout et ne laisser aucune cachette.

Mon regard se perd sur la foule avant de simplement balancer un numéro de téléphone. Connaissant la chance des Bruns dans la vie, je préfère offrir au gamin la capacité de me contacter. J'avoue, j'ai un peu la flippe qu'il lui arrive une merde. Mais c'est ma famille nan ?

"Je me vois mal parler a ta maman. Même si j'aimerai la connaitre. Au pire je te donne mon numéro pour qu'on se revoit. Que ce soit pour jouer des génériques ou t'aider en cas de gros problème. Ca me rassurerai de savoir que tu peux me parler"

Je lui tends un petit bout de papier avant de simplement relancer la conversation. Posée sur mon banc a renouer avec un membre de ma famille. Ca a quelque chose d'assez étrange mais étrangement apaisant. Je grille une clope imaginaire avant de faire semblant de tirer une bouffé et de caler ma cigarette comme un commissaires pose son cigare dans le coin de sa bouche

"Et du coup Inspecteur Brun, que proposez vous pour enquêter sur la recherche de Théodore Brun ? "

Attrapant le papier tendu par sa nouvelle sœur, Tommy l’inspecta quelques instants avant de le fourrer dans sa poche. Il y a un gros numéro dessus, bien trop compliqué pour qu’il arrive à le lire – mais sa maman saurait sûrement à quoi ça pouvait servir. Elle savait toujours quoi faire de toute façon.

« - Ouais ! Et je t’inviterai à la maison et tout, tu vas voir, j’ai une super grande télé pour regarder les Power Rangers ! »

Pas tant que ça à vrai dire. Mais quand l’on ne fait pas plus d’un mètre trente-cinq, tout paraît absolument démesuré.

« - Tu habites où ? Ça se trouve on est pas loin ! Moi je vis rue … Euuuh… Ma maman te dira mon adresse ! »

La mémoire n’était vraiment pas son fort, surtout quand un nom compliqué y était mêlé. Et puis, rien ne pressé, si ? Il lui restait encore du temps avant de rentrer… Ou pas. Il n’avait pas de montre en fait, et ne savait pas lire l’heure.

« - Hm… »

Posant ses doigts sur son menton, il se le caressa de longues secondes pour simuler une intense réflexion. Si l’on cherche quelqu’un de totalement disparu, par où commencer ? Comment un Ranger s’y prendrait ? Une idée lui vint soudain. Il leva un doigt, et avec toute l’énergie qui le caractérise, hurla sa réponse.

« - Je sais ! Il faut qu’on aille voir ton marchand de glaces, et qu’on lui demande s’il l’a vu ! Personne peut survivre sans glaces ! »

Raisonnement imparable j'imagine. Du moins, dans sa tête. Je sourie néanmoins. J'ai vraiment pas envie de croiser une belle mère ou de regarder les power rangers. Donc dans le doute, je me contenterai de suivre ce troisième choix. Même si c'est vraiment triste de le suivre en soit.

" T'as raison. ca te tente une glace ? Il fait vachement chaud. Et puis, on peut pas poser de question au glacier si on lui achète pas un truc !"

J'ai des restes d'argent a dépenser. En partie dû a ce type qui m'avait filé du fric lors d'une altercation random avec une gosse de richeto.
Donc techniquement, je peux bien lui offrir un peu plus que de simples paroles.

"Tu sais ou se trouve le meilleur vendeur de glace ? Comme ca, on est sûre qu'il sera venu le voir au moins une fois. Et en plus il sera bon... D'ailleurs, quel est ton parfum préféré tommy ?"

J'avais envie de renouer avec ce gosse. Comme si le voir me ramenait dans le passé. Me permettait de rattraper le temps perdu. Je sais pas, mais je me sens vraiment à l'aise avec le fait que ce Tommy prenne le poste vacant de petit frère meugnon.

