Mon dernier rendez-vous de la journée vient de partir. Il est 18h et pourtant, je sais parfaitement que je n'en ai pas fini pour aujourd'hui. D'ailleurs, le plus dur reste sans aucun doute à venir. J'ai réuni devant moi un classeur contenant le résultat d mes recherches mais aussi la lettre que j'avais reçu. Je n'aimais pas les conclusions auxquelles j'étais arrivée mais c'est aussi le problème dans mon métier, on découvre souvent des choses que l'on préférerait ignorer. Je soupire en me passant les mains sur le visage.

J'ai déposé une lettre chez Aleister il y a 2 jours de cela, lui donnant rendez-vous ici-même, chez moi, pour d'ici une demi-heure. Il faut que j'en ai le cœur net. Et puis, je ne rien de lus que mon travail, même si je ne peux nier que cela m'ennuie de devoir le rencontrer de la sorte. Enfin, la vie est ce qu'elle est. Je me prépare un thé bien chaud, venant m'allonger quelques instants dans le canapé avec Arsen sur ma poitrine, ronronnant doucement. Oui, tu le sens que je suis préoccupée.

Je me repasse en boucle mes derniers jours d'investigation, la collecte minutieuse d'indices et des preuves, de témoignages et de vidéos surveillances. Sans oublier le coup de fil de ce type, de nouveau hier pour savoir ou j'en étais de mon avancée. Oui, j'avais accepté son enquête mais maintenant, me voilà en partie prise au piège. Alors, si je voulais m'en sortir et éviter un maximum d'ennuis, il allait falloir la jouer serré. Très serré même.

La sonnerie du téléphone fixe me tira de mes réflexions. Mon cher ami à poil râla un peu alors que je le délogeais gentiment avant de décrocher le combiné. Melle Betsy m'annonçait à l'autre bout du fil l'arrivée d'un rendez-vous non marqué dans mon carnet et je la remerciais de son appel avant de lui demander de le laisser passer en lui indiquant l'escalier à prendre. Pas la peine d'aller le chercher, le chemin n'était pas compliqué. Une fois le coup de fil terminé. Je dépose mon compagnon félin au sol avant de venir ouvrir la porte et me tenir dans son entrebâillement, guettant l'arrivée de mon invité du moment. Ce dernier ne mit d'ailleurs guère de temps à me rejoindre.

"- Bonsoir Aleister. Merci d'être venu. Je t'en prie, entre."

Ton professionnel, attitude neutre. Ici, je suis dans mon univers, mon milieu. Et tant que je reste dans l'optique du travail, il est difficile de m'en faire décrocher. Je le laisse entrer et découvrir les lieux avant de refermer la porte derrière lui. On pourrait presque se croire dans une de ces agences issue d'un vieux film encore en noir et blanc. Pourtant, l'ambiance reste plutôt chaleureuse bien que très formelle. En même temps, ce n'est pas un parc d'attraction.

"- Installe-toi, fais comme chez toi. "

-"Bonsoir Naoto."

Je laisse à mon compagnon de faction le temps de s'installer avant d'aller pour ma part m'asseoir derrière mon bureau. Croisant les mains devant moi, je viens me faire déranger par Arsen qui vient réclamer des caresses. Tu sais que tu es en train de me faire perdre toute crédibilité, toi? Enfin, je cède à son chantage affectif avant de soupirer légèrement et de reprendre tranquillement la parole.

"- Bon, je ne vais pas te faire ton temps alors autant y aller carrément. Je voudrais que tu réponds à quelques petites questions. Et je préfère que cela se fasse ici, loin des oreilles indiscrètes."

Même si je reste d’apparence égale et un brin distante, en réalité, j'avoue que je n'apprécie pas du tout la tournure qu'ont pris les choses. Cependant, on ne choisit pas toujours et il faut avec ce que l'on a. Je délaisse le félin pour me retourner vers Aleister, avant de lui demander calmement et le plus naturellement du monde.

"- Ton arme, il s'agit bien d'un katana, n'est-ce pas? Puis-je savoir si tu l'as déjà utilisé contre autre chose que des Ombres? "

-"Tu ne poserais pas la question si tu ignorais la réponse, n'est-ce pas? Oui, j'ai déjà fait couler le sang."

En fait, je n'avais même pas eu besoin de ses mots pour savoir en effet ce qui allait me répondre. A mes yeux, Aleister était comme un livre ouvert trop facilement déchiffrable. Sa sincérité était flagrante touchante mais malheureusement, elle ne changerait rien, c'était un fait avéré. Je n'ai pas bougé de mon côté pourtant mon cerveau tourne plus vite qu'un super ordinateur. Le scénario que j'espérais pouvoir éviter venait de se produire et maintenant, j'étais au moins autant impliqué que lui dans cette affaire même si pas pour les mêmes raisons.

"- Alors, dans ton malheur, on va dire que malgré tout, tu as eu de la chance."

Je lui tend un paquet de mouchoir. Je n'aime pas les larmes, je sais trop ce qu'elles représentent pour en voir couler trop souvent. je soupire un peu de nouveau avant de me lever de mon siège pour me mettre à marcher dans la pièce. Cela m'aide à me détendre même si il semblerait qu'en général, cela stresse plus qu'autre chose mes clients. Mais là, les choses sont un peu différentes.

"- C'est moi qui suis en charge de cette affaire. La police n'est pas au courant, elle m'est arrivée par courrier personnel. Et tant que je n'aurais pas livré mes conclusions au commanditaire, tu n'auras rien à craindre. "

Je ne dois pas être spécialement rassurante mais en même temps, je ne peux pas promettre la lune. Ce foutu Mr Delthyn à le bras bien assez long pour créer des problèmes à n'importe qui, y compris ma famille qui pourtant est plutôt bien à l'abri. Alors, je me dois de marcher sur des œufs. Avant tout, je voudrais encore apprendre deux trois petites choses. Car j'ai besoin d'un maximum d'éléments pour pouvoir gérer au mieux toute cette histoire.

"- Est-ce que tu sais qui est mort ce soir-là? Et accepterais-tu de me raconter ce qu'il s'est réellement passé?"

-"Je ne m’y connais pas des masses en juridique, mais couvrir un meurtrier, et garder pour soi des preuves de sa culpabilité, il me semble que ça peu te valoir de sacrés ennuis. Alors pourquoi tu ferais ça pour moi ? Et pourquoi je devrais te laisser le faire ?"

"- Parce que pour le moment, tu n'as pas d'autre choix. Et jusqu'à ce que preuve soit faite devant la loi, tu es innocent."

A présent, j'écoute sa version, continuant à arpenter mon bureau, laissant mes doigts traîner sur la bibliothèque ou le canapé avant d'aller m'appuyer au montant de la fenêtre. Dehors, tout est calme. Ainsi donc, tout n'était qu'une question de hasard au départ. Une simple balade, une rencontre avec la fille Werner et puis deux hommes qui s'amènent, commencent à devenir envahissants avant que tout cela ne dégénère et ne se termine par un bain de sang. Triste histoire et pourtant, cela correspond parfaitement au scénario que j'ai pu déjà mettre en place.

-" Ensuite, le deuxième a commencé à me frapper, et à voulu me tuer. Je l’ai frappé par réflexe avec mon sabre. "

"- Ne te fatigue pas à me raconter des histoires. La fille Werner ne craint rien vu qu'elle n'existe plus aux yeux du monde humain donc laisse-la porter sa part de responsabilités. Tu en as déjà bien assez comme ça."

Je reviens à mon bureau avant de glisser un porte document devant Aleister. Sur ce dernier, il est le nom du Dossier. Delthyn. Et à l'intérieur, se trouve le résultat de mes recherches. Soit peu de choses au final mais aussi trop en un certain sens. Je me contente de tendre sortir le rapport du légiste avec les blessures expertisées.

