Une ou j'avais peu dormi. J'avais dormi malgré tout, preuve qu'en effet, j'avais gardé des séquelles de ce combat. Mais les marques physiques s'estompent vite, bien plus vite que les douleurs psychologiques. Pour la première fois depuis des années, j'ai même fait un cauchemar. Un mélange de réalité et de fiction. Que je m'empresse d'oublier dès mon réveil. Arsen est trop ravi de récupérer son panier pour venir se percher sur mon bureau, du coup je travaille seule.

Soudain, un coup de téléphone retentit. La sonnerie du fixe venant du poste de la secrétaire. Je décroche à la troisième sonnerie mais les paroles de Melle Betsy me laissent un instant pantoise. Non, ce n'est pas possible. Il serait venu jusqu'ici? En plein jour, malgré tout ce qu'il vient de se passer? Après une hésitation, je finis par répondre, d'une voix très professionnelle et neutre, comme à mon habitude.

"- Faites le monter. Et merci de m'annoncer indisponible tant que cet entretien ne sera pas terminé."

Je prends une grande respiration en raccrochant avant de me lever et de venir me tenir devant la porte ouverte, en haut des marches. Comme je le fait toujours pour recevoir mes clients. pourtant, j'ai le coeur qui bat à un rythme affolant. Et déjà, je peux deviner sa silhouette et entendre ses pas. Est-il vraiment soigné? Pourquoi est-il venu?

Bonjour. Je sais que tu dois avoir du travail, mais j'aimerais qu'on discute. Tu veux bien?

"- Maintenant que tu t'es déplacé, je ne vais pas te mettre à la porte. Je t'en prie, entre."

Je sais que Melle Betsy est juste derrière alors je reste très professionnelle. Je l'invite à pénétrer dans mon cabinet, le laissant passer devant moi. Sa main qui vient dégager une mèche de cheveu de mon visage commence déjà à me faire légèrement rougir mais je calme de mon mieux.

Ça va?

"- Oui. Tu vois, je n'ai déjà plus rien. Et toi? Tu étais dans un bien pire état que moi."

Une fois qu'il est entré, je referme la porte derrière moi avant de lui montrer le bureau, où se trouvent deux fauteuils confortable ou, un peu plus loin, un canapé assez âgé. Je m'avance vers la petite desserte du fond de la pièce avant, aussi naturellement que possible. Pourtant, je ne suis pas tout à fait à l'aise, c'est évident.

"- Assieds-toi, je t'en prie. Tu veux boire quelque chose?"

Je n'ai plus rien non plus

"- Tant mieux."

Je suis sincère dans mes paroles. Je le revoie encore couvert de sang, les griffes en travers du flanc, le verre lui recouvrant le dos et les mains dans un état pitoyable. Là, c'était comme si il n'avait jamais rien eu et c'est une bonne chose.

Naoto, tu es inquiète?

J'ai légèrement sursauté lorsque sa main est venue se poser sur mon dos. Oui, je n'ai aucune raison d'être ainsi stressé avec lui. Pourtant, c'est plus fort que moi. J'ai à peine conscience de mes côtés encore vaguement douloureuse mais quelque part, je ne peux le cacher. J'ai peur. Je me suis arrêtée toujours en contact avec lui sans le regarder pour autant.

"- Tu ne t'inquiètes pas, toi? "

Je reste un instant encore de dos avant de me retourner et de lui faire face. Je n'ai plus cette allure sure de moi que j'avais en ouvrant la porte. Ça ne sert à rien de faire semblant avec lui de toute façon, il le saurait tout de suite.

"- Je suis surprise.. que tu sois venue jusqu'ici. Et je ne sais si.. je dois en être heureuse... ou paniquée. Pas encore..."

Oui, j'attends de savoir la raison exacte de sa présence ici. Même si je m'en doute bien un peu. Mais tant que les mots ne seront pas sortis de sa bouche, je ne serais pas clairement fixée.

Il m'a lâchée avant de reculer et de baisser le regard. De sa part, je crois que c'est cela qui me fais le plus mal. Nos yeux ne se croisent plus et à sa posture, j'ai l'impression de pouvoir ressentir sa douleur. Qui se communique déjà. Non, ce n'est pas celle de mes côtes fêlées, c'est autre autre chose. Un malaise bien plus profond et terrible en soi qui me noue complètement les tripes.

Ne panique pas. Je ne veux pas te déranger ou te perturber. Je voulais juste qu'on en parle, toi et moi. Savoir ce que nous ferions à l'avenir. Je pense que si la situation te met si mal à l'aise, je crois connaitre la réponse. Quelle qu'elle sot, je l'accepterai et ne la discuterai pas. Mais je voudrais qu'elle soit sincère et bien exprimée.