C’était incontestablement une des meilleures journées que passait Tommy de sa vie. Déjà, une musicienne était d’accord pour jouer la plus épique des musiques pour qu’il finisse son jeu imaginaire ; puis il se trouvait une sœur et en plus, en plus d’en plus d’en plus, elle l’invitait à prendre une glace ! Dire qu’il trépignait sur place serait une litote bien trop forte pour que cette prose puisse la supporter, alors il serait plus juste de le comparer à un véritable séisme explosant l’échelle de Richter. N’en tenant plus, il déversa un flot de paroles en réponse à l’invitation de sa désormais méga-géniale-grande-sœur.

« - Ouais ouais ouais ! J’adore la fraise le chocolat la banane la framboise le cornet le … Ce que je préfère c’est framboise chocolat ! Comme ton frère ! »

C’était amusant que ces deux-là partagent les mêmes goûts. Probablement une simple coïncidence, rien de plus – ou un complot comme dirait d’autres. Enfin, toujours est-il que n’en tenant plus, il s’élança sans attendre Luna. Puis revint sur ses pas, prenant l’autre direction. Et rebelote. A vrai dire, il n’avait pas la moindre idée du chemin vers le glacier en question, mais ses pieds lui ordonnaient de se mettre en mouvement ; un moyen d’éviter l’implosion, peut-être.

« - C’est par où ? Et toi tu préfères quoi ? »

Insupportablement mignon, c’était une belle manière de qualifier cet énergumène jamais à court d’énergie. Et jouant de son rôle à fond, il agrippa la main de la jeune femme, bien décidé à ne plus la lâcher jusqu’à avoir obtenu sa glace. Ou qu’il oublie de la tenir, au choix.

« - C’est par où ? Et toi tu préfères quoi ? »

"Par là. Vers les collines. Et je préfere largement la mangue. Mais j'aime tout au fond. Même le citron"

Je prends la direction de la boutique du glacier.  Moi qui n'avait pas d'attente de la journée. je me laisse agréablement surprendre par quelques facettes que la vie réserve. Me découvrir un petit frère comme ca... C'est étrange mais agréable.


" J'ai tellement plein de question a te poser. Nan tu sais ? On devrait manger une glace ensemble toutes les semaines. Genre comme un petit rendez vous pour discuter..."

En marchant, les projets viennent s'esquisser dans ma tête. Ca me laisser rêveuse.

Mentalement, Tommy rangea sa désormais sœur dans une case un peu à part. Dans l’espèce d’emmental qui lui servait de boîte à pensées, il existait beaucoup de cases. Par exemple, celle réservée à ceux qui jouaient au jeu imaginaire, ceux qui aimaient les frites, ou encore – mal entretenue et dédicacée aux enfers -, celle dédiée aux rares monstres qui n’appréciaient pas les Power Rangers. Et là, Luna venait de s’offrir une place dans le tiroir des gens étranges qui mangeaient de la glace au citron.
Personne n’aime le citron. C’est une règle.

Enfin, ce n’était pas grave. Elle appartenait déjà à plein d’autres catégories bien plus reluisantes, et ce n’était pas un léger défaut qui allait obscurcir la vision qu’avait le petit garçon de la jeune femme.

Sans se faire prier, l’énergumène se lança à la poursuite de sa guide. Il n’y avait pas de temps à perdre quand l’on parlait de sorbets.

« - Ouais ! Si maman est d’accord ! »

Il avait huit ans après tout, il lui fallait encore l’accord maternel pour organiser de tels rendez-vous. Mais dans le fond, la forme, et l’envie, il était plus que partant.
Marchant tranquillement aux côtés de Luna, l’enfant prononça quelques mots, discrètement.

« - … Mais t’aimes vraiment la glace au citron ? »

Je sourie a la question du gamin. A miche chemin entre la tendresse et la moquerie. Faut dire, je suis presque attendrie par l’intérêt qu'il portait finalement à peu de chose. Une sœur sortie de nul part qui l'aide ? Nan elle aime le citron. Faut que je lui redemande pour être sur si elle l'aime vraiment. Auquel cas, je déciderai de la snober.

" Pas autant que le chocolat. Mais je le boude pas. Par contre, me parle pas de légume..."

Allez, la pointe d'autodérision qui sommeil dans le cœur d’artichaut de la végétarienne que je suis. Gosh, j'ai pas mémoire d'avoir fait une jeu d mot aussi pourris depuis... Depuis pas mal de temps.