"- Ton esprit chevaleresque ne servira à rien ici. Alors, pour le moment, c'est de toi qu'il va falloir que tu te soucie. Je suppose que tu connais ce nom toi aussi, donc tu sais ce qu'il représente. "

Des ennuis, à coups sûr. La plus grande firme bancaire de toute la région avec une très grosse influence dans la ville. Un détail qu'il ne devait pas connaître à l'heure des faits, l'identité de sa victime, devrait l'éclairer aussi sur la raison de ma retenue. Je ne tiens pas à ce qu'un scandale éclate. Car les gens trop connus font toujours coulés beaucoup d'encre et cela serait mal venu pour les Seraph que l'un des nôtres soit mêlé à ce genre d'histoire.

-"Tu veux que je te dise quoi ? Qu’elle a tué, pour me défendre, un des types qui semblait prêt à lui faire je ne sais quelle horreur ? Oui, c’est le cas, mais… ça me dépasse qu’on puisse la considérer comme une meurtrière à cause de ça."

"- Ce dont j'ai besoin actuellement, c’est de la stricte vérité. Aussi dure soit-elle. C'est tout."

Oui, c'était douloureux. Compliqué, difficile et tout ce qu'il voudrait. Mais ce n'était pas en me dissimulant des informations qu'il pourrait m'aider et donc, par la même occasion, parvenir à limiter les dégâts de son geste. Alors oui, je le bousculait un peu dans sa petit vie d'étudiant bien sous tous rapports mais je n'avais pas vraiment le choix non plus. Il fallait qu'il se montre compréhensif et qu'il coopère un maximum avec moi.

"- Je suppose qu’on se fiche de savoir ce que faisait un membre de cette famille dans ce quartier. Et oui, je connais l’influence de cette famille. "

Bien, au moins je n'aurais pas besoin de lui faire un topo à ce sujet. Je m'approche de la desserte et commence à y fouiller un peu avant d'en sortir deux verres que je dépose sur un plateau. La soirée va être longue alors autant que l'on s'installe. Et lui risque d'être sacrément éprouvé, surtout que vu la portée des événements, je ne pourrais pas le ménager.

-" Du coup on fait quoi ? Tu me dépose au poste de police le plus proche avec tout ton dossier, tu laisses tes clients se venger à leur manière sur moi, ou tu as une autre idée ? "

"- Commence par me dire ce que tu veux boire. Et pour le moment il n'est pas question que je te livre à qui que ce soit. Alors, tu te calmes et tu m'écoutes."

Je me rapproche de lui, calmement mais surement. Puis arrivée devant lui, je prends mon souffle avant de lui expliquer la réelle raison de sa présence ici.

"- La police a classé l'enquête. C'est le père de ce jeune homme qui m'a engagé. A l'époque, j'ai réservé ma réponse et je ne lui dois donc rien. Et même si il n'y a que de très faibles chances qu'il puisse remonter jusqu'à toi, le risque zéro n'existe pas. Alors, Nous avons deux solutions. Tu te rends et tu sais pertinemment ce qui t'arriverais. Ou tu me files un coup de main et avec un peu de chance, je pourrais arranger tout ça grâce au peu de preuves existantes."

Evidemment, je n'ai pas précisé que je ne lui laisserais pas choisir la première option. Après tout, il ne s'en souviens peut-être plus mais moi, je ne l'ai pas oublié. J'ai une dette envers lui et je compte bien la payer. S'il faut que ce soit ce soir, eh bien parfait. En attendant, Arsen revient se frotter contre mes jambes en miaulant. Oui, toi aussi tu as soif. Ne t'en fais pas, je vais m'occuper de ton cas également.

-"Désolé, tu as raison, j’ai été idiot. C’est bien Shane qui as tué le deuxième, avec son arme de nephil je pense, alors que j’étais bloqué sous le cadavre de ma victime. Pour tout le reste tout est vrai, et je ne pense pas que j’aurais pu oublier un détail.
Heu… juste un verre d’eau, merci."

Bien, au moins il a réussi à retrouver un semblant de calme, ce sera toujours ça de gagné. Maintenant, il va falloir être rigoureux. Je retourne à la desserte et lui sert un verre d'eau avant de remplir le mien de jus de pomme. Eh oui, ça fait pas forcément classe pour un détective mais ça laisse les idées bien plus claires que de l'alcool. Une les verres prêt, je reviens donner le sien à Aleister avant de ramener mon fauteuil du même côté que lui et de m'installer tout près. Je reprends le dossier en main. même pas besoin de le feuilleter, je sais parfaitement tout ce qu'il continent.

-"Pourquoi tu ferais ça ? Tu sais mieux que moi les risques que tu prends en mentant à un Delthyn, alors pourquoi t’exposer ainsi pour moi ? Et surtout, faire quoi avec les preuves ? "

"- Je ne m'expose nullement. Il sait que je ne peux rien garantir, je l'ai prévenu. Et aussi long que soit son bras, je ne suis pas dépourvue de protections non plus. Et techniquement, je ne mentirais pas donc je ne cours pas le moindre risque."

Essayer de le calmer pour de bon risquait de se révéler purement et simplement impossible mais si au moins il arrivait à relativiser un peu, cela pourrait lui faire du bien. Visiblement, il n'avait clairement pas digérer cet épisode, sans doute personne n'en savais rien à part moi alors, je ne pouvais pas non plus lui rentrer dans le lard comme je me permettais de le faire avec certains clients.

"- Les seules preuves réelles et tangibles qui ont pu être trouvées sont les analyses et des coups. Donc, les armes du meurtre. Etant des armes magiques, elles n’apparaissent dans aucun fichiers donc personne ne peut remonter jusqu'à vous.
Et la seule chose qui m'a permise d'avoir un doute et qui m'a mené à toi, c’est le témoignage d'un alcoolique notoire qui avait au moins 3 grammes dans le sang au moment des faits. Autant te dire que même un Delthyn ne peut se fier à ça."

Je prends une gorgée de mon verre tandis qu'Arsen grimpe sur mes genoux avant de fixer Aleister avec un regard curieux. Oui, en général, je reste de mon côté du bureau, je ne me mélange pas avec les gens que je reçois alors forcément, cela l'intrigue. Sage et posé, le félin ronronne doucement tandis que mes doigts glisse à travers son pelage. Ce que je peux aimer ce son et cette sensation.

"- Selon lui, il affirme qu'il n'y avait qu'une fille aux longs cheveux foncés qui est sortie de la Place Jerdine, où les corps ont été retrouvés. Hors il se trouve qu'une jeune fille, correspondant très bien à ses critères, vient de finir à la morgue, il y a 2 jours. Je compte bien la montrer au témoin mais je pense déjà connaitre sa réaction. Ce qui arrangerait tes affaires, les miennes, et clôturerait cette histoire définitivement. "

-"Soit au moins prudente, j’ai horreur de voir les gens prendre des risques à cause de moi.
Sauvé par l’alcoolisme d’un témoin, j’ai envie d’en rire et d’en pleurer en même temps.."

"- Mes risques sont déjà plus que calculés. Et je te rappelle que niveau persuasion, je suis plutôt bien lotie."

Rajoutant à cela ce nom que je traîne ainsi que ma réputation grandissante, voilà qui devrait me permettre d'éviter le plus gros des soucis. Evidemment, je n'avais aucune certitude que Mr Delthyn se satisfasse de la réponse que je comptais lui servir mais je pourrais toujours le laisser consulter le dossier  pour qu'il réalise par lui-même que toutes les pistes menaient bien à cette seule conclusion.Après, ce serait aussi à moi de lui présenter les choses de façon à ce qu'il les accepte au mieux.

-"Comment ton témoin a pu me rater ? J’étais tout le temps à moins de 3 mètres de Shane, et tout de suite après le carnage nous sommes montés dans ma voiture, je m’étais arrêté juste à côté au moment où j’avais reconnu Shane. Tu es sur qu’il n’a pas confondu deux scènes bien distinctes ? "

"- La fille Werner était encore vêtue de noir, je suppose. Et il a remarqué ta chevelure. Mais au moment d'entrer dans ta voiture, il a du superposé les deux images suite au trop plein d'alcool. L'impression rétinienne dure quelques instants et est prolongée en cas d'excès d'alcool.
Et je t'avoue ne pas être tentée de chercher réellement la petite là ou elle chose pourrait du coup t'éviter le pire"

-" Et coller deux meurtres sur la mémoire d’une morte… je sais que c’est pour sauver ma peau à moi mais… je lui souhaiterais presque de ne pas avoir eu de famille qui pourrait entendre ça… "

"- Sa mort est encore non élucidée et vu les circonstances qui l'entourent, elle ne devait pas être si clean que cela. Quant à la famille, actuellement, nous n'en avons pas de nouvelles."