Ce sourire de façade, si je le le pouvais, je le lui arracherais. Arrête d'être aussi faux que moi, comment pourrit-on avancer de la sorte? Car oui, malgré ma peur, mon angoisse et tout le danger que je sais qu'il représente à lui seul, je ne veux pas le voir partir. Je suis une imbécile finie, c'est officielle, mais je suis comme ça. Pourtant, les mots, eux, ont du mal à quitter ma gorge.

"- Tu ne me déranges pas. Et ce n'est pas toi qui me perturbe... "

Non, ne commence pas à te perdre dans des explications douteuses. Les faits, viens-en au fait. Comme tu l'as toujours si bien fait d'ailleurs. Pourquoi tout semble t'il soudain si difficile avec lui? Comme j'aurais aimé qu'hier n'ait pas existé. Du moins, pas l'inauguration. Oui, tout est de ma faute, je n'ai qu'à m'en prendre à moi-même. Maintenant, je dois réparer les pots cassés.

"- Je m'en doutais... Pour ta Nature mais... Le réaliser ainsi m'a prise au dépourvu... Au fond, tu avais presque réussi à m'y faire croire... A ce satané conte de fée..."

Non, tais-toi. Ça, il n'a pas besoin de le savoir. Mais j'ai promis d'être honnête, toujours. Et malgré cette peur viscérale, je veux encore, y croire. Ces étoiles, ces instants volés, ces rêves idiots, je ne veux pas les voir disparaitre déjà, je m'y suis trop attachée. Je soupire un grand coup, tâchant de garder mon regard dans le sien.

"- Qu'importe ce que tu as pu dire, faire, me cacher, être ou ne pas être réellement. Pour moi, c'est déjà trop tard...Je n'ai plus qu'à apprendre... à nager..."

Je sourirais presque mais ce dernier est bancal, rempli de larmes que je ne verserais pas. Et comme toujours, je suis incapable de dire les chose autrement que par énigmes et métaphores. Je m'en veux, je n'ai pas le droit de lui faire subir ça. Car la vérité, je la connais, je ne peux pas me la cacher. Alors, la voilà. Autant l'exprimer, non? Quitte à m'être jetée dans la gueule du loup, autant je l'assume pleinement. Et qui sait, le petit chaperon rouge s'en est sorti aussi. Sauf que pour moi, le prix à payer risque d'être sacrément démesuré.

Tu sais, Naoto, je crois que nous avons tellement l'habitude de mentir, et de jouer un rôle, que nous ne savons plus dire la vérité sans qu'elle nous gêne. Et pourtant, toi qui m'est si précieuse, je ne veux pas te mentir sur ce que je ressens pour moi. Je t'aime sincèrement, Naoto.

Comment fait-il pour tomber toujours aussi juste? Pour parvenir à poser exactement le bon mot au bon endroit? Moi qui me croyais douée, j'ai tout à apprendre de lui car en sa présence, je suis incapable de tenir un tel discours, même si je le pense. Ces bras sont doux et je m'y suis laissée couler sans chercher en aucune façon à retarder ce moment. Une soirée seulement et pourtant, il m'avais manqué même en si peu de temps. Terriblement.

Je sais que mes joues sont devenues plus rouges que rouge à l'écoute de ces derniers mots mais l'angoisse de mon sourire, lui, a disparu. Moi aussi, j'aimerais arriver à le lui dire mais je n'en ai pas encore la force. Il est encore bien plus fort que moi à ce jeu-là.

Je ne suis encore qu'un bandit, un brigand, le vilain des contes. Mais crois-moi, je deviendrai un jour un homme qui te méritera. Je sais que je suis celui qui a le plus à changer. J'ai trop longtemps vécu du mauvais côté de la loi pour m'en rendre compte. Il y a encore des choses que je te cacherai, d'autres que je ne te montrerai jamais et qui resteront à jamais au fond de moi. Mais un jour, j'aurai la force et le courage. Tu n'auras pas à nager vers moi, je viendrai vers toi, j'arrêterai de me cacher dans l'ombre, pour que tu me voies.
Je... je me suis toujours contenté d'être en dessous des gens qui comptaient pour moi, en pensant que les servir était ce que je pouvais faire de mieux. Mais je ne veux pas rester ton inférieur. J'ai besoin d'être à tes côtés, d'être ton égal. Mais je suis égoïste, impatient et impulsif. Je... J'ai peur que des épreuves qui pourraient nous attendre, j'en sois la plus pénible. Mais je changerai. Je te le promets.