" Fait comme tu veux. Si ta maman elle est pas fâche avec la famille de connard brun. elle acceptera"

J'aimerai la rencontrer. Mais pas dans la situation ou je suis. être presque SDF... Une honte nan ? Rah... Pourquoi ca me rend triste de dire une banale vérité... ?

Brutalement, la marche du gamin se mit à décrire des zigzags d’un rare aléatoire – tandis que sa caboche pas si pleine était secouée de spasmes peu ragoûtants. De toute ses forces, il luttait pour réprimer cette nausée qui l’assénait de part en part depuis quelques secondes.
Et tout ça à cause de Luna. La malheureuse avait eu l’imprudence de prononcer quelque chose d’horrible, d’infâme, une glace dont-on-ne-doit-pas-prononcer-la-saveur. Assez démoniaque pour faire frémir Chtulhu, n’importe quel enfant normal aurait déjà succombé à cette attaque bien des instants auparavant. Mais ne l’oublions pas, Tommy était spécial.

« - Beeeeuh ! T’as pas le droit de dire des trucs aussi moches ! De la glace aux lé… Légu… Beeeeuh ! C’est dégoûtant ! »

S’infligeant de longues respirations entre deux hoquets, l’allure du garnement reprit peu à un peu forme normale. Fini, voilà, tranquille, c’était oublié. Sa sœur n’avait jamais dit ça, ce n’était qu’un mauvais rêve ; ou quoi que ce soit, mais il se devait de l’oublier sur le champ. Enfin, ses maigres neurones renouèrent.

« - Bah maman elle l’aime pas je crois, mais je suis sûr qu’elle sera super contente de te voir ! Parfois je l’entends partir la nuit pour aller voir ses amis, alors je suis sûr que si tu venais ça lui permettrait de se reposer un peu, d’avoir des copines à la maison ! »

Et puis, elle était gentille sa maman. Quelqu’un pour s’occuper de son fils gratuitement, voilà une aubaine ; du moins, c’était là que s’arrêtait le raisonnement étriqué du bonhomme.

La proposition de petit était intéressante. Glauque parce qu'il avait une compréhension limitée de ce que c'était de "partir voir des amis" Mais y'avait un fond de pragmatisme en moi qui avait décidé que ca pouvait toujours être utile d'enregistrer ce genre de propos dans ma mémoire. Encore faut il que le gosse ait un quelconque poid dans la prise de ce genre de décision.
Nan, faut que j'oublie. J'ai pas envie de m'impliquer dans la vie de cette famille qui me parait a peu près équilibré. J'aurais trop peur d'y foutre un bordel monstre en me tapant l'incruste comme la pire moi que rien que je pourrais être.

Nous arrivons a la boutique de glace. Bon, je vais détourner l'attention, une stratégie sûre pour enterrer un sujet de conversation pas plaisant a avoir. Je m'execute. Tel une prestidigitatrice sociale, ou un parent irresponsable.

" On va bouffer une glace avant Tommy. Ca te va ?"

Ça y est, l’endroit tant convoité est enfin atteint. Le paradis des enfants, le Graal des marmots ; même le Desigual des profs d’espagnol – oui, à ce point. Désormais, la précédente discussion n’avait plus d’importance… Seule comptait la douce saveur de cette merveilleuse glace que s’apprêtait à dévorer goulument le gamin.

« - Oui oui oui ! Framboise chocolat s’il te plaît ! »

C’était clairement le genre de sujets dans lequel il ne se faisait pas prier. Pas un instant d’hésitation, il savait tout de suite quel parfum il voulait. Le seul, l’unique désirable – tous les autres étaient pures hérésies, surtout celui infâme qu’avait suggéré la musicienne quelques temps auparavant. Enfin, ce cauchemar était terminé maintenant, il était inutile de ressasser de tels démons.

Quoi qu’il en soit, après s’être repu de son délicieux met, le garnement senti son super sens s’exciter. C’était l’heure. Rapidement, il fit ses au revoir à sa désormais sœur, puis s’en alla chez lui fantasmer sur les nouvelles aventures de ses héros.