"Si tu es vraiment une femme, prouve-leur que tu as des couilles"
Abruti de crétin de Logan. Non mais sérieusement, il n'a rien de mieux à faire que de m'envoyer ce genre de message juste avant une mission de cette importance? Pourtant, malgré tout, son geste me touche et m'arrache l'aube d'un début de sourire. Cette nuit ne sera pas comme les autres, je joue très gros et je ne suis pas la seule. Ma mission est même si importante que ni Minato, ni mes parents, ni même les Seraphs ne sont au courant de rien. Je dois mener tout cela à bien avec mes propres moyens. Et pourtant, les choses ne seront pas aisées et le parie est loin d'être gagné car nous nous attaquons à un très gros poison ce soir.

Ce Ruskov, cela fait des mois que des équipes le traque et ce soir, est venue l'heure du coup de filet final. Si nos renseignements sont exacts, il y aura une très grosse enchère ce soir aux sous-sols de son club, le Hungry Jackal. Et il nous le faut en flagrant délit pour pouvoir le mettre définitivement hors d'état de nuire. Et c'est là que j'entre en scène. Car jamais les hommes de la police ne pourront entrer comme ils le souhaite, ils ont besoin d'un infiltré, d'un agent à l'intérieur pour leur ouvrir les portes lorsque l'opération sera déclenchée. Mais vu le genre d'endroit, il leur fallait surtout une fille. Ou plutôt une femme.

Je m'observe une dernière fois dans la vitre teintée de la voiture dans laquelle j'attend mon cavalier pour la soirée. Je ne me sens nullement à l'aise dans cette tenue. Je pourrais pas garder mon téléphone sur moi mais mon pistolet est bien camouflé. Si tout se passe bien, je n'aurais pas à passer les fouilles. Mais ce visage qui se reflète me semble tout sauf mien. Enfin, je repasse les doigts sur cette boucle d'oreille qui me fait mal. Un mouchard, pour pouvoir me localiser. La seule protection dont je disposerais en plus de mes propres moyens. Un grand soupir alors que l'on frappe à la fenêtre.

3 phrases échangées, faisant office de mot de passe, avant que je ne me glisse hors du véhicule. Mon coéquipier doit apprécier la vue si j'en juge à son regard de prédateur. Mais essaye seulement et tu verras. Enfin, le dénommé Terence m'offre son bras avant de m'accompagner jusqu'à l'entrée de la boite. Ce soir, je ne suis pas Naoto Shirogane mais Naomi, escort-girl de luxe accompagnant un gros parieur. Je reste droite et fière tandis que l'on nous dévisage, je dirais même me déshabille des yeux avant de nous laisse rentrer. Direction le deuxième étage. Première étape réussit sans peine.

Déjà, nous nous installons dans une alcôve visiblement réservée à notre attention. Terence semble parfaitement à son aise alors que je joue très bien le jeu mais reste sur mes gardes. Il regarde sa montre, s'avachit complètement avant de se tourner vers moi avec un éclat lubrique dans le regard. Putain, les hommes sont définitivement tous des porcs ou quoi? Je plains ces pauvres filles, même si elles ont plutôt l'air de s'y plaire.

- Relax, poupée. Tout va se passer comme sur des roulettes. Nikanor m'a à la bonne et depuis plus de 2 ans que je suis sur cette mission, je compte pas laisser passer cette chance. Alors, profite, bois et amuse-toi. Le Boss nous rencontrera très bientôt et là...

"- Je sais ce que j'ai à faire, je vous en remercie."

Pourvu que les choses se déroulent en effet aussi bien qu'il le prédit. Je ne connais pas cet homme, je ne l'ai jamais vu auparavant et je n'ai eu le temps d'avoir accès à son dossier avant de venir. On pourra me traiter de parano mais dans ce genre de situation, il vaut mieux être trop prudent que pas assez. Mais déjà, un homme énorme, cigare à la bouche, nous rejoignait dans l’alcôve.

Ah, mon cher Terence! Quel plaisir de vous revoir. Et quelle charmante compagnie à votre bras. Vous avez bon goût, même en matière de femme. Puis-je savoir comment se nomme cette beauté?

"- Je me nomme Naomi, messire. Je suis enchantée de vous rencontrer. Et je me dois de vous féliciter, votre maison est vraiment fabuleuse. "

Ravissante et raffinée, une vraie perle rare. Décidément, mon cher Terence, je vous envie.

Un baise-main de la part du gros porc, que j'accepte bon gré mal gré. Heureusement que je sais jouer la comédie. Cela ressemble plus à la lèche d'un chien qu'autre chose, quelle horreur. Mais je souris et me montre docile et courtoise. Le temps joue en ma faveur pour le moment, alors autant le laisser tourner.

Décidément, ce type était encore pire vu d près qu'à travers tous les résumés qu'elle avait pu avoir de lui. Il empestait le tabac, le parfum trop cher et un mélange de sueur et d'alcool qui me rendait malade. Mais je continuais à faire bonne figure. Je laisse un instant les Hommes discuter simplement du temps qu'il fait, de leurs projets et partager deux trois souvenirs pour me faire rire, ce que je fais avec un jeu d'acteur ma foi fantastique. Mais l'éclat au fond du regard du mafioso ne me plait pas beaucoup.

Je bois un verre puis un deuxième, un peu forcée par les choses, le Boss ayant préparé le champagne pour nous. Le temps tourne toujours et pour le moment tout se passe bien. Normalement, d'ici quelques minutes, si tout se déroule comme prévu, ce devrait être lui qui va nous inviter à le rejoindre dans son bureau. Pour régler quelques détails avant de nous permettre d'accéder aux sous-sols. Là où les choses sérieuses pourront vraiment commencer. Et je n'ai pas à attendre bien longtemps pour voir mes prédictions se réaliser.

Ah, si je le pouvais, je continuerais de m'amuser en votre agréable compagnie, cependant, il se trouve que j'ai aussi des affaires à régler de mon côté. Et comme vous devez vous en douter, les affaires n'attendent pas.

- Evidemment, c'est l'évidence même voyons. Quel dommage malgré tout de ne pouvoir profiter davantage de ses paisibles instants. N'est-ce pas, ma belle?

Sa main venue se poser sur ma cuisse manque de provoquer le mouvement réflexe de la gifle qui nous aurait fait perdre tous les deux. Non, me retenir. Alors, je souris, gloussement un peu niaisement avec un regard faussement perdu en direction des deux Hommes. ils doivent continuer à croire qu'ils mènent la danse. Je dois faire profil bas. Et les flatter, ils adorent ça.

"- On ne peut atteindre une si haute sphère de prospérité sans faire des sacrifices. Mais le jeu en vaut la chandelle. Il serait dommage de tout gâcher pour un simple petit écart. " 

Décidément, j'adore votre petit oiseau des îles. Naomi, quittez donc ce pauvre Terence et venez nous rejoindre. Une fleur de votre acabit à besoin du meilleur terreau qui soit pour s'épanouir et je peux tout vous offrir.

- Rien que pour l'intérêt que vous lui portez, je préfère la gardez. Ainsi, j'aurais toujours une carte en plus en main lors de nos négociations, mon cher ami.

Diantre, vous êtes diabolique. Et je ne peux que m'incliner sur ce tour. mais en parlant de négociations, nous avons à faire. Venez, suivez-moi dans mon Bureau, nous serons plus à l'aise. Et vous aussi, Naomi. Venez illuminer de votre présence le vide de ce lieu propre au travail et dépourvu d'attrait.

"- Eh bien, si ma présence ne risque pas de vous déconcentrer, j'accepte. Ce sera un honneur pour moi, Messire" 

Je n'aime pas du tout ce petit jeu mais je n'ai pas le choix, je me dois de m'y plonger jusqu'au cou et même plus. Je laisse Nikanor sortir en premier, tandis que Terence revient me saisir par la taille cette fois, comme pour bien rappeler le fait que je lui appartienne. Lui, il ne perd rien pour attendre. Mais pour le moment, la mission passe avant tout le reste. Ça ne m'empêchera pas de régler mes comptes avec lui une fois l'affaire terminée.

Le trajet fut court tandis que nous traversions l'étage pour nous rendre dans un imposant bureau, situé à l'extrémité sud de ce dernier. Loin des alcôves et des pistes de danses mais facilement repérable. Et le son de la porte se refermant derrière nous me parut particulièrement sinistre.

La salle est peu éclairée et sent le renfermé. Je me contente de jouer mon rôle, je suis docilement Terence tandis que j'observe méticuleusement les lieux. Pas de porte de sortie visible mais il y a forcément une issue de secours. Les deux Hommes sont à présent silencieux alors que le Russe fait dégager ses hommes de main de la pièce, nous y laissant seul. Je n'aime pas cela. mon instinct me hurle de fuir mais ma mission est ici et je ne l'abandonnerais pas. Nikanor nous permets de nous installer face à lui, découpe un nouveau cigare qu'il allume avant de se tourner vers mon coéquipier.

Terence, sérieusement. Cette petite me plait. Je la voudrais à mes côtés et pas plus tard que tout de suite. Remettons notre affaire à plus tard, je veux traiter celle-ci en priorité.

- N'oubliez pas les clauses de notre accord. Les proies que je capture et vous ramène sont à ma disposition première.