Je termine mon verre avant de laisser Arsen sauter au sol le temps que je me redresse et retourne à la fenêtre. Comme tous les jours à cette heure précise, Melle Betsy quitte le cabinet, fermant soigneusement derrière elle. Je l'observe traverser et disparaître avant de revenir à Aleister. Mon ton est désolé mais je l'espère aussi rassurant que possible.Ma main vient se poser sur son épaule, espérant lui apporter un minimum de soutien. A ce jeu-là, je ne suis vraiment pas bonne.

"- Ecoute, je me rends bien compte que cette situation a aussi des inconvénients et ne te conviens pas autant que tu le voudrais. Cependant, malgré toute ma bonne volonté et toutes les prières que tu pourras faire, nous n'avons pas 50 solutions malheureusement. Cette configuration... C'est le mieux que je puisse faire pour tout le monde."

Car je pourrais tout aussi bien tout remettre sur le dos de la fille Werner. Faire passer un autre voyou pour Aleister, utiliser mes relations pour essayer de monter une histoire différente mais les risques seraient tellement plus énorme et le résultat absolument pas garanti. Là, je minimisais tous les dangers en sauvant deux personnes bien que salissant la mémoire de la jeune Elena. Je relâche son épaule avant d'aller me poster devant un panneau en liège sur lequel est punaisé en vrac des photos, des articles, des documents divers et même des post-it.

"- Quand à la mémoire de cette fille, laisse ma conscience s'arranger avec cela. Chacun à sa croix à porter et la tienne est déjà assez lourde comme ça. "

-"Encore une victime sans proche, à la mort étrange… Les simples humains ne meurent pas différemment des nephils et des seraphs au final, une nuit obscure ou un petit parc ne valent pas mieux qu’un kekkai comme lieu pour mourir. "

"- Il n'y a rien de beau dans la mort. Qu'importe le lieu ou les circonstances, de toute façon, la douleur ne sera jamais que pour ceux qui restent."

Pas besoin d'en dire plus. Il est plus qu'évident que je ne sors pas ses paroles par hasard pourtant, elles ne sont pas de moi. Les souvenirs reviennent un instant mais déjà je les chasse. Je n'ai pas le temps de m'appesantir sur le passé. Le présent et l'avenir ont encore à être façonnés et j'ai la possibilité d'agir dessus alors je ne passerais pas mon tour.

-" Tu en fais déjà bien trop pour moi, et je sais que tu as fait tout ce que tu as pu, et bien plus sans doute. Merci… merci pour tout ça."

"- Tout le monde à le droit à l'erreur. Peu importe ce que nous sommes devenus, nous restons humains et donc, par définition, faillible. Tu n'as pas à me remercier pour cela."

-"C’est… je n’oublierai pas ce que tu as fait pour moi… encore une fois… merci, et désolé. Encore une fois je n’ai pas été capable d’assumer, et à cause de ça tu vas devoir payer le prix de mes erreurs… je ne sais pas comment je pourrais arriver à te rembourser ça un jour. "

Une seconde, j'hésite à esquisser un sourire qui finalement ne vient pas. Et le revoilà qui se mets à jouer les grands chevaliers des temps jadis, le justicier qui se considère comme seul responsable de tout ce qui arrive, surtout quand les choses tournent mal. Mais la vie n'est pas ce que l'on nous montre dans les films. Après le clap d fin, les morts ne se relèvent pas, les blessés ne sont pas guéris et le monde ne reprend pas son cours là où il s'était arrêté. C'est la dure loi de la vie humaine.

"- Tu as déjà oublié? C'est moi qui avais une dette à ton égard. Alors si cela peux t'aider à mieux accepter les choses, dis-toi qu'ainsi, nous sommes quitte. Tu ne me dois donc rien."

-" Tu pourras me dire où est enterré cette fille ? Je crois que je devrais au moins aller m’excuser auprès d’elle, même si elle ne risque pas de m’entendre. "

"- En raison de l'enquête, elle est encore à la morgue en ce moment. Mais dès qu'elle sera mise en terre, je te le dirais, fais-moi confiance."

Je me détache du panneau avant de retourner vers mon bureau. Oui, j'ai du mal à ne rien faire dans ce genre de situation. Enfin, finalement, les choses se sont bien passées. Car oui, je m'étais préparée à toutes sortes de scénarios possibles. Et la plupart se passaient bien moins agréablement que celui-là. Du coup, je ne vais pas m'en plaindre. Je récupère le dossier que je range dans le tiroir du bureau avant de m'y accouder.

"- De ton côté, est-ce que tu as besoin de quelque chose? Tant que tu es là, si tu as souci, autant en profiter. Ou même simplement si tu veux discuter un peu. Je sais que ce n'est pas forcément très convivial comme lieu mais tu peux être certain d'une chose: rien de ce qui seras dis ici n'en sortira. "

-"En partant de cette vérité, qu’est-ce que le courage : mourir pour les autres en sachant qu’ils vous regretterons, ou vivre pour eux envers et contre tout, quitte à ce qu’ils finissent par vous détester ? Désolé, je pose des questions étranges."

"- Après les Ombres, Kyu/Bey et tout le reste, plus rien ne me parait étrange à présent..."

Il fallait bien admettre qu'une fois passé de l'autre côté du décor, on ne pouvait plus se permettre de regarder les événements et la vie de la même façon qu'auparavant. J'avais ouvert les yeux sur des vérités qui m'étaient inaccessibles avant mais j'en payais le prix fort. J'avais quand même déjà failli y rester car sans son intervention en ce fameux jour, je n'aurais jamais pu m'en sortir vivante.

-" Un hasard chanceux pour toi, et une ombre que je devais de toute façon éliminer. Pas de quoi en faire un dette, mais enfin si tu insistes. "

Oui, j'insiste. Je ne sais que trop bien ce que représente le prix d'une vie et la mienne m'est précieuse. Je n'en ai qu'une et j'ai encore tant de choses à faire. Même la simple petite ville de Palema regorge encore de secrets liés à ces Ombres et à ces deux étranges bestioles alors, tant que je ne saurais pas tout, je ne m'accorderais aucun répit.

-"Pour les ennuis non ça va, rien d’autres, je te rassure. En général j’essaye même de les éviter.
Je te raconterais bien mon étrange rencontre avec Bey, après tout c’est lié à cette histoire, mais d’abord… Tu m’autoriserais à te poser une question un peu plus personnelle ?"

"- Là, j'avoue que tu piques ma curiosité. Alors comme ça, tu as rencontré l'autre félin?
Et vas-y, pose ta question, je t'en prie."

-"En fait, je me demande… comment tu en es venue à devenir detective privée ? Je veux dire, il ne me semble pas que c’est l’appât du gain qui te branche tant que ça, et la police est peut-être mieux pour une personne qui veut protéger les gens non ? Ou alors c’est moi qui me fais des idées ? J’avoue que je suis curieux de savoir de quelle façon la réalité diffère des fictions, dans un boulot comme le tiens"

Sur le coup, je garde un instant le silence. J'avoue que je ne m'attendais pas cette question. Ou disons plutôt que je ne pensais pas que ce serait Aleister le premier à en venir à me la poser. Enfin, finalement, ce n'est pas comme si j'avais quelque chose à cacher. Et puis, qui sait. peut-être que cela me fera du bien à moi aussi, de me rappeler des véritables raisons pour lesquelles j'ai opté cette voix et pas la facilité offerte par ce nom que je porte sans l'avoir choisi. Je me laisse glisser doucement sur mon fauteuil revenu à sa place initiale avant de jouer du bout des doigts sur le bois verni devant moi.