Arrête, ne dis pas de telles horreurs. C'est faux. Tout cela, ce ne sont que des mensonges. Tu vaux tellement plus que ce que tu décris de toi. Et même si je suis la seule à le penser, je m'en contrefiche. Je l'écoute, à la fois agréablement bercée par sa voix et limite terrifiée par ses paroles. Voilà donc l'image qu'il a de lui-même? Je voudrais le rassurer mais ne parviens pas à articuler un son audible. Alors, mon étreinte se resserre contre son corps, je ne devrais pas vu mon état mais je n'en ai cure. Son coeur bat au moins aussi vite que le mien et cet échos m'est rassurant.

"- J'ai toujours cru... que je ne pourrais exister qu'en étant... quelqu'un d'autre. Je n'aurais jamais dû vivre... Ma place, je me la suis faite... a coup de dents et de griffes... comme un chien qui tente désespérément de survivre.... Et encore maintenant, ma propre personne n'a... pas le moindre intérêt... Il n'y a que ce fichu nom que je suis censée servir... Et que je m'accroche à faire retentir, comme si ma vie en dépendait..."

Puisque nous en étions aux confessions, autant qu'il sache, lui aussi, à quoi s'attendre. Car au final, il n'en sais pas plus sur moi que moi sur lui.

"- Ces histoires de robes... ces sorties, ces contes de princesse et de voleur... Cela m'a rappelé qu'au fond, même si je me le cachais... J'aspirais aussi à une autre forme de liberté... Tu m'as fait ouvrir les yeux, m'a forcé à réaliser celle que j'étais réellement... Et cela m'a soulagé d'un poids que je portais sans le savoir... Tu n'es pas mon inférieur, ni même mon égal. Tu es tellement plus que tout ça...
Même un vœu ne te vaut pas... "

Et maintenant, je me sentais parfaitement stupide d'avoir lâché tout ça. J'en entendrais presque Minato me le répéter, comme lorsque j'étais plus jeune. Baka. Oui, je n'ai pas changé mais pour lui, je suis prête à essayer. J'ai enfoui mon visage dans son cou, pour ne pas qu'il devine les larmes que je retenais aux coins de mes yeux et pour profiter de son odeur. Ma casquette a glissé de ma tête mais je ne compte pas la ramasser pour autant.

Son visage qui vient doucement se frotter contre mes cheveux alors que que sa main vient relever mon visage, le temps que ses lèvres viennent descendre lentement de mon front inquiet à mes yeux toujours mi-clos avant de venir rejoindre les miennes. D'abord chastement, légèrement avant que je ne vienne lui rendre la pareille.

Ce baiser est encore différent de celui échangé à l'Aquarium. Il n'a pas ce gout de sang, de sueur et de peur qui me faisait battre le coeur à vive allure. Pourtant, cette fois encore, il bat la chamade, encore plus que précédemment. Mes mains dans son dos viennent s'accrocher un peu plus à sa veste, comme pour ne pas lui laisser la moindre chance de s'en aller.

J'ai totalement fermé les yeux alors que le baiser s'éternise encore. J'ai peur de le lâcher à présent. Moi qui me croyais pourtant si forte, je ne suis rien de plus qu'une gamine, complètement prise au dépourvu par ses propres sentiments. Je me cramponne à ses épaules, faisant complètement fi des avis de prévention donnés par l'infirmière la veille. Plus rien n'a d'importance que David qui, malgré tous les dangers, est venu jusqu'à moi.

Et c'est là que je l'entends. Ce miaulement plaintif et profond, qui arrive même en cet instant à m'atteindre. Il gratte derrière la porte et m'appelle de nouveau. Non, Arsen, pas toi, ce n’est pas possible. Une seconde, j'hésite encore mais un nouveau miaulement encore plus misérable que les autres. Je rouvre les yeux et me détache de David, lentement et à contre-coeur.

"- Est-ce que... tu m'excuses un instant s'il te plait?"

J'ai du mal à me détacher de lui mais un nouveau miaulement finis de me décider. Déjà, je vais déverrouiller la porte qui sert d'accès à la zone habitable de l'appartement. Et à peine la porte est-elle entrouverte qu'une silhouette noire aux yeux d'or se faufile hors de la cuisine, se frottant contre mes jambes en ronronnant jusqu'à ce que je finisse par le prendre dans mes bras. Oui sale bête, je ne sais pas t'en vouloir et déjà, je le caresse pour le rassurer.

"- Oui, je sais. Tu as horreur d'être seul. Mais c'est toi qui voulais rester là, ce matin."

Est-ce le si fameux Arsen?

"- Oui, c'est lui, en effet. Un sacré phénomène celui-là."

Il sait très bien que je parle de lui et en réponse, il m'adresse un regard de pauvre malheureux. Oui, Arsouille, bien sur que je te pardonnes, j'ai déjà oublié. En attendant, c'est David que tu fixes avec un regard inquisiteur. Ce visiteur qui osait me retenir de l'autre côté de la porte. Tu le sens et tu ne peux que rester un brin étonné devant cet homme qui se rapproche encore avant de te laisser renifler ses doigts

Enchanté, 'Monsieur'. 'Permettez-vous que je câline aussi votre maîtresse'?

Je suis à la fois surprise par les mots français de David, que je n'arrive pas complètement à comprendre, et par la relative passivité de mon félin qui semble s’accommoder de sa présence, lui qui pourtant tolère en général mal la trop grande proximité des hommes de mon entourage. Sans oublier les gestes du jeune homme qui font déjà remonter le rouge à mes jours. Ses lèvres dans mon cou m'arrachent un frisson alors que je resserre un brin mon étreinte sur mon chat, mes doigts venant malgré tout chercher les siens comme je peux.

"- Comment va t'on faire pour se comprendre si nous ne parlons plus la même langue. Il ne manquerait plus que je me remette au japonais."

Nous nous comprendrions toujours. Ou sinon...
Nous parlerons cette langue.

Un premier baiser volé, que je savoure avec délice. Alors qu'un second vient suivre, plus passionné et plus profond. Auquel je n'ai aucune envie de mettre fin. Mais dans cette position, je me sens un peu comme prisonnière. Alors, doucement, j'écarte les bras, laissant Arsen après quelques instants sauter au sol de lui-même après un dernier miaulement un brin désapprobateur tandis que je me retourne, mes bras libres revenant serrer contre moi la musculature bien dessinée de ce cher voleur.

Je me remplis les poumons de son odeur, mes lèvres remplies du gout des siennes et le cœur battant à un rythme incroyablement rapide. Pour un peu, il pourrait presque me rappeler la présence de mes côtes fêlées mais je m'en moque. Il n'y a plus que lui compte. Tout le reste est complètement secondaire, optionnel. Je pourrais même en arriver à oublier de reprendre mon souffle.

Mes bras l'enlacent comme mes mains s'accrochent à ses vêtements, comme pour me l'approprier encore un peu plus. A chaque instant. Pour ne plus penser à son amie de la clinique du Sud, à mon frère ni à qui que ce soit d'autre. Juste à lui et moi.

Je ne touche plus le sol mais cette fois, je ne suis nullement blessée. C'est bien une première d'ailleurs. Et je crois que je l'apprécie d'autant plus. Toujours plus proche de lui, je ne desserre pas mon étreinte de son corps. Nos lèvres qui ne s'étaient pas encore quittées finissent par se séparer, contre ma volonté. je ne voulais pas que ce baiser prenne fin, même si mon souffle l'en remercie un peu quand même.

Où se trouve ta chambre?

Si je te le dis, c'est un peu trop facile, non?

Je ne peux retenir le sourire qui nait sur mes lèvres, un brin malicieux même si mes joues sont toujours rouges d'un mélange de chaleur et d'un peu de gêne. Pourtant, je ne changerais ma place pour rien au monde en cet instant.

Mon appartement n’est pas aussi grand qu'il n'y parait et trouver une pièce parmi les autres est loin d'être un réel défi à sa hauteur mais le jeu m'amuse et visiblement lui aussi, si j'en crois son sourire. Moi, je me contente de profiter de ses bras, de sa tendresse et de ses gestes à mon égard tandis qu'il avance, lentement mais surement, vers notre destination. La pièce est surtout fonctionnelle, ce n'est pas celle ou je passe la majorité de mon temps mais au moins, elle est là.

Nous y sommes.

De façon un peu bête, le rouge se fait plus marqué sur mes joues à cette phrase pourtant si anodine en soi. Je n'ai pas quitté David, me retrouvant cette fois installée sur ses genoux alors qu'avec une grande douceur et une habileté certaine, mes vêtements se mettent à quitter ma peau, les uns après les autres. Veste, chemise, même les bandes ne lui offrent que peu de résistance alors que mes mains restent encore un peu timides de leur côté.

Je t'aime, Naoto.

Moi aussi, je t'aime.

'Même si nous ne sommes que de 2 fous'....
Ces mots là, je les garderais pour moi. Mais les premiers, je suis presque surprise d'avoir réussi à les articuler, même faiblement et un peu difficilement, dans un souffle à la fois léger mais parfaitement audble pour lui. Ils sont dit, pour de bon. Et est-ce le fait d'avoir enfin mis des mots clairs sur cette réalité mais déjà, je me montre un peu moins réservé, un peu plus intrépide, tandis que mes mains viennent parcourir son corps qui se dévoile, mes lèvres alternant entre la découverte de sa peau et le gout sucré de ses lèvres dont j'ai l'impression de ne plus pouvoir me passer.

Ses bras qui me gardent captive de sa peau ne font qu'accélérer le rythme de mon cœur qui déjà battait la chamade. Mon souffle est si court que si j'ai la sensation que seul cet air que j'échange au travers de nos baisers me permets de continuer à respirer. La tendresse, la passion, le désir, tant de sentiments nouveaux qui se réveillent et se mélangent en une danse aussi douce qu pleine de promesses.

Mon corps se cale au mieux contre le sien, pour s'assurer de ne rien perdre de sa chaleur ni du moindre frémissement de sa peau. La mienne est littéralement électrisée par chaque contact entre nous. Notre chute me parait se dérouler au ralenti avant que je ne réalise que nos têtes ne viennent reposer doucement sur l'oreiller, en contraste saisissant avec cette pulsion que je sentais vibrer entre nous sans pour autant la laisser encore nous dévorer. Même si cela ne serait plus qu'une question de temps.

Les quelques morceaux de tissus qui  nous séparent encore finissent par disparaitre, par une magie dont je n'ai même pas conscience. Je ne réfléchis plus, je ne pense plus. Le monde n'a plus aucune influence sur moi. Il n'y a plus qu'une chose qui compte dans mon esprit, un mot unique qui résonne dans un échos démesuré entre mon esprit et mon corps.

David....

[ => Ellipse ^^ ]

Lentement, mon souffle reprend un rythme un peu plus régulier alors que mes joues, elles, peinent à perdre ce rougissement léger qui les teintent depuis que nos lèvres se sont trouvées plus tôt. Et ce sourire un peu idiot ne semble pas décidé à vouloir quitter mon visage tout de suite pour sa part. Mon regard, lui, ne le quitte. Le moindre mouvement de ses doigts, venant relevés mes cheveux en bataille, je le mémorise et le conserve, comme un souvenir précieux que je ne veux pas risquer de voir s'effacer.

Tu n'as pas pas mal ?

"- Il faut bien que ma Nature me serve au moins à quelque chose.

Bon, en vérité, cela me chatouille un brin dans le bas des côtes mais c'est tellement superficiel. Et puis, lui aussi avait eu des côtes abimées, cassées même. Ma main vient chercher la sienne pour entremêler nos doigts, mon regard noyé dans le sien. Je n'ose pas ouvrir la bouche, de peur de gâcher cette sérénité qui règne entre nous, dans cette pièce, et que je voudrais éternelle.

Il faudrait se prévoir des jours où nous ne sommes pas blessés, ni l'un ni l'autre. On pourra... faire plus de choses.

Sa remarque ne fait que remonter le rouge sur mes joues et m'arracher un léger rire. Pourtant, je dis pas non pour autant. Même si je me demande si nous arriverons, à ne pas être blessé ni l'un ni l'autre, un de ces jours. Son sourire est contagieux, même si le mien ne m'avais toujours pas quitté. Je l'observe changer de position et récupérer ses cigarettes dans sa poche d'un mouvement qui démontre une certaine habitude. Combien de fois l'a t'il déjà exécuté? Non, je ne dois pas penser à ça.

Je peux?

"- Je t'en prie, fais comme chez...

Je n'ai pas le temps de finir ma phrase qu'une silhouette agile et sombre saute sur le lit avant de se placer devant moi et de faire le gros dos, avant de se mettre à feuler en direction de David. Sur le coup, je reste sidérée un instant. Arsen? Jamais je ne l'ai vu dans un tel état et pour le coup, j'hésite sur la réaction à tenir avec lui. J’étouffe un rire léger finalement, que je ne peux réprimer avant de m'adresser au félin.

"- Eh, ça suffit terreur. Tout va bien.

Je fronce un peu les sourcils, étonnée de l'entendre de nouveau parler en français, en plus en direction de mon chat. Mais ce qui me gêne le plus, c'est de ne pas arriver à saisir ce qu'il lui raconte vraiment. En tout cas, Arsen ne semble pas apprécier sa présence, ou le français, je ne sais pas exactement. Mais le résultat est le même. le voilà qui sort les griffes et attaque David. je vais pour le reprendre aussitôt mais je suis stoppée dans mon élan par le blessé lui-même.

Laisse-le faire. Il croit que je t'ai fait mal.

"- Ce n'est pas une raison pour le laisser faire ça..."

Mais je n'interviens pas, je le laisse régler cette histoire avec mon félin. Après tout, ce n'est qu'une histoire de rivalité masculine, de territoire. Dois-je me sentir flattée d'être ainsi le centre d'attention des deux hommes qui comptent le plus dans ma vie? En tout cas, Arsen semble finir par accepter la présence de quelqu'un à sa place, venant lécher les plaies qu'il a causé de lui-même. Brave bête va.

"- Je suis désolée, il ne s'est jamais montré aussi véhément envers quelqu'un. En même temps, je n'ai jamais laissé personne s'approcher autant non plus. Je crois que je lui ai donné de mauvaises habitudes.
Ça va ton doigt?"

Je ne me fais jamais griffer, mais c'est moins douloureux que ce que j'imaginais. Famas est sans doute le chat le moins violent au monde, je crois même qu'il ne sait pas sortir ses griffes. Et même s'il les sortait, avec ses yeux brûlés, il ne parviendrait pas à griffer une main tendue devant lui. Arsen a plus de répondant, à ce que je vois, mais il n'est pas méchant. Il vérifie juste que je ne suis pas un ennemi.

En effet, Arsen était un chat bien différent de Famas. Il n'était pas non plus de ceux qui ont un long pedigree ou très racé, ni rien de ce style. Mais il était très proche de moi, nous nous ressemblions plus que je ne le croyais. Je ne peux m'empêcher de sourire en le réalisant. Moi aussi, j'étais du genre à sortir les griffes un peu facilement, quitte à devoir par la suite m'excuser, chose que je faisais malgré tout rarement. En tout cas, le conflit semble passé entre les garçons et Arsen se laisse câliner par David alors que ce dernier reporte son attention sur moi.

Alors comme ça, tu n'as jamais laissé personne s'approcher autant?

"- Cela t'étonne vraiment?"

Je me contente de garder le regard perdu dans le sien, à la fois curieuse et reposée. Le contact de son front contre le mien est apaisant et sa respiration berce la mienne, avec Arsen allongé tout près, laissant son ronronnement se propager doucement auprès de moi.

"- Quelle est la meilleure façon de conserver un secret? Ne pas le divulguer, le laisser loin de tout. Et comme les règles se doivent d'être respectées, on m'a très vite fait comprendre que la proximité serait de loin un obstacle pour moi. Alors, j'ai toujours laissé un maximum de distance entre moi et les autres..."

Je me sens un peu idiote de raconter de nouveau mes histoires à David. Cela n'a rien d'intéressant en soi. Mais cette histoire est la mienne. Elle est comme moi. Fausse, vide, sans aucun intérêt. Et en y repensant, cela me désole. Mais je ne changerais pas le passé. Plus maintenant.

"- Moi, je fais partie des solitaires. Toi, tu es facilement proche des gens. Cela se devine facilement. Je me trompe?"

Pas vraiment. En général, je n'intéresse pas les autres. Et puis, je ne fais pas facilement confiance. J'ai aussi mes secrets à garder et ne pas les dire reste le moyen le plus sûr pour ne pas qu'ils s'échappent. Ne jamais être sérieux, ne pas être bavard, se contenter des relations humaines les plus strictes, j'ai même coupé les ponts avec mon ami d'enfance, qui pourtant ne savait rien. Je sais mentir mais me taire reste plus déstabilisant, moins fatiguant et ça donne moins d'indice. Forcément, quand il s'agit ensuite de dire la vérité, je n'y arrive plus.

Oui, je comprend bien. Se taire est tellement plus facile. Moi aussi, j'avais passé tellement d'années à tout cacher, à ne rien dire afin de pas pouvoir être atteinte, qu'aujourd'hui je ne pouvais qu'en payer le prix. La difficulté que nous avons eu à simplement nous dire les choses en face. Moi qui ne rêve que de vérité, pourtant, j'avais passé mon existence à fuir la mienne, la plus importante. Mais aujourd'hui, les choses avaient commencées à changer. Pour moi. Serait-ce la même chose pour lui?

"- Mais si tu as coupé les ponts avec ton ami d'enfance, tu ne les as pas coupé avec tout le monde. La preuve avec Brook, par exemple."

Non, je ne suis pas jalouse mais je crois que malgré tout, cela peut se sentir au fond de ma voix. Que malgré tout, je l'envie un peu. D'avoir été en lien si longtemps avec lui. Même si au fond, je ne savais pas réellement ce qu'ils étaient l'un pour l'autre. La question me démangeait un peu mais je ne savais pas trop comment la poser. Ni si j'en avais vraiment le droit. Après tout, il avait aussi ses secrets, j'étais prévenue. Mais cela travaillais trop pour que je me taise.

"- Et puis, elle n'a pas du être la seule. Les français sont réputés pour être de grands romantiques et de vrais tombeurs. Je suis persuadée que tu ne fais pas exception à la règle."

Je dois dire que je réponds plus ou moins bien à la rumeur. Mes aventures d'adolescent se résument à des histoires de quelques semaines, et ça ne s'est guère amélioré avec le temps. Mais je me suis fait plaqué autant de fois ou j'ai laissé la relation s'éteindre. Comme je ne m'attachais jamais, j'ai vite eu une mauvaise réputation de coureur de jupons, et je lui ai parfois donné raison. Je... je me suis même fait payé, une fois. Et avec Brook, ma seule relation stable est restée platonique et s'est vite essoufflée.

Je ne sais pas trop à quoi je m'attendais mais pas à ça. Enfin, peut-être pas à autant de franchise de sa part surtout. Je suis bien un peu surprise mais finalement, je continue à sourire légèrement. Je contente que malgré la réalité pas forcément agréable à dire, il soit allée jusqu'à accepter de la partager avec moi. Alors, mes doigts viennent chercher sa main libre pour les mêler aux siens, avec douceur.

"- Tout le monde fait des erreurs. Les reconnaitre et les accepter, c'est comme dire la vérité. C'est le plus difficile mais aussi ça qui fait avancer."

Si j'avais su que tu arriverais dans ma vie, je t'aurais attendue.

Le rouge me remonte aux joues alors que mon sourire s'épanouit complètement sur mon visage. Tu as décidément l'art de trouver les mots et les phrases qui me touchent à coup sur. Même Arsen semble ravi de sa présence, maintenant qu'il s'est assuré qu'il ne représente plus une menace pour moi. Mon nez vient se frotter contre celui de mon amant avant que je ne lui réponde calmement.

"- Si tu n'avais pas vécu comme tu l'as fait, tu ne serais pas David. Alors, ne change rien. Pas pour moi en tout cas. "

Nous avons tous des blessures cachées, des failles, des choses dont nous ne sommes pas fiers. Moi aussi, j'ai ma part d'erreurs et de fautes, du sang sur les mains et des cauchemars qui me hantent mais avec lui, tout s'atténue jusqu'à disparaitre complètement. Et c'est pour cela que je ne veux plus le voir partir.

"- Même si dois composer avec tes failles et tes secrets, je suis prête à faire avec. Du moment que je sais que je pourrais te faire confiance et croire en toi, le reste ne sera que secondaire."

Alors que ses lèvres viennent de nouveau chercher les miennes, que je lui offre de bonne grâce, la sonnerie du portable de David me fait légèrement sursauter, alors qu'Arsen se remet debout, appréciant peu ce genre de musique. Dès que le mien sonne aussi, il préfère partir, sans doute plus sensible aux ondes de ces appareils. Il ne prend pas la peine de répondre, sachant visiblement parfaitement qui tentait de le joindre. Vu son soupir, ça ne peut vouloir dire qu'une chose.

Je dois y aller. Sinon le vieux Will va me passer un savon. 'Quel emmerdeur'!

"- Je comprends..."

Moi aussi, je me retiens de jurer à l'encontre de cet empêcheur de tourner en rond. Mais à quoi je m'attendais en même temps? A ce que le temps s'arrête pour mon bon plaisir? Bon retour dans la réalité Naoto, les contes de fées ne durent jamais qu'un temps trop court. Et ta vie n'est pas faite pour vivre parmi eux. Je laisse donc mon compagnon récupérer ses affaires et pianoter sur son portable tandis que mon matou me réclame un peu plus d'attention que je lui offre. Autant pour lui faire plaisir que pour moi, penser à autre chose qu'au départ de David. Ses lèvres reviennent chercher les miennes, s'éternisant un instant avant de les relâcher de nouveau.

"- Tu trouveras le chemin tout seul... Pour sortir?"

Je voudrais le retenir. Non, en fait, j'en meurs d'envie. Mais je sais bien que je n'ai pas le droit d'agir ainsi. Ce serait trop dangereux. Pour lui comme pour moi. Et notre situation est déjà bien assez précaire comme cela. Ma main revient caresser son visage, comme pour ancrer le dessin de ses traits à la fois dans mon regard et dans ma peau. Et finalement, je baisse le regard, m'enveloppant dans le drap en me relevant à moitié avant de lui adresser un sourire un peu triste.

"- Allez, file! Tu devrais déjà être parti... Les voleurs ne doivent pas s'éterniser sur les lieux de leur larcins, c’est bien connu. Après, ils finissent par se faire attraper et par avoir des ennuis, à cause de prétendues princesses... "

Non, je ne te mets pas à la porte, loin de là. Mais pour une fois, il est clair que je manque de courage. Je voudrais te demander de rester, d'oublier le reste. Cependant ce n'est tout simplement pas possible. Alors, je reste celle que j'ai toujours été. Faisant passer la raison avant les assauts de mon cœur.

Je trouve que tu exagère. Je n'ai rien volé que je sache. Nous nous sommes donnés l'un à l'autre, offert l'un à l'autre, non? Ne sois pas si amère. Je reviendrai, et tu as toujours mon numéro si c'est trop long d'ici là. Tu n'es plus une princesse. Tu es ma princesse.

"- Pourtant, si mon cœur t'appartient, c'est bien que tu l'as volé, non?"

Je souris, retombée sur l'oreiller alors qu'il revenu un instant me surplomber de toute sa hauteur. La tentation est grande de venir le saisir pour le ramener encore davantage contre moi mais si je ne suis pas raisonnable, serait-il capable de l'être? Et puis, c'est ma faute s'il est encore ici. Au fond, c'est moi qui le retiens et j'en suis parfaitement consciente.

Une dernière étreinte, juste pour me laisser à nouveau son odeur, légèrement mêlée de tabac à présent, ainsi que le contact doux de sa peau contre la mienne mais déjà, il s'en va. Et cette fois, je ne ferais rien pour le retarder. Nous n'avons déjà que trop joué avec le feu tous les deux, nous risquons de nous brûler à ce rythme là. Je ne peux malgré tout pas détacher mon regard de mon petit ami alors qu'il termine de s'habiller.

"- Promets-moi que... Tu seras prudent, d'accord?"

Non, je ne suis pas amère. Mais pour la première fois de ma vie, je me fait plus de souci pour une autre personne que pour moi-même. Même mon jumeau n'a jamais pris autant de place dans ma vie alors qu'il était la seule personne un temps soit peu proche de moi alors oui, il a réussi un exploit. Mais combien de temps cette relation pourra t'elle durer? Ais-je vraiment le droit de vouloir le garder ainsi, rien que pour moi? C'est donc ça, être amoureux?

"- A bientôt... Mon voleur."

C'est bien lui qui a lancé ce jeu, non? Alors, il l'assumera jusqu'au bout. Si je suis sa princesse, il restera mon voleur. Après mon chat Arsen l'acrobate, j'ai trouvé mon David 'Lupin' le gentleman....

Personne ne m'a jamais eu, à part toi. Et je doute que quelqu'un arrive à me charmer comme toi, tu m'as charmé. Toi aussi, sois prudente avec le cadeau que je t'ai laissé.

Mes sourcils se froncent en entendant la fin de sa phrase. Le cadeau qu'il m'a laissé? Mais de quoi parle t'il? Je n'ai pas besoin d'attendre longtemps avant de comprendre, au trajet de ses doigts qui viennent s'attarder sur la base de mon cou, de ce dont il est en train de parler. Sur le coup, je voudrais lui rendre la pareille immédiatement, lui montrer qu'il ne m'aura pas aussi facilement mais ses lèvres qui m’embrassent pour la dernière fois calme mes velléités du moment. Et puis, la vengeance est un plat qui se mange froid. Je saurais me souvenir de ce 'cadeau' en temps et en heure, crois-moi.

Déjà, il disparaît derrière la porte de la chambre alors que malgré tout, plus pour la forme qu'autre chose, je jette mon oreiller contre cette dernière, histoire de bien montrer que je désapprouve ce genre de méthode. Enfin, comme tout bon voleur qui se respecte, il signe son action d'éclat. Je ne lui en veut pas mais sérieusement, comme si il avait besoin de me rajouter ça, franchement.

Je me lève et enfile rapidement ma veste que je me contente de refermer sur ma peau nue le temps de venir jeter un regard par la fenêtre. Juste le temps de deviner sa silhouette s'en aller et disparaître dans la ville vivante sous mes pies. Je pousse un soupir avant de retourner dans mon appartement. Bon, une bonne douche pour se remettre les idées en place, se rhabiller et reprendre sa vie comme si rien n'avait changé. Joué le même rôle qu'à l'habitude, sans faillir. Et surtout, ne rien laisser paraître. Pour notre sécurité à tous les deux.

[ => Fin du rp ]