L'horreur me saisit lorsque je réalise que c'est bien de moi qu'ils parlent. Une proie, une vulgaire marchandise, un simple objet. Comme toutes celles qui transitent par leurs sous-sols? Et si lui parle d'accords, cela ne peut vouloir dire qu'une seule chose: il a vendu son âme à ce monstre. Et maintenant, c'est moi qui vais en payer les frais. Pour l'instant, je ne bronche pas mais intérieurement, mon cerveau bout littéralement. Trouver une solution, et vite.

Ma patience à ses limites, mon gars. C'est grâce à moi que tu es là aujourd'hui alors n'oublie pas ce que tu me dois.

- Je n'ai jamais dit que je vous la refusais. J'ai dit que j'en voulais la primeur. Ce n'est pas tous les jours que l'on peut s'offrir ce genre de petit bijou. Le meilleur élément du coin et sans aucun doute une véritable épine sortie de notre pied par la même occasion.

Oh, vu comme cela, il peut être tout a fait possible de...  

Je ne leur laisse pas le temps de continuer. Quitte à risquer ma peau, autant y aller carrément. Je me suis redressée et ai envoyé un coup de poing magistral à Terence. Déjà, je fonce en direction de la porte mais ce satané flic véreux me rattrape. Il me fait chuter mais un bon coup de genou bien placé me permet de me libérer de son emprise. Cependant, un des gorilles est entré et, prise au dépourvu, il parvient à me plaquer contre le mur, violemment, en m'arrachant un léger gémissement de douleur.

Ne l’abîme surtout pas, triple idiot!

- Tu es à moi, Princesse....

Terence s'est relevé, visiblement encore endolori de mes coups. Je me débat mais la poigne de l'autre gorille est trop puissante. Respire Naoto, calme-toi. Une première gifle, puis une main qui saisit douloureusement mon visage. Son haleine alors qu'il vient forcer une de mes mains à suivre la sienne. Non, jamais je ne me laisserais faire. Avec un regain de fureur, je lui enfonce mes ongles dans la chair, le faisant hurler. Dans le même temps, je parviens à saisir mon pistolet caler dans mon soutien gorge et je tire. 2 fois. Une dans la tête à ce flic ripoux, l'autre dans l'épaule du gorille. Il me lâche mais dans sa chute, m'emporte et me bloque un instant, juste assez pour que je vois le regard de l'autre russe trop près de moi, et la matraque dans sa main s'abattre avant que le noir ne se fasse.


Il fait froid, il y a du bruit. J'entend des bruissements mais ma tête me fait mal. Je suis attachée sur une chaise, dans un endroit inconnu. Les souvenirs me reviennent et la panique me gagne. Terence était une taupe pour leur compte, je dois fuir au plus vite. Déposer et actionner la boucle pour que Logan et ses hommes interviennent. Et un mot me parvient entre les murmures alentours. Enchères. Non, se pourrait-il que...?

Soudain, devant moi, le sourire de cet homme. Nikanor. Il me fixe, m'observe, se délecte de mon état. Il fait encore plus prédateur et vicieux que tantôt. Je tente de me débattre mais cela ne fait qu'accentuer son rire. Il fait un geste de la main et deux hommes viennent se saisir de moi après avoir détachés mes pieds. Je crois vaguement entendre quelques mots comme 'en scène, mais je ne compris la véritable horreur de ma situation que lorsque les deux gorilles me poussèrent dans la lumière.

Ayant perdue une chaussure dans ma lutte précédent, je m'étale violemment au sol. Du sang séché est visible au niveau de ma tempe, là où le Ruse à frappé, ainsi que la trace de la main de Terence et celle des liens dont on m'a muni. Je tente de me redresser mais un coup de pied dans le dos me renvoie au sol, m'arrachant un léger cri de douleur.

Ami collectionneur. Ce soir, un lot unique en son genre. Une beauté magique, une grande érudite, dont les services vont à présents changés de camps. Offre exceptionnelle pour vous ce soir.

Nikonar lui-même me saisit par les cheveux, pour me forcer à me relever. Je me débats et tente de le mordre avant que son poing ne me frappe à l'estomac, me coupant le souffle en me renvoyant dans les bras de ses sbires.

Elle a du chien, n'est-ce pas. Ne passez pas à côté de cette occasion unique!

"- Vous ne vous en sortirez pas comme ça, espèce de..."

Je n'ai pas le temps de finir ma phrase qu'un bâillon fort serré vient prendre place sur mon visage. Et déjà, les enchères montent. Non, ce n'est pas possible, c'est un véritable cauchemar.

Déjà, les enchères grimpent et de façon impressionnante. Je vois le regard de cet Homme qui se repaît autant de ma position que du gain qu'il tirera de moi. Je devrais me sentir flattée de valoir aussi chère mais ma peau n'est pas à vendre alors malgré la poigne solide, les baillons et les entraves, je continue de me débattre. J'ai perdu la notion de l'heure à cause de mon évanouissement mais je sais une chose: personne ne viendra à mon secours maintenant. Ce Terence a trop bien préparé le terrain, les autres ne se douteront de rien. Je suis donc livrée à moi-même. Mais il y a forcément une solution.

Soudain, des coups de feu en provenance de la salle. Les projecteurs explosent et le verre brisé nous dégringole dessus. Le gorille qui me maintenait s'est jeté sur son patron pour le protéger de son corps, m'envoyant m'étaler par terre avec violence. Je sens le tranchant des débris de verre entailler sommairement ma peau à plusieurs endroits mais je ne peux rien faire. Ou si, déjà mes mains s'activent. Car si la plupart n'ont été que de légères écorchures, le morceau venu se ficher dans ma hanche est plus gros que les autres. C'est ma seule chance de pouvoir me libérer de mes liens.

QUI A FAIT ÇAA?!

Les cris résonnent toujours alors que la débandade continue. Je ne sais pas ce qui a explosé, je m'en moque, je n'ai plus qu'une idée en tête: survivre. Je grogne en arrachant le morceau de verre fichée dans ma robe et je commence déjà à tenter de m'attaquer à mes liens. Mais ce sera un travail long et malheureusement, le temps m'est compté. Nikanor rage de son côté, repousse son gorille, donne des ordres aux autres de ses hommes qui se dispersent avant revenir vers moi. Dans le noir, il manque même de me marcher dessus. Le voilà qui se baisse et je peux lire toute la haine qui pulse dans ses yeux injectés de sang. Il m'arrache le bâillon avec violence, avant de cracher littéralement au visage.

TOI, c'est ta faute tout ça, hein? AVOUE!!! 

"- Terence... T'avais prévenu... Je suis... La meilleure...."

Vraiment? Eh bien, c'est ce que nous allons voir, ma beauté. Tu vas payer pour tous les autres. Et ton agonie sera lente et douloureuse, crois-moi.

Oui, j'aurais mieux fait de me taire. Mais ce genre de type ne réagit pas comme le commun des mortels. Ainsi, il ne veut plus ma mort instantanée mais bien en différée, ce qui pourrait m'offrir les minutes qu'il me manque pour m'en sortir. Les liens commencent à céder dans mon dos, mais toujours pas assez vite. Son bras accroche le mien avant de me redresser à moitié. Son sourire est diabolique, son expression rempli de vices et un frisson me parcours le dos. Oui, j'ai peur en cet instant, même si je me refuse à le lui montrer.

Je vais donc commencer par m'amuser avec toi. Je vais prendre mon pied comme jamais et ensuite, ... Nan, tu découvriras par toi-même.  

Je déglutis bruyamment mais déjà, me voilà projetée de nouveau au sol. Je gémis avant de sentir une poigne ferme et puissante me maintenir les épaules. Le gorille, je l'avais oublié celui-là. Me voilà sur le dos, m'entaillant les doigts et les poignets en tentant toujours de défaire mes liens. Je ne peux pas appeler mes armes ainsi. Et alors que le Russe vient arracher le bas de ma robe, je lui balance mon pied toujours chaussé en travers du visage.

"- Ne me touchez pas avec vos sales pattes !"

C'est moi qui donne les ordres ici, alors TA GUEULE CONNASSE !!! 

Son revers de main est si franc que même le gorille m'a relâché une seconde. Ma tête est partie violemment sur le côté, mon nez frappant le sol tandis que je vois des étoiles. Je me recroqueville légèrement sur moi-même, complètement sonnée, en position foetale. Je serre toujours le morceau de verre que les ténèbres dissimule. Allez Nao', encore un effort. Avant qu'il ne soit trop tard. Mais ils reviennent déjà et je parviens à peine à réfléchir. Pitié, lâchez-moi. Aidez-moi. Quelqu'un, n'importe qui...

Ma tête me lance méchamment, au niveau de l’œil et l'arcade. Ça sent le coquard à plein nez. Enfin, je ne suis plus à ça près. Je sens les deux présences se rapprocher et cette fois, je sais que je ne pourrais plus faire grand chose. Pourtant, j'essaie encore de chercher une issue, une solution. Le gorille me rattrape de nouveau et je serre les dents pour ne pas gémir. Saletés de bouts de verres incrustés un peu partout. Et j'en perd celui qui m'aurait permis de scier mes liens. Non pas ça.

Et là, une détonation, encore plus proche. Et des balles qui passent si près de moi que je peux presque en sentir le vent sur ma peau abîmée. Le cadavre me tombe dessus, me coupant un instant le souffle alors que le Russe semble quelques secondes se désintéresser de mon sort.