"- Depuis que je suis née, j'ai toujours du faire face au monde seule. Certes, mon jumeau était toujours présent, ma famille à mes côtés également mais on ne pouvait pas vraiment parler d'unité. Il y avait eux plus moi. Alors, dès que j'ai compris que je ne pourrais pas changer ma condition, j'ai commencé à me battre. Pour être au moins une fois dans ma vie simplement ... existante à leurs yeux. "

Je revois défiler mon enfance, toutes ces peines et ces frustrations que j'accumulais sans cesse, que je défoulais sur des mannequins de bois ou dans des séances de tir. Si je suis devenue si froide et si dure, si j'ai tant singé les Hommes, ce n'était pas tant par volonté de les imiter. Mais purement et simplement dans l'espoir d'être un jour acceptée. Cependant, je me suis tellement prise au jeu que d'une certaine façon, je m'y suis moi-même perdue.

"- Très tôt, Père nous a fait participer à ses enquêtes, sans que nous le sachions. une énigme par-ci, quelques éléments par-là et nous voilà qui finissions par trouver une solution, soulever un élément que même lui avait oublié. Et à ce jeu, j'ai aussitôt excellé. pourtant, cela ne suffisait pas. Alors, j'ai continué. Major de promo, 2 années d'avance dans mes études, des rapports exemplaires à mon égard lors de mes stages dans la police. Mais au résultat, rien ne changeait pour autant."

Déception. Le voile de la mélancolie passe devant mon regard tandis qu'Arsen et venu de lui-même se glisser jusqu'à mon visage. Oui, je sais. Ça ne sert à rien de ressasser le passé. Je dois avancer et c'est bien ce que compte faire à présent, qu'importe ce qu'ils en penseront de leur côté.

"- Alors, j'en ai eu assez. J'ai choisi de voler de mes propres ailes. J'ai quitté mon poste d'inspectrice pour créer mon agence de Détective Privé. Car malgré tout, j'aimais toujours autant les énigmes, les cas impossibles et surtout la recherche de la vérité. Et si la police est parfois limitée par ses procédures, j'ai ainsi un champs d'action plus vaste. Plus libre de mes mouvements, des comptes à rendre à personne sauf à moi-même. "

Une évidence pour moi mais qui a aussi ses contraintes. Travailler en free-lance comme je le fais veux aussi dire se débrouiller par soi-même. Complètement. Et parfois, certaines affaires peuvent très mal tourner. J'ai la chance d'avoir créer par moi-même des appuis plutôt bien placés mais je sais que je ne peux pas tout me permettre pour autant.

"- Au final, j'ai conservé cette solitude qui a toujours été ma compagne en gagnant une liberté à laquelle j'ai toujours aspiré. L'argent ne me motive nullement, seule la vérité m'importe. Et si en plus, je peux en profiter pour faire la nique à ma Famille, j'avoue que cela sera la cerise sur le gâteau."

Je lâche ma dernière phrase sur le ton de la rigolade mais en réalité, je suis un peu triste. Car sans ce vœu, sans toute cette histoire, auraient-ils seulement fini un jour par se rappeler de mon existence? Par se souvenir de moi? Par m'accepter et me reconnaître tout simplement comme leur fille et non pas comme un doublon non désiré de Minato? Cela, je ne le saurais jamais.

Le silence était tombé tandis qu'Arsen continuait à se promener autour du bras qui soutenait négligemment ma tête. oui, j'ai raconté cela comme si ce n'était rien. pourtant, il serait faux de dire que rien dans cette histoire ne me touche. je l'ai accepté mais rien de plus. Cela n'enlève rien à la douleur du passé.

-"Je crois que c’est à ce moment-là de l’histoire que ma mère aurait commencé à pleurer. "

"- Alors ne lui raconte jamais ça. Je ne souhaite pas provoquer ses larmes et je ne les mériterais pas de toute manière. "

Cette femme devait m'avoir oublié de toute façon depuis le temps. Mais les souvenirs que j'avais d'elle étaient un peu ce que j'aurais toujours rêvé vivre avec les miens. Je crois qu'une seconde, je l'ai envié. Même peut-être jalousé pour cela. Mais la vie est ainsi faite et sans mon passé, je ne serais jamais devenue ce que je suis aujourd'hui. Alors je ne compte pas m'apitoyer sur mon sort.

-"La solitude est peut-être ta compagne, mais même si personne ne pourra jamais réparer ce qui a été fait, n’oublie pas qu’il y a des gens qui tiennent à toi maintenant."

Pour le coup, je crois que ce qui m'a le plus surpris fut sa main venue se poser sur la mienne. Eh, c'est bon, je ne viens pas non plus de lui annoncer que j'étais condamnée à mourir dans les 3 prochaines semaines. Quoi que, avec toutes les Ombres qui rodaient dans les alentours, qui sait. Ma fin pourrait venir encore plus vite que cela. A moins que ce ne soit un des multiples mafieux que je me suis mise à dos qui finisse par avoir ma peau.

Mais ce fut de le voir reculer soudainement et détourner le regard qui fut l'élément déclencheur. Je le savais timide, ce n'était pas nouveau mais là, j'avoue que sa réaction était un peu démesurée. Du coup, je n'ai rien trouvé de mieux à faire que de rire. Doucement avant que cela ne soit un peu plus marqué. un vrai rire, franc et libérateur. Comme je n'en avais pas connu depuis des années.

"- Désolée... C'est déplacé comme réaction, je sais, mais... Tu étais si sérieux et d'un coup... Complètement gêné... C'est juste... Je ne me moque pas, promis... "

Quelques instants pour reprendre mon souffle tandis que mon rire se calme lentement. Ouh, ça fait du bien mais en même temps, ça ne doit pas aider Aleister. Le pauvre, il tente de me rassurer et moi, je lui ris au nez. C'est indigne de ma condition et pourtant, je ne regrette pas ma réaction. Il est si rare que je puise me montrer spontanée sans courir le moindre risque en retour.

"- Je te pris de m'excuser. Mais je n'ai affaire qu'à des gens toujours si surs d'eux, trop pleins d'assurances et débordants d'égocentrisme que pour le coup, ta réaction m'a complètement prise au dépourvu. Ne le prend pas mal surtout. "

Oui, je m'en voudrais un peu de l'avoir blessé. En même temps, c'est aussi ça la vie. Redevenu calme, j'observe Arsen qui semble clairement dubitatif, nous inspectant de son regard ambré à tour de rôle. je viens passer une main sur son dos avant de lâcher doucement, le regard perdu dans la contemplation du félin et une esquisse de sourire aux lèvres.

"- Je ne me souviens même pas de la dernière fois que j'ai ris d'aussi bon coeur...."

-" Non, ne t’en fait pas, c’est moi qui peut-être idiot parfois, et… content d’avoir pu te faire rire et sourire. "

Bon, il était évident qu'il ne l'avait pas très bien digéré et même si je me sentais un peu responsable de ce fait, car après tout, j'ai vraiment rigolé sincèrement, j'assumerais mon erreur. Tant pis pour les conséquences, je ferais avec. En tout cas, je me sentais vraiment plus légère d'un coup. j'avais réellement oublié ce que cela pouvait faire comme bien de simplement se laisser aller. D'être soi-même, l'espace de quelques instants. Il faudrait que je retente l'expérience, de temps à temps. En évitant si possible de trop blesser les gens en face de moi à ce moment-là.

-"Et encore une fois… content que ça t’ai plus. Mais si tu revois ma mère un jour, évite de lui parler de ce passage, j’aurais déjà peur de ce qu’elle voudrait m’apprendre."

"- Pour elle, je ne suis et ne resterais qu'une vague connaissance croisé un jour et rien de plus. je n'ai aucune raison de revenir vous déranger."

Et encore moins de venir à parler de cela. Enfin, de toute façon, je suis Détective, pas une balance. Et si je devais parler de sa réaction, je devrais également raconter le reste et ça, ce n'était souhaitable pour personne donc autant dire que le risque se trouvait proche du zéro absolu à ce propos. Reprenant un semblant de sérieux malgré un léger sourire qui restait ancré au coin de mes lèvres, je caresse une nouvelle fois Arsen qui miaule doucement.

"- Eh bien, si on m'avait prédit que la soirée se finirait si joyeusement, je n'y aurais pas cru. Comme quoi, tout peut arriver dans la vie."

Il était vrai que si j'avais convoqué Aleister à la base, ce n'était vraiment pas pour me payer une bonne tranche de rigolade. Au fond, je venais peut-être de lui sauver la mise mais de son côté, lui m'aidait également un peu, à sa manière. Même si j'étais persuadée qu'il ne s'en rendrait pas vraiment compte.

"- Alors, tu m'en dis un peu plus maintenant? Sur cette rencontre avec l'autre bestiole? On peut dire que tu es gâté, tout le monde ne peut pas se vanter d'avoir déjà côtoyé les deux félins."

-"Vrai qu’entre lui et Manori… il ne reste plus qu’à tomber sur le bras droit nephil et un commandant et j’aurai fait le tour. Enfin je dis ça mais je suis pas pressé d’y être, surtout si les autres officiers sont à l’image de Manori, voire pire. "

Il était vrai que lui aussi avait rencontré l'Elue des Nephils. Et avant moi. Par contre, moi je connaissais à présent plutôt bien un des Commandants de la faction ennemie. Et il était vrai que l'on pouvait sans mal dire qu'il était à l'image d sa supérieure. Distant, méfiant et quelque part manquant d'humanité. Mais avec le combat que nous menions, était-ce vraiment un mal en soi? Je n'en étais pas certaine. Je me contentais de rester silencieuse le temps qu'Aleister me raconte donc cette rencontre.

-"Après avoir quitté les lieux du… carnage… enfin je te passe les détails, mais Shane a fini par me guider en dehors de la ville, au niveau des falaises. Un endroit tranquille, un lieu pour tout évacuer, craquer en paix, ou simplement se calmer ? je ne sais pas trop, mais on y est resté quelques… instants, minutes, tout seul.
Puis d’un coup, le vent s’est levé, fort, avant… qu’un homme en sorte. Oui je ne sais pas trop comment le dire, un instant il y avait le vent, et l’instant d’après ce type était là. Et à coté, une bestiole noire. Un vrai Kyu en noir, on ne peut pas se tromper, ils ont la même forme de chat alien. Enfin ses yeux rouges, d’une forme bizarre, et son sourire, ils sont encore plus flippants que ceux de Kyu d’une certaine manière. Comme si ils étaient porteurs d’une menace plus directe…"

Le vent. Oui, ça aussi, je l'avais vu. Cet homme était donc en quelque sorte le téléporteur de leur faction, voilà un point intéressant à noter. Il est toujours bon de connaitre son ennemi et lui pourrait rapidement se montrer compliqué à appréhender s'il avait le pouvoir de dématérialiser de la sorte. Mais je revins à ce qui m'interpellais le plus. Bey était donc une sorte de Kyu en noir et rouge pour faire simple. En presque plus menaçant. Ça, je demande à voir car le sourire suave est plus trompeur qu'un réel sourire inquiétant.

-« Bizarrement, ni lui ni le nephil n’ont rien fait pour s’en prendre à moi. J’étais complètement à leur merci, et pourtant quand j’ai salué Bey, il s’est contenté de se montrer poli, on a même pu échanger quelques mots. En fait, il s’est même montré plus causant que le nephil qui était avec.
Je ne sais pas ce que je leur inspire aux nephils, mais de toute évidence ils n’ont pas l’air de me voir comme une menace. Enfin ce n’est pas comme si c’était faux, et ça m’arrange au final. »

"- De ce que j'ai pu voir par moi-même, aucun Nephil n'est de nature très causante. A croire que cela fait partie des caractéristiques de leur recrutement."

Même si je sors cela sur le ton de la blague, il est évident que je ne le prends pas comme tel. Mais se baser sur cette simple généralité ne donnerait rien, pas sur un échantillon de 3 personnes, cela n'est pas représentatif. Qui sait combien de Nephils se cachent déjà à Palema et ailleurs.

"- Si ils savent qui tu es et qu'ils te laissent en paix, autant en profiter au maximum. Tu as déjà bien assez à te soucier comme ça. Et puis, cela te simplifiera la vie qu'ils te classent comme un élément potentiellement neutre. "

Il avait encore tant de choses à mener de son côté. Ses études à terminer, sa famille à protéger de son secret, sa propre vie à mettre en sécurité mais aussi sa faction à aider. Oui, la vie était loin d'être facile et on ne pouvait pas dire qu'en plus, il se simplifiait la tâche en cumulant. Vouloir bien faire est une chose, vouloir trop en faire conduit souvent à une fin non souhaitée.

"- Tu y as réfléchi depuis la dernière fois? A cette discussion que tu avais eu avec Manori? A propos de ta place au sein des Seraphs?"

-« A ta réplique, je devine que tu en as rencontré aussi des nephils. Tu me raconte comment tu as fait ton coup ? »

"-La première fois, ce fut aux environs d'une scène de crime. J'ai croisé une jeune fille avant qu'une Ombre colossale ne nous attaque. Il n'y a vraiment que parce que nous étions deux que nous avons pu nous en sortir vivantes. Et à la fin, le type au vent est venu la chercher.
Plus récemment, ce fut dans un étrange Kekkaï. Avec un de leur commandant. Nous avons discuté un moment avant de reprendre chacun notre route. Il n'y a rien de plus à raconter."

Pour le coup de la morgue, il n'avait pas besoin de savoir que la jeune fille morte était une Nephil, reconnue officiellement par Manori elle-même. Ce genre de détail, je les garderais pour moi. Après tout, tout ce qu'il ignore ne pourra pas l'atteindre ni le blessé et il a déjà bien assez à faire comme cela.

-« Je crois qu’ils doivent surtout me prendre pour un idiot. Mais bon je ne vais pas m’en plaindre, tant qu’ils en restent là on pourra toujours collaborer je pense. Enfin au moins avec ceux qui sont raisonnables. »

"- Il semble qu'il y en es certains qu'ils le soient, raisonnables. Peut-être un terrain d'entente, ou au moins une zone neutre, pourra être établie. Mais rien n'est moins sur et même si cela se faisait, il faudrait du temps. Beaucoup de temps...."

-« Franchement… je n’ai pas la moindre idée du choix à faire. Je crois que j’ai peur des conséquences, et trop l’habitude de me laisser guider au fil des événements. Je veille à aller le moins possible au QG, je prends l’habitude de chasser les ombres de mon côté, sans attendre qu’on me dise où aller, et je crois que tu es la seraph à qui je parle le plus régulièrement ces temps-ci. Mais non, je crois que j’ai encore du mal à oser prendre tant de risques pour mes proches, même si j’ai peur de ce qui arrivera un jour ou l’autre si je ne me décide pas à faire ce choix. »

"- Rien ne te presse non plus. Et ce genre de décision ne se prend pas à la légère alors... Réfléchis-y bien. Et si jamais tu as besoin de conseil ou simplement d'un asile, tu sais ou me trouver."

Solitaire, seraph ou même simple humain, je ne laisse jamais personne derrière moi. C'est sans doute ce qui me perdra un jour ou l'autre et j'en suis bien consciente. Cependant, je suis ainsi et rien ne pourra changer cette réalité. Arsen se contente d'apprécier mes caresses, ronronnant doucement alors que la nuit tombe lentement dehors. Calme et tranquille. Mais pour combien de temps encore, voilà une question à laquelle je ne suis pas certaine de vouloir la réponse.

-« Un commandant ? Toi aussi tu vise le haut du panier au niveau des nephil. Il ressemblait à quoi ce commandant ? Il était dans le même genre que Manori, ou différent ? Enfin si tu as tapé la causette avec lui c’est qu’il devait être plus causant que l’autre coup de vent. »

"- Oui, on peut dire qu'ils étaient assez semblables. Visages fermés, visiblement blessés par le passé, réfléchis, distants mais encore capable de différencier un réel ennemi d'une potentielle rencontre neutre. Et nous n'avons pas vraiment discuté en tant que tel..."

-« Etrange kekkai… quartier nord, volume énorme, ce n’est pas une hallucination de ma part ce truc ? Tu l’as visité ? Et y a quoi à l’intérieur ? Enfin quoi et qui surtout ? »

"- Alors tu peux le voir aussi? En fait, ce lieu est assez étrange en soi. J'ai envie de dire que c'est un zone neutre par définition. Il n'y a rien dedans. Jusqu'à ce que quelqu'un y rentre. Et là, tu y faire vivre ce que tu veux. Combattre une Ombre, revivre une scène de ton passé, te promener en bord de mer ou entrer dans un centre commercial bondé. C'est assez... Inquiétant en soi. Les capacités de cet endroit alors que rien ni personne n'en est à l'origine."

Oui, je ne pouvais m'empêcher de me poser encore cette question. D'où venait-il? Comment pouvait-il rester ainsi en action sans être maintenu par qui que ce soit? En même temps, savions réellement tout de cette guerre dans laquelle nous nous étions finalement aveuglément jetés? Surement pas. Enfin, si je crois Kyu, je pourrais toujours essayé de lui en demander un peu plus au sujet de ce drôle de kekkaï.

"- C'est là que j'ai rencontré le Commandant Nephil. Ce dénommé Ashlan n'est pas dépourvu de réflexion mais il semble malgré peu pourvu de réelle humanité. Comme si il lui manquait quelque chose, qui aurait été brisé de manière irrémédiable. Il n'est pas américain, sans doute a t'il fui ses origines. Et peut-être même autre chose. En attendant, nous avons effectué quelques 'tests' autour de ce lieu mais au final, nous n'avons pas appris grand chose. Et les Nephils ne sont pas plus avancés que nous à ce sujet."

-« Si au moins je pouvais éviter qu’ils me tapent dessus avant de discuter, le reste viendra avec le temps je pense, comme tu le dis. »

Je me contente de hausser les épaules à sa remarque. Malheureusement, là-dessus, je suis parfaitement impuissante. Mais il semblerait que comme dans tous les camps, il y ait des gens avec un minimum d'intelligence et privilégiant la discussion à la guerre pure et simple. Comme il y a des extrémistes des 2 côtés. les uns n'arrangeant aucunement le travaille des autres. Mais la vie est ainsi faite, nous ne pouvons que nous en accommoder et faire au mieux.

-« Pour les conseils, on peut dire que j’ai de la chance de t’avoir comme connaissance. Mais j’aimerais autant éviter d’avoir à toquer à ta porte, surtout si je quitte la faction, je ne voudrais pas que certains esprits obtus te causent des ennuis. »

"- Tu sembles oublier à qui tu parles, Aleister. Pour ce qui d'avoir des ennuis, je n'ai nullement besoin que tu viennes m'en apporter. Je me débrouille déjà très bien toute seule pour les attirer."

Oui, ce n'était surement pas ce qu'il voudrait entendre mais autant être réaliste. Me foutre dans la merde devait être une de mes grandes spécialités. En même temps, vu mon métier, ce n'était guère étonnant en soi non plus. Un léger sourire amusé est peint sur mon visage tandis qu'Arsen ronronne doucement, à un rythme régulier. Brave bête, toi au moins, tu ne me juge pas. Je me suis un peu détendue à présent, mon jus de fruit terminé, mon chat auprès de moi, dans un lieu à mes yeux rassurant. Même si je ne peux m’empêcher de me faire du souci pour Aleister malgré tout.

»-« Même si ils sont raisonnables, eux, au final on peut se poser la même question à leur propos qu’à propos de nos deux commandants préférés : est-ce leur vie de seraph et de nephil qui les a rendu comme ça, qui les a abimés à ce point, ou est-ce qu’ils étaient déjà comme ça avant de formuler leur vœu, et que ça leur a donné ce qu’il fallait pour s’élever dans la hiérarchie, voir simplement pour survivre si longtemps ? Dans les deux cas, je me demande s’ils sont à haïr pour ce qu’ils font, ou à plaindre d’être devenu ce qu’ils sont. »

Voilà une question très intéressante que je me suis promise de creuser plus tard même si quelque part, j'avais déjà a petite idée sur la question. Car vu comment ils avaient semblé accrochés à leurs convictions l'un comme l'autre, il ne pouvait pas s'agir de quelque chose de récent mais plutôt de profondément ancré. D'inaltérable. De bien trop ancien pour ne tenir qu'à cette guerre double. Ils sont trop conscients de la réalité des choses, c'est ce qui les rend à ce point dangereux d'ailleurs.

-« Un lieu laissé à la liberté de l’imagination, et je présume qu’il est ouvert à tout le monde si vous avez pu vous y retrouver… ça fait peur, et en même temps ça doit être quelque chose à voir. Enfin pas sûr d’avoir envie d’y aller, je devine que ça doit être facile de s’y faire piéger… enfin quoique. En fait quand vous étiez tous les deux dedans, vous imaginiez chacun de votre côté ? Parce ça ça pourrait être flippant, un combat d’imagination. »

"- Non, seul le premier entrer pouvait manier les lieux à sa convenance. Comme le Kekkaï se connectait à l'esprit de la première personne qui a pénétrer à l'intérieur. Et pourtant, tout y est bien réel. L'ombre que j'y ai combattu, bien que très faible, n'était pas une simple imagination. Mais à côté de cela, les êtres humains projeté semblaient là uniquement comme décor, sans réelle conscience de l'environnement. C'était vraiment étrange."

Enfin, pas ma peine de lui faire peur. Il ne comptait y aller, grand bien lui fasse. De mon côté, je n'étais pas pressée d'y retourner. Et pourtant, la curiosité me taraudait à son propos et l'idée d'y retourner pour de nouveaux tests n'étaient jamais très loin. Peut être que si j'arrivais à me dégager du temps, j'irais y faire de nouveau un tour.

-« Justement : notre statut de seraph nous met déjà suffisamment en danger comme ça en plus de ton boulot, inutile que j’en rajoute une couche.
Parce qu’au final c’est peut-être simplement ça qui a rendu Manori et ce Ashlan comme ça : ils ont découvert ce qui se passait quand la chance décide de rejoindre le  camp d’en face. »

"- La chance n'a rien à voir la-dedans. Il n'a que la réalité. Et c'est ce qui est le plus difficile à accepter et à digérer, crois-moi.
Après, ils sont ce qu'ils sont et cela ne nous regarde pas. Car alliés comme ennemis, ils resteront ce qu'ils sont. A nous de nous en arranger ainsi."

Pour le coup, je n'étais pas très optimiste mais oui, je continuais de croire qu'il pourrait être possible pourquoi pas de s'allier avec des Nephils. Je l'avais bien fait, et avec leur Élue qui plus est. Et ne dit-on pas qu'à cœur vaillant rien d'impossible? J'ai sans aucun doute des tonnes de défauts mais je tiens à continuer de croire au lieu de douter, pour que les choses avancent toujours et ne pas risquer de sombrer.

"- Parfois, nous ne pouvons pas lutter, c'est vrai. Mais nous pouvons accepter de ployer au lieu de nous briser. Et ainsi, se relever. Blessé, abîmé, gravement atteints même, mais malgré tout encore entier. Ils ont trouvés cette force, à nous de faire de même pour rivaliser et qui sait, les surpasser. "

-« Si la chance n’existait pas, je serais en prison et toi morte, même si tu as raison, il vaut mieux éviter de compter dessus, et se préparer à assumer ses actes, comme cette histoire viens encore de me le rappeler. »

Qui sait? Au final, les choses étaient telles qu'elles se présentaient aujourd'hui à leurs yeux et pas autrement. Alors à quoi bon se chercher des possibilités qui n'existaient plus, des passés qui ne feraient jamais partis de leurs existences. A rien. Voilà pourquoi je ne voulais plus m'appesantir sur ce qui était terminé. Comme dans chaque affaire que je mène à bien, une fois que cette dernière est belle et bien terminée, je la range et la classe. Elle reste là, à portée de main, dans mes souvenirs en cas de besoin mais sans prendre une place qu'elle n'a plus à occuper.

-« La honte n’est pas à celui qui tombe, elle est à celui qui ne se relève pas, c’est ça que tu veux me dire ? Ou plutôt que parfois, il faut savoir faire des sacrifices pour mieux continuer le combat ? »

"- On a pas besoin de courage pour mourir. Le vrai courage c’est de continuer à vivre malgré tout ce qui peut nous arriver...."

Mon regard s'est perdu sur les rainures du bureau de bois devant moi. Ces mots résonnant encore avec un échos particulier en moi. Je suis là sans l'être vraiment, mon esprit ayant ressortir d'un des tiroirs de ma mémoire. Cet homme, jovial, avec un certain embonpoint mais agréable et rassurant. Un membre de l'équipe de Logan, mort en mission il y avait quelques temps déjà. C'était ces derniers mots, comme s'il avait su ce qui allait lui arriver. A moins que cela ne nous ait été destiné? En tout cas, je ne peux les oublier. revenant sur terre, je me redresse avant d'aller me poster à la fenêtre.

"- J’ai connue des combats qui m’ont fait mal et rendue forte à la fois mais qui, en tout cas, ne m’ont jamais donné le droit de baisser les bras. Nous n'avons qu'une vie, et elle est trop précieuse pour être gâchée. Car même si nous souhaitons la solitude, nous savons que nous ne souffriront plus une fois parti. Mais combien de personnes, elles, nous pleureront? Quelle peine leur infligerons-nous? C'est pour eux que nous n'avons pas le droit d'abandonner. "

L'être humain est égoïste par nature et pourtant, mis devant le fait accompli, il est capable d'éprouver des remords et des regrets. Nous sommes imparfaits et nous ne réalisons jamais que trop tard nos erreurs. Malgré tout, nous sommes encore capable d'évoluer et c'est vers cela que je veux tendre. Je ne cherche pas à être une personne de valeur, richement cotée et bien habillée, j'essaie seulement de devenir quelqu'un de bien, sur qui les autres pourront toujours compter. Je prends une grande inspiration et me tourne vers Aleister, très sérieuse à présent.

"- Il faut avoir la sérénité d’accepter ce que l’on ne peut pas changer, la force et le courage de changer ce qui peut l’être, et surtout, la sagesse d’en connaître la différence.
Et parfois, la chute est inévitable pour se relever et retrouver un meilleur équilibre."

-« Vivre en sachant tout ce qu’on a laissé derrière soit, sans pouvoir oublié tout ce qui a été abandonné en chemin, c’est ça qui a rendu Manori comme ça ? C’est ça qui la rend si impitoyable pour protéger ce qui reste ? Au lieu de la plaindre, c’est de l’admiration que je devrais éprouver pour elle en fait. »

Je suis assez d'accord avec ces paroles. Manori a une façon sans doute un peu trop extrême de protéger sa famille mais cela n'est que le reflet de sa propre existence. Du moins, c'est ainsi que je vois les choses. On ne reproduit jamais que les schémas qui nous ont guidés et élevé. Pourquoi suis-je si incapable d'être tout simplement une fille, alors que c'est ce que je suis née? Parce que personne ne m'a jamais laissé l'être, parce que je n'ai pas appris, parce que je ne sais pas. Et parce que maintenant, j'ai peur de ce que cela donnerait.

-« Vivre pour les autres, quitte à en souffrir, quitte à ce qu’ils ne comprennent pas nos choix, c’est ça la réponse ? je ne sais pas si c’est beau ou terrifiant en fait. »

"- C'est un peu des deux en réalité. Mais à l'instant ou tu as sauvé une vie, la vie te parait plus belle, plus douce. C'est grâce à l'adversité que l'on reconnait ses alliés. Grace à la défaite que l'on apprend pour remporter la victoire finale. Garce aux larmes que l'on apprend à apprécier le bonheur à sa juste valeur."

-« Avoir la sagesse de savoir quand s’obstiner, et quand tomber ? Je me demande comment tu fais pour encore tenir debout en ayant vécu ça. Enfin quand on a pas le choix, on a pas le choix, et trouve ce qu’il faut dans nos tripes je suppose. »

Je me contente d'acquiescer de la tête et de me taire. Il est tant que j'arrête de jouer au petit philosophe car au fond, je suis bien mal placée pour me permettre de lui faire ainsi la morale. Ma vision du monde est tellement à part, elle ne lui est pas adaptée. Quand à savoir comment je fais pour rester debout, même moi je me le demande parfois. Seulement, lorsque la question arrive, je la chasse. De peur de remettre à jour une vérité que je ne veux plus connaitre.

-« En tout cas merci, merci de partager tout ça avec moi. Tu ne crois peut-être pas en la chance, mais te connaitre en est vraiment une pour moi. »

Sa main sur mon épaule me surprend un peu. Je n'aime pas vraiment le contact physique mais tant qu’il n'approchera pas plus, cela ira. Je me contente d'un sourire un peu vide. Si je ne me retenais pas, je lui dirais que non, ce n’est pas une chance pour lui. Car tous les gens que je côtoie, je finis par les éclabousser. Ils finissent tôt ou tard par être pris pour cible afin de m'atteindre personnellement. Alors non, il ferait mieux de me fuir tant qu'il est encore tant. Et me laisser à nouveau seule, comme je l'ai toujours été.

"- Tu n'as pas à me remercier pour ça. Nous faisons partis de la même famille, c'est normal de s'entraider. "

Voilà, se raccrocher une fois de plus à des banalité. pour ne pas créer de liens. Pour ne pas risquer d'emporter qui que ce soit avec moi dans ma chute. Car rien que de part mon métier, je joue avec le feu; Les Ombres et les Nephils ne sont qu'une menace supplémentaire dans le jeu d'échec que je dois négocier chaque jour. Et tant que je n'aurais pas atteint une autre place que celle de pion, je resterais en première ligne, telle de la simple chaire à canon.

"- Promets-moi que tu feras un peu plus attention à toi à partir de maintenant. Pour cette fois, les éléments se goupillent bien mais je ne sais pas si je pourrais refaire de même à l'avenir. Alors, ne leur facilité pas la tâche, s'il te plait. "

-« Rien n’est jamais facile, et rien n’est jamais gratuit. Fichu leçon de vie oui, dommage qu’elle se vérifie autant. »

C'était exactement ça. On pourrait vouloir se dissimuler la vérité autant qu'on le souhaiterait, elle ne ferait que nous revenir pour nous éclater toujours plus fort en plein visage. Accepter les faits, digérer la réalité, voilà la plus grande difficulté de ce monde. Mais avec un peu de chance, une bonne dose de volonté, quelques amis et beaucoup de courage, on pouvait arriver à lui faire prendre le chemin que l'on désirait. Une route toujours semée d'embûches mais qu'au moins, on aurait choisi.

-« Tu fais partie de mes proches Naoto, de ma famille d’une certaine manière, mais pas à cause de cette marque qui divise autant qu’elle unit. Ce clan ne sera jamais ma famille je crois, même si j’apprécie et respecte certains de ses membres. Je ne peux pas vouloir d’une famille qui incite à faire couler le sang. Enfin c’est plus facile à dire quand on a une famille du sang à laquelle on tient je suppose. »

Faire partie de ses proches? Non, ce n'était pas du tout une bonne chose. Autant pour lui que pour moi. Il avait déjà une véritable famille, il n'avait pas besoin de moi à ce niveau. Je n'étais qu'un danger qu'il ferait peser en plus sur sa personne. Quand à sa remarque à propos des Seraphs, je ne pouvais qu'être d'accord avec lui. Je ne me sentais peut-être pas toujours très proche d'eux mais mon devoir était de les protéger, alors je le ferais. C'était ma vocation, mon volonté, ma raison de vivre. je n'y dérogerais pas maintenant.

-« Ne t’en fait pas, je serai plus prudent, ça m’aura servi de leçon. Et toi non plus, n’oublie pas tous ceux qui s'inquiéterons si tu as des ennuis. Je sais que ton boulot n’aide pas, mais n’en fait pas trop non plus. »

"- Moi, en faire trop? Je ne vois pas où tu peux aller chercher une idée pareille. Ce n'est absolument pas mon genre. "

Oui, je me moque de moi-même. C'est assez rare en soi mais je trouve que l'ambiance devenait trop lourde, trop solennelle. Et puis, je ne crains rien à sortir ce genre de phrases, je ne m'engage pas à changer pour autant. Quand à ceux qui pourraient s'inquiéter pour moi, je crois bien que les doigts d'une seule main suffiraient amplement alors, je n'ai pas vraiment de raison de m'attarder sur ce détail. Les ténèbres tombaient lentement sur la ville dans le silence de la nuit. L'heure d'une nouvelle chasse. Mais qui sera la proie ce soir?

"- Tu comptes partir en chasse ce soir? Ou tu vas profiter d'une soirée tranquille chez toi pour une fois? Après la frayeur que je t'ai faite tout à l'heure, tu aurais bien le droit de souffler un peu. Nous ne sommes que des êtres humains après tout, pas des machines."

-« Je ne sais pas pour toi, mais j’ai l’impression de fatiguer de moins en moins vite, d’avoir besoin de moins de sommeil qu’avant. Et rester dans ma chambre toute la nuit, avec ma mère qui s’inquiètes de me voir veiller si tard, non merci. Non je vais reprendre la chasse aux ombres, au moins une partie de la nuit. De toute façon si je veux devenir solitaire, il faut que je m’habitue à chasser seul, et que je pratique un maximum pour m’endurcir un peu. »

"- Ce n'est pas qu'une impression... "

Cependant, je ne pouvais pas réellement en dire plus autant. j'avais eu des soupçons avant d'aller me renseigner mais finalement, je trouvais que leur explication n'était pas assez claire à mon goût. ma 'Nature' même évoluait et donc, à cause de cela, mon organisme ne réagissait plus de la même manière aux besoins primaires et vitales d'un être humain lambda. Tout comme Aleister, tout comme n'importe quel Seraph et même Nephil d'ailleurs. Encore une sorte de cadeau de la part de l'autre chat blanc pour se montrer plus efficace dans la mission qu'il nous avait confié? Sans doute.

Sa réflexion était donc plutôt logique dans un sens. pour éviter de trop créer d'inquiétudes chez sa famille, il y passait moins de temps. Au risque de s'exposer davantage de son côté. Même s'il voulait devenir un solitaire, même si cette option semblait se préciser de plus en plus dans sa tête, il restait cependant un détail qu'il semblait oublier. Et que je trouvais important de lui rappeler.

"- Etre solitaire ne veux pas dire devenir un chasseur pour autant. Si certains survivent dans ces conditions, c'est aussi parce qu'ils savent se faire oublier. Alors, pas besoin de trop forcer pour remplir ton tableau de chasse.  "

-« Et toi, boulot, chasse, ou repos avec ta boule de poil ? La remarque du repos vaut aussi pour toi après tout. »

Voilà une question forte intéressante. J'avais l'embarras du choix mais ce soir, je n'avais pas spécialement envie de partir me perdre dans des combats divers et sans aucun doute dangereux. Je savais qu'une mission périlleuse m'attendait sous peu alors je préférais me ménager un peu. Et puis, maintenant que le problème Delthyn était réglé, il me fallait finir de tout mettre au point dans les moindres détails. Et cela m'occuperait bien au moins pour 2/3 jours.

"- Je vais me remettre au boulot, histoire de tout clôturé parfaitement et au plus vite. Je ne m'inquiète pas, avec Mr Delthyn, cela ne traînera pas. Quand à l'autre machine à ronron, il sera ravi que je passe un peu de temps supplémentaire en sa compagnie. Il doit sans doute être celui qui apprécie le plus le fait que je ne dorme quasiment plus, pour profiter davantage de mon attention."

-« Toi aussi tu vis ça ? Encore un drôle de cadeau de Kyu je présume. Enfin plus de temps libre, je ne vais pas trop m’en plaindre non plus.
Savoir se faire oublier, mais remplir assez son quota de chasse que pour satisfaire Kyu, tu parles d’une corvée. Enfin tu as raison une fois de plus, ce serait stupide de se faire tuer à cause d’un excès de zèle. »

Voilà, si déjà il avait compris ça, ce serait déjà un grand pas en avant. Qu'il veuille rester de son côté, je pouvais très bien le comprendre mais qu'il ne tente pas l'impossible pour autant. Ça, c'était mon boulot, pas le sien. Et puis, il y avait bien plus de gens qui souffriraient de sa disparition que de la mienne, même si je ne comptais nullement faire ce plaisir à mes nombreux ennemis.

-« Oui, avoir un maitre qui adopte ses horaires de vie, je devine qu’il doit être ravi ton chat. Sacré conséquence secondaire imprévue.  »

Je me laisse aller à sourire alors que mon cher félin est déjà venu se glisser jusqu'à mes pieds, réclamant de nouveau mes caresses. Oui, tu es un brin possessif dans ton genre, je le sais, ce n'est pas nouveau. Je me penche pour le récupérer et une fois bien installé dans mes bras, il fixe Aleister, comme pour le jauger. Non, ce n'est pas un rival, fiche-lui la paix. Oui, je vais vraiment m'occuper de toi, j'ai compris le message.

-« Bon, je crois qu’il est temps de se dire au revoir là-dessus. Encore merci pour tout, tu m’as vraiment sauvé sur ce coup-là. Et surtout, fait attention à toi, je n’ai pas envie d’apprendre un jour qu’il t’es arrivé des soucis. »

"- Ne t'en fais pas pour moi, j'ai la tête bien plus dure qu'il n'y parait. Et puis, le risque fait parti de mon métier, j'ai appris à le limiter et à m'en servir à mon avantage. Sans compter que j'ai un super garde du corps."

Ayant parfaitement compris que je parlais de lui, Arsen miaule bravement entre deux ronrons, ce qui me fait légèrement rire. Sacré boule de poil, va. Je me détache de la fenêtre avant de me diriger vers la porte. Je compte bien le raccompagner à l'entrée comme le bureau est vide à cette heure là. Du coup, je lui ouvre le chemin, pas bien difficile certes, jusqu'au rez-de chaussée. Je ne le chasse pas mais il a raison, nous avons chacun des projets pour cette nuit alors autant ne pas traîner plus que de nécessaire. Une fois arrivé devant la porte d'entrée, je me décale légèrement, lui laissant l'accès à cette dernière.

"- Fais bien attention à toi. Et surtout, n'hésites pas à passer en cas de soucis. Peu importe ce que sera ta décision finale."

-«  J’ignore quel seront mes choix, mais dans tous les cas, tu as mon numéro, alors n’hésites pas toi non plus, pour quoi que ce soit.»

J'acquiesce d'un hochement de tête mais au fond, je sais parfaitement que même en danger de mort, je ne l'appellerais pas. Tout simplement pour ne pas risquer une seconde vie en plus de la mienne. Je le regarde s'éloigner et monter dans sa voiture. Je ne referme la porte à clef qu'une fois que les éclairages de son véhicule ont enfin quittés mon champs de vision. De mon côté, je remonte dans mon bureau, mets en place le système anti-intrusion personnellement créé avant d'aller m'allonger quelques instants sur mon cher canapé, Arsen toujours dans mes bras.

"- Parfois je t'envie, mon cher matou filou. Mais s'il te plait, ne tente jamais de vérifier que tu disposes bien 9 vies, d'accord?"

Je le câline tendrement, ce dernier me répondant à sa manière. il sent que je suis inquiète, je le sais bien, mais je n'ai pas le temps de me laisser aller. J'ai encore du travail qui m'attend. Une promesse à tenir. Une dette à payer. Et une affaire à classer comme il se doit. Je profite donc encore quelques minutes de la simple musique des ronronnements puissants d'Arsen avant de me redresser et de me diriger vers mon bureau et de décrocher le téléphone en composant déjà un numéro dessus.

"- Mr Delthyn? Inspecteur Shirogane. Désolé de l'heure tardive mais j'ai les informations que vous m'avez demandé...."

[ => Fin du rp ]