Il y a un rat, ici!  Sors de ta cachette, fils de chienne!

Je ne sais pas qui est là mais je ne prendrais pas le temps de m'en soucier. Je dois me dégager de ce corps encombrant. mais dans mon état, je ne peux rien faire. Et merde, quelle idée d'engager de telles armoires à glace. Un nouveau coup de feu, un cri de douleur de la part de Nikanor et soudain, une silhouette inconnue qui se rue vers moi. Et me libère du corps encore chaud avant de m'aider à me relever.

Venez. 

Cette voie, je la connais. Cette silhouette aussi. Mais où les ais-je déjà vu? Je n'ai pas le temps de penser davantage que mes liens cèdent enfin avant que l'homme ne fonce vers les loges. Ou je le suis. de toute façon, je ne dois pas rester ici. Et s'il voulait me tuer, il aurait déjà pu le faire donc pour l'instant, soit il vient me sauver soit il souhaite me garder pour m'utiliser plus tard. Dans tous les cas, il reste ma meilleure option alors je ne vais pas faire la fine bouche.

Mettez-ça. 

Je rattrape au vol la veste et l'enfile en vitesse, grinçant un peu des dents au passage. Entre le verre pilé et les divers coups que j'ai déjà reçu, je ne pas au meilleur de ma forme. Ni de ma réflexion. Et pourtant, d'un seul coup, je le reconnais.

"- L'armurier... Desanges? "

Je ne trouve rien à rajouter. Surtout que derrière nous, des pas se font entendre accompagné de jurons russes. Nikanor est toujours après nous alors il ne faut surtout pas traîner ici. J'arrache ma boucle d'oreille, un peu trop fort sans doute, et l'écrase sous ma chaussure à talon. Maintenant qu'ils auront perdus mon signal, Logan devrait au moins chercher à avoir de mes nouvelles. Ils connaissent l'adresse. Mais le temps que la section bouge...

"- 30 minutes. Si nous tenons... Nous serons sauvés..."

Je retire cette chaussure unique qu'il me reste. Je serais ainsi moins déséquilibrée. Je lui demanderais bien pourquoi il est là mais le moment n'est pas au badinage. Tentant de reprendre contenance et mes esprits au mieux, je finis par ajouter, presque trop calmement.

"- Il me le faut vivant. Vous avez un plan?"

Je prends la direction de la sortie de la salle, l'air commençant à s'emplir de fumées nocives. Oublie ce qu'il vient de se passer, fais abstraction de tout cela et avance Naoto. Tu as une mission alors remplis-la. Ce sera ta meilleure chance de survie. Par instinct, mes doigts sont déjà en position de tir. Si quiconque apparaît par surprise devant moi, je n'hésiterais pas à invoquer mon arme et faire feu.

Aucun...
... mais on va bien trouver. 

Au moins, ça a le mérite d'être clair. Je referme au maximum la veste sur moi alors que les balles viennent ricocher contre le étal de la porte derrière nous. Je ne suis pas arrivée jusque là pour me laisser tirer comme un pigeon. Peu importe les échos de mes divers traumas, je ne compte pas mourir ici. je sais que l'alerte est donnée à présent, il ne me reste donc plus qu'à tenir assez longtemps pour que Logan rapplique.

Dépêchons-nous ou Nikanor va nous tirer dans les pattes.  

L'adrénaline coule en vagues puissantes, telle une véritable drogue dans mes veines et déjà, je ne tremble plus. j'ai retrouvé la parfaite maîtrise de mon corps et suis au pas de course l'armurier devant moi. Pourquoi ais-je du mal à me dire que sa présence ici n'est sans doute pas due au hasard? En tout cas, mon sauvetage lui l'est, je laisserais mes sales manies de flic de côté pour le moment.

Et nous voilà au pied de l'escalier qui me promet une montée compliqué. Mais je ne ralentis même pas à son approche. Ce ne seront pas quelques petits bouts de verres supplémentaires qui m'arrêteront. Ni les flammèches avec eux. Et en effet, ce fut un bras me saisissant par la taille avant de me soulever du sol qui stoppa ma course même si mes pieds continuèrent de battre l'air quelques instants. Je me crispe violemment, ce contact faisant resurgir d'autres encore trop récent et surtout ravivant la plaie à ma hanche mais je n'ai pas le temps de dire quoi que ce soit.

Sans offense, Mademoiselle... et sans commentaire. 

JE VEUX CE FOUTU DESANGES ET SA POULE DE FLIC, ATTRAPEZ-LES MOI QUE JE LES TUE ! 

Ah, visiblement Nikanor en a maintenant autant après lui qu'après moi. Finalement, c'est peut-être ma chance. Car à présent, nous voici tous deux dans le même bateau. Et comme ça, je n'ai pas besoin de faire de commentaires, il les a fait avant moi. Par contre, il est du genre à être obéit. Car déjà, trois de ses sbires tentent de nous arrêter. Je ne cherche pas à faire dans la finesse et déjà, un pistolet se matérialise entre mes doigts. Mon premier tir fuse, les surprenant assez pour nous laisser le temps de finir étaler derrière le premier comptoir à porté avant qu'eux n'ouvre le feu pour de bon.

On a dix minutes pour quitter la boîte et disparaître. Sinon, on est morts. Sauf si vous avez un soutien extérieur.

Il se fout de ma gueule, là? 10 minutes, hein? Donc, il a forcément trafiqué quelque chose ici. Et c'est maintenant qu'il trouve judicieux de me le dire? Mais quel crétin, je vous jure. Putain, les mecs je vous jours, tous pareils. Enfin, ce n’est pas le moment de retourner ma colère contre lui. Mais j'avoue que ce n'est pas l'envie qui me manque de lui en coller une. Non, je mourrais pas ici ce soir.

"- Pas dans un si court laps de temps. Et de toute façon, on est jamais mieux servi que par soi-même.... "

Déjà que j'étais censé avoir un soutien interne ce soir, j'aurais préféré ne même pas avoir à devoir compter sur lui. Mais bon, on ne fait que rarement ce que l'on veut dans la vie. Aux bruits des coups de feu, ils tentent de nous encercler. J'observe les alentours et repère les lumières ainsi que l'énorme boule à facettes suspendue. Oui, ça pourrait aider. Après tout, ils nous veulent vivants. Alors, je vais en profiter. J'enroule rapidement mes pieds dans un certain nombres de couches de sopalin trouvé là, protection maigre et éphémère tout en m'adressant à David d'un ton ne souffrant aucune réplique.

"- Ne bougez pas. Et à mon signal, suivez le mur par la droite. On se retrouve à la porte principale dans maximum 3 minutes."

Et sans lui laisser le temps de répondre, je passe ma main dans son dos, la badigeonnant de sang que je viens tartiner sur mon visage et le haut de mon corps. Oui, je compte bien jouer le jeu à fond. Mon arme à disparu, révoquée, tandis que je lance d'une voix faible et terrifiée, pleine de douleur et exténuée.

"- Je... me rends... Je.. vous en supplie..."

LES MAINS EN L'AIR, ET BIEN VISIBLES !!!

J'obtempère et laisse mes mains dépasser, tremblantes. Puis, je me redresse doucement. Je croise leurs regards grimaçant. Et ouais, me rendre comme ça à leur patron, ils prendront cher. Mais ne vous inquiétez pas, vous n'aurez pas à aller jusque là. Lentement, ils approchent, me tenant en joue alors que je joue la pauvre fille perdue. Et ils y croient. Encore un quelques pas, trois deux, un.

Le tir est parti sans même qu'ils n'aient eu le temps de comprendre d'où il venait. Et la boule géante qui dégringole du plafond leur arrache un cri de frayeur profond alors que je fais exploser en masse les spots alentours. Et c'est plongé dans une pénombre inquiétante que le choc secoue la salle, écrasant l'une des deux petits sous son poids tandis que les autres se jettent à terre pour tenter de se protéger.

"- MAINTENANT !!!"

Je m'élance tel un fauve, suivant pour ma part le chemin par le mur de gauche. Ne pas être des proies facile et se diviser, pour leur compliquer la tâche. Rester en mouvement, fuir la fumée qui commence à envahir les étages. Et s'assurer au passage que l'armurier me suit. Il m'a sauvé la vie, rien que cela je me dois de m'assurer qu'il sortira de ce bordel vivant. Et entier de préférence.

Je longe le mur de gauche en avalant la distance comme jamais. Mon trajet est plus long que celui de David mais peut-être un peu plus sécurisé aussi. Enfin, l'un des sbires tente de me saisir au passage, le gros qui semble sans cervelle mais je parviens à l'éviter et continue ma course effrénée. Une nouvelle explosion secoue le bâtiment et une seconde, je crains pour David. Il était proche de la détonation mais visiblement, il avance toujours. Et Nikanor qui arrive également. Merde, pas le moment de faiblir. Heureusement qu'il tir comme un pied et ne semble bon qu'à donner des ordres en beuglant. J'arrive enfin à la porte qui vient de s'ouvrir devant moi, David l'ayant atteinte comme prévu avant moi.

Les femmes d'abord. Ne traînons pas. 

"- J'approuve l'idée. "

Je ne prends même pas le temps de ralentir. Dérapage légèrement incontrôlé pour prendre le virage au plus court et filer sur la gauche du bâtiment. Nous sommes au cœur du Quartier Sud, le pire lieu possible puisque le repaire de tous les gangs et autres mafias d tous les horizons. Si au moins nous parvenions à remonter un peu, nous pourrions attendre les coin des junkies. Là-bas, ce sont eux qui font la loi et même des gros bonnets comme Nikanor ne pourraient pas nous y dénicher trop facilement. Pour l'instant, ne nous sommes que des proies faciles, blessées et aisée à pister.

"- Il faut les semer. Et ne pas rester trop à découvert.... "

Déjà, des coups de feu mêler à des cris retentissent derrière nous. Je tourne dans le premier chemin sur la droite, bifurque dans une minuscule allée, saute sur l'amoncellement de déchets puants pour parvenir à passer une palissade mais peine à me relever de l'autre côté. Le sopalin est mort et mes pieds dans un état lamentables. Mais je ne peux pas m'arrêter maintenant. Et les autres sont toujours à nos basques.

"- Là, l'échelle murale! Montons sur les toits."

J'attrape les barreaux de fer et force sur les montants d'acier qui crissent méchamment. Et déjà, je commence mon ascension. Ils devront faire un détour pour nous rattraper, ils ne passeront pas la palissade comme nous alors autant profiter de ce répit pour tenter de se mettre hors de portée. L'escalade est rapide et pourtant, alors qu'il ne reste plus qu'un étage à gravir, je suis forcée de ralentir. Ma hanche se rappelle à mon bon souvenir, un morceau de verre fiché dans mon pied me tiraille violemment alors que la gifle du Ruse devenu coquard impressionnant pulse dans mon crâne.

Je serre les dents, crispe les poings et tousse un bon coup avant de repartir. Nous ne sommes pas encore tiré d'affaire, loin de là. Et comme il nous reste encore 25 bonnes minutes avant que les forces de l'ordre ne puissent arriver sur place. le temps qu'elles se déploient et nous retrouve, on aura le temps de crever au oins 10 fois et ce n'est pas à mon programme. Enfin arrivé sur le toit, en relative sécurité. Je me laisse tomber derrière un cheminée imposante, le temps de récupérer un minimum.

"- On devrait pouvoir... souffler 5 minutes ici...."

Je pensais que j'aurais le souffle plus court que cela après une telle course mais finalement, je trouve que je m'en sortirais presque bien. presque oui, parce que bon, on ne peut pas dire qu'ils y soient allés de main morte. Bon, au moins pour le coquard, je l'ai cherché, c'est vrai mais au moins ainsi, j'avais gagné et du coup, j'étais toujours en vie. Alors, je ne comptais pas me plaindre. David me rejoint alors que je fixe les environs, guettant les lumières des gyrophares et les bruits des sirènes au loin. Mais rien. Il va nous falloir tenir encore un moment.

Ne bougez pas.

Réflexe stupide, alors qu'il saisit mon pied, je tente de me reculer. Mais je suis déjà adossée à la cheminée et du coup, je ne parvient qu'à grogner. Un coup de plus dans mon dos déjà constellé de coupures et griffures de verre. je parie combien que certains morceaux y sont encore incrustés? Enfin, je ne peux me dégager et du coup, me retrouve obliger de le laisser faire. Je n'aime pas ça et il doit le sentir, mon corps n'aspire qu'à une chose: rompre tout contact avec autrui, même s'il agit pour mon bien.

Je ne lâche pas un son, à peine un gémissement mais mes ongles crissent sur le sol tandis que je serre les dents. La prochaine fois, Logan ira se faire foutre. Je respire profondément tandis que je ne quitte pas des yeux la photo sur le téléphone. La mienne, entre les mains de cette Homme. Présentée comme une simple marchandise déjà abîmée car pas assez soumise. J'ai envie de vomir mais retiens la bile qui me monte aux lèvres. Mais s'il a pris des photos, il devait avoir des raisons. Et mes suspicions reviennent de plus belle. Cependant je n'ai pas le temps de dire quoi que ce soit, l'armurier reprend déjà la parole.

Je ne pourrais pas bander toutes vos plaies avec si peu. Mais j'imagine que ça ne va pas vous plaire, si je vous propose de nous rendre au territoire des Sharks. J'ai plus de matériel à ma boutique, et de quoi nous défendre, évidemment. Prenez mes chaussures, ça nous évitera de laisser trop de traces. 

"- Entre deux calamités, l'homme sage choisira toujours la moindre. Et puis, je crois que je n'ai pas vraiment le choix de toute façon. "

En effet, l'idée ne m'enchantait guère mais pour le moment, il était mon seul et unique soutien alors je ne pouvais me permettre de le perdre. Et puis, si nous nous séparions, il pourrait aussi me vendre de nouveau à l'autre Russe qui ne serait que trop heureux de me remettre la main dessus. Je me saisis de ces chaussures et les enfile en grimaçant. Je nage dedans mais en effet, c'est mieux que rien. Et ici, il a moins de risques de se faire charcuter comme les miens l'ont été.

"- Dans tous les cas, nous ne devons pas traîner par ici. Alors, je vous suis. "

Oui, je vais le laisser me guider mais je ne lui fais pas confiance pour autant. Au loin, on peut entendre les pompiers arriver et repérer les flammes qui s'échappent de cet enfer que nous avons quitté. Le feu est léger, il sera vite maîtrisé. Et avec de la chance, il restera bien assez de preuves pour inculper Nikanor. Mais ma mission est de l'attraper et je l'aurais. J'en fais une affaire personnelle à présent.

"- Les bombes, c'était vous, n'est-ce pas? Le timing est trop bon pour être uniquement dû au hasard. "

Tant qu'on y est, je préfère lui montrer d'office que je ne suis pas dupe. Je ne compte pas le vendre à la police, qu'il soit des Sharks ou autre. mais si nous devons faire équipe, bon gré mal gré, je veux être sûre de pouvoir au moins compter un minimum sur lui. Alors autant les choses au point dès le départ. Et parler me permets de réfléchir et de me focaliser sur autre chose que la douleur. Ainsi, je ne nous ralentirait pas. J'espère seulement que Nikanor n'aura pas trop vite la même idée que nous. A savoir se rendre chez David.

Non... 

"- Réponse peu catholique pour quelqu'un semblant aussi pieu... "

Je ne me moque pas de ses choix et je peux comprendre son mensonge mais il ne m'empêchera pas non lus de réagir à ma manière. Je me raccroche à ce que je sais faire de mieux. Déduire, analyser, comprendre, prévoir méticuleusement. Déjà je me suis relevée et aussitôt, je note dans mon esprit de ne surtout plus m'arrêter. Sous aucun prétexte. Je crains que mon corps ne finisse par ne plus suivre ma volonté par la suite. Nous changeons de toit avant de redescendre dans une ruelle adjacente. je rejoins l'armurier qui m'attends avant d m'expliquer la suite des opérations.

Dans notre état, on va éviter les grands axes, mais ne courrez pas. De toutes façons, ils vont d'abord penser à nous courser avant de venir au Goliath. Et puis, ils n'ont aucun pouvoir sur ce territoire. La pénombre cachera le sang et si nous ne nous faisons pas remarquer, personne ne nous causera d'ennui. Restez près de moi. 

Super, encore une phrase du genre. Mais qu'est-ce que les mecs ont tous à vouloir que les filles les collent? Je refuse poliment son bras, je suis encore capable de marcher toute seule, mais je me maintiens à son niveau. Ainsi camouflés par la pénombre des lieux, je devrais à nouveau passer pour un homme, ce qui m'arrange grandement puisque nos poursuivants recherchent une femme dans le lot. Je joue avec mes doigts, comme si je palpais une arme imaginaire. Oui, j'ai encore de la ressource, je ne tomberais pas aussi facilement.

Je dois avouer que vous êtes très douée pour le déguisement. Il y a encore trois heures, je pensais que vous étiez un homme. Mais je vous préfère en robe. Avis personnel.

"- Pourtant, on ne peut pas dire que vos photos montre mon meilleur profil. Quand au déguisement, c'est plutôt ce que je porte en cet instant qui en est un."

Il y a de la rancœur au fond de ma gorge mais elle n'est pas tournée contre lui. J'aurais dû refuser dès le départ. Après tout, je n'avais pas senti cette affaire et je ne m'étais pas gênée pour le faire remonter à Logan. Pourtant, je n'avais pas su dire non quand il avait réclamé mon aide. Je repense à cette tenue que je porte et si je ne me retenais pas, je l'arracherais littéralement. Mais je n'ai rien d'autre à me mettre alors je devrais patienter. Chez lui, je trouverais bien un pantalon et un t-shirt à enfiler.

"- Vous feriez mieux d'oublier ce que vous avez vu ce soir. Je veux dire, à mon sujet. Ce n'était qu'une erreur qui ne se reproduira plus. "

Je voulais être considérée comme une femme? Eh bien, voilà le travail. Autant dire que je n'étais pas prête de retenter l'expérience. Je garde le visage baisé, fixant mes pieds tandis que nous avançons, pour le moment sans encombres. En réalité, je suis un peu perdue. Mais je ne veux pas l'admettre. Oui, cela me fait bizarre d'être complimentée pour une chose que je n'ai pas l'impression d'être réellement. Et je ne voulais surtout pas qu'il puise remarquer la légère couleur qui était montée à mes joues.

"- Dans tous les cas, merci.... D'être intervenu.... "

Je ne suis pas idiote, je sais ce que je lui dois. Et si ce n'est pas la vie, ce n'en est vraiment pas loin. Alors, je tiens à ce qu'il sache qu'aussi garce ou autre que je puisse me montrer, je sais reconnaître la valeur de son acte à mon égard.

Si vous ne vous parez que pour ce genre d'occasion et dans ce genre d'endroit, rien d'étonnant à ce que vous le regrettiez ensuite. Les filles qui vont dans ce lieu savent ce qui les attendent. Sans le chercher, elles l'acceptent. C'est sûr que ça demande moins de courage d'être un homme. Nous supportons moins les regards, les critiques et la violence qui nous dépasse. C'est bien pour ça que j'ai autant de respect pour les femmes et que je ne peux pas en laisser une dans le besoin quand je peux l'aider. Parce qu'elles m'offrent des leçons de courage, comme vous face à Nikanor.
Là encore, avis personnel.

Non mais pour qui il se prend, celui-là? Parce que tu crois vraiment que ça m'amuse d'aller jouer les lapins blancs en plein dans la gueule du loup? Et puis c'est quoi encore cette histoire de courage? le seul courage dont je puisse avoir besoin, ce n'est pas ma nature de femme qui me l'a offerte. Et qu'est-ce qu'un type comme lui peut savoir à ce sujet-là d'abord? J'ai du mal à décolérer mais je ne dis rien, je serre les dents et accélère un peu le pas, ayant par la même occasion totalement occultée la douleur. Au moins ses conneries me serviront à quelque chose.

Pourtant, je suis bien forcée d'admettre que quelque part, il n'a pas complètement tort. Si je me suis ainsi grimée en Homme, c'était bien pour me fondre dans leur décor et parvenir à me protéger d'eux, d'une certaine façon. Cependant, en y réfléchissant ce que j'ai fait en tenant tête à ce type n'a rien d'un acte de courage. Il s'apparenterait plus à un acte de désespoir, une tentative de la dernière chance. Je ne suis pas courageuse, je n'ai répondu qu'à un instinct primaire de survie. Et sans lui, je pense que je ne serais plus de ce monde.

Je n'ai même pas vu les derniers mètres passer, ni même fait attention au digicode. Par contre, je l'ai très bien entendu. Le ronronnement. Et sans me soucier de la présence de l'armurier, je me suis approchée de l'animal. Pauvre bête, martyrisé par les humains, c'est évident. Je laisse ma main s'approcher, son nez l'effleurer avant de glisser avec tendresse et douceur mes doigts sur son dos. Oui, tu n'as rien à craindre de moi, je te le promets.

D'abord, vous allez monter dans la salle de bains, en haut de l'escalier, à droite après la cuisine et soigner vos plaies. Il y a une douche et l'armoire à pharmacie est accrochée au mur, si vous ne trouvez pas ce qu'il vous faut dedans, c'est qu'il vous faudra aller à l’hôpital.
On va essayer de faire en sorte que vous soyez au moins opérationnelle. Si ce sont les Jackals qui se ramènent les premiers, je vous donnerai de quoi vous défendre, et si vos collègues arrivent avant, ça m'évitera de me faire tabasser par l'un d'eux. Vous pouvez les appeler avec le téléphone qu'il y a sur le buffet, près de l'escalier. Je vous laisse choisir des vêtements. 

Eh respire un coup, tu vas nous faire une syncope là. Bon, je ne devrais pas me moquer ainsi de lui, surtout que visiblement, il s'inquiète pour moi mais voilà, je n'ai pas l'habitude d'être ainsi considérée alors je ne sais en fait pas vraiment comment réagir. Je l'écoute, le suis et me contente de hocher de la tête. Ce n'est pas mon territoire, je n'ai aucun repère ici et je n'aime pas ça alors autant éviter de m'éterniser. Et pour cela, je n'ai 50 solutions: je dois me retaper le plus vite possible.

Si vous avez besoin de quelque chose, demandez-moi, sinon je pars faire le guet en bas.

"- Je devrais m'en sortir, merci. "

Je le laisse descendre avant de prendre un simple pantalon noir et un t-shirt dans les même tons. Passe-partout et discret en cas de nouvelle fuite. La veste, je pourrais l'utiliser encore. direction la salle de bain ou le miroir me renvoie un image qui me fait rater un battement de cœur. C'est moi, ça? Je comprends mieux qu'il puisse s'inquiéter en fait.

Mon visage est tuméfié, le coquard bien étendu de l’œil jusqu'à la moitié de la joue. Sur la tempe, une croûte s'est formée et du sang séché colle à mes cheveux. Je suis maculée de sang, en partie le sien d'ailleurs. Mon corps est parsemé de griffures et entailles plus ou moins légères, lié à la destruction des spots. Mes pieds, je ne m'y attarderais pas. Mon dos, je ne peux pas y faire grand chose. Tant pis, sur les trois éclats dispersés entre le creux de mon dos et mes omoplates le plus haut e reste inaccessible, il restera donc là. Au final, je vais me contenter de me passer intégralement sous le désinfectant, cela fera l'affaire. Et je soignerais correctement la plaie à ma hanche.

Je ne peux pas me permettre de perdre trop de temps. Par contre, je fais mon possible pour faire disparaître toute forme de maquillage ou autre. En à peine 10 minutes, j'avais expédié le tout. Le temps m'était trop précieux pour que je m'attarde davantage. Aucun bruit suspect, visiblement tout va bien. pour combien de temps encore? Voilà un donnée que j'aimerais connaitre. Je redescends donc avant d me diriger vers David.

"- Vous devriez vous soigner aussi tant que nous en avons la possibilité. Je m'occupe du guet, montez sans crainte. Mais avant, est-ce que je peux vous emprunter votre portable un instant? Je contacterais le commissariat juste après depuis le fixe."

Cette photo, je veux la sauvegarder. Pour pouvoir la ressortir au procès de l'autre gros porc et ainsi l'accabler de circonstances aggravantes. Car non, je ne compte pas le tuer, je tiens par contre à l'appréhender de mes propres mains. Je veux qu'il paie, et très cher. Pour moi mais aussi et surtout pour toues ces vies qu'il a gâchées. Mais je veux la conserver aussi pour autre chose. Pour moi. Pour ne jamais oublier cette nuit, les risques que j'ai pris ni pourquoi malgré tout, si c'était à refaire, je recommencerais. Car des Nikanor en puissance, il y en a encore des centaines en liberté et leur mise en déroute mérite bien quelques bleus et contusions.

Plus le temps passe et plus ils risquent d'arriver. Je n'ai rien de grave et je saurai me soigner plus tard. Quant à mon téléphone, je préfère le garder. Si c'est à cause de la photo, je vous la transmettrai avec les autres quand cette nuit se terminera. Si c'est pour mes messages ou mes appels, je vous l'échangerai contre une perquisition en bonne et due forme.
C'est une arme rapide et maniable.

Il est carrément suspicieux mais dans un sens, il n'a pas complètement tort. Je ne me montrerais pas blessée par son comportement car je pense que si j'avais réellement eu l'esprit au clair, j'aurais moi-même songé à tout cela. Mais même si je fais mine d'être redevenue parfaitement maître de moi-même, je sens la douleur pulser dans mon corps et je reste malgré tout légèrement en état de choc. Alors je me tais et me contente de hocher de la tête. Cependant, le fait qu'il refuse de se soigner me gêne. Car nous aurons de toutes nos forces et même plus si les autres finissent par nous retrouver.

Très belle arme. Je vous la rendrais rapidement. 

Un coup d'oeil expert. On ne se refait pas. Moi qui était curieuse de venir par ici depuis notre rencontre à la morgue, maintenant au moins, j'avais un aperçu de la boutique. Enfin, ce n'est nullement le moment de se reposer sur nos lauriers car déjà un bruit de coups de feu en rafale vient percuter les fenêtres. Par réflexe, je me jette au sol et me glisse à l'abri tandis que je remarque que les vitres tiennent. Tant mieux, j'ai bouffé assez de verres à mon goût pour un bon moment comme ça. Mais elles ne tiendront pas éternellement non plus. Et visiblement, il y a plus que les deux malabars restant dehors.

Vous feriez bien d'appeler vos collègues maintenant!

A peine le téléphone arrive t'il à ma portée que déjà, je pianote dessus. Première manip, l'envoie de la photo sur le portable personnel de Logan que je sais se trouver dans la poche de sa chemise, sur son coeur. Et j’enchaîne aussitôt pour composer le numéro. Même pas une sonnerie que déjà, il décroche. Le silence pesant derrière lui prouve qu'ils sont bien en mode écoute, parfait. Désolé mon vieux, tu vas en prendre pour ton grade devant tout le monde mais là, j'ai pas le temps de faire dans la finesse.

"- Tu as exactement 1'30 pour me géolocaliser cet appareil et vous ramener vitesse grand V à la même adresse... Tout ce qu'il reste des Jackals nous y encercle... "

Naoto, garde le contact. C'est quoi cette photo? Et Terence....

"- J'ai descendu la taupe. Et ça, c'est la preuve dont vous aurez besoin si j'y passe. Maintenant que votre reconnaissance vocale à fait son taff, c'est quand vous voulez... "

Le bruit des balles s’écrasant contre les murs et les vitres me force un instant à me taire tandis que j'entends Logan hurler dans le cellulaire. Je crois que là, il a compris l'urgence de la situation. Je reprends le portable dans lequel je perçois beaucoup de mouvement même si pour certains un peu désordonnés. Des ordres au loin, ça bouge. Parfait.

"- La mission avant tout. Nikanor est avec ses sbires et c'est notre peau qu'il veut, alors négociez bien votre marge de manœuvre. "

Notre peau? T'es avec qui? Ne fais pas de conneries, tu m'entends? Ne prends aucun risque inutile. On est là dans 10 minutes, 13 avec le déploiement. T'as compris? Ne joue pas au petit génie cette fois, cette pointure-là...

"- Fallait y penser avant de me jeter dans ses bras. Maintenant, si tu ne veux pas avoir ma mort sur la conscience, bouge ton cul et rapplique. On a assez perdu de temps comme ça. "

NAOTO !!!

Je raccroche et ne réalise seulement que le cellulaire était passé en mode haut parleur. Bon, au moins comme ça, pas besoin de lui faire un résumé. La voix de Logan tremblait, je l'ai parfaitement entendu. Il réalise sans doute beaucoup mieux que moi le merdier dans lequel nous sommes fourrés en cet instant. Je renvoie le téléphone à son propriétaire avant de me saisir du beretta. Un contact familier, ça aide. Je me rapproche de lui afin de ne pas avoir à hurler pour me faire entendre.

"- 15 minutes à tenir. Et je ne tiens pas à les laisser me cueillir aussi facilement. Alors, je ne vois que deux solutions: soit nous trouvons une issue de secours pour retrouver l'air libre et les contourner, le chat ne cherche jamais la souris dans son dos. Soit nous tentons de gagner du temps en négociant. Sachant que vous devriez pouvoir tirer beaucoup de lui en échange de moi. Il nous veut encore vivant, c'est notre chance."

Comment ça, il y a une troisième option qui consiste à attendre sagement? Et puis quoi encore? Je ne suis pas un lapin ni un pigeon d'argile sur lequel les mecs des gangs peuvent s’entraîner au tir à volonté. Et puis, qui sait, rien n'est joué. En arrivant bien à préparer notre coup, nous pourrons aussi éviter les dégâts collatéraux. Il y a eu bien assez de victimes innocentes autour de ce sale type. Mais si nous restons trop longtemps à ne rien faire, il finira par comprendre. Et il s’échappera. Ça jamais. Je dois réussir ma mission, quitte à y laisser des plumes.

Négocier? C'est ma spécialité.
 
Vraiment? Eh bien parfait. Qu'il me montre un peu ce qu'il compte faire alors. Parce qu'il peut dire ce qu'il veut mais il panique, il n'en mène pas aussi large qu'il veut bien me le faire croire. C'est moi qui ai le plus morflé mais c'est encore lui qui tremble le plus. Cependant, le fait qu'il ouvre la porte ne me fait que crisper davantage mes doigts sur le beretta. Je dois me tenir prête à toute éventualité.
 
Sortez de là, les deux rats! Nik' a deux mots à vous dire!
 
Messieurs, pour votre parfaite information, la police est là dans quinze minutes. Il serait préférable de régler cette affaire rapidement. 
 
Tu crois nous faire peur avec tes menaces? Dans un quart d'heure, il ne restera rien de vous.
 
Pauvres cons, ce n'est pas à vous que je parle.
 
Par réflexe, je suis son regard, un peu surprise et déjà, je comprends. ou plutôt, je vois. Des silhouettes, des ombres dessinées en rouge et jaune suite aux détonations des armes à feu. les coups qui pleuvent des toits tandis que les corps s'écroulent devant nos regards, au milieu de la ruelle. Je ne peux pas dire que leur mort m'attriste mais cela ne me satisfait pas spécialement. Nos anciens assaillants gémissent au sol avant d'être achevés purement et simplement. Ce comportement me répugne mais je ne peux rien dire pour autant. Cependant, je serre les dents et les poings. Nikanor court toujours.
 
J'aime votre vision du chat et de la souris, Inspecteur. Mais dans notre situation, j'aurais plutôt choisi le chacal et le requin. Même un seul chacal peut tuer et dévorer un requin, s'ils se battent dans le désert du chacal. Mais dans la mer du requin, même vingt chacals ne survivent pas face à un seul requin. Imaginez bien qu'autant de proies attirent forcément les autres requins. 

Chacal et requins, hein? Jolie métaphore. Mais dans ce ravissant contexte devenu mare de sang, je ne fais partie ni d'un côté ni de l'autre. Je me contente de redevenir le caméléon que j'ai toujours été, de me fondre dans le décor. L'autre sursaute à la sonnerie de son portable avant de sembler soulagé. Tant mieux pour lui. Mais à présent, mon problème n'est pas résolu. Nikanor. Il ne peut pas être bien loin. Et s'il n'est pas ici... je sais qui va me l'indiquer.

"- La porte, ouvrez-la moi tout de suite ! "

A peine l'armurier s'est-il exécuté que je bondis hors de la boutique à la recherche d'un de sbires encore en état de parler. Et il y en a un, bien caché dans un coin. Étonnement peu amoché par rapport aux autres. Je ne dis rien et viens déposer méthodiquement le canon de mon arme sur sa tempe. Il sue à grosse gouttes, ne peux plus fuir et croise mon regard, noir et froid. Déterminé. Je me contente de deux mots, bien articulés mais je sais qu'il me dira tout ce que je veux savoir.

"- Nikanor. Où? "

Son doigt se pointe vers le bout de la ruelle avant de prononcer le nom d'un hangar. Un numéro qui me permettra de le repérer sans la moindre hésitation. Et de faire tomber une nouvelle de ses caches par la même occasion. Je ne devrais pas tenter ainsi le destin mais maintenant, je ne reculerais plus. Je ne me soucie même plus de David, des Sharks ou autre. Je dois arrêter cette ordure. il ne s'en sortira pas vivant. Même si pour cela, je dois également y rester.

Je m'élance, faisant fi des douleurs et autres plaies encore bien vivaces peuplant mon corps tel un récit de cette nuit d'horreur. Tout doit prendre fin avant le lever du jour alors le temps m'est compté. Du coup, je presse le pas, trébuche à 3 reprises, tombe une fois même avant de me relever en gémissant mais rien nem'arrêtera. Ma mission avant tout. Et j'ai un comte personnel à régler avec cet homme. Pour mon honneur. Pour moi, tout simplement.

Enfin arrivée à portée de vu de l'entrepôt, je me permets une pause. Mon souffle est court, j'ai mal dans le dos, là ou je n'ai pu extraire le verre et mes pieds ont du se rouvrir malgré les bandes mais tout cela ne sera bientôt plus que du passé. Et puis, après tout, il nous attend. Alors je vais simplement accéder à sa requête et rien de plus.

Je n'ai pas crié mais je me suis redressée soudainement, mon arme en main braquée sur lui dans un mouvement d'une rigueur méthodique. Limite si mon canon ne se pose pas directement sur sa peau. Je peux sentir le trajet de l'éclat le long de ma peau avant de le sol dans un son cristallin. Fils de ***. Mes yeux brillent légèrement mais son rempli d'une hargne bien visible. Je ne sais pas ce qui me retiens de te dézinguer, sale petit con.

C'est bien la peine de vous laisser du temps pour vous soigner. Si en plus vous flanchez si près du but, qui d'autre l'atteindra à votre place? 

Evidemment, cela aurait tellement plus simple qu'ils me cueillent directement sous la douche...

Oui, je l'ai mauvaise même si je dois bien reconnaître que ce n'est pas pour autant sa faute. La douleur, la fatigue et puis l'adrénaline qui fait des montagnes russes dans mes veines ne m'aident pas à rester au plus clair de mes idées. En général, je suis bien plus impartiale mais cette fois, cette affaire me touche personnellement alors je réagis en conséquence. Et je crois que ma partie féminine n'a pas du tout appréciée cette soirée.

L'armurier reprend la tête de notre cortège et entre en premier tandis que j'observe les lieux avec un œil critique. Vide, ou presque. Nikanor est bien ici. Blessé et sans garde rapprochée. Donc il ne devait pas s'attendre à notre venue jusqu'ici. Alors que le gros bonnet russe fixe la fenêtre d'un atelier obscur, déjà Desanges est sur lui et le met en joue. Le surprenant tellement que pour le coup, le mafieux ne trouve aucun réplique cinglante à sortir.

Desanges? Où sont mes hommes? 

Morts, Nikanor. Tu as deux minutes? Qu'on discute un peu. Personnellement, je n'ai pas grand chose à te dire, mais la personne qui m'accompagne voulait absolument vous revoir au plus vite. Même si la raison m'échappe.

Je me contente de m'approcher tandis que le chargeur de l'arme du gros tas de graisse reste à la merci de David. Pour le moment, il ne représente pas un danger pour alors je me dirige tout de suite vers le petit atelier du fond. Un seul regard me suffit et déjà, je manque de vomir. Alors c'était ça sa véritable source de revenu? Le trafic d'être humain? J'en ai vu des horreurs mais ça, j'avoue que je croyais pouvoir y échapper.

Tu travailles pour les flics, maintenant, petit frenchy?

Ne m'insulte pas, Ruskov.

"- Je ne suis pas flic de toute façon."

Un simple constat tout en étant une vérité. Je leur laisse le temps de digérer la nouvelle a tous les deux même si je doute que cela leur fasse grand chose. Ma voix est redevenue plus grave, plus profonde. Mon attitude droite et fière malgré ce que je viens d'endurer. C'était à ça qu'il me réservait, moi aussi, une fois qu'il se serait lassé de jouer en ma compagnie. Il me répugne, tous les hommes me répugnent, TOUS!

Je me détourne de l'atelier, me jurant de m'en occuper au plus vite. Mais déjà, je dois régler son compte à ce sale type. Et mettre les choses au clair avec l'autre par la même occasion. En premier Nikanor, que j'invite à s'asseoir sur la chaise que je pose sèchement à ses côtés. Alors je viens me placer devant lui, mon attitude ne laissant plus rien paraître de mes allures de jeune fille fragile qu'il avait rencontré dans son club. Je le fixe d'un regard noir et froid, déterminé avant de le mettre en joue. Je le laisse se décomposer un instant avant de parler d'une voix un peu plus grave, plus profonde mais surtout presque aussi coupante que le verre dont j'ai été couverte.

"- Alors, dis-moi? C'est quoi le prix d'une vie? Et la tienne, quelle valeur lui donnes-tu, hein? "

Un coup de feu et un cri qui s'en suit. Je n'ai visé que son pied mais c'est bien assez pour qu'il comprenne que je ne rigole pas. Je me rapproche encore un peu et je commence à égrener des noms, de toutes les origines, des filles comme des garçons, allant de l'enfant de 3 ans au père de famille d'environ la cinquantaine. Toutes ses personnes, je m'en suis chargée, j'ai du apprendre leur mort à leur famille, faire des recherches sur leur disparation. Et maintenant, il est là. Entre mes doigts.

"- Tu ne dois la vie sauve qu'à une chose. La mort serait trop douce pour un monstre tel que toi. Alors, prépare-toi. Car ton agonie sera... Lente et douloureuse."

Exactement les mots qu'il a utilisé à mon égards plus tôt. Un défi que je lui lance. Et malgré la douleur et sa position de faiblesse, il se permet de rigoler. Je me contente de ne pas broncher. Il devient fou? non, pas un homme comme lui. Alors, cela ne prédit rien de bon. Mais déjà, David le frappe de nouveau pour le faire taire. Et cette fois, c'est moi qui lui en colle une en retour.

"- Je vous interdit de refaire ça! Il faut qu'il parle. Et il parlera..."

Mon regard s'est porté sur l'atelier et d'ou je me trouve, je fais sauter le cadenas avec une seule balle. Très pratique ce beretta. Je jette un œil sur le prisonnier puis sur David, lui faisant signe de me suivre en direction de ce dernier. Je ne prends même pas la peine de me retourner, je les entends derrière moi, le gros porc ayant du mal à se traîner jusqu'à moi. A moins qu'il ne commence à avoir peur? Il aurait bien raison.

Je pénètre dans l'atelier où se trouve tout un tas de matériel chirurgical et de déchets humains. Ce lieu empeste la mort, l'éther et le sang pourri. Un atelier clandestin de prélèvement d'organe. Un véritable marché noir devait s'opérer par ici. Il demeure des traces de mains, des griffures d'ongles, même des giclées de sang sur certaines parois et sur les tentures de plastique censées isoler l'endroit. Une boucherie qui a vu passer nombre de victimes innocentes.

"- Je suppose que vous ne vous êtes jamais mis à la place de vos victimes. Eh bien, c'est l'occasion ou jamais."

Je le vois changer de couleur tandis que je me saisis violemment de lui. Aidé par David, nous le sanglons aussi fort que possible sur la table d'opération encore salie de sa dernière intervention. Je le laisse un moment couiné comme un cochon avant de revenir à lui. Je me contente de lui adresser un regard, toujours aussi froid et dur. Il n'y a plus trace de rien dans mes yeux, je sais ce qu'il a fait, la souffrance qu'il a causé. Il ne mérite qu'une chose, la connaître à son tour.

Que... comptez-vous... faire?

"- Nous allons nous amuser un petit peu. C'est un jeu très simple. Tu me réponds à mes questions et en échange, tu ne souffriras pas. "

Pour qui... tu te prends...? Tu crois... vraiment que... AAAAAAAAAAAAAAAAHHH!!!


Le scalpel qui traînait près de la table vient de s'enfoncer sous l'ongle de son auriculaire droit avant de le faire sauter d'un coup sec. Oui, je n'ai aucun scrupule à agir de la sorte, pas avec ce genre de type. J'attends qu'il arrive à reprendre un semblant de souffle avant de me pencher sur lui.

"- C'est moi qui pose les questions maintenant."

Ce type est un monstre. Oui, j'aimerais qu'il ait mal, au moins autant que tous ces gens que j'ai vu pleurer, que j'ai soutenu, de qui j'ai partager la peine, avec qui j'ai cherché et patienté pour des nouvelles d'un être cher qui jamais ne reviendra plus car victime de son odieux trafic d'organe et de chair humaine. Je suis hors de moi, c'est vrai. Cette soirée à mis mes nerfs plus qu'à rude épreuve mais pourtant, je réalise à son cri de douleur que je ne veux pas de cela. Que cela ne me soulage nullement de lui rendre la pareille. Je n'éprouve aucune joie, pas le moindre soulagement à l'entendre beugler de la sorte.

Je le regarde, toujours aussi inexpressive alors que je sens que cette fois, il me prends enfin au sérieux. Je pourrais continuer, le torturer juste pour le plaisir mais un mouvement attire mon regard dans le coin. David s'est penché vers une cage que je n'avais pas vue en entrant. Et une seconde, mon cœur rate un battement. Non, est-ce que? Et oui, il y avait bien quelqu'un. Un enfant. Un petit garçon de 7 ans, brun aux yeux verts. Bryan Tisdall. Enfin, une victime retrouvée en vie depuis tout ce temps. Personne ne pourra jamais réaliser le soulagement que j'ai pu ressentir en cet instant. Mais déjà, j'interroge David du regard.

C'est le seul.

J'acquiesce de la tête, digérant l'information. Il aura donc fallut deux ans d'enquête avant d'arriver à boucler cet homme. Mais au résultat quoi? Un maigre sauvetage. J'attends que les deux garçons aient quittés les lieux, frustrée. Le gros bonnet russe semble rire de la situation mais pour le coup, je ne relève pas. Je regarde les cages, la table puis son hôte du moment. Il serait tellement facile de l'achever. De tout lui faire payer, ici et maintenant.

Tu n'es... rien de plus... qu'une fillette. Qu'importe ce... que tu voudras... faire croire. Tu ne me.... rattrapera jamais...

Le coup de feu est parti, précis et en même temps imprévisible. Le silence résonne à présent dans la pièce alors que je fixe corps fixé avec une haine peu commune. Il est réellement le premier à me faire ainsi sortir de mes gonds. Il ne bouge plus, son oreille saigne mais ce n'est que superficiel. Il a perdu connaissance, l'impact de la balle à 2 pouces de son oreille l'a mis hors service. Non, je ne veux pas t'écouter. Car il y a une chose dont je suis certaine. Une certitude qui continue de pulser dans mes veines et de me marteler l'esprit malgré ma main qui a présent, trembloterait presque.

"- Jamais je ne m'abaisserais à votre niveau. Jamais plus...."

Dégoûtée autant de moi-même que de ce que la terre peut compter comme pourriture, je m'éloigne du corps inanimé, avant de sortir de l'atelier. David doit être dehors, avec le gamin. Il vaut mieux que je les laisse seuls. Les sirènes retentissent bien assez fort, les gars prendront le relai et rendront Bryan à sa famille dès qu'il aura vu un médecin. Moi, ma place est ici. Plus proche des monstres que des sauveurs. Car cette nuit, j'ai peut-être été victime mais j'ai aussi été bourreau. Et ça, je ne peux pas me le pardonné. Pas encore. Alors, je me contente de rester dans l'ombre, appuyée contre un mur de l'entrepôt, légèrement chancelante.

Mais le bruit des sirènes est rapidement remplacé par les pneus crissants, les cris des hommes du commissariat, les armes que l'on enclenche et les ordres balancés avant que le silence ne retombe sur des bruits de pas. Je me suis redressée et j'avance, pour me rendre à la porte. Ils seraient capable de tirer sur David et le pauvre petit Bryan ces couillons. Alors, bien que je n'ai pas le cœur à sortir rencontrer les lumières vives et puissantes, ni les regards alentours, ni les sirènes intermittentes, je prends sur moi. Mais ça aussi, c'est mon boulot. Et ma mission ne sera complète qu'une fois parfaitement remplie.

Je suis sortie en vitesse et ma première réaction est de me placer devant les deux garçons. pour éviter toute bavure, erreur ou autre problème de ce genre. Et déjà, à ma vue, les ordres sont lancés. Baissez les armes, ne faits rien avant mon signal, ne bougez pas. Et tout le monde s'en tient aux ordres. Ou presque. Car de tout ce cortège, une silhouette assez imposante se dégage avant de courir droit sur moi, en hurlant mon nom à pleins poumons. Ça va Logan, je sais encore comment je m'appelle merci.

"- Bryan Tisdall... Occupez-vous de lui d'abord... Sa famille l'attend... Et ne faites rien à Mr Desanges... Je lui dois la vie..."

Un instant, il hésite mais je ne cille pas et il répercute mes consignes. Pour Nikanor, ils sauront le trouver sans moi et sinon, David les aidera. Là, j'ai besoin d'air, de souffler. Et surtout de toute cette proximité alentour qui me rend mal à l'aise comme jamais. Et maintenant que l'adrénaline retombe, je manque de flancher. Je suis obligée d'utiliser le mur proche comme soutiens pour ne pas m'affaler par terre. Bientôt, je pourrais me laisser aller. Quand je serais seule. Pas encore.

Le reste de la scène me parait se dérouler comme à travers un voile léger. Terne, amer et lourd. Je regarde les agents se charger de l'enfant, interroger David, aller chercher Nikanor sans vraiment réagir pour le moment. De toute façon, ma mission est terminée, ma participation aussi. Alors, pourquoi est-ce que je reste ici? j'hésite un instant, il serait tellement aisé de dresser un kekkaï ici et maintenant pour disparaître de leur vue à tous mais je ne peux m'y résoudre; Ce drame était humain, je me dois de l'affronter comme tel.

Alors, Inspecteur? Jouer au docteur vous a amusée? 

"- Beaucoup."

Les mots sont sortis naturellement mais sonnent faux et c'est une évidence. Pourtant, je tiendrais presque encore droite, je ferais presque encore illusion. Heureusement que je n'ai plus rien dans l'estomac depuis des heures sinon je serais déjà en train de vomir tout ce que je peux. Je voudrais me laver. Ou plutôt effacer tout cela de mon esprit et de mon corps, mais je sais que ça ne sera pas possible.

Vous me direz, c'est pas comme si vous risquiez quelque chose. Même en n'étant pas flic... 

"- Ce n'est pas comme si je décidais de prendre ouvertement votre défense malgré les ennuis supplémentaires que cela va me causer... "

Et sans lui laisser l'occasion de réagir, je lui arrache sa cigarette avant d venir la porter à mes lèvres. La première bouffée me brûle la gorge et les poumons, ravivant mes diverses douleurs mais au moins, avec ça, je sais ce que je crois. Je connais mon ennemi. J'en ai déjà assez gros sur le cœur, pas besoin d'en rajouter mais si cela l'amuse, qu'il s'adonne également aux même bassesse que tous ces futurs et anciens Nikanor. J'ai choisi ma cause, j'assumerais mes actes. Il n'y a rien de plus à rajouter. Et je ne camouflerais nullement la vérité si l'on venait à m'interroger à ce sujet.

Merci de cette leçon de courage.

"- Il n'a pas une seule seconde été question de courage dans cette histoire, malheureusement ..."

Non, je ne suis pas pessimiste, simplement réaliste. Si j'avais été courageuse, je l'aurais arrêté dès le départ. J'aurais su arrêter Terence au lieu de le descendre. J'aurais repérer le garçon et je l'aurais sauver au lieu de me focaliser sur cette ordure de mafieux. Oui, j'étais déçue de moi-même. Et si j'avais réellement eu du courage en moi, j'aurais refusé dès le départ, au lieu d'avoir accepté par défi. Je ne vaux vraiment pas mieux qu'eux au final. J'en suis là de mes réflexions lorsque je jette le mégot consumé, manquant de me brûler les doigts, je ne suis plus à ça près remarque.

"- Vous pourrez remercier vos connaissances de ma part. Et ceci vous appartient."

Je lui tends le beretta, autant pour ne plus avoir quoi que ce soit qui me rappelle à cette trop sombre soirée que pour ne pas lui devoir encore plus que ma vie. C'est une dette assez importante en soi, pas la peine que je les accumule. Je me permets de garder ses vêtements cependant, j'ai eu assez de changements de tenue pour la soirée. Ah, et j'ai failli oublier.

"- Quand aux photos, vous n'avez qu'à en faire ce que vous voulez."

Je me suis assise sur le premier objet à ma portée, pouvant remplir cet office. Ici, un amas de carton assez solide pour soutenir mon poids. Je n'effacerais pas la réalité alors autant que je l'accepte. Et s'il décide de s'en servir, eh bien, tant pis. Au fond, je l'ai cherché. A moi de vivre avec ça en plus sur la conscience.

J'envoie les photos des enchères où vous n'apparaissez pas au "Logan", à qui vous avez téléphoné, tantôt. Vous lui direz que c'est inutile de m'appeler, je vais changer de téléphone et de numéro. Les photos qui vous concernent vous appartiennent. Je ne les garderai pas et vous enverrai la copie unique sous peu, par courrier dans une clé USB. Rassurez-vous, je ne garderai pas les originales. J'aurai préféré avoir une photo où vous souriez et dansez, là, je l'aurai gardée. Vous seriez bien plus belle, alors. 

"- J'y réfléchirais peut-être. Un de ces jours... "

Danser, sourire. Deux attitudes qui ne m'ont jamais vraiment sied. Quand au fait d'être belle, ce n'est tout simplement pas une chose qui me concerne. Et puis, tout est tellement relatif. Non, pour le moment, je me contente d'observer les autres embarquer Nikanor sans la moindre délicatesse avant de s'occuper de pauvre Bryan qui à présent pleure toutes les larmes de son corps en hurlant pour mieux extérioriser cette peur qu'il avait ressenti.

Et en cet instant, je l'envie. Je voudrais pouvoir faire de même. Me mettre à hurler, crier, frapper sur tout ce qui passe à ma portée simplement pour évacuer ce trop plein que je contiens encore envers et contre tout. Mais je ne peux pas me le permettre alors je resterais fidèle à moi-même. Rien ne sera visible, ma carapace restera intact et j'attendrais de me retrouver seule, pour peut-être accepter au moins de verser une larme.

David qui était parti discuter avec un homme un peu plus loin revient vers les voitures et déjà, un des agents l'interpelle pour lui demander de monter avec lui. Au moins, ils semblent encore accepter mes ordres. Ce qui est étonnant vu qu'au fond, je n'ai aucune légitimité sur eux. Logan et les autres officiers ont du s'occuper de faire passer le message. Il est évident que cela ne plait pas à tout le monde mais je ne les laisserais pas se passer les nerfs sur un innocent. Même s'il ne l'est sans doute pas autant que cela.

Bonsoir, Inspecteur.

"- Vous serez vite sorti. Pas de garde à vue ni d'interrogatoire. Vous ne venez que pour une simple déposition. N'est-ce pas, agent Trembled?"

L'agent grogne un peu mais acquiesce de la tête. Bien, de toute façon, il n'a pas le choix. Et puis, les seules choses qu'ils pourraient avoir contre lui viennent de moi hors, je ne dirais rien. De toute façon, qu'aurais-je à dire? J'ai de grosses suspicions mais de preuves formelles. Alors pour une fois, cela m'arrange. Et puis, après ce que j'ai fait ce soir, je ne suis plus à une entorse prêt avec mon éthique personnelle.

"- Comme je me doute que ma présence ne vous plaira pas dans les environs, je vous enverrais de quoi vous dédommager. Pour votre aide et les vêtements.
Encore merci, Mr Desanges."

Ma vie vaut plus que de l'argent mais je n'ai rien à lui offrir qui pourrait rembourser ma dette. Alors pour le moment, je vais me débrouiller au moins pour le protéger des autres agents. Je m'écarte de la voiture et tandis que Logan me rejoins, je lui tiens le même discours qu'à l'agent un peu plus tôt. Il tique mais ne dit rien, me fixant avec une réelle interrogation. Non, je ne te raconterais pas maintenant. Il finit par monter dans la voiture, en me promettant qu'il allait s'occuper de David lui-même. Un bon point, lui au moins, je sais que je peux lui faire confiance.

Sur ce, la voiture démarre et s'éloigne. Je la regarde disparaître, complètement inconsciente de ce qu'il se passe autour de moi jusqu'à ce qu'un ambulancier ne pose son bras sur mon épaule. Je me retourne brusquement, trébuche et ne retrouve mon équilibre qu'à la dernière seconde. Non, je ne veux pas. Ne me touchez pas, personne. Ils sont à présents 3 autour de moi et ils semblent comprendre que quelque chose ne va pas. Une personne me parle mais je ne comprend même pas vraiment ce qu'elle me dit. Ça va aller, c'est fini, terminé. Non rien n'est terminé, au contraire.

Je sens l'aiguille s'enfoncer dans ma peau alors qu'une poigne puissante saisi mon bras. Le produit coule déjà dans ma veine et je les fixe, aussi écœurée qu'horrifiée. Je ne les ai pas entendu. Je me suis laissée avoir. Mais je n'ai plus ni la force ni le temps de réfléchir. Je me sens défaillir, mes paupières se fermant alors que je chute contre l'ambulancier qui me parlait plus tôt. Et puis, un dernier mot parviens jusqu'à moi. Se reposer. Oui, il est peut-être temps de passer le relai. Pourtant, malgré les limbes qui m'encerclent, je ne pars pas sereine pour autant et un dernier murmure m'échappe avant que le noir total ne m'envahisse.

"- J'ai.. échoué